01.02/13.Sc.Feu violet sur la Maison blanche [Groupe Décibel / Wraith / Claw / Gaïa]

Il était près de 5 heures du matin lorsque les Pink Ladies se séparèrent en deux groupes pour cheminer vers les abords de la Maison Blanche. Sur le passage, elles purent constater la présence de diverses caméras visibles (ce qui augurait d'autant de caméras dissimulées) dans les arbres, les clôtures ou sur des poteaux. Ayant eu la confirmation de la part de leurs alliés Zéro et Off que « la voie était libre », elles purent ne pas s'inquiéter à leur sujet.

Décibel, Wraith, Claw et Gaïa parvinrent sans encombres en vue de la façade du bâtiment de l'aile Est de la Maison Blanche. Un petit parvis, une petite fontaine, puis une grille les séparaient d'une volée de marches conduisant à la façade à colonnes du bâtiment. Là aussi, tout était éteint et les caméras qu'elles purent repérer ici ou là ne donnaient apparemment pas signe de vie.


Jusqu'à ce qu'une lampe torche se ballade et s'immobilise entre les colonnes. Le raie de lumière sonda les alentours. Des voix masculines étouffées échangèrent des paroles indistinctes.

La check-list de l'effraction matinale avait été soigneusement révisée par Eden. Elle se sentait l'âme d'une criminelle en puissance, l'expérience et le talent en moins. De son point de vue de novice, elle avait tout ce qu'il lui fallait. Une paire de gants qui lui protégeraient les jointures si elle devait en venir aux mains, une lampe torche accrochée à la ceinture, un poignard accroché à son tibia sous un pantalon de toile confortable et résistant... Pour le passage en extérieur, un sweat confortable mais pas trop grand, histoire de faire un minimum de bruit, les cheveux soigneusement attachés en une queue de cheval... En fait, elle avait un style survêt pour aller faire les courses. Il devait y avoir mieux comme look. Un jour il faudra qu'elle se penche sur cette histoire de costume dont elle avait entendu parlé. En attendant...

Elle était fin prête à entrer en dialogue diplomate avec Prodigy. Si tant est qu'elles arrivent jusqu'à lui. Avoir des alliés dans l'histoire pour neutraliser la surveillance électronique avait été un sérieux avantage. Si ce type de "mission" devait se reproduire, il faudrait impérativement trouver des mutants comme Zéro et Off pour s'allier totalement à leur cause. En attendant, tout semblait se dérouler comme prévu jusqu'ici. Ce qui ne signifiait qu'une chose... L'imprévu les attendait à un endroit très certainement plus mal placé et plus probablement à un moment particulièrement détestable. La loi de Murphy, ou quelque chose du même style, paraissait-il.

A présent, elles étaient en vue du bâtiment. Jusqu'ici, Eden n'avait pas dit le moindre mot. A vrai dire, elle était plutôt concentrée sur son envie de ne pas commettre de bourde. Il y avait un million de kilomètres entre préparer un sale coup et entrer par effraction dans la Maison Blanche, avec système de sécurité vivant et électronique, le tout supervisé par des mutants surpuissants. Ce n'était pas le moment d'être pessimiste. Plus loin, les raies de lumières des lampes torches prouvaient qu'il y avait des gens. Des chiens aussi? Elle n'en savait rien. Mais d'ici, impossible d'avoir une idée précise.

Le plus silencieusement, elle décida donc de raser les buissons sur la gauche, le plus proche possible du sol, pour contourner largement la fontaine et se rapprocher de la grille, se disant que l'eau de la fontaine avait au moins l'avantage d'offrir du couvert sonore.

Spoiler:

Tenter de pénétrer dans un des lieux les mieux gardés et les plus emblématiques des États Désunis d'Amérique... Non seulement y rentrer mais tailler une bavette avec le zigoto assis au Bureau Ovale, un endroit si important qu'on en sent les majuscules... Le commun des mortels serait mort de trouille. Mais le commun des mortels n'a pas un égo aux proportions planétaires.

Gonflée à bloc à l'idée de rendre la monnaie de leur pièce aux Pères Fondateurs, elle avait une mission de choix : chaos, désordre et désorganisation. Une application IRL de ce qu'elle prônait sur le World Wide Verbe. Habillée d'une robe bleu marine, de gants solides et de chaussures à talon plat noires, Janet ressemblait quand même un peu à une fille de la bonne société. Et dans l'obscurité, elle était aussi visible qu'un trou noir. La progression avait été facile jusqu'à présent, les saboteurs amateurs avaient bien fait leur travail. Maintenant, c'était le moment d'agir des pros -elle, en l'occurrence- et de faire sentir au Papounets à quel point leur Fondement était Profond.

Sans surprise, il y avait des gardes devant la porte. S'il n'y en avait pas eu, elle aurait porté plainte pour lobotomie intempestive des services de sécurité. Il allait falloir entrer mais ne pas laisser de traces. L'idéal serait qu'ils regardent ailleurs pendant que les filles entraient...

Se transformant en chat, Janet passa par l'espace sous la grille pour filer à droite, dans les buissons. Secouant un maximum de branches dans son parcours, elle restait hors de vu tout en étant pistable au bruit pour entraîner les gardes vers elle. L'idée était de les mener à un endroit où ils ne verraient plus la porte qu'ils étaient censés garder.

En temps normal, Roxie aurait été particulièrement enthousiaste à l'idée d'infiltrer un lieu aussi prestigieux que la Maison Blanche pour y rendre justice. C'était incontestablement le plus beau trophée à épingler sur son tableau de chasse virtuel, Super-Hero Diarrhies. Mais la jeune fille avait de plus en plus l'impression de se rendre à l'abattoir. Elle n'avait pas eu le courage d'évoquer ses inquiétude au groupe, et se retrouvait donc dans la situation de la fille qui risque à tout moment de faire le coup de la panne à ses coéquipières. Restait simplement l'espoir qu'elle s'était fait tout un fromage pour rien et qu'elle puisse utiliser sa voix sans se soucier du réseau syncopal de veines qui marquaient sa peau à chaque fois. Mais Décibel avait assez moyennement envie de tester.

Du coup, sans sa voix, qu'elle classait déjà dans la catégorie des pouvoirs les moins spectaculaires, ne restait plus que son ouïe, qui frisait le zéro dans l'échelle super-héroïque. Mais bon, ça leur serait sûrement utile durant cette mission délicate. Elle s'était donc sentie obligée de se trouver une arme quelconque. Heureusement, quelques internautes bien inspirés avaient lâché quelques dollars suite à sa demande de dons sur son blog. Comme quoi, elle commençait à avoir un certain public ! Elle avait donc investi dans une batte de base-ball, qui si elle ne donnait pas quelques coups de latte ce soir, lui permettrait de taper quelques homeruns avec Timour s'ils s'en sortaient en un seul morceau. Pour la transporter facilement, elle s'était fabriqué une petite bandoulière avec un bout de ficelle. Pour le reste, comme ses camarades elle portait une paire de gants, et avait revêtu un pantalon treillis noir et un pull noir à capuche. Pour parfaire sa tenue de cambrioleuse, elle avait vissé un bonnet noir sur sa tête, dans lequel elle avait découpé deux trous pour les yeux, et qui lui permettrait de cacher le haut de son visage et sa chevelure blonde.

C'est d'ailleurs après avoir déplié son masque improvisé sur son visage qu'elle répondit au regard de Vesna avant la séparation du groupe. C'était peut-être la dernière fois qu'elles se voyaient, et il y avait plein de raisons pour ça : la maladresse de Clara, l'intelligence diabolique de Prodigy, son extinction de voix... Mais il fallait essayer de ne pas y penser. Essayer de faire comme si elles croyaient réellement que l'expression "au revoir" était à prendre au sens littéral. C'était un peu comme le traditionnel rappel en concert : le public faisait semblant de croire que le groupe s'était retiré et le groupe faisait semblant de ne pas s'attendre à ce que le public le rappelle. Drôle de rituel, à bien y penser, mais rassurant pour tout le monde.

Sa batte dans le dos, Décibel vit ses camarades prendre les devants. Tout en se rapprochant de Gaïa pour profiter de sa courte-échelle, la New-Yorkaise se concentra pour distinguer ce que disaient les gardes. Elle en informerait ensuite ses équipières.

Wraith parvint à se déplacer discrètement jusqu'au point désiré. Gaïa se mit en position et fit passer les filles. Décibel pendant la manœuvre put entendre une conversation entre deux hommes. Le premier avait une voix juvénile, tandis que l'autre était celle d'un adulte au ton blasé.

- ... honneur pour moi d'aider à la surveillance. J'aurai jamais pensé que vous feriez appel à moi ici.
- Tu me l'as peut-être déjà dit mais mes insomnies me rendent chèvre ... c'est quoi ton nom ?
- Snoopy.
- Pathétique comme idée. Tu devrais quand m...

Mais ils furent interrompus par des bruits dans les fourrés. Janet venait de faire sa diversion.

- J'y go ça me dégourdira les pattes !

La silhouette de ce jeune homme diminua et le bruit de ses pas devint celui de quatre pattes munies de griffes élimées, typique d'un chien de petite taille. Il fila comme une flèche en direction du bruit.

Janet perçut nettement la cavalcade et la créature s'engouffrer dans les buissons pour pister la mutante féline. Un jappement joyeux indiqua qu'il avait perçu l'odeur de Claw. Elle estima néanmoins avoir plusieurs mètres d'avance sur lui.

De leur côté, les filles dissimulées du côté gauche de la haie, dans les buissons, virent que l'homme se mettait en marche. Il descendit les escaliers d'un pas assez tranquille. Il avait plutôt une grande taille et était habillé d'un manteau long, avec un col relevé, ou peut-être une écharpe.

Il s'arrêta au niveau de la grille, testa l'ouverture, qui se fit. Il gardait la main sur les barreaux entre-ouverts et tendit l'oreille un instant. Dans l'obscurité les filles ne pouvaient savoir dans quelle direction il regardait : la leur, ou celle de Janet.

La diversion avait cela de dangereux que ça sous-entendait que des gardes nerveux la suive. Ou bien encore qu'ils lui lâchent des chiens. Ces deux éventualités étaient vues avec dédain de la part de la féline qui ne voyait que deux possibilités d'avoir des balourds au souffle court qui tentent de rattraper un courant d'air. Mais pas une seconde elle n'avait envisagé ça : Les Papounets ont trouvé un jeune mutant assez amputé de neurones pour travailler pour eux! En plus il pouvait prendre la forme d'un chien!

Elle détestait les chiens, en fait avant même sa mutation elle ne les aimait déjà pas. Fidèles et affectueux quels que soient les mauvais traitements qu'on leur inflige... des vrais esclaves fiers de l'être. A ses yeux, le mutant qui la coursait empilait les mauvais côtés et devait avoir été bercé trop près d'un mur enduit de crépis avec des tessons de bouteille pris dans le plâtre.

Mais le plan ne changeait pas pour autant.

Fonçant dans le noir, Janet chercha un arbre assez grand pour l'escalader toutes griffes dehors et regarder avec le mépris tout félin d'un individu placé trois mètres au-dessus un poursuivant canin. S'il voulait aboyer, qu'il le fasse. S'il voulait reprendre sa forme humaine pour grimper, tant pis pour lui, elle avait du stress à évacuer. S'il appelait des mauvais renforts, du genre mutant costaud, il lui faudrait filer avant leur arrivée et elle comptait sur l'impact d'un puma se laissant tomber sur le dos d'un snoopy pour lui gagner du temps.

Janet se réfugia avec succès dans un arbre et la créature canine s'arrêta effectivement à son pied, quelques secondes plus tard, avant d'effectuer quelques cercles en levant la truffe vers le chat perché. Il s'agissait d'une race semblable au fox terrier. L'animal huma l'air est resta immobile à quelques pas du tronc, fixant le félin.

Les bruits de la course s'étaient éloignés du trio des mutantes. Le silence retombé, l'homme poursuivit son mouvement en ouvrant la grille pour se diriger vers la rue en contournant la fontaine par sa droite. Il ne sembla pas avoir remarqué Eden toujours tapie devant la grille.

Le garde avait beau être à la solde des Pères Fondateurs, Roxie devait bien admettre qu'elle était d'accord avec lui : Snoopy, c'était vraiment la lose comme nom de code.

En tout cas, le stratégème de Claw avait l'air d'avoir fonctionné. Roxie retint son souffle en scrutant le garde près de la grille. Il sembla finalement s'éloigner d'elles, aussi la jeune fille profita de ce créneau pour avancer à pas de loup vers les colonnades.

Elle comptait se poster à l'ombre de l'une des colonnes pour ouvrir ses yeux et ses oreilles. Elle indiquerait d'un signe de main si la voie était libre ou pas à ses camarades.

Décibel arriva à son poste sans encombres et en silence. La grande double porte d'entrée de l'aile est était fermée à première vue mais aucun système électronique actif n'était visible. La jeune fille perçut en revanche des pas de deux paires de pieds. D'après sa super-ouïe elle les évaluait arrivant par le côté gauche du bâtiment, mais il s'en fallait de plusieurs mètres avant que les marcheurs ne passent le coin de la bâtisse.

La fenêtre d'action restait mince. Planquée dans l'ombre, ce fut à peine si Eden osa respirer quand le garde lui passa devant. en juger par le jeune qui s'était transformé en chien, Prodigy devait avoir une armée de gardes mutants à travers toute la maison blanche. Arriver jusqu'à lui lui parut subitement être une action à la limite du miraculeux. Ne pas se faire remarquer allait être compliqué, mais pas irréalisable. Même si ses poings se serrèrent alors qu'elle envisageait la possibilité d'essayer d'assommer le garde avant qu'il n'ait eu le temps de leur montrer ses pouvoirs.

A défaut, elle tâcha de reculer le plus silencieusement possible, en restant dans l'ombre autant qu'elle le pouvoir pour aller rejoindre Roxie et ce placer dans l'ombre d'une autre colonne, cherchant des yeux tout ce qui pourrait lui servir d'accessoire à projeter sur une éventuelle menace au besoin.

[HRP. Sélène tu es la dernière du groupe à jouer donc inutile de poster en rouge.]

Claw restait perchée dans son arbre, et elle constatait seulement que le roquet s'était assis. Il levait la truffe pour sentir, et les yeux pour observer, la présence du chat dans l'arbre. Ses oreilles qui se dressaient de temps à autre indiquaient qu'il écoutait aussi les environs. Il émit un bref jappement sonore.

Eden s'approcha elle aussi des colonnes, laissant derrière elle le garde qui, s'il l'avait repérée, ne l'avait en tout cas pas suivie. Dans la nuit elle n'aperçut aucun objet laissé à l'abandon et susceptible de lui servir. Gaïa arriva bientôt et ouvrit la porte. Celle-ci s'entrebâilla sans difficulté, signe que Off et Zéro avaient rempli leur part du contrat passé avec les mutantes.

Gaïa put donc se glisser à l'intérieur. Il faisait très sombre, noir comme dans un four, mais l'on pouvait deviner qu'il s'agissait d'un petit hall d'entrée. Gaïa rencontra une sorte de guichet en verre, sur sa droite. Le sol était en quelque sorte moelleux, comme un tapis épais. La très faible lumière issue du dehors n'était pas suffisante pour éclairer les murs de la pièce et donc distinguer la prochaine porte.

L'aboiement était parvenu aux oreilles des deux filles cachées derrière les colonnes. Les pas entendus par Décibel tourneraient bientôt le coin de l'immeuble. Il lui sembla qu'ils accéléraient légèrement le rythme après l'aboiement.

C'était presque trop facile. Même sans système de sécurité qul y avait quelque chose qui clochait. Des mutants pour garder une maison blanche, et des jeunes filles sans aucune formation en terme d'assaut ou d'infiltration arrivaient à franchir le patio, au nez et à la barbe de deux mutants (dont un chien qui n'avait probablement qu'un odorat limité au genre félin) et d'autres qui se contentaient de marcher lentement vers elles. Eden n'y croyait pas. La nuit avait été éprouvante à ce point pour eux? Elle en resta perplexe. Cela voudrait dire que Prodigy et sa clique avaient tellement peu confiance au genre humain qu'ils viraient tout un service de sécurité expérimenté et formé pour s'entourer d'amateurs sous prétextes qu'ils avaient des pouvoirs? Si Eden avait été à leur place, elle aurait été autrement plus paranoïaque. Non, impossible. Elles allaient se prendre quelque chose de méchant par la suite.

Son premier regret était d'avoir la certitude de devoir "abandonner" Janet ici et maintenant. Elles ne pourraient pas entrer garder la porte ouverte sous peine de se faire repérer si ça n'avait pas encore été le cas. Off et Zero avaient en tout cas fait leur boulot. Aucune alarme audible ne s'enclencha pour l'instant.
Le regard encore posé vers le patio, elle choisi de se déplacer toujours le plus silencieusement possible à la suite de Gaïa pour pénétrer dans le bâtiment, se glissant d'office derrière la porte pour la refermer rapidement et discrètement dès que Roxie sera à son tour à l'intérieur.

Une tension sourde s'emparait peu à peu de Décibel devant la nécessité de faire le moins de bruit possible. Elle vivait de façon bruyante, d'une façon générale, et la pression était cette fois d'autant plus forte que l'enjeu et les risques de la mission étaient élevés.

Entendant le bruit de pas s'accélérer, elle s'avança dans le sillage de Gaïa le buste recourbé et la batte de baseball en main ; on ne savait jamais ce qui les attendait derrière la porte. Ca lui ferait sûrement un peu mal au coeur d'avoir à faire un homerun sur un yorkshire mutant, mais si c'était lui ou elles, le choix serait vite fait.

Bon, pas question d'allumer sa torche sans savoir à quoi elles avaient affaire. Cette fois encore, Décibel tendit l'oreille pour tenter de repérer une présence éventuelle dans la salle après s'être calé le dos, accroupie, contre le mur le plus proche. Elle comptait commencer par les indices les plus évidents : bruits de pas, paroles ou chuchotements, froissements de vêtements... puis, si rien n'attirait son attention, elle finirait par essayer de détecter le sifflement de respirations autres que les leurs. En cas de succès, elle tenterait également de localiser la position du ou des gardes, puis communiquerait l'info à ses camarades.

Décibel et Wraith rentrèrent sans bruit à la suite de Gaïa. La porte fut discrètement refermée. Lorsque Décibel se mit à écouter, elle n’entendit aucun son notable, si ce n’est les voix des deux gardes qui avaient tourné le coin du bâtiment. Ils avançaient d’un pas rapide et s’était mis à parler. La première voix était féminine et juvénile, empreinte de tension.

« Un seul aboiement, ça veut dire qu’il veut juste que tu fasses une vérification c’est ça ? »

La seconde voix était bien plus assurée, tranquille et coulante. Des sifflements étranges ponctuaient les mots.

« Oui, congénère, sans nul doute notre ami Snoopy a-t-il trouvé un chat suspect, mais sans attitude agressive ... Tout est calculé au poil. Prodigy a convoqué précisément les mutants adéquats, ni plus, ni moins. Tu devrais être fière. N’aie donc pas peur, tu as avec toi un lézard d’expérience et de terrain ! »

Décibel entendait les mots de mieux en mieux, signe que le duo se rapprochait maintenant de la zone des colonnes et de la porte.

Les trois filles qui avaient pu prendre le sol moelleux pour un tapis épais ressentirent maintenant une claire sensation … d’enfoncement. Décibel qui s’était adossée contre le mur eut l’impression de s’enfoncer doucement, comme dans une surface molle. Ses pieds également s’enfoncèrent, comme ceux des deux autres filles, jusqu’aux chevilles. Wraith qui avait la poignée de la porte dans la main eu l'impression de tenir un morceau de pâte à modeler.

Décibel put communiquer ce qu’elle venait d’entendre à ses trois coéquipières.

Sur son arbre Janet se raidit. Les informations de Décibel lui hérissèrent le poil. Un mutant à la voix sifflante pour vérification? Elle se rappela immédiatement la silhouette reptilienne de l'aéroport. Sur le coup, elle hésitait entre le laisser venir pour le taillader et fuir pour rester anonyme. Mais la mission passait avant tout.

Janet prit son élan avant de se lancer à bas de l'arbre, toutes griffes dehors sur "Snoopy". Le plan était de le surprendre par quelques taillades avant de fuir à travers les buissons et de ressortir du périmètre de la maison blanche. Une fois hors de vue, elle prendrait la forme de l'ocelot pour foncer aussi vite que possible.

Janet allait essayer d'occuper ces trois personnes (le chien, le lézard et l'inconnu) en une partie de cache/cache sous amphétamines histoire de maintenir les feux de la rampe sur elle. En cas de coup dur, elle pourrait toujours passer entre les barreaux grâce à sa forme la plus menue...

Claw s'élança et le chien qui l'observait anticipa sa trajectoire pour se déporter d'un bond. Le temps qu'il prenne la féline en chasse, celle-ci avait pu mettre deux ou trois mètres entre eux. Le roquet était lui aussi du style nerveux et monté sur ressorts, il tint la distance malgré la rapidité du chat. Claw le sentait galoper sur ses talons en perforant les buissons sur son passage. La féline arriva près de la grille et put ainsi mettre quelques barres de fer étroites entre le chien et elle. Il aboya après elle comme il se devait, tout en exprimant son haleine canine.

Les deux autres gardes s'étaient figés sur le perron, devant l'entrée du bâtiment.

Juste derrière la porte, les filles s'enfonçaient lentement mais sûrement. Gaïa généra une plateforme qu'elle fit léviter. Décibel sentit en effet une surface solide lui heurter la jambe. Wraith et elle s'enfonçaient presque jusqu'aux mollets.

La voix susurrante décrite par Décibel retentit derrière la porte.

"Soyons toujours méfiants, congénère, c'est peut-être une diversion du type le plus grossier. Oh non, laisse, inutile d'entrer, cette zone est piégée comme il se doit."

Snoopy... Quel nom étrange. Dans le noir, l'expression perplexe d'Eden passa inaperçue. Tout comme sa grimace de surprise et de dégoût quand elle ressentit non seulement le sol comme mou, mais surtout la poignée malléable entre ses doigts. Par un réflexe purement enfantin, elle retira prestement sa main de la porte alors que ses chevilles disparaissaient à présent dans le sol. Et dire qu'elle n'était pas le moins du monde en mesure de léviter... Il allait falloir qu'elle fasse des progrès plus rapidement que ça! En attendant, elle osa à peine bouger, craignant de s'enfoncer d'avantage en tentant de bêtement gesticuler.

Prudemment, ses mains balayèrent l'espace autour d'elle en quête de quelque chose de plus solide. Elle rencontra la paroi de Gaïa et réalisa que celle-ci se tenait au-dessus du sol mouvant. Un coup de bol. Incertaine, elle s'appuya un peu dessus, et, ne sachant trop jusqu'à quel poids ce type de structure pouvait maintenir sa position, elle tâcha de se concentrer au mieux pour aider à la maintenir en hauteur tout en essayant de grimper dessus. Le tout, silencieusement évidemment. Sachant que les gardes étaient toujours trop proches et qu'en prime l'un d'eux semblait hésiter à entrer...

Roxie étouffa un cri de surprise lorsque le sol se mit à jouer la guimauve sous ses guibolles. Ca, c'était pas prévu. En plus, entendre la voix énervante de l'autre côté se vanter de la façon dont la pièce était piégée, c'était jeter du sable sur les plaies. Et puis qu'est-ce qu'il voulait dire par "adéquats" ? A l'entendre, on aurait dit qu'ils s'attendaient à de la visite.

La jeune fille s'accrocha par réflexe au truc solide qui lui avait touché la jambe, comme on s'agrippe à une planche de salut. C'était bête, aucune raison de paniquer ! Elle avait pas mal de souffle... mais en même temps, elle n'avait aucune envie de traverser le plancher jusqu'aux cellules où Emily avait croupi !

Bon, elles devaient se tirer de ce traquenard, et vite... Parce que leur flotteur providentiel ne tiendrait sûrement pas éternellement.

"Ptain, ça sent le coup foireux... Ils ont l'air d'attendre de la visite..." chuchota-t-elle à ses camarades avant de se mordiller la lèvre inférieure en se triturant les méninges à la recherche d'une idée.

"Gaïa, tu crois que tu peux nous balader là-dessus ?" demanda-t-elle.

La bonne nouvelle, c'est qu'elle n'avait détecté personne dans la pièce, et pour cause. Au moins, elles avaient le champ libre. Décibel tendit de nouveau l'oreille, cette fois-ci vers le plafond : elle espérait analyser le fond sonore pour déterminer si la pièce dans laquelle elles se trouvaient était pourvue d'un lustre, et si oui, à quelle distance il se trouvait.

Les jeunes filles parvinrent toutes trois à monter sur la plateforme de Gaïa. Eden usa de sa télékinésie pour participer à l'effort de maintenir la plateforme au dessus du sol mouvant. Décibel sentit en effet la présence d'un lustre, à deux ou trois mètres au dessus d'elles.

Les mutantes restaient immobiles, silencieuses, hors de portée de sol flageolant. Le garde à la voix susurrante indiqua à sa collègue de rester là pendant qu'il allait rejoindre "Snoopy".

Décibel entendit ensuite, en provenance des tréfonds du bâtiment, quelque part au devant et sur la droite de leur position, une série de craquellements et crissements rapides et compacts, qui cessèrent quelques instants avant de reprendre. Puis de cesser à nouveau. Cela se passait quelques pièces plus loin.

Dehors, le chien surveillait toujours Claw. Celle-ci vit une lumière de lampe de poche s'approcher en provenance du perron aux colonnes. Le chien émit un bref jappement joyeux.

La situation ne se présentait pas bien. Elle était à l'extérieur de la maison Blanche et les autres étaient passées. Que faire? Ben le maximum pour que les continuent de regarder dehors tiens! Le chien (aux deux sens, physique comme comportemental) avait prouvé que malgré son apparence ridicule, il était capable de tenir l'allure de la féline. Mais pendant combien de temps? Quelqu'un venait derrière et il se déplaçait à une vitesse normale, humaine. Un Père Fondateur? Ou le maudit lézard? Et bien, elle allait le faire courir un peu!

Janet pivota et fonça le long du grillage, restant à l'extérieur et s'écartant de la porte d'entrée prise par les autres mutantes. Le but était d'essayer de semer le chien qui n'aurait pas le beau trottoir lisse sous ses pieds et de pousser les gardes à l'extérieur à continuer de chercher un intrus qui voudrait rentrer, pas un qui est déjà à l'intérieur. Si elle trouvait un moyen de faire courir un peu plus les gardes après une chimère, elle la saisirait.

Aussitôt partie le long de son "trottoir", Claw sentit le chien suivre fidèlement, langue pendante et souffle nasal, derrière ses talons. Comme l'animal progressait à moitié dans les buissons, il perdit rapidement du terrain sur la féline. Pour ce que Janet pouvait entendre, les autres n'avaient pas suivi. Le chien était encore sur sa piste, mais il devait maintenant se fier plus à l'odeur qu'à la vue pour suivre sa proie.

Janet s'était assez éloignée de la bâtisse, dans les jardins du parc, toujours sur le muret externe du grillage. Elle avait vue sur le rue et aperçut une silhouette qui marchait en direction de l'entrée Est. L'homme baillât avec force et sur un ton blasé, il portait un sac en papier kraft sous le coude. Il était de grande taille et portait un long imperméable au col remonté.

Pendant ce temps, dans la bâtisse, les trois filles restaient en équilibre suspendu grâce à leurs pouvoirs conjugués. Tout à coup les craquellements/crissements étranges qu'elles avaient aperçu se rapprochèrent, précédés d'une large lumière de lampe torche. Au moins, cela leur permit du coup d'identifier l'endroit de la porte. Un passage à quelques mètres devant elles menait dans un large couloir. Ce passage n'avait d'ailleurs pas de portes, ou bien elles étaient ouvertes. Le halo se promenait sur le sol de ce couloir, mais les crissements se poursuivirent et les jeunes purent identifier un son de glace qui se forme et se compacte très rapidement.

Il faisait trop sombre pour voir qui que ce soit, mais il ne faisait bientôt plus de doute que quelqu'un était dans le passage, et promenait sa lampe au sol ... dans quelques instants la lumière passerait sur la plateforme des Pink Ladies, qui seraient immanquablement découvertes.

Eden n'osa pas bouger d'un millimètre. La situation lui paraissait sacrément casse-gueule. Incertaine, elle n'osa pas toucher à sa lampe torche, ni même bouger, de crainte non seulement d'attirer l'attention des gardes au-dehors, mais aussi de perdre la concentration nécessaire pour soutenir le pouvoir de Gaïa.

Le seul ennui était que les bruits de craquèlements étaient décidément trop près et se rapprochaient d'autant plus. Elle tâcha de réfléchir, ce qui étant donné les circonstances, lui paraissait particulièrement complexe. L'idée de sortir son poignard et d'envisager d'aller attaquer lui traversa l'esprit. L'ennui, c'était que pour atteindre Prodigy, mieux valait se faire remarquer le plus tard possible. Elle serra les dents pour contenir un juron et, tout compte fait, choisi plutôt de concentrer ses pouvoirs pour faire monter la plateforme à la verticale, sur le côté du lustre. En règle général, les gens balayaient l'espace visible à leur hauteur. C'était sans doute naïf, mais au moins, peut-être pourrait-elle donner encore une ou deux secondes à ses coéquipières pour profiter d'un meilleur effet de surprise si elles étaient vues.

A l'instar d'Eden, Roxie resta figée un moment, incertaine de la solidité de leur planche de salut. Sélène ne répondant pas à ses interrogation, la jeune fille conclut qu'elle devait être concentrée à l'extrême pour les maintenir en l'air, et toute bavarde qu'elle soit, elle ne tenait pas à perturber sa coéquipière.

De l'autre côté, plus les bruits se rapprochaient, plus un sombre pressentiment envahissait la jeune rockeuse. Si son ouïe était exacte, et c'était souvent le cas, une seule personne à sa connaissance pouvait en être à l'origine. Un type impitoyable qu'elle avait déjà affronté sur Utopia, et qui avait bien failli la congeler sur place. Super...

Toutefois, le contact de sa batte de baseball se rappelait à son bon souvenir. Il était rassurant. Roxie n'aimait pas avoir les mains vides. Si Frimas était bel et bien constitué de glace, il devait être aussi fragile que Clara. Un coup de batte ne lui ferait certainement pas du bien. Le tout était de ne pas se louper.

Dans le noir oppressant, Roxie esquissa un sourire qui trahissait à la fois sa nervosité et un sursaut de confiance. Le sourire de la casse-cou. Elle avança sa batte pour la montrer à ses camarades.

"J'ai un petit compte à régler. J'vais essayer de lui tomber sur la couenne. Wraith, si j'suis un peu court..." leur glissa-t-elle, laissant la fin de sa phrase en suspens.

Elle se doutait qu'Eden était incapable de la porter, mais peut-être pourrait-elle prolonger un peu son saut.

Adoptant une posture accroupie, la batte bien en main, Roxie attendit que la plate-forme s'immobilise, puis se tint prête à bondir sur celui qu'elle soupçonnait d'être Frimas lorsqu'il serait à portée pour lui asséner un coup de batte horizontal à la tête ; l'habitude d'envoyer des home-run.

La lumière sonda en effet le sol, révélant la couleur chatoyante du tapis, les contours des meubles surtout présents sur les bords de la pièce. Wraith et Gaïa mirent ce temps à profit pour élever la plateforme, opération qui demandaient à toutes deux une forte concentration. Décibel s'était mise en position, batte de baseball en main, pendant l'ascension audacieuse de leur socle. Le silence était tellement pesant qu'on entendit dehors les voix étouffés des deux autres mutants, qui ne semblaient plus à proximité immédiate de la porte.

Dans l'obscurité de la pièce, Wraith et Gaïa n'avaient qu'une idée très approximative de la localisation et du volume du lustre. Ce qui devait arriver arriva : l'épaule de la télékinésiste rencontra quelques perles de verre. Elle ne sentit pratiquement rien mais une cascade de légers entre-chocs de cristal tintèrent immanquablement, provoquant un braquage de lampe vers le plafond. Au moment où Décibel s'élançait.

Le contretemps sonore et visuel eut de quoi perturber la mutante. Elle reçut la vive lumière droit dans les yeux, en même temps que son élan courageux mais trop court la menait droit dans le vide. Sa batte heurta un obstacle en même temps que sa nervosité lui arracha un cri de panique. La jeune fille sentit alors que son propre écho lui revenait et par miracle, elle se maintint en l'air en pente douce au lieu de chuter verticalement. Son cri le mena ainsi comme sur un toboggan vers son ennemi. Celui-ci avait dévié la batte avec son poing, mais Décibel passa près de lui sans qu'il réagisse autrement qu'en esquivant d'un pas de côté. Décibel sentit un froid en "planant" près de lui. Il était lui aussi perché légèrement au dessus du sol, car la jeune fille parcourut encore deux mètres dans la largeur du couloir, avant d'échouer sur une surface en bois où elle balaya un vase de fleurs et une statuette en laiton. La vase tomba par terre dans un bruit mou. Décibel avait toujours sa batte au bout de sa main.

L'inconnu suivit la trajectoire de Décibel avec sa lampe. Une voix glaciale et morne retentit alors dans le couloir.

"Ici Frimas, intrusion par l'entrée est. J'essaie de garder un spécimen vivant."

A la faveur des mouvements de la lampe, Wraith et Gaïa purent voir que l'homme était débout sur une sorte de rampe de glace. Quant à Décibel, elle sentit la surface du meuble refroidir à grande vitesse, et de petits cristaux de glace se former tandis que le meuble lui-même s'enfonçait très légèrement - presque insensiblement - dans le sol.



Légende du plan indicatif des positions :
Pointillés noirs = trajectoire de Décibel
cône jaune = lumière de la lampe du PNJ
traînée bleue = "rampe" de glace
carré marron = commode
carré rose = plateforme de Gaïa
traits épais bleus = ouvertures/portes

La situation ne s'arrangeait pas vraiment : le chien la suivait mais c'était visiblement le seul. Les autres ne semblaient pas lui courir après. Son orgueil bouffi la faisait souffrir : alors comme ça, elle ne valait pas la peine qu'on la poursuive? Elle vit alors arriver un nouvel arrivant dans le carnaval que devenait la maison-blanche. Zut alors, il allait vers l'entrée qu'avait prises les filles! Que faire? Les prévenir? Il n'y avait pas beaucoup d'endroits pour reprendre sa forme humaine tranquillement. Ou bien le ralentir? C'est pas si solide un sac en papier kraft...

Janet s'écarte du mur pour foncer dans le dos de l'inconnu. Le but était de taillader le sac assez pour que ce qu'il contient tombe au sol puis de disparaître dans l'obscurité afin de prévenir les filles qu'il risquait d'y avoir quelqu'un qui débarque par la porte d'ici quelques minutes.