03.05/02.C. France - Un château (très) fort

Gilles accepta les biscuits. Il attrapa le paquet d'une main toute tremblante. Comprenant qu'il ne sortirait pas tout de suite de la grotte, il alla se blottir près du feu. Marc accepta l'idée de Lucie et attrapa l'espadon au sol. Il demanda aux deux journalistes de ne pas trop traîner et de se dépêcher. Il s'assit sur une pierre de façon à surveiller les deux Hiptu et les éclaira à tour de rôle avec sa lampe.

Ivan et Lucie partirent dans le sombre tunnel, chacun armé d'une simple lampe de poche. L'entrée était très étroite, les obligeant à s’accroupir pour passer. Elle pouvait être cachée par une grosse pierre qui se trouvait à côté. Mais une fois dedans, le plafond se surélevait et permettait de se mettre debout. Après une vingtaine de mètres, ils entrèrent enfin dans une sorte de pièce ronde. Une odeur de viande brûlée flottait dans l'air. La première chose qu'ils aperçurent fut une chaise peu commode.



Complètement recouverte de clous, elle laissait rapidement imaginer la douleur que devait ressentir quelqu'un qui s’asseyait dessus. En y prêtant plus attention, ils aperçurent des tâches rouges sombres sur une grande partie de la chaise. Au dessus, dans un pot en fer crépissaient encore des braises tièdes.

Lucie trouva le maire en premier. Il était nu, couché dans un coin de la pièce. Son dos et ses fesses étaient couverts de petits trous et de brûlures. Ivan courut vers le corps étendu pour voir s'il était encore en vie. Il n’osait pas le retourner de peur de lui faire plus mal et contrôla la respiration et le pouls. Malheureusement, son diagnostique fut négatif. Il était mort.

Quand ils arrivèrent au niveau du lac, Gilles leur demanda des nouvelles du maire. À leurs mines déconfites, il comprit immédiatement et n'en demanda pas plus. Il baissa les yeux vers le sol et se mit à regarder ses mains trembler. Il avait ôté ses habits mouillés, qui se trouvaient maintenant à sécher à côté de lui. Marc lui avait donné sa veste pour se couvrir.

L'amateur, lui, était heureux de les revoir, en dépit de la mauvaise nouvelle. Son sourire avait disparu mais il devait se sentir soulagé de ne plus être seul à surveiller ces deux monstres. Quand il apprit qu'il allait pouvoir remonter avec Gilles et Daniel, son visage se fit plus souriant. Il donna l'arme à Lucie et leur dit de faire bien attention. Gilles le rejoint et ils partirent tous les deux chercher le dernier, ainsi que la police.

Lucie et Ivan restèrent seuls avec le père et le fils. Le baron s'était assis contre le pilier où était suspendu Valentin. Il avait l'air d'avoir repris de la contenance. Sa main blessée était appuyée sur sa jambe et il regardait ses deux adversaires.

"Où est passé la femme bleue ? Abysse ?", demanda Ivan. Alors qu'il regardait dans la direction où avait atterri son corps.

"Elle a dû partir. Elle est difficile à attraper celle là, surtout dans le noir." Il les regarda bien dans les yeux. "Ne vous en faites pas, elle ne peut rien vous faire ici et vous la verrez arriver facilement. "

Son regard se posa sur son fils.

"Je crois que vous pouvez le libérer maintenant, mademoiselle. Vous ne risquez pas grande chose non plus. S'il n'est pas déjà mort. " Il avait dit ceci très froidement, comme si ceci ne le touchait pas vraiment.

Le corps noir pendait de plus en plus sur l'épée. Du sang noir coulait finement de la plaie. À la quantité, ça ne paraissait pas très grave, mais si on prenait en compte l'épaisseur du mutant, on pouvait se demander s'il n'avait pas perdu tout son sang.

"Abyse a trouvé Soupire dans un château Anglais. On ne sait pas son nom, ni d'où elle vient véritablement. Soupire a vécu seule sans aucune communication pendant plusieurs années. Elle ne sait presque pas parler.", lui répondit le Baron. "Abysse est la seule personne que je connaisse qui puisse la voir et l'entendre. Elle l'a donc adoptée et essaie de l'éduquer. Je lui avais promis de lui offrir mon château si elle m'aidait à me venger. Un lieu où elle pourrait vivre et enseigner tranquillement à la petite. Il suffisait de faire peur au visiteur." Il regarda la mutante d'un air serein avant de reporter son attention sur sa main. "Elles ont dû surement fuir loin d'ici."

Il testa un peu les nerfs de l'avant bras en appuyant dessus avec son autre main. Aux grimaces qu'il faisait, ce geste semblait plutôt douloureux. Puis il s'écarta pour laisser Lucie libérer son fils. Le corps de ce dernier tomba comme une écharpe au sol. Puis son corps fit quelques tours du piler pour reprendre une taille normal. Il avança en rampant et s'appuya sur les genoux de son père. Il passa un petit moment à analyser ses blessures. La journaliste pouvait maintenant se rendre compte des parties du corps qui avait été transpercées. Une cuisse, le flanc gauche et une main avaient été transpercés. Il avait eu de la chance, cela aurait pu être pire.

"Je vais vous dire mademoiselle. Je vous conseille fortement de me tuer maintenant. Car je ne me fiche absolument pas du sort de mon fils. Si vous ne le faites pas, je vous jure que je vous retrouverait pour vous écorcher vive." Son regard était plus dur et froid que la roche environnante.

"Ne l'écoute pas Lucie, il va bientôt aller en prison. C'est juste des menaces d'un animal pris aux pièges." Ivan essayait de la rassurer.

Le de Hiptu les regarda froidement, un petit sourire sadique se discerna sur son visage. Puis, il reporta son attention sur son fils.

Le baron se contenta de regarder la jeune fille avec un sourire sadique sans prononcer un mot. Il demanda finalement de l'eau pour son fils à Ivan . Le journaliste se pressa d'aller en chercher au lac. Le mutant en but quelques gouttes de façon étrange. Son visage sans bouche semblait absorber les gouttes d'eau comme une éponge. Son père utilisa le reste pour soigner les plaies de son fils, et but la dernière goutte.

Quelques minutes plus tard, la police apparut dans la pièce. Ne sachant pas comment transporter le mutant blessé, ils l'attachèrent sur un brancard. Le Baron de Hiptu fut menotté soigneusement à cause de sa blessure et fut accompagné par deux policiers jusqu'à la sortie de la grotte. Lucie et Ivan furent invités à les suivre. Les policiers semblaient méfiants avec la jeune fille, ils avaient dû apprendre que c'était une mutante.

Une fois à l’extérieur, le baron et son fils furent installés dans un fourgon de la police qui disparut rapidement sur la route pour la gendarmerie. Gilles et Daniel entrèrent dans une ambulance, direction l’hôpital le plus proche. Marc, Lucie et Ivan furent invités à aller à la gendarmerie pour leur déposition.

C'est à la gendarmerie que Lucie apprit la mauvaise nouvelle, alors qu'elle donnait sa déposition à un policier moustachu qui faisait peine à voir quand il tapait sur le clavier. Le Baron et son fils s'était échappé. Le fourgon avait été retrouvé vide, les deux gendarmes à l’intérieur morts étranglés. Tout le poste s'était mis en mouvement pour bloquer les routes et rechercher les fugitifs. Seul était resté quelques policiers au poste pour finir les dépositions. La caméra et le dictaphone des journalistes avaient été séquestrés mais personne n'avait voulu de l'aide de la jeune fille pour retrouver les mutants.

Il lui avait été demandé de ne pas quitter la région. Elle s’était donc installée dans un hôtel du village avec Ivan et Marc. En chambre à part bien sûr. Le lendemain au réveil, ils apprirent une autre mauvaise nouvelle. Daniel et Gilles avaient été retrouvés mort à l’hôpital. Le premier avait eu la gorge ouverte par un scalpel et le deuxième avait été étranglé. La police leur avaient demandé de quitter rapidement la région et de se rendre chez un parent pour leur sécurité. Surtout pas chez eux. Ils devraient également avertir le poste de police le plus proche pour avoir une garde personnelle.

Quelques jours plus tard, Lucie reçut une autre mauvaise nouvelle de Ivan. Marc avait été retrouvé mort. Il s’était réfugié cher un oncle en campagne, mais la maison avait pris feu de façon étrange. Le jeune homme lui conseilla de partir le plus loin possible, dans un autre pays. Il avait trouvé l’adresse d’une école de mutant aux États-Unis. Elle y trouverait surement toute la sécurité dont elle avait besoin. Lui, allait partir en voyage à l’étranger. National Géo lui avait trouvé un reportage à faire bien loin de la France. Il avait tout de suite accepté.

L’article de Lucie avait intéressé de nombreux journaux. Mais même si elle avait été invitée sur de nombreux plateaux télé pour parler de son histoire, il lui avait été impossible de rejoindre Paris, pour sa propre sécurité.

Beaucoup de journalistes avaient enquêté sur les relations du maire, principalement sur celles qui avaient acheté les terrains du château. Mais bien qu’ils semblaient tous proches du maire, il était difficile de prouver la magouille. D'autant qu'il s'agissait d'hommes riches qui avaient de bons avocats. Le fils était bien le propriétaire de l’entreprise de construction qui avait restauré le château. Mais vu qu’il avait la plus grande entreprise de la région, il était compréhensible qu’il ait été contracté. Quant à l’incendie, il avait été impossible de savoir s’il avait vraiment été commis intentionnellement. Les aveux du maire n’avaient pas pu être utilisés, car ils étaient invalidés par la torture.

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