Jour 1 - Sous la canopée

Humant l'air avec une attention toute particulière, Blancpoil tentait de discerner l'exacte fraîcheur des marques laissées. Il lui restait néanmoins difficile d'affirmer avec exactitude le temps qui s'était écoulé depuis le dernier passage de la créature. En effet, découvrant les effluves peu comunes de ce monde, et n'ayant pas éprouvé jusqu'ici ses sens de loups sous un tel climat, il ne pouvait qu'estimer vaguement celui-ci à une moyenne de plusieurs jours, de deux à cinq, sans pouvoir se fixer réellement.

Occupé à dépecer son étrange fruit, la bestiole rouge ne porta à priori aucune attention à Tonga qui se rapprochait. Tout juste cessa-t-il pendant quelques secondes tout mouvement, avant de se remettre à bouger paresseusement. Le mutant put s'emparer sans peine de sa queue, se conférant ainsi une sage distance des pinces. L'étrange animal réagit au quart de seconde prêt. Le fourmilier pu la tirer, mais dans le même geste, le "serpent" se contracta tout entier et se retourna. Ses pinces étaient bien trop loin pour attaquer son prédateur mais, chose étrange, il ne les utilisa même pas. Alors que le tronc se rapprochait mortellement de lui, il cracha un liquide transparent un peu à la manière d'un spray, droit dans la figure de Tonga qui ressentit une vive douleur au niveau des yeux, et un atroce picotement qui s'empara de son museau. Il aperçu, et entendit surtout, un craquement sinistre quand le pauvre animal se fracassa contre le bois. L'exosquelette se brisa, répandant un sang d'un rouge sombre.

Alors que Tonga, perdant ses sens de la vue et de l'odorat, était aux prises avec la sensation fort désagréable qu'on lui avait aspergé du tabasco dans la figure, le vent s'éleva plus fort autour des mutant, plongeant à la manière d'un entonnoir, du haut vers le bas, ramenant des alentours tout un florilège d'odeurs que seul Blancpoil était en mesure de bien sentir. Il y avait tout un mélange qui stimulait un peu agressivement les récepteurs olfactifs du louveteau. Il y distinguait sans mal les traces de l'imposante créature, puis derrière d'autres animaux, plus variés les uns que les autres, dont un qui se démarquait suffisamment pour paraître tout aussi agressif que le marquage qui causait tant de soucis à Blancpoil. Puis finalement attirée à eux, le délicat parfum de chair en décomposition vint titiller les narines du mutant. Les vents tournoyants de Vesna ne permettait pour le moment pas de localiser l'origine de cette odeur.
Tous ces courants mettaient sérieusement à mal l'équilibre de Samuel. Les arbres se balançaient furieusement, dans un brouhaha de feuilles froissées. Au-dessus du groupe de mutants, des cris se firent entendre, alors qu'une nuée de volatiles impossibles à discerner correctement prenait la tangente, incommodée par cette secousse inattendue. Certaines branches grincèrent méchamment en s'inclinant vers le bas, juste au-dessus du petit groupe.

Ignorant le petit jeu de ses deux autres camarades (un serpent-crabe, ça ne pouvait pas être bon a manger de toute façon), Blancpoil humait l'air en guettant la moindre trace du monstre. Ce n'était pas folichon. Blancpoil avait un mal tout particulier a évaluer la fraîcheur de la trace. Pourtant, ça n'aurait pas du poser trop de soucis. Un animal restait un animal, qu'il soit sur une planète ou sur une autre. Mais visiblement, ce genre d'exercice demandait un petit temps d'adaptation. Sans doute était-ce dû aux autres odeurs exotiques qui venait titiller son museau, ou peut-être que la tâche n'était pas menue courante pour lui. Toutefois, la bête ne semblait pas être passée par là depuis quelques temps. Le petit lupin ne savait pas trop s'il fallait s'en réjouir ou bien paniquer.

Vesna l'interrompit dans son expertise en proposant de ramener les vents aux alentours chargés d'odeurs qu'il pourrait identifier et localiser. Blancpoil la regarda d'un air circonspect. Dans sa culture, les vents étaient libres et peu enclins a se laisser dompter. Même si elle arrivait a les ramener en un point précis, il avait peur qu'ils finissent par se disperser une fois arrivés a destination, chargés par leur propre odeur. C'était risqué. Mais il n'osa pas protester.

OST Journey - 01 Apotheosis

Vesna écarta les bras, puis le vent commença a se lever. Blancpoil écarquilla les yeux, éberlué par le spectacle qui commençait a se dessiner sous ses yeux. Les arbres et les feuillages s'agitaient, le vent venu du ciel venait s'écraser sur eux dans un tourbillon de feuilles qui n'était pas sans effrayer les oiseaux des alentours. Le louveteau tourna la tête en tout sens, suivant des feuilles dans leur sillage, jusqu'à tomber sur Xéna. Il en avait presque oublié qu'elle l'avait créé ce vent pour eux.

Il baissa les oreilles, pas sûr de lui, puis fit quelques pas timides jusqu'au centre du vortex. Le spectacle était encore plus saisissant de cet endroit. Il fut comme frappé par le cortège d'odeurs furieuses qui s'écoulaient comme une cascade bouillonnante sur lui. Le louveteau baissa la tête, surpris par tant d'odeurs qui venaient lui agresser le museau, puis la remonta peu a peu,a mesure qu'il s'y habituait. Cette sensation magnifique du vent parcourant son épaisse fourrure, des feuilles tournoyantes et des odeurs qui défilaient a grande vitesse, tout cela était grisant. Blancpoil avait l'impression que la forêt toute entière s'offrait a lui dans un spectacle saisissant. Il ferma les yeux et savoura ces instants fugaces qui lui rappelait sa propre patrie, et qui éveillaient en lui ses instincts animaliers.

Quelques secondes plus tard, il prit une grande inspiration, s'imprégnant des odeurs transportées par le vent. Des choses et d'autres lui apparaissaient. Cette forêt regorgeait d'animaux en tout genre, plus variés les uns que les autres. Il y reconnaissait parmi eux l'odeur de la grande créature. Elle ne devait donc pas être très éloignée, finalement. Mais... Il y avait autre chose. Blancpoil, toujours les yeux fermés, tourna la tête sur sa gauche et continua d'humer la cascade de vents dans laquelle il se trouvait. Il y avait une autre odeur qui ressemblait a celle de la grosse créature, du moins était-elle toute aussi agressive. Il se pouvait qu'il y en ait plusieurs de ce type là. Ce n'était a vrai dire pas étonnant, mais ce n'était pas vraiment bon a savoir non plus.

Blancpoil tourna la tête sur sa droite. Les odeurs se mélangeant, il devenait difficile de faire le tri. Cependant, une seule odeur attira réellement son attention. Il la reconnaissait celle-la. C'était même la seule qu'il aurait pu discerner efficacement parmi toutes les autres: l'odeur de la chair en putréfaction. Il n'y avait aucun doute la dessus, il y avait un cadavre dans le coin. Elle satura bientôt l'air, couvrant toutes les autres odeurs. Ce n'était plus la peine de faire des recherches.

Blancpoil ouvrit les yeux puis avisa Vesna.

"Tu peux arrêter maintenant."

En attendant qu'elle s’exécute, le petit lupin fit le tri de ce qu'il avait ressenti, pour mieux le synthétiser au reste de son équipe. Ce n'était pas si évident que ça de retranscrire des sensations olfactives... Il avait semble-t-il retrouvé tout son sang-froid.

"Je... je crois qu'il vaut mieux qu'on se dépêche un peu." finit-il par dire. "Il y a au moins deux grandes créatures dans le périmètre de tes vents, et aussi beaucoup d'autres animaux. J'ai aussi décelé la présence d'un cadavre. Mais je n'arrive pas a les localiser."

Il s'avança en direction de Vesna, puis la regarda longuement, semblant réfléchir. La situation était plus compliqué que prévu... Il leur faudrait absolument se mettre a l'abri quoi qu'il arrive. De cela, Blancpoil en était maintenant convaincu.

"Je vais ouvrir la marche, tu n'auras qu'à indiquer la direction du terrier que tu as vu. On a pas une minute a perdre."

Le lupin préférait passer devant. Ses connaissances en la faune et les odeurs locales un peu plus approfondies, il espérait pouvoir reconnaître une de ces dernière qu'il avait senti plus tôt et leur faire éviter de mauvaise rencontre, juste au cas où.

Malgré les imprécisions de Blancpoil, l'expérience fut assez concluante ; ils avaient appris quelques détails non sans importance. Ainsi, il n'y avait, non pas une, mais deux grosses bêtes dans les parages : probablement un sympathique et monstrueux couple qu'il valait mieux éviter de croiser... Un cadavre avait enfin été repéré et cette nouvelle information n'était pas sans interroger Vesna. Cadavre de quoi? D'animal, d'humain?

Un peu plus loin, Tonga semblait aux prises avec une étrange bestiole qui allait sans aucun doute faire les frais de l'instinct carnassier du tamanoir... La Russe se tourna vers Blancpoil qui suggéra d'ouvrir la marche. Sans doute pourrait-il ainsi mieux repérer d'éventuels dangers et des traces olfactives plus distincts, non souillées par le passage de la Moscovite. Cette dernière replaça sa bande de tissus qui lui servait de soutien-gorge tout en acquiesçant avant d'indiquer du bout de doigt, la direction qu'elle avait repéré après son vol. Elle vérifierait dans quelques temps si le groupe n'avait pas modifié leur direction mais pour l'instant, elle était encore à peu près sûre du chemin.

Cette situation était tout de même profondément perturbante mais rien dans les éléments dont Vesna avait connaissance ne parvenaient à prendre sens. L'attaque de Graymalkin, la téléportation, le réveil ici, l'absence de ses camarades, les retrouvailles entre Tonga et ses parties... Non, tout cela était encore insoluble... Cela amena la jeune femme à décider à nouveau de ne plus y penser, de ne plus tenter de résoudre cette problématique tant qu'elle et ses trois compères n'en auraient pas appris un peu plus.

Pour le moment, mieux valait donc se changer les idées durant cette marche forcée. Si Vesna avait été avec des filles, elle aurait parlé cul mais là avec des mecs à la sexualité limitée ou inexistante, c'était carrément mission impossible. Cette idée la ramena inévitablement à Roxie laquelle lui manquait terriblement. Ca faisait mal mais la Russe avait du mal à se l'avouer. L'amour, même avec une fille, c'était compliquée, c'était faible. En un mot et pour tout : désespérant. Peut-être que cette histoire était impossible : la geek et la stripteaseuse, la chanteuse et la féministe seraient autant de qualificatifs dont se souviendrait la postérité alors que tout avait été si violent, si passionné... Xéna serra les dents et shoota dans un tronc qu'elle jugeait à peu près moisi mais dont le contact lui appris qu'il n'en était rien. Vesna poussa un petit cri de douleur et attrapa la pointe de son pied nu en ravalant les larmes qui pointaient déjà. Au bout de quelques secondes, elle inspira profondément avant de poursuivre sa marche comme si de rien était. La douleur était sa punition. Elle était punie de sa faiblesse.

Le silence qui s'éternisait entre Vesna et ses camarades durant cette marche forcée, l'angoissait car il la contraignait à méditer sur l'échec de sa situation amoureuse. Les raisons de cet échec était encore insolubles et la Russe désespérait de se l'expliquer un jour. Les réponses étaient peut-être ailleurs...

"Hey les mecs, l'un de vous a-t-il déjà été amoureux?" Lança la Moscovite de but en blanc.

La question était lancée. Restait à savoir si ses camarades allaient jouer les prudes ou s'ils avaient au moins une réponse à apporter... Dans tous les cas, ça promettait d'être divertissant et sûrement très instructif, songea Vesna. S'il fallait qu'ils restent ensemble un moment tous les quatre, mieux valait se connaître un maximum... Qu'y avait-il de mieux que les amourettes pour faire plus ample connaissance?

A l'arrêt du pouvoir de Vesna, les vents se calmèrent instantanément. Le bruissement des feuillages s'atténua, de même que les craquements de bois. Un silence étrange s'installa autour d'eux. Les animaux les plus proches, effrayés par un courant non naturel, avaient tous fuit le groupe.

Le groupe reprenant son avancée, Tonga dû abandonner le cadavre du crustacé sans prendre le temps d'y gouter. L'agressivité du liquide qui lui avait été craché en pleine figure le faisait pleurer, lui imposant un voile flou sur sa vision. Son odorat saturé par le poison lui était devenu pour le moment inutile. Il suivit le groupe, mené par Blancpoil.

Prenant l'avant de la marche, le louveteau avait maintenant l'avantage de renifler des odeurs non "polluées" par le passage de ses camarades. Avec les indications de la moscovite, il pu suivre sans trop de mal la direction, d'autant plus que la végétation imposante offrait des espaces assez grands pour permettre de suivre autant que possible une ligne droite.

Le temps passant, les sons de la forêt débutèrent à nouveau. Le louveteau pu à nouveau sentir cette odeur de chaire en décomposition. Etant donné la direction qu'ils prenaient, il réalisa rapidement qu'ils se dirigeaient droit dessus. Une créature volante leur passa-au-dessus, par-delà la canopée. Avec l'épaisseur des feuilles et la hauteur des arbres, ils ne l'auraient peut-être pas remarqué si la bestiole n'avait pas poussé un cri qui venait rejoindre ceux que les mutants entendaient plus loin. Un son qui se rapprochait d'oiseaux de mauvais augure.

Pour le cri en question.

[Excusez de ne pas avoir répondu, je me suis laissé avoir par la montre, reportant au lendemain à chaque fois. Je serais vigilant à l'avenir]


L'animal avait durement réagi et lui avait balancé son foutu poison dans la figure. A la manière d'un jet de poivre ou d'une bombe lacrymo, Tonga se retrouvait à présent les yeux plein de larmes et le nez indisponible. C'est à dire que d'un coup d'un seul, il était devenu le boulet du groupe. Il venait de perdre deux des trois choses, avec son agilité naturelle dans ce milieu, qui le rendait utile dans le groupe: sa vue et son odorat.
Le homard en revanche n'avait pas aimé la confrontation et s'était éteint après. Tonga n'avait vraiment pas apprécié son tête à tête avec l'animal bizarre et l'avait rejeté sans y retouché. Une bête à venin, de toutes façons, c'est jamais bon pour la santé. Avec son physique de serpent, il aurait dû y penser et ne pas se laisser mener par le bout de son long nez par le fantôme moqueur.

Il se frottait les yeux de façon spasmodique, énervé qu'une aussi grosse bêtise lui soit arrivé et suivait le groupe, devenu un poids mort et inutile pour l'instant. En espérant que l'effet s'estomperait rapidement, il sentait qu'entre la vue flou et l'odorat biaisé, il avait du mal à tenir le rythme.

Il tenta se se moucher dans ses poils pour faire évacuer ce foutu poison et finit par demander à Vesna:

- Hey Vesna... Tu veux pas me porter ? A cause de cette connerie de poison, je vois pas à deux mètres, je risque de me péter la gueule par terre constamment...

Il trottina pour arriver à son niveau et ajouta: - S'il te plaiiiit ? Je suis pas lourd et je suis tout doux !
Avant qu'elle ne se décide, il se frottait les pattes pour durcir et décoller la morve qu'il avait sur les pattes.
C'est à peu près à ce moment là que le grand cri d'oiseau retentit à travers les feuilles.

Un long cri, strident, qui lui rappelait vachement un vautour ou un marabout. Un oiseau qui bouffent les cadavres, quoi... on appelle ça comment, déjà ?
Autant la vue et l'odorat en avait pris un coup, autant ce cri semblait lui avoir débouché les oreilles. Ça pique, bordel.
En suivant à l'oreille la direction de l'oiseau, il semblerait qu'il venait de nous survoler et de nous dépasser, se dirigeant donc, droit devant nous. Donc l'odeur de mort et de cadavre que Blancpoil avait reniflé était sans doute juste devant eux.
Donc, logiquement, puisqu'il y avait une créature morte là, la prédatrice devait ne pas être loin...

- Euh, Blancpoil... T'es sûr de la direction ? J'ai pas le choix de te faire confiance, là, mais on se dirige pas droit vers une zone qu'on voudrait éviter ?

Blancpoil ouvrait la marche, reniflant de temps a autres le sol pour déceler une quelconque présence récente. Le silence qui s'était installé ne le gênait pas vraiment. A vrai dire il en avait l'habitude en Alaska lorsqu'il s’entraînait a chasser avec les autres. Et moins on faisait de bruit, moins on avait de chance de se faire repérer par les proie. C'était une règle universelle, un jeu morbide entre un chasseur et sa proie. Et même s'il avait peur que les rôles soient en ce moment inversés, force était de constater que cette règle pouvait aussi leur être utile dans ce genre de situation.

Vesna ne semblait pourtant pas l'entendre de cette oreille. Elle leur lança soudainement une question d'ordre émotionnel. Le petit lupin n'y prêta pas tout de suite attention, reniflant cette odeur de chaire putréfiée. Il s'arrêta un instant pour renifler plus longuement le sol, puis releva la tête en humant l'air tandis que Samuel répondait a la question de la moscovite. Bizarre... cette odeur était dans la même direction que le terrier.

Il suspendit ses recherches un instant pour répondre a son tour.

"Bah euh... non. Enfin... je sais pas, moi."

Il se tût un instant puis baissa la tête. A vrai dire, il n'y avait jamais vraiment réfléchi. Mais cette question ramenait des points essentiels sur la table.

"Il y avait de cela encore quelques mois, j'étais persuadé d'être un loup. Je pensais que j'aurais une compagne et puis des petits, que je ferais parti d'une meute ou que je fonderais la mienne. Enfin pas avant longtemps mais quand même... Mais maintenant... je ne sais pas. Maintenant que je sais que je suis humain a l'origine, est-ce que ça veut dire que je devrais m’intéresser aux femelles de cette espèce ?"

Ce n'était pas facile pour le louveteau. La question de Vesna le ramenait sans cesse a cette question qu'il s'était posé lui-même suite a son entretien avec Lily-Rose: Qu'était-il au final ? Un humain ou un loup ? Au fond de son coeur, il voulait continuer a croire qu'il appartenait toujours au peuple quadrupède. Eux ne l'avaient jamais abandonné... Mais ces questions d'ordre technique avait la fâcheuse tendance a tout remettre en cause.

Blancpoil resta silencieux. Visiblement troublé par sa propre réflexion. Puis un cri déchirant fendit la canopée. Un grand oiseau était passé au dessus d'eux. Le louveteau leva la tête et observa longuement la cime des arbres.

Tonga quant a lui s'alarma. Blancpoil lui adressa un regard circonspect, arquant un sourcil au passage. Sa réaction frisait l'agacement. ça ne semblait pas l'effrayer pour le moins du monde. Une attitude qui tranchait visiblement avec celle de son arrivée sur cette planète.

"La direction, c'est pas moi qui l'indique. Moi je veille seulement a ce qu'on ne fasse pas de mauvaises rencontres en chemin, vu que j'ai le meilleur odorat du groupe. Mais si t'as pas confiance, rien ne t'obliges a rester. Et puis..."

Il leva a nouveau les yeux.

"On a pas vu quelle direction précise il prenait. On pourra pas le savoir de toute façon. Le mieux qu'on puisse faire, c'est de poursuivre. On peut pas se permettre de traîner au moindre bruit suspect."

Il poursuivit sa marche de quelques pas, avant de se retourner, les sourcils froncés.

"Au fait, le cadavre est droit devant nous. Si cet oiseau a pris la même direction que nous, ça veut dire que c'est un charognard. Ils sont généralement trop peureux pour s'attaquer aux autres créatures vivantes ou capables de se défendre. On aura qu'à le chasser si il est trop près du terrier. Et si c'est vraiment un charognard, ça veut dire que la créature qui a causé le décès du cadavre a fini son repas et qu'il a abandonné la carcasse depuis quelques temps. Et si la chaire s'est décomposée depuis tout ce temps, ça expliquerait l'omniprésence de cette odeur. Donc a priori, y'a pas vraiment de danger immédiat. Au pire, on pourra toujours observer de loin une fois qu'on sera a portée, et face au vent pour éviter qu'on flaire notre présence. Ou alors Vesna pourrait tout observer depuis les airs. On verra bien une fois qu'on y sera."

Bien résolu a continuer la marche, Blancpoil poursuivit en essayant de déterminer précisément la distance a laquelle se trouvait le groupe du cadavre en question. Ce serait une mesure de précaution supplémentaire. Une chose était sûre. A choisir entre combattre un piaf nécrophile et une plus grosse créature, qui elle chassait véritablement, il jetterait volontier son dévolu sur la première.

Les réponses de Samuel et Blancpoil n'apportaient pas d'éléments de réponse aux questions existentielles de la jeune Russe qui se contenta d'acquiescer en les écoutant. Leur conditions mutants inhérentes les avaient empêché d'entretenir des liens affectifs, l'un par l'absence de contact physique, l'autre par l'absence de conscience de son moi. Ils avaient là des problèmes radicalement différents du sien... Elle n'était finalement pas la seule. Entre absence de relation et relation douloureuse, le choix relevait du dilemme et Vesna compatit simplement pour ses camarades.

"De ton coté, l'avenir est plein de promesse Samuel..." Et sans doute de désillusions mais de cela, il valait mieux ne pas l'imaginer tout de suite.

La question du lupin était elle aussi épineuse et la Russe tenta :

"J'pense qu'il va falloir t'intéresser à ce que ton cœur te dictera, que tes sentiments portent sur un être humain ou une louve..." Voilà pour la réponse bateau mais ça n'était guère suffisant et il était inutile de préciser que si son intérêt se portait sur une femme, celle-ci aurait toutes les peines du monde à envisager une relation sérieuse avec un loup. Autrement dit, il courrait au devant de graves échecs, voire d'une impasse. En comparaison, les aventures sentimentales malheureuses de Vesna étaient le comble du bonheur amoureux. "Après, faut voir ce qui t'attires niveau cul..." Ajouta crument la Russe, consciente que c'était là un obstacle majeure à toute relation, que ce soit avec une humaine ou une louve. Le premier cas posait des problèmes purement physiques tandis que le second était plus d'ordre moral. Car en effet, que serait une relation charnelle avec une louve lorsque pour la louve c'était purement instinctif et que pour Blancpoil, cela devait relever de l'amour...

La complexité de la situation amoureuse du canidé sidéra Vesna qui relativisa brusquement sa propre condition. Il y avait un gouffre entre elle et ses camarades. Cela lui faisait prendre conscience, que plus que les différences physiques, les différences psychologiques étaient fondamentales. Ces gars-là étaient vraiment uniques, Tonga aussi l'était, d'où peut-être son absence de réponse à la question. Ces trois là avaient des profonds points communs dans leur mutations ; ils étaient faits pour travailler en équipe. Vesna allait logiquement devoir se faire une place.

La marche se poursuivit prenant des airs de pèlerinage tant les questions métaphysiques de la jeune Russe encombraient son esprit trop simple pour ce genre de considérations. Blancpoil avait l'air plus confiant en menant la troupe, ayant ainsi la possibilité de repérer un éventuel danger de proximité plus facilement. Tonga avait eu du fil à retordre avec sa bestiole, si bien que ce potentiel repas lui avait filé entre les griffes. Le poison que la bête avait semble-t-il expulsé semblait irritant et c'est les larmes aux yeux que le tamanoir vint vers la Russe réclamer son assistance.

Celle-ci haussa un sourcil dubitatif. La forêt était l'environnement du fourmilier pas celui d'une Moscovite habituée au terrain urbain et c'est à elle qu'il demandait de l'aide. Vesna avait imaginé Tonga plus fier que cela... Les hommes étaient tous fiers et demander de l'aide à une femme, c'était forcément suspect car cela revenait à rabrouer leur virilité. Mais ces trois là avaient prouvés qu'ils n'étaient pas des garçons comme les autres... Peut-être en étaient-ils de même de leurs hormones... N'ayant pas grand-chose à risquer de toute façon, la Russe décrocha :

"Grimpe-vite." Juste pour que les choses soient parfaitement claires, Vesna ajouta : "Je te déconseille d'en profiter pour me mater d'en haut, si tu vois ce que je veux dire..."

Un oiseau poussa un cri désagréable, évocateur de sombre présage, tout en passant au-dessus d'eux. Blancpoil informa un moment après qu'il se dirigeait vers le cadavre. Il émit l'hypothèse que l'oiseau soit un charognard. Dans tous les cas, pour la Russe, plus que la décomposition, ça puait le danger mais c'était peut être aussi une opportunité d'en apprendre un peu plus.Du genre téméraire, Vesna, sans rebrousser chemin, accéléra le pas à la suite de Blancpoil dont l'orientation avait été remise en question par Tonga mais la Russe préféra se fier aux déductions et au flair du loup. Advienne que pourra. Les prunelles de la Moscovite se tintèrent d'or, en prévision de la potentielle découverte à venir...

Une centaine de mètres, c'était grosso-modo la distance que Blancpoil pu estimer. Du moins pendant la première partie du trajet. S'avançant, il réalisa peu à peu qu'il peinait à différencier les odeurs. A moins que ce ne soit l'approche de la chaire en décomposition qui noyait son sens olfactif. Dépourvu d'odorat dans l'immédiat, Tonga réalisa peu à peu que le piquant du jet qu'il avait reçu dans la figure, s'il était toujours irritant pour les yeux, devenait moins pénible pour son odorat, à moins que ce dernier ne soit en train de s'amoindrir.

Le groupe poursuivit son avancée jusqu'à finalement apercevoir l'origine exacte de l'odeur. Couché sur son flanc, le corps ravagé par des morsures et des griffures de différentes tailles, les côtes exposées et les viscère déjà disparues, une sorte de grand dinosaure, semblable à un tyrannosaure reposait sur les fougères qu'il avait écrasé dans sa chute. Tout autour de lui, les plantes avaient été arrachées, piétinées, ou broyées, signe que le monstre de plus de huit mètres ne s'était pas rendu sans avoir violemment combattu. Sa carcasse putréfiante était légèrement agitée par une autre créature semblable à un oiseau qui, perchée sur la hanche du grand cadavre, essayait d'arraché un morceau de peau verdie.


D'autres de ces créatures tournant en cercles plus ou moins large au-dessus de la carcasse étaient visible, du fait que les feuillages étaient ravagés ou écartés, sans doute par leurs soins pour accéder à cette source miraculeuse de nourriture. L'odeur proprement écoeurante s'avérait particulièrement perturbante pour Samuel qui n'avait repris possession de ses sens que depuis peu. En revanche, elle était parfaitement supportable pour Tonga et Blancpoil. En revanche, ce dernier entendit comme un bourdonnement naissant qui étouffait peu à peu les cris des charognards. Du fait de ce léger désagrément, il ne sentit pas une autre créature s'approcher dans leur dos. Pas plus qu'ils ne l'entendit. Seuls Vesna et Samuel et Tonga saisirent ce grondement bas, semblable à une vibration, assortie d'un petit claquement du même genre que celui qu'émet un chat quand il contemple un oiseau par une fenêtre, mais quelques tonalité plus bas.


Se retournant, ils purent apercevoir à une dizaine de mètres derrière eux une espèce de félin au fascès franchement étrange, et à la taille d'un ours se ramasser entre les fourrés, postérieur levé et dandinant, prêt à bondir. Il s'élança droit sur eux.

Tonga avait pu, avec son accord, grimper sur Vesna. Il s'assied comme on porte un enfant sur ses épaules, faisant bien attention à pouvoir se tenir seul et à ne pas gêner la visibilité de Vesna. Tout au plus, il gènerait ses mouvements de cou.
Bien posé là haut, l'odeur de poivre-paprika projetée par le zoidberg (car tel est le nom que Tonga lui donnera plus tard, dans ses mémoires), et bien cette odeur commençait à s'estomper.
Restait à savoir si le vent de la jeune femme aidait à purifier les narines ou si lesdites narines commençaient à fondre sous l'acide de l'animal à présent écrabouillé.

Le chemin faisant, Tonga resta, pour une fois, muet sur le voyage.
Il se sentait pas super à devoir dépendre d'un autre et ses yeux n'affichaient encore qu'une image un peu floue.
En bref, il ne se sentait pas bien.

Le groupe arriva au cadavre que tout le monde avait bien compris qu'il était là.
Parce qu'un cadavre, ça pue, ça abîme le sol et ça attire les charognards.
En l'occurrence, l'endroit était plein de drôles d'oiseaux comme celui qui était passé au dessus des têtes du groupe quelques instants auparavant. Enfin, Tonga le supposa, puisque le bruissement des ailes, les coups de vent irréguliers, les petits cris d'oiseaux donnaient le plus gros des détails que le fourmilier ne percevait pas spécialement.

La bête morte devant eux, c'était un... lézard ?

Attendez, un lézard géant ?
Ce truc était un dinosaure ?

... On a été envoyé dans le passé, je vous dit !
Restant coi et droit, posté sur sa mule (euh... sur sa camarade, pardon), Don Tongichotte voyait devant le combat des moulins charognards devant lui un autre ennemi planqué.

Un lézard géant, c'est une sacrée bête, à abattre. Vu le gabarit approximatif de celui-là, c'était même un bébé Godzilla qui était couché. Et pour buter un bébé Godzilla... soit on appelle une équipe de japonais entrainés, soit on balance un bestiau plus gros, plus fort, plus mastoc...

Bourdonnement bizarre.
Bon dieu de merde, ce genre de bourdonnement que Tonga a connu un sacré moment comme clochard.
Vous saviez que les chats avaient des territoires ?
Et qu'un fourmilier sur un territoire de chats, c'est pas le bienvenue ?

Bah moi je vous le dit: un chat c'est vicelard.
Et ce bruit là, c'est un peu comme un gros chat qui signalerait que nous ne sommes pas les bienvenus.

Tonga tourna la tête, s'apercevant que sa déduction était bonne.
Même avec une vision floue, un chat de la taille d'un ours, ça se voit. Bon les quatre yeux, la tronche improbable, tout ça, j'avoue, Tonga les a pas vus. N'empèche que voilà.

- Tout le monde à terre et retournez vous, vite, ordonna presque Tonga à ses coéquipiers. Il fallait réagir vite pour espérer que ce gros matou préfère s'attaquer aux oiseaux derrière eux qu'au groupe un peu bancal. Suivant son propre conseil, il plongea à terre et ne bougea plus.

- Vesna, si tu lui déstabilises les moustaches, il sera forcés de se servir uniquement de son odorat et de sa vue. Avec l'odeur de cadavre derrière, ça devrait nous couvrir et ils s'attaquera aux plus visibles: les charognards.

Pourquoi Blancpoil n'avait pas réagi avant ? De tous, c'est celui qui semblait avoir les sens les plus affutés en ce moment.
En espérant que tout le monde suive son avis, il attendit que quelqu'un fasse quelque chose.

Vesna eu bien répondu à la question puis aux remarques de Samuel mais la découverte d'un gigantesque cadavre d'une espèce de dinosaure lui coupa l'envie d'évoquer les histoires de cœur. Un piaf semblait avoir fait des restes de Godzilla, son repas. Les X-men seraient-ils réduits à se sustenter ainsi? Sans doute. A moins que cet endroit ne dispose de sa petite supérette mais cela semblait peu probable. La Russe porta le dos de sa main, espérant ainsi sentir une odeur moins écœurante mais c'était peine perdue. Pour autant, la nuisance odoriférante fut bien vite reléguée au second plan lorsque les oreilles de la Moscovite perçurent un grondement peu commun.

Vesna fit volte-face alors que Tonga prévenait tout le monde du danger. Pour le coup, l'odeur ne fut plus du tout un problème comparé à celui de taille qui lui faisait face. Une immense bête avec quatre oreilles, quatre yeux, et...Non l'énumération n'allait pas plus loin car non seulement mieux valait ne pas la poursuivre pour le reste du corps et puis, la tête était déjà suffisamment...accaparante pour avoir à se soucier des autres détails anatomiques de l'animal. En le dévisageant, la Russe avait bien l'impression que ce gros matou avait aussi faim qu'eux. Son regard - deux fois plus expressif qu'à l'accoutumée - était suffisamment éloquent pour conclure que son casse-croute était tout trouvé en les personnes des X-men.

Le tamanoir, après être descendu de l'épaule de Vesna, émit alors quelques remarques tactiques, lesquelles avaient totalement échappées à la Russe, encore trop choquée par la vue de cette bête à qui elle trouvait un air de famille avec son ancienne prof de maths. Les indications du tamandua étaient probablement justes. De toute façon, la Moscovite n'avait guère le temps de la réflexion car déjà l'espèce de félin amorçait sa course vers les X-men.

Xéna porta ses mains devant elle et propulsa le vent à pleine vitesse sur la face de la créature, en le faisant partir progressivement du cadavre pour ne pas trop secouer ses partenaires, puis en l'accélérant à fond pour qu'il soit à pleine vitesse en arrivant sur la bête. Tout en agissant ainsi, Xéna espérait bien décoller."[/b]

Elle hurla alors à l'intention des X-men :

"Bon les mecs, j'vous laisse vous en charger! Perso', j'vais faire l'appât"

Les formes plantureuses de la Russe ne pouvaient manquer de représenter un repas de choix pour cette bébête mais mise à part cette explication purement physique et peu rationnelle, Vesna imaginait bien attirer l'attention de la créature sur elle par l'intermédiaire de son pouvoir et peut-être un peu plus si l'avenir le lui permettait.

"Hey, la vilaine bête, cria Xéna à l'intention du félin, par ici!"

Pour le moment, ça n'était guère utile comme elle était encore avec ses camarades mais quand elle s'en serait éloignée, elle d'eux, ou eux d'elle, cela pourrait peut-être faire une diversion efficace.

Ils étaient proches. Blancpoil le sentait. Ils allaient bientôt être fixés. Même s'il peinait a distinguer les autres odeurs, il n'en tenait pas rigueur, se focalisant sur la plus forte pour tenter de déterminer la distance qui les séparait de son origine. Le petit lupin déboucha sur le spectacle macabre mais pourtant si naturel des animaux se servant de reste de proie. Et quelle proie ! On aurait dit un gros lézard ! Encore plus grand que Mbarou celui-la. Vu les dents et les griffes, la bête qui l'avait terrassé devait être relativement imposante et bien plus redoutable. Cela dit, ni l'odeur ni la vue ne semblait le déranger. Après tout, il avait bien vécu de la chasse pendant deux ans parmi les loups. Ce genre de spectacle ne lui était donc pas étranger.

Blancpoil s'assit sur son séant et regarda le tout, un petit rictus satisfait aux lèvres. Il avait eu raison sur toute la ligne: il s'agissait bien d'un charognard dégustant les restes d'une proie plus si fraîche que ça. Et pas la moindre trace de son agresseur. Tout était parfait. Tonga pouvait retourner se coucher, c'était lui le plus fort d'abord. Na ! Mais il leur restait tant de chemin a parcourir jusqu'au refuge...

Son regard se fit lointain tandis qu'il se perdait dans ses pensées. Les sons s'étouffèrent au profit d'un bourdonnement de plus en plus pesant. Il ne se rendit même pas compte qu'il n'entendait quasiment plus les sons avoisinants, et ressentaient encore moins les odeurs. Comme si tout disparaissait progressivement. Ne restait plus que ce bruit étrange. Blancpoil fronça les sourcils, sans détourner le regard du cadavre. Qu'est-ce que c'était que cette sensation ? Il ne sentait pas présent. Comme si...

Une voix familière se fit entendre et vint perturber le "silence". C'était la voix de Tonga qui hurlait de se mettre a terre. Blancpoil écarquilla les yeux, pris de panique a l'idée qui germait dans son esprit. Ce n'était tout de même pas... ?

Le petit loup se retourna. Une bête aussi grosse qu'un ours leur fonçait dessus. Et il n'avait rien senti ! Mais... Pourquoi ? Tout le monde semblait l'avoir remarqué, alors pourquoi pas lui ? Que se passait-il ? Le lupin était terrorisé a l'idée d'être aussi soudainement vulnérable par ses sens inefficaces, aussi bien que par le danger immédiat. Il recula en crabe, la queue entre les jambes et les oreilles pliées en arrière. Une expression de terreur au visage. Il n'osait pas bouger pour se sauver, ni même contre-attaquer. Il était le plus jeune du groupe et il n'avait jamais eu a se battre pour défendre sa vie. Ce n'était encore qu'un enfant facilement impressionnable. Ses membres tremblottants refusaient de bouger, même si son instinct lui scandait le mot "fuite".

L'assaut du fauve fit décoller le charognard perché sur le cadavre. Les volatiles poussèrent des hurlements assourdissants en fuyant prestement la zone. En se plaquant au sol, Tonga apprécia la souplesse de la litière forestière et les fourrés qui lui donnèrent un certain couvert. Libérant ainsi Vesna de toute entrave, cette dernière pu générer un vent qui la souleva du sol au moment où le prédateur leur fonçait dessus. Déstabiliser par se vent subit, sa trajectoire parti sensiblement sur le côté, droit sur Samuel... Qu'il traversa. Devenu spectre, le suédois en fut quitte pour une grosse frayeur.

Titubant sur ses quatre pattes, la bestiole se retourna, un peu secouée par son brusque changement de direction involontaire. Vesna, dans les airs, lança son invective à l'égard du fauve, pour l'attirer à elle. A peine eut-elle prononcé ses dernières syllabes que le courant la portant se transforma en douce brise dénuée de force. La moscovite chuta sur le sol souple sans que rien ne lui explique ce brusque changement. A peine eut-elle le temps de réaliser sa situation qu'une seconde bestiole émergea des fourrés et imposa sa patte monstrueuse sur le dos de la jeune femme pour la plaquer au sol en émettant un profond "groumpf" de contentement.

Samuel ne fut pas en reste. A peine sa forme de spectre rassurante retrouvée qu'il se matérialisa à nouveau, sans avoir cherché à redevenir humain pour autant. Les sens auditif et olfactif de Blancpoil diminuèrent considérablement, ne lui permettant plus de distinguer les sons et les odeurs que comme n'importe quel être humain. Caché à demi sous les fourrés, Tonga que le piquant du poison ne gênait plus, fut au premières loges pour voir lui tomber à quelques mètres devant le nez une imposante forme rendue floue par sa vision troublée. Il entendit le reniflement de l'animal qui frôlait le sol en se rapprochant de lui.

Spoiler:

Bon, ok, c'était pas des chacals (chacals, chacaux ? Quelqu'un sait ?), mais franchement, est-ce que ce truc était répertorié dans un manuel de biologie ? Sans rire, on aurait dit Hello Kitty, quatre yeux, les griffes et les dents en plus. Et bon dieu de bordel de merde, ils étaient trois.
Tonga ne semblait pas du tout au courant des évènements récents. Il avait bien senti que le vent s'était tu et entendu qu'aucun copain ne se faisait violemment déchiqueter, donc ça semblait être tout bon. Mais en se relevant, Tonga entendit autre chose.
Un "snurfl". Pas un "snurfl" que ferait un humain en reniflant pour remettre dans son orifice nasal un beau truc bien dégueulasse et visqueux remontant dans le sens contraire à la gravité, mais plutôt un "SNURFL" que ferait un gros bestiau à 12 nasaux et quatre yeux cherchant à renifler l'odeur d'un fourmilier se pissant dessus de peur.

Mais la peur, c'est pour les tapettes !

Sous le coup de l'audace, Tonga évolua en pangolin, transformant son pelage en une armure d'écailles solides, du crâne au bout de la queue. Le changement de forme devrait permettre à Tonga de résister aux attaques de Simba et ses potes, mais il fallait attaquer en premier, aussi notre pangolin warrior décida de passer à l'action et sauta sur la tête du gros chaton, qui devrait sans doute être la place la moins dangereuse du coin.

Pour être touché, les autres allaient devoir risquer de frapper leur compère. Ainsi, soit ils attaquaient et Tonga comptait sur ses réflexes aiguisés pour esquiver les attaques et laisser Simba se manger les baffes, soit ils le laissaient tranquille et s'attaquaient aux copains, et il serait au meilleur endroit pour tenter de stopper son gros minou: au dessus de la boite crânienne, prêt à trancher dans la cervelle.

L'attaque de Xéna avait dévié la bête sur le pauvre Samuel et les yeux de la Russe s’agrandirent d'effroi, puis de surprise en constatant que Samuel était devenu un spectre lumineux que la bête traversa stupidement. Ce gars là avait des ressources! La situation aurait pu être comique si elle n'avait pas été aussi dangereuse à bien des niveaux. Samu' avait raison, ce monde était celui de Jurassic Parc... Perspective angoissante mais il en fallait plus pour intimider la Russe qui se concentra pour maintenir sa rafale qui faiblissait pourtant de plus en plus... Perplexe, Vesna sentait que son pouvoir s'échappait progressivement et que ce contact particulier qu'elle entretenait avec la nature s'estompait peu à peu... A tel point que son vent furieux devint une simple brise bien incapable de faire le moindre mal à cette créature. Naturellement, les vents ne portèrent plus la mutante qui chuta en poussant un cri rageur :

"Et merde, qu'est-ce qu'il se passe!"

Elle retomba à plat ventre sur le sol et avant qu'elle n'ai pu esquisser un geste pour se relever, un poids soudain la plaqua définitivement au sol. K.O. Elle retourna sa tête sur le coté pour découvrir un autre félin qui la dominait de sa formidable patte. Manquait plus que ça! Il poussa un grognement qui ne laissait aucun doute sur sa satisfaction et qui ne fit qu’agacer la Russe déjà vaincue. Ces bêtes avaient l'air douées d'une certaine intelligence. C'était plus que de l'intelligence bornée qu'était l'instinct car celle-ci n'avait pas l'air de vouloir la dévorer... Tant mieux mais ça n'était pas suffisant!

"Ah sale bestiole, enlève ta grosse patte de là!" Vociféra Vesna d'un ton ferme.

Xéna ordonna au vent de projeter la créature au loin par une bonne rafale tandis que la jeune femme roulerait sur le coté pour échapper au poids de la patte.

La situation de ses camarades échappa totalement à la Russe tout occupée à lutter contre le félin. Une fois qu'elle s'en serait débarrassée, elle pourrait les aider...

Reniflant avec un intérêt certain, un des fauves s'approchait de Tonga. Son énorme museau écartait vieux branchages et feuilles mortes sans gêne aucune alors que son souffle tout concentrer rappelait sans hésitation aucune celui d'un prédateur traquant sa proie. Tonga, dans un élan de combattivité, changea de forme et exécuta un saut impressionnant en direction de son potentiel agresseur. Chose étrange, le pangolin ressenti entre ses pattes comme une extension de peau qui facilita sa marge de manoeuvre à l'assaut de la bête en lui permettant une meilleure portance dans l'air. Hélas pour lui, ce ne fut pas la seule chose. La sensation de piquant sur son museau revint brusquement, avec une violence toute retrouvée, lui arrachant de nouvelles larmes mais heureusement avec un décalage suffisant pour ne pas l'empêcher de porter son attaque. Ses griffes se plantèrent profondément sur la figure du fauve, perçant un de ses yeux gauches et traversant son épaisse fourrure jusqu'à atteindre l'os du crâne dans lequel elles se fichèrent. Le fauve secoua la tête brusquement de gauche à droite en émettant un rugissement de douleur.

Alors que le fauve de Tonga se débattait, les autres, visiblement distraits par le cri de leur congénère, relevèrent leurs museaux en direction de celui-ci en même temps que leurs oreilles pivotaient vers le duo en bagarre. Son attention détournée, la bête prise d'assaut par Samuel reçu la pointe du bâton droit dans la gueule. Il répondit par un violent coup de patte, toutes griffes dehors, qui désarma le suédois et lui provoquant une méchante plaie sur le dessus de la main droite. Heureusement, sa tentative força le fauve à ôter son appui de Vesna.

La moscovite quant à elle, en appelait à ses pouvoirs. Lents à réagirent, elle senti néanmoins ceux-ci lui répondre avec une force nouvelle. Une rafale tournoyante balaya le fauve agressé par Samuel et l'emporta brusquement, le soulevant à plusieurs mètres du sol pour le laisser retomber hors de leur vue. L'effet s'amplifia brutalement, tournoyant autour de Vesna pour projeter Tonga et son support félin sur l'arbre le plus proche. Le mutant pu rendre grâce au fauve qui ammorti considérablement le choc, à l'instar d'un gros tapis moelleux, quoiqu'un peu humidifié par le sang versé sous les griffes du pangolin. Blancpoil fut poussé violemment en arrière, jusqu'à heurter la carcasse du dinosaure dont l'odeur de putréfaction lui agressa subitement les narines. De son côté, Samuel, trop près de Vesna, se retrouva lui aussi soulevé dans les airs, droit en direction du dernier fauve.

Au-dessus des mutants, la canopée se mit à grincer méchamment. Quelques claquements se firent entendre alors que des branchages commençaient à tomber.

Spoiler:

[HJ] Actuellement dans les airs, Sam est en chute libre. L'atterrissage dépendra de vous.[/HJ]

Et ben dis donc, Tonga était vachement en forme, pour le coup.
Trop même.
Vous savez ce qu'on dit, hein ? "Quand tout va mieux, y'a toujours une couille." Ben là, c'est exactement ça. Tonga avait sauté et attaqué son ennemi, tout en changeant de forme. Rien que ça, ça valait bien un 1+ en gymnastique, mais le hic, c'est que tant d'efforts d'un coup, ça fait remonter la moutarde et le venin dans le museau. Le changement de forme n'avait pas dû aider non plus.
Bref, l'attaque sembla avoir réussi jusqu'à ce que Vesna joue à Sandy.
Et vas-y pas que je te balance tout à un coin à l'autre de l'endroit, à grand coup de vent pas contrôlés. Sympa, mais un peu casse-gueule, l'idée.
Tonga, lui, avait eu du bol ! Simba (oui c'est le nom que le fourmilier aura donné à son gros chat) avait amorti sa chute, non sans douleur pour sa part.

Avec les yeux floutés et les narines bouchées, difficile de jouer en équipe, vous l'avouerez. D'ailleurs, le pangolin (j'ai dit fourmilier ?) n'est presque même pas au courant que son équipier joue à s'envoler.
D'ailleurs, vous savez ce qui est le plus dur quand on vole ?

Le sol.

Ouaip.
Enfin bref, tout ça pour quoi ? Au milieu du sang, des larmes, des cris et des poneys, Tonga décida que trois yeux encore ouverts, c'était trois de trop. Fermement planté dans le crâne de Simba de sa main droite, il décida de dire "Bonne nuit !" au matou et attaqua ses yeux à grands renforts de griffes et de jurons.

Ouais ouais, l'attaque à l'aveugle. Après tout, avec une griffe planté dans le crâne, il suffit de balayer et on finira bien par crever un oeil ou trois, non ?

Vesna, face contre terre, la tête tournée sur le coté, observa non sans effroi la charge courageuse de Samuel qui avait recouvré son intégrité physique. La jeune Russe aurait bien, pour une fois, fait littéralement l'autruche en plantant sa tête dans cette terre inconnue mais c'eut été bien mal récompensé la bravoure du jeune mutant qui prenait là un risque non négligeable. Vesna ne vit pas tout à fait où l'arme improvisée se ficha mais elle avait visiblement fait son petit effet puisque la bête libéra sa proie d'un instant.

Parallèlement, Xéna fit appel à son pouvoir qui ne réagit pas tout de suite...mais lorsque ce fut le cas, la réaction fut des plus...violentes! A croire que son pouvoir fonctionnait désormais comme un moteur diesel. Un vent d'une intensité formidable fit le tour de la zone, et malgré sa volonté, Vesna fit profiter du vent à tous ses petits camarades qui furent emportés en même temps que les fauves, à la manière de fétus de pailles. Blancpoil et Tonga furent touchés et pire encore Samuel, celui qui l'avait justement aidé, se retrouvait désormais projeté dans les airs, soumis au danger de la gravité. Au dessus d'eux la voûte végétale craquait sinistrement, menaçant directement les X-men...

La Moscovite, partagée entre la peur, la surprise et l'ivresse, jeta un coup d’œil à ses mains. Elle ne sentait rien de particulier concernant ses facultés ; ses effets semblaient seulement varier en intensité... Cela posait nécessairement des problèmes mais pour le moment il y avait plus urgent que de tenter de le résoudre...

Levant les yeux au ciel pour apercevoir son camarade, Vesna évalua rapidement la distance qui le séparait de lui et s'envola droit dans sa direction. De ses mains levées, elle commanda une faible bourrasque qu'elle tenterait d'ajuster en fonction de la réactivité de son pouvoir afin d'amener le corps de Samuel vers elle, à la manière d'un tobogan aérien. Elle espérait ainsi le réceptionner dans ses bras du mieux qu'elle pouvait Elle ne voulait pas s'envoler trop haut, préférant plutôt que ce soit Samuel qui vienne à elle en prévision d'une éventuelle défaillance de son pouvoir...

Trop. Ils étaient trop. Et sans qu'il ne comprenne pourquoi, pétrifié qu'il était face a ces monstres qui voulaient en faire leur casse-croute, Blancpoil se retrouva propulsé sur le cadavre du gros lézard. C'était proprement dégoûtant. Son pelage serait surement tâché, en plus de puer la mort. L'odeur infecte en attestait et venait lui agresser les narines. Ses pupilles se dilatèrent et le petit loup dut réprimer un haut-le-coeur. Il tira la langue de dégoût en regardant la pourriture qui lui avait servi de coussin. Mais au moins, cette odeur avait eu le mérite de le réveiller un peu.

Un coup plus loin, et il put apercevoir Tonga aux prises avec l'un des animaux. De l'autre, il y avait Vesna. Ce devait être a cause d'elle si Blancpoil puait la mort maintenant. Il avait honte. Ses trois compagnons se battaient, et lui, il ne faisait rien... ou plutôt, il n'osait rien faire. Même Samuel qui venait de retrouver forme humaine semblait plus courageux que lui. D'ailleurs... il était ou ? Le petit lupin tourna la tête a droite puis a gauche. Personne. Et puis... en haut ?

Il était dans les airs et retombait. Vesna, elle, semblait vouloir l'aider a amortir sa chute. Le coeur de Blancpoil s'emballa.

Mais... si elle l'aide, elle va se retrouver sans défense si le chat l'attaque.

Il ne pouvait pas rester là sans rien faire. Il ferait la honte de son peuple s'il prenait la fuite ou s'il ne bougeait pas la petite griffe. Et puis... les autres étaient en danger.

Sans même réfléchir, Blancpoil se jeta sur le dos du félin toutes griffes dehors pour s'y aggriper solidement, en hurlant dans le langage des loups "laissez-nous tranquille ! Allez-vous en !" sans même le faire exprès, puis donna de grands coups de crocs là il le pouvait.

Découvrant la forêt sous un nouvel angle, Samuel ne pu que d'instinct chercher à se transformer à nouveau, afin d'amortir une chute inévitable. Le précédent, le fauve projeté se tordit dans les airs pour tâcher de retomber sur ses pattes, ce qu'il réussi in extremis. Se concentrant, la moscovite fit appel à ses pouvoirs et, tant bien que mal, ceux-ci répondirent en changeant de puissance de seconde en seconde, un peu comme une ampoule qui peinait à s'allumer. Le suédois pu sentir autour de lui l'air en mouvement freiner sa chute, puis la dévier progressivement comme s'il se trouvait dans un tobogan. Alors que le sol se rapprochait, son propre pouvoir se déclencha finalement et le jeune homme se mua en une sphère d'une luminosité particulièrement violente. Comme si un phare venait de s'allumer devant eux, les mutants se retrouvèrent aveuglés.

Blancpoil s'était reprit et fonçait droit sur le monstre qui, précédemment projeté derrière Vesna, s'était relevé. Le félin face au louveteau montra les crocs et allait à son tour bondir contre le mutant quand la lumière vive provoquée par Samuel le stoppa dans son élan, l'offrant aux griffes de Blancpoil. Ses griffes lacérèrent sans mal aucun l'épaisse fourrure puis la peau pourtant résistante du fauve. Aux prises avec son propre adversaire, Tonga souffrait méchamment des effets du produits dont il avait été aspergé. Les yeux quasiment fermés et l'odorat torturé, il ne pu que griffer à tout va, crevant deux yeux supplémentaires de sa cible encore sonnée par le choc. Son fauve poussa un cri assourdissant en secouant la tête, pour déloger le pangolin qui fut finalement désarçonné et retomba au sol.

A présent aveuglée, Vesna n'avait vu que Blancpoil lui passer à côté. La moscovite fut forcée de détourner les yeux, à l'instar du louveteau qui, agrippé à sa cible, ne pouvait que plissé les yeux pour ne pas perdre de vue sa proie. Samuel matérialisé pu percevoir le fauve qui était tombé avec lui se recroqueviller au sol en geignant face à la violence de la lumière. Il tâcha de reculer en sifflant comme un chat qu'on aurait aspergé d'eau.

Spoiler:

Le combat battait son plein.
Privé de son nez et de ses yeux, Tonga ne pouvait à présent plus se fier qu'à ses oreilles pour se tenir au courant, à son sens de l'équilibre instinctif pour rester debout et à ses nouvelles écailles pour se défendre.
Ayant frappé à l'aveugle, il ne put qu'estimer qu'il avait causé grand dommage à son ennemi en lui labourant les yeux.
Il était sans doute lui aussi aveuglé, ne serait-ce que partiellement.


Toujours est-il que se battre les yeux et les narines fermées, c'est loin d'être le plus pratique.
L'instinct animal, des fois, c'est fun, mais en pleine jungle extra-terrestre, il faudra sans doute bien plus que ça pour sortir de cette mélasse.
Le poil un peu hésitant, il se demandait si confronter ces bêtes était nécessaire. Sûr que si il n'avait pas joué au con contre le zoidberg un peu plus tôt, Tonga serait en bien meilleure condition pour poutrer du minou, mais qu'importe, il n'a pas la possibilité de revenir en arrière et d'effacer cela.
En revanche, aussitôt que possible, il lui faudrait une source d'eau pour se nettoyer le nez et les yeux.

Tonga entendait ses cris et miaulements rauques pester à quelques pas de lui.
Tonga se fia à son audition et tenta de se concentrer sur la source de bruit la plus proche, qui serait sans doute Simba, son gros chat. Il sortit ses griffes et sauta (enfin "espère sauter") sur Simba, décidé à le mettre à terre par la force.