02.03/17.C.Allemagne - Dresde, une petite ville sans histoires... Ou presque...

D'un mouvement assuré, mais qui prouvait qu'il n'était clairement pas habitué à la bagarre, Lukas bouscula l'homme au chapeau pour l'obliger à reculer, laissant à Alyson tout le temps nécessaire pour prendre son téléphone portable. L'homme au sol, voyant la situation dégénérer, reculait en rampant à moitié, démontrant une un bien faible courage. Aux prises avec le passant, le leader frappa pour s'en débarasser mais se figea en voyant que tout lui échappait. Quant au dernier, méchammant ammoché par Alyson, il se tenait la mâchoire en gémissant.

Au téléphone, une standardiste répondit d'une voix calme et neutre, posant quelques questions d'ordre pratique à la mutante sur le lieu, s'il y avait des blessés, le nombre de personnes concernées. En fond, Alyson pouvait entendre le bruit caractéristique d'un clavier d'ordinateur.

Du monde avait commencé à se presser aux différentes fenêtres des bâtiments entourant la place. Des clients étaient sortis du café pour voir ce qui se déroulait. La voix de la standardiste informa.

"Une patrouille arrive dans cinq minutes.."

La foule s'était rapidement densifiée, et semblait avoir pris partit. En effet, les passants faisaient maintenant barrage empêchant les quatres hommes de prendre la poudre d'escampette. Lukas se tourna vers Alyson.

*Pas mal! Maintenant je vais avoir un bon prétexte pour porter plainte et les chasser d'ici. C'est de la tranquilité gagnée pour le centre."

Sous le porche, les mains enfoncées dans les poches, Eden était revenue et semblait détailler la scène avec un certain intérêt, le visage neutre.

Les passants se ruèrent à leur tour dans ce qui aurait pu devenir une bagarre générale.
Comptant sur leur nombre bien supérieur aux quatre rigolos, ceux qui, quelques minutes auparavant n’étaient encore que des observateurs, devinrent une immense chaine humaine les retenant dans leurs mailles.

A l’autre bout du téléphone, la polizei annonça qu’une patrouille allait arriver. Enfin une bonne chose. S’en suivit bien sûr quelques remerciements de Lukas.
Alyson, dont le corps allait être rapidement couvert de quelques bleus s’approcha du bâtiment et s’y adossa en soupirant.
La présence de la blondinette la fit à peine tourner la tête, et d’une voix passablement cassée, la mutante s’adressa à sa consoeur venue très certainement observer ce qui arrivait.

— Bon, on s’y rend maintenant à San Francisco ? Je crois que je devrais m’éloigner de Dresde pendant quelques temps… Histoire de me faire un peu oublier. (Elle toussa, protégeant sa bouche de sa main droite.) La polizei n’apprécie que moyennement ce genre d’esclandres en pleine journée.

A bien y réfléchir, quoi qu’elle fasse, ça finissait toujours comme ça… Ou presque… Son père disait qu’avec le temps ça changerait, mais rien n’y faisait.
Alyson était comme ça, elle avait un caractère bien trempé terré convenablement derrière un calme apparent.
Par ailleurs son cynisme la "protégeait" de quiconque tentait de la déstabiliser, la force de l'habitude dirait-on...

*J’espère au moins que ma moto est toujours garée… Ça fait un moment que je n’ai rien mit pour payer le parcmètre…*

Eden n'avait pas vu grand chose de l'esclandre. A vrai dire, elle aurait préférer assister à tout depuis le début, ne serait-ce que pour se faire une idée. Depuis le hall, elle avait écouté quelques instants les paroles peu polies des agresseurs aux tendances racistes et quand elle était sortie, c'était pour voir Alyson faire face seul à quatre hommes. Les gens avaient mis du temps avant de se décider à intervenir. Signe que le commun des mortels était encore plutôt frileux dès qu'il s'agissait de prendre parti pour des convictions. En revanche, Alyson, elle, avait fait preuve d'un cran plutôt conséquent, ce qui avait le mérite d'inciter au respect.

La perspective de s'en mêler lui avait effleurer les idées. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu'Eden se jetterait dans une situation qui ne la concernait pas par simple concept d'honneur ou d'éthique, mais quelque chose lui disait que de une, Alyson maîtrisait mieux la situation qu'elle ne l'aurait pu, et que de deux, c'était pas sûr que l'allemande apprécie qu'une gamine dans son genre vienne jouer les héros. D'autant plus qu'elle savait se battre, et avec plus de grâce que les coups rustres d'Eden. Elle finit par s'appuyer, l'épaule contre la pierre, toujours à couvert sous le porche, tandis qu'Alyson s'approchait pour s'appuyer elle aussi contre le mur. Son attention se reporta quelques secondes sur la foule. Les quatre types n'en menaient pas large, et la foule continuait à se densifier. Les deux ados plus loin étaient en train de comparer leurs prises de vue du spectacle, tout en tâchant de placer leurs enregistrements sur la toile. Eden en revint à Alyson qui semblait tout de même assez esquintée.

"Ce ne sera pas bien compliquer d'échanger les billets. Il doit bien y avoir un vol ce soir."

Et avec un peu de chance, elles seront à San Francisco le lendemain matin. Eden se redressa pour faire un pas, émergeant de sous le porche. Au loin, on entendait le son typique d'une sirène de police. Malgré le fait qu'elle avait plutôt des affinités avec les forces de l'ordre, quelque chose lui disait que l'Allemagne serait très différente des Etats-Unis. Et la perspective de se faire ficher comme témoin ne l'intéressait pas vraiment.

"Il faudrait aussi voir si vous n'êtes pas blessée."

Bien qu'à voir l'homme qui s'était prise un coup en pleine figure, il y avait fort à parier qu'Alyson avait été de loin celle qui cognait le plus fort. Le son des sirènes devint plus fort et un véhicule blanc et vert barré du traditionnel "Polizei" fit son apparition à l'autre bout de la place. Eden se rapprocha de sa comparse.

"Eloignons-nous."

Elle posa une main sur l'arrière de l'épaule d'Alyson pour appuyer ses dires.

Peut-être que se permettre de la toucher pour la pousser à partir avait été le geste de trop. Face au regard, Eden avait instantanément retiré sa main. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était bien semer un semblant de discorde par un geste déplacé. Pour ne pas prendre le risque de déranger d'avantage Alyson, elle renfonça sa main dans sa poche afin de contenir toute gestuelle malvenue. Elle ne détourna pas autant les yeux, conservant un air plutôt neutre, avec dans l'attitude un notion claire: elle avait compris le message. Plus d'excès de zèle.

Les flics commençaient à entourer la scène, du moins malgré leur nombre clairement limité. L'un d'eux resta dans la voiture pour appeler quelques renforts tandis que les premiers s'en allaient cueillir les fauteurs de trouble sous les explications convaincantes d'un Lukas plutôt motivé pour défendre ses idéaux de paix sur Dresde. Les ados, fiers de leurs enregistrements, se rapprochèrent du véhicules pour dire ce qu'ils avaient vu, comme quelques autres passants qui, de fait, n'avaient pas vu grand chose mais sauraient profiter d'une occasion pour se faire bien voir des forces de l'ordre. D'autres personnes, les moins à l'aise avec la police, commençaient à s'éloigner l'air de rien.

Eden ravala son envie de se presser de quitter les lieux. Peu adepte des mouvements de foules, quand elle ressorti la main de sa poche, ce ne fut que pour tirer un peu plus en avant la visière de sa casquette, tout en hochant la tête à l'information d'Alyson. Celle-ci aurait son moyen de s'en aller tout du moins. Pour le reste, Eden se contenterait d'un taxi.

"Bien, dans ce cas je vais vous laisser aller récupérer vos affaires pendant que j'irais faire modifier les billets. On se retrouve à l'aéroport?"

Ce serait encore la méthode la plus simple. Surtout qu'Alyson risquerait vite de se lasser d'avoir Eden sur le dos. Du moins c'était l'impression qu'elle en tirait.

Regardant Alyson s'éloigner, Eden resta immobile quelques secondes. Bien loin d'elle l'idée de s'imposer, surtout après l'air étrange que l'allemande avait eu plus tôt dans el couloir du CEAM. Tournant la tête vers la foule qui commençait à se disperser, elle choisit de prendre elle aussi la tangente, surtout que les flics, eux, commençaient à se densifier et à partir à la chasse aux infos. Sans compter que puisqu'elle était en Allemagne, elle avait mieux à faire que de passer du temps dans un poste de police. Sans demander son reste, et après être allée récupérer son sac, Eden s'éloigna dans les petites ruelles piétonnes de la vieille ville de Dresde.




C'est avec pas mal d'avance qu'Eden s'était rendue à l'aéroport. Dans une autre partie avant l'espace réservé aux voyageurs, elle s'était installée dans un petit bar pour commander un chocolat chaud et passait le temps en survolant un journal local sans trop d'intérêt. Elle avait laissé tomber sa casquette, bien rangée à présent dans son sac, et avait entrouvert son sweat à fermeture sur un chemisier sans fioritures. Surveillant à intervalles réguliers l'heure sur son téléphone portable, elle termina le fond de sa tasse et alla la rapporter au comptoir. Il était temps d'y aller.

D'un geste machinal, elle repoussa ses cheveux sur son épaule gauche pour passer la lanière de son sac sur son épaule droite. Atteindre l'air des voyageurs ne lui avait pris que quelques minutes et elle allait encore être en avance. Mais c'était sans compter sur l'extrême ponctualité d'Alyson qui était, pour sa part déjà arrivé. Eden s'arrêta quelques secondes, détaillant la jeune femme. Son parfait opposée. Aussi noiraude qu'elle était blonde. Aussi sombre et élégante qu'elle était banale et passe-partout. Inclinant un peu son visage sur le côté, elle remarqua sans mal que beaucoup de passants voyaient leur attention immanquablement attirée par Alyson. Pendant un instant, elle se demanda si elle ne devrait pas elle aussi faire un minimum d'effort pour être plus remarquable, avant que la réalité ne lui rappelle que justement elle avait toujours souhaité l'inverse. Pas de visibilité, pas d'image à devoir tenir. C'eut été trop idéal. Ce qui faisait que bien souvent, elle éprouvait quelque chose qui se rapprochait de l'admiration pour ceux qui ne redoutaient pas d'assumer leur différence, que ce soit volontaire ou non.

Reprenant son avancée, elle glissa une main dans la poche extérieure de son sac de sport pour en sortir les fameux billets ajustés, les sésames pour un nouveau style de vie. elle ne s'arrêta qu'au niveau d'Alyson.

"Contente de voir que vous n'avez pas changé d'avis."

Elle tendit l'un des billets à Alyson,avec un petit sourire qui trahissait une part de soulagement tout de même. Le soucis du devoir bien fait, certainement.

Tout le monde n'avait pas la chance d'avoir sa majorité, surtout de pas avoir un paternel qui avait les moyen juridiques - directs ou pas - de vous pourrir la vie dans un état, si ce n'est plus, sur votre terre natale. Peut-être qu'Eden devrait songer à faire valoir sa double nationalité et s'installer pépère en Allemagne. Enfin ça c'était pour quand elle aurait le droit légal de le faire. Pas gagné. Pour seul réponse, la télékinésiste reprit un air passablement neutre , sauf exception pour un discret haussement des sourcils qui manifesta une certaine incompréhension des paroles hors sujet lancées par Alyson. Ne saisissant pas le lien directe entre une satisfaction de la voir ici et les hommes qui aimait les femmes invisibles (sans doute les adeptes de l'adultère, pour le peu d'assimilation qu'elle était en mesure de faire étant donné son expérience inexistante du sujet), Eden préféra ne pas chercher à aller voir plus loin pour le moment. Alyson faisait partie de ces femmes qui avaient une expérience de vie qui risquait fort de rester insaisissable pour la californienne.

Haussant les épaules comme un accord avec elle-même sur le thème, elle se contenta de suivre l'allemande, deux pas en retraits, se disant que conserver une certaine distance serait encore le meilleur moyen de ne pas se laisser larguer sur des sujets aussi inconnus qu'inintéressant dans l'esprit très standardisé pour ne pas dire innocent d'Eden. Pour sa part, connaissant déjà la direction et la porte, elle n'avait pas besoin de consulter le billet qu'elle rangea dans la poche arrière de son jean tout en réajustant la lanière de son sac en travers de son corps. Le voyage allait être long, avec une escale sur la côte est avant d'arriver à San Francisco. Avec un peu de chance, elles y seront avant midi le lendemain, en tenant compte du décalage horaire.

Spoiler: