01.01/31.C.Brest, France - Retour du collège

Dans son coin, Théo faisait tout pour devenir invisible, et jeta un regard apeuré à Malo quand celui-ci mentionna de nouveau son nom, craignant qu'une association d'idées malsaine ne pousse Lucien à s'intéresser de nouveau à lui.

Ledit Lucien dont le sourire s'agrandit alors qu'il s'apprêtait à répondre à la question. Pour préserver l'instant dramatique, il se mit à marcher plus lentement, ce qui le faisait furieusement ressembler à un culbuto.

- De un, je suis sûr que c'est à cause de toi que je me suis retrouvé avec de l'encre plein les mains. Ca m'a gâché un sweat tout neuf. De deux, j'ai bien compris que tu te fous de ma gueule en classe quand les profs me parlent, fais pas l'innocent.

Il s'approchait de plus en plus.

- De trois, et c'est le plus important, j'aime pas ta tête, minus. Enfin, disons que c'est pour le stylo.

Et avec la grâce et la souplesse d'un éléphanteau, il se jeta les bras en avant sur Malo, voulant transformer l'affrontement en un match de lutte dans lequel il aurait certainement l'avantage.

Visiblement Gros Lucien savourait chaque seconde de l’instant présent, se délectant de l’angoisse grandissante de Malo. Il semblait bien décidé à lui faire payer des mois de frustration, libérant aujourd’hui toute la rancœur accumulée depuis la rentrée.

Comme Gros Lucien s’avançait lentement vers lui, Malo esquissa un pas en arrière vite interrompu en sentant, dans son dos, la présence du comparse gardant la porte de sortie. Coincé entre les deux brutes, la marge de manœuvre était vraiment très mince. La seule bonne nouvelle était l’attitude, jusque là, passive des hommes de mains qui laissaient leur chef régler seul ce « léger » différent.

Esquivant la charge du pachyderme, Malo se glissa sous son bras en faisant un pas de côté. Cette action instinctive, si elle avait l’avantage de le préserver du danger immédiat, avait, par contre, l’inconvénient de l’éloigner de la porte.

Levant les mains en signe d’apaisement, le jeune mutant essayait de temporiser.

- Doucement, on se calme. On s’énerve pas… On peut discuter entre gens civilisés… Montre que t’es pas qu’une grosse brute et laisse partir Théo. Il t’a rien fait du tout. Ca sert à rien de le garder ici…

Malo reculait encore, s’éloignant de la menace. Il s’immobilisa avec un sourire crispé, en sentant, juste derrière lui, un courant d’air froid provenant de la fenêtre restée ouverte.

Le plaquage raté ainsi que les mots "grosse" et "brute" ne firent qu'accroître l'excitation de Lucien, qui se transformait d'ailleurs en énervement.

- La ferme, microbe. Je fais ce que je veux, t'as rien à m'apprendre. Les minus comme toi, je m'en fais des...AAAAH !

Ses paroles se transformèrent en un grand cri tandis que la colère était rapidement remplacée par la peur. Il recula tout en fixant la fenêtre par laquelle il avait invectivé Malo quelques minutes plus tôt, jusqu'à se retrouver le dos collé contre un de ses sbires qui n'avait pas l'air plus rassuré. Même Théo semblait angoissé, malgré la difficulté préalable de sa situation.

La femme asiatique était apparue à la fenêtre comme n'importe qui le ferait par une classique porte d'entrée. Avec toujours le même air neutre sur le visage, elle commença à scruter les personnes présentes, et s'arrêta un peu plus longuement sur Théo.

- Ah...Donc tu es le petit Théo Lemoine, je ne me trompe pas cette fois ?

Théo, acquiesça avec difficulté tout en se recroquevillant, espérant sans doute traverser le mur auquel il était adossé par le même enchantement qui avait amené cette femme à la fenêtre. Elle s'assit ensuite sur le rebord de la fenêtre et regarda Malo.

- Pourrais-tu m'expliquer la situation présente, je te prie ?

Sur le coup, Malo ne comprit pas pourquoi Gros Lucien semblait brusquement avoir peur de lui. Puis il réalisa que le regard de la brute fixait en réalité un point situé dans son dos.
Surpris, le jeune scout tourna la tête et poussa un cri étranglé en faisant un bond sur le coté pour, à la fois, s’éloigner de la fenêtre et ne pas se rapprocher des membres du gang.

- Mince, c’est quoi ce truc ?

Ouvrant des yeux ronds, Malo avait du mal à croire ce qu’il voyait. Comment une femme qu’il avait laissé quelques minutes auparavant devant l’immeuble, les pieds bien posés sur le bitume, pouvait se trouvait de la sorte au quatrième étage, sans avoir l’air de fournir un effort particulier ?

Questionné directement par l’inconnue, le jeune garçon commença par bafouiller, ayant du mal à trouver ses mots.

- Je… Euh… Ben… Euh… On a une petite… Euh… Petite discussion. Oui, voila, c’est ça. On a un petit différent, quoi. Et on est pas trop d’accord sur la façon de le régler…

Au fur et à mesure qu’il donnait des explications embrouillées, Malo se sentait un peu plus sûr de lui. Son cerveau travaillait à toute vitesse pour trouver une explication logique à ce qu’il voyait. L’Asiatique devait être une mutante, il n’y avait aucune autre explication plausible à son arrivée acrobatique. Elle devait se sentir bien forte pour oser faire ainsi état de ses pouvoirs.
L’inquiétude initiale qui se lisait dans les yeux de Malo s’estompa pour être remplacée par un sentiment d’admiration.

- Euh… Et justement, on allait partir, Théo et moi. La discussion est finie…

Fixant toujours l’inconnue, Malo fit un signe à son camarade pour l’inciter à se diriger vers la porte pour quitter la pièce, voulant profiter de la peur qui habitait encore Gros Lucien et ses comparses.
Excité, il ne put néanmoins s’empêcher de questionner la femme.

- Vous faites ça comment, madame ? C’est trop génial votre truc. Vous au moins, vous arrivez à le contrôler et…

Le jeune mutant s’interrompit soudain, conscient de commencer à être trop bavard, surtout en présence d’oreilles inamicales.

La femme asiatique écouta attentivement et sérieusement les explications quelque peu confuses de Malo, pour finir par s'exclamer :

- Et bien, si tout est réglé, c'est parfait !

Elle se retourna vers la fenêtre, prête à faire face à la rue, lorsque Lucien l'apostropha. Visiblement, sa surprise passée, il avait remarqué qu'il était plus grand et plus large que cette empêcheuse de tourmenter en rond, et faisait certainement partie de ces hommes qui considéraient comme honteux d'obéir aux ordres d'une membre du sexe dit faible.

- Hé, pas si vite là ! Non, le minus va pas partir ! On a pas peur de vous, d'abord, on règle nos problèmes entre nous !

La femme tourna légèrement la tête, Malo la voyant désormais de trois-quarts dos. Puis il y'eut comme une illusion d'optique donnant l'impression qu'elle disparaissait durant un bref instant, avant de revenir dans sa position initiale - et au passage, le jeune mutant put sentir la poche contenant le téléphone de Théo s'alléger.

- Mon jeune ami, je te déconseille de me parler sur ce ton, répondit-elle froidement. Je pense que tu le regretterais. Non, à la réflexion, je vais directement prévenir tes parents. Lequel est le tien ?

Sans se retourner complètement, elle montra aux jeunes présents deux téléphones, Malo pouvant reconnaître celui de Théo dans sa main gauche. A cette vue, Lucien pâlit subitement, et déguerpit sans ajouter un mot ni demander son reste, immédiatement suivi par tous ces acolytes qui, eux non plus, ne comprenaient pas par quelle magie les poches de leur chef avaient été fouillées.

La femme attendit quelques secondes, le temps de voir le groupe courir sans prêter attention à la soeur de Théo, puis fit de nouveau face aux deux jeunes scouts.

- J'en déduis que c'est toi qui possèdes des capacités, dit-elle à Malo après quelques secondes de réflexion. Les visions de Lily-Rose sont de plus en plus étranges. Cela explique tes habitudes vestimentaires, je suppose, ajouta-t-elle en référence à leur première véritable rencontre sans méchanceté dans la voix.

Voyant que Théo fixait sans dire un mot son téléphone, elle le lui rendit avec un sourire, puis reposa ses yeux sur Malo.

- Je suis venue pour te rencontrer. Pourrions-nous échanger quelques mots ? Ici ou dehors, comme il te convient.

Soulagé de voir la situation tourner enfin à leur avantage, Malo suivit du regard Gros Lucien et ses comparses dans leur fuite précipitée. Puis, reportant son attention sur la femme qui venait de les sauver, il l'écouta attentivement, rougissant lorsque celle-ci fit allusion à la séance de rhabillage dans le hall de l'immeuble.

- Euh,je... Quelles capacités ?

Bafouillant, le jeune mutant avait du mal à trouver ses mots pour nier ou au moins justifier cela. Il était assez ennuyé que voir que son secret semblait ne plus en être un, du moins pour l'Asiatique. Pourvu que personne d'autre ne s'en soit rendu compte, et surtout pas Lucien, car sinon, sa vie risquait de devenir un enfer au collège.

Regardant Théo qui fixait toujours son téléphone intact, en se demandant par quel miracle ce dernier pouvait avoir survécu à la chute de quatre étages, Malo houspilla gentiment son copain pour le secouer.

- Eh, relax mec, c'est fini... La dame veut me parler... Tu permets qu'on reste ici ? Il flotte un max dehors toujours...

Puis, reportant son attention sur Emily, Malo sourit de façon un peu crispée.

- C'est quoi cette histoire de visions ? Euh, Théo peut rester ou c'est vraiment privé ce que vous avez à me dire ?

Bien qu'elle leur ait sauvé la mise, Le jeune garçon n'avait qu'une confiance limitée dans l'inconnue et préférait ne pas rester seul avec elle. Il repensait avec un peu de gêne à la façon dont elle était arrivée jusqu'à la pièce ainsi qu'à ce léger trouble de la vue qu'il avait eu et auxquels il n'arrivait toujours pas à trouver de réponse logique.

Avec un petit sourire, la femme se contenta de répondre à Malo :

- Hé bien, je ne sais pas, justement. Quelles sont tes capacités ?

Théo semblait plus rassuré depuis qu'il avait repris possession de son téléphone, qu'il gardait serré dans sa main comme pour être certain qu'il était bien en un seul morceau.

- Bah, si tu veux. Je vais inspecter le local, j'étais venu pour ça à la base.

Il commença à faire le tour de la pièce, quasiment vide à l'exception de quelques meubles en triste état, en inspectant les murs, le plafond et le sol comme un acheteur potentiel. La femme le suivit des yeux durant plusieurs secondes, réfléchit, puis finit par dire :

- Il peut rester, je suppose. Les visions sont....des éléments que je ne peux expliquer avant que nous ne parvenions à un accord de principe. Passant du coq à l'âne, elle poursuivit : As-tu entendu parler des Pères Fondateurs ? Je suis en quelque sorte une de leurs adversaires, et avec mes collègues, je parcours le monde pour recruter des forces à même de défendre l'image des mutants.

Elle avait lâché le mot sans paraître gênée de le faire. Elle s'arrêta là, laissant Malo parvenir seul à ses conclusions. Théo avait fini par se souvenir de l'existence de sa soeur, et s'était précipité à la fenêtre pour lui demander de monter. Il semblait assez peu concerné par la conversation.

Voila, on y était. Le mot "mutants" venait d'être lâché. Malo tiqua, regardant rapidement autour de lui pour s'assurer que personne d'autre n'écoutait la conversation. Il ne s'était pas donné la peine de cacher ses aptitudes à tous pour que celles-ci soient ainsi brutalement dévoilées. Le jeune garçon gardait en mémoire les reportages vus à la télévision, paniquant à la vue des manifestations hostiles contre ceux qui, justement, n'étaient pas comme les autres parce qu'ils possédaient une espèce de pouvoir.

Heureusement Théo semblait ne pas trop s'intéresser à la conversation. Bien que Malo ait entière confiance en son ami, il ne savait pas quelle pourrait être sa réaction en apprenant son statut de mutant.

- Euh, oui, j'ai vu des trucs aux infos à la télé sur les Pères Fondateurs, répondit-il en baissant la voix. C'est pas ces espèces de terroristes qui...

S'interrompant soudain, Malo fixa Emily, l'air surpris.

- Mais, c'est pas des mutants, eux, justement ? C'est quoi qui se passe ? Y'a une guerre entre mutants ?

Visiblement perturbé, le jeune scout se passa la main dans ses cheveux encore bien mouillés.

- Mais, en quoi je suis concerné ? Je, je veux bien vous aider mais je fais pas le poids, moi. J'suis encore au collège. Et mes parents ? Ils vont dire quoi ?

Malo était partagé, fasciné par les propos de l'Asiatique qui lui ouvraient des horizons inconnus mais également terrifié à l'idée de tout laisser pour cela. Une bataille se livrait dans la tête du garçon. Y avait-il là enfin, le moyen d'arriver à maîtriser un pouvoir que Malo jugeait plus gênant qu'utile.

- Et vous avez vu aussi, non ? Je suis trop nul, j'sais pas faire grand chose...

Tout en parlant, avec un sourire désabusé, Malo souleva légèrement sa jambe de pantalon, montrant qu'il n'avait pas de chaussette, suite à son rhabillage beaucoup trop rapide.

La femme restait assise, ses yeux ne quittant Malo que pour suivre les déambulations de Théo qui fut bientôt rejoint par sa soeur. En entrant dans la pièce, celle-ci fixa l'inconnue, ouvrit la bouche, puis se ravisa en voyant qu'elle conversait avec l'ami de son frère. Selon toute probabilité, elle l'avait vue grimper à la fenêtre.

- Non, il ne s'agit pas d'une guerre. Nous ne sommes pas une armée. Nous ne sommes que des mutants qui souhaitent donner une bonne image d'eux-mêmes. Une image correcte, tout du moins.

Elle eut un petit rire, comme s'il s'agissait d'une plaisanterie qu'elle seule pouvait comprendre.

- En réalité, je suis plutôt professeur. En compagnie de mes collègues, nous recherchons de jeunes mutants, et leur proposons de nous rejoindre afin d'apprendre à maîtriser leurs capacités. Notre objectif est de former une génération capable de combattre les agissements déplorables de certains de nos congénères. Les Pères Fondateurs sont l'exemple le plus évident.

Elle sortit de son sac deux enveloppes. L'une d'elle était décorée d'un petit dessin, un drapeau tricolore planté sur le territoire français à la manière de la page de garde d'Astérix - mais le poteau pointait sur Brest. L'autre était blanche et non refermée.

- Voici ce que je te propose. Dans la première enveloppe, il y'a un mot qui donnera à tes parents toutes les explications disponibles sur notre fonctionnement. Il y a même le numéro de téléphone du très compétent M. Szatanik, qui se fait toujours une joie de prendre sur son temps libre pour répondre aux sollicitations. Dans l'autre, il y'a un billet d'avion, si tu acceptes de nous rejoindre.

Elle sauta sur ses pieds, et tendit les enveloppes à Malo.

- Prends-les si cela t'intéresse. Ah, et j'oubliais : je m'appelle Emily. Emily Wong.

- Enchanté madame, répondit machinalement le jeune garçon. Moi c'est Malo, Malo Le Pouhibec. Mais, j'suis bête, j'vous l'ai déjà dit...

Toutes ces explications s’embrouillaient un peu dans la cervelle de Malo mais les pièces du puzzle se mettaient progressivement en place. Ainsi cette femme était bien à sa recherche et lui proposait de jouer un rôle dans cette opération de réhabilitation de la cause des mutants pour montrer au monde que tous n’étaient pas aussi pourris que ces espèces de terroristes qui se faisaient appeler les Pères Fondateurs.

- Euh, moi ça me botte vot’ truc, madame Wong. J’espère que mes parents seront du même avis.

Saisissant les enveloppes, Malo jeta un regard admiratif vers Emily. Si tous les profs étaient sur le même modèle, le jeune garçon allait vraiment apprécier cette école. Cela le changerait agréablement des vieilles badernes de son collège.

- C’est vrai, qu’avec vous, je vais vraiment apprendre à maîtriser mes déplacements ? Si vous faites en sorte que mon premier réflexe après un saut ne soit plus de me trouver un boxer, je marche de suite avec vous… On part quand ?

L’excitation se lisait clairement dans le regard du jeune mutant, prêt, comme souvent les jeunes de son âge, à s’enflammer pour une cause. Il ne lui restait plus qu’à rentrer chez lui et à convaincre ses parents, ce qui ne serait peut-être pas le plus facile…

Le visage de Malo se figea un instant. Le jeune Breton semblait brusquement pris d'un doute soudain.

- J'espère qu'au moins y'a du beurre au p'tit déj, dans votre école...

- Je ne peux pas te dire quels progrès tu feras, Malo. Je ne connais pas ton pouvoir. Mais je suppose que tu apprendras à te téléporter habillé.

Emily songea à ce téléporteur enlevé par les Pères Fondateurs. S'il était incapable de conserver sa dignité lors des utilisations de son pouvoir, il ne serait sans doute pas devenu premier violon d'un orchestre philharmonique.

- Tu devrais aussi apprendre à utiliser tes capacités plus fréquemment, à diminuer la fatigue qui en découle. La date de ton départ est indiquée sur les billets, je crois que le vol part dans trois jours. Appelle-moi si tu obtiens leur aval.

Elle se retourna vers la fenêtre, ne considérant même pas l'existence d'autres accès dans la pièce. Alors qu'elle allait clairement sauter pour sortir du bâtiment, elle eut un flash et conclut par :

- Nous ne vivons pas dans un cinq étoiles. Mais tu devrais avoir du beurre au petit-déjeuner. Cela dit, je conseille généralement les céréales. Meilleur valeur énergétique.

Emily bondit enfin, et l'absence de cris d'agonie indiquait qu'elle s'était réceptionnée sans souci. Lorsque Théo - qui n'avait rien, mais alors rien suivi de la conversation - s'approcha de la fenêtre, il sembla la chercher du regard pendant quelques secondes, sans succès.

Citation :

Voici la fin de ta mission de contact, merci beaucoup pour ta patience, et désolé pour le retard dans la conclusion ! Tu peux ajouter 2 points à ton diagramme. Cette mission a eu lieu le 31 janvier, soit 4 jours avant ton arrivée aux Etats-Unis. J'espère que tout cela t'aura plu. Bon jeu !