03.05/31.L.Alaska+faits+divers+Neith+Harlow+14+heures

Le <bureau de la directrice> avait beaucoup subi suite à l'attaque des Csatars, notamment une méchante inondation qui avait ruiné tapisseries, plafond, sols, et meubles en bois et cuirs old-school que Mask avait affectionnés. Fichu le tapis persan, brisées les lampes à abat-jour rétro et les photos sous verre. Tout était parti à la benne lors des travaux de réfection.

La directrice avait été trop accaparée par les problèmes du quotidien, trop soucieuse de l'avenir, pour se préoccuper de décoration. Son bureau était donc réduit à la plus simple -et froide- expression.


Le mobilier acheté en un kit et en un clic était simple, rigide et fonctionnel. Le blanc et le gris métallique régnaient en maître. Le sol et les murs demeuraient en béton. Tout pouvait aisément laisser penser que l'architecte intérieur n'avait été autre que Danger.

Seules les ampoules jaunes et quelques couvertures colorées de dossiers venaient tromper cette harmonie réfrigérante.

Assise à son bureau dans son grand fauteuil blanc, Lily-Rose se tenait raide et pensive, le regard d'acier.


Son impatience grimpait à la mesure de sa colère. La cause était-elle cette "alerte de routine" envoyée à l'instant par Danger lui signalant un "dommage mineur de façade effectué par l'élément [Tonga] au niveau de [dortoir_fille]" ?

Elle soupira. Elle consulta une fois encore sa messagerie, par réflexe. Mais rien. Enfin si, un message de la nouvelle venue, Lucie Roussel, intitulé "activité suspecte", qui mentionnait des animaux mécaniques en Alaska ... La doyenne n'y avait pas encore répondu, mais cela avait alimenté ses sombres réflexions.

Le téléphone toujours muet lui aussi. Pourtant elle en avait eu des sollicitations, depuis les missions récentes des jeunes X-Men qui avaient attisé les appétits d'une partie de la presse. Mais cela n'avait fait qu'exaspérer davantage la mutante pour qui les relations publiques étaient le dernier des hobbies. Elle attendait autre chose.

Non, décidément, ce n'était plus tenable. Il était d'ailleurs étonnant que les élèves n'aient pas émis de protestations. Leur état de fatigue sans doute, ou leur lassitude, ou bien ...

Elle prit son smartphone et enregistra un message à l'adresse de sa seule et unique "collègue", Neith.

Mask a écrit:

Madame Harlow, une réunion s'impose. 14 h aujourd'hui je vous prie.

Elle le reposa et remit les yeux sur le moteur de recherche qui n'avait encore rien donné d'intéressant à ses requêtes répétées à base de :
< Alaska+faits+divers+animaux+mécaniques+robot+phénomènes+2045 >

Là où la jeune journaliste Roussel avait fait chou blanc, la old-X-woman pouvait-elle espérer réussir ? ...

Ici aussi, il y avait de quoi être de mauvaise humeur à Graymalkin.

14h, donc. C'était soudain. En temps normal, elle était plutôt avertie la veille quand Madame Donowho souhaitait "discuter". Si encore elles avaient eu un jour une véritable discussion pleine d'humanité et de partage. Leurs échanges étaient purement fonctionnels et empreints de ces politesses à la limite de l'hypocrisie. Neith avait quelques petites idées sur le but d'une réunion de dernière minute et aucune n'était particulièrement réjouissantes. Quand elle-même organisait des conversations-surprises, c'était surtout dans le but d'avoir un interlocuteur le moins préparé possible. Mais peut-être était-elle trop négative. Peut-être Lily-Rose avait-elle révisé son jugement et lui offrirait-elle un accès à Cérébra? Quelle naïveté.

Alors elle avait pris le temps, un peu plus tôt, de faire des choses sans aucun rapport direct avec Lily-Rose. Un petit échange cordial de mails avec Madame Beckett, sa supérieure directe à l'ONE, puis un autre message un peu plus formel avec son avocat, pour quelques petits détails de séparations des biens, puis finalement elle avait eu un coup de téléphone avec une ancienne collège de Washington, avec laquelle elle avait partagé des pures superficialités telles que le temps, une petite idée pour parfumer du thé un peu fade, quelques aléas du quotidien tels une chaussette rouge oubliée dans une lessive de blanc... Des choses vraiment banales mais ô combien divertissantes!

Puis quand tout fut terminé, la réalité de Graymalkin revint. Elle se demanda simplement comment Timour s'en sortirait avec son devoir imposé. Elle estima qu'il devait considérer la punition comme un acte contre-nature. Aurait-elle mal pris qu'on la prive de télépathie? Assurément. Mais si les punitions devenaient agréables, elles en perdraient leur utilité. Vesna de son côté donnait des signes encourageants de reprise en main. Quant à Jane... Etant donné son état de santé, le yoga allait devoir encore un peu attendre. Néanmoins, elle avait déjà pris la liberté d'évoquer sa venue prochaine au professeur.

L'alarme de son téléphone sonna. Il était temps de se jeter dans la gueule du loup. N'ayant qu'une idée vague du motif, elle ne prit rien avec elle, si ce n'était un petit calepin avec son stylo qu'elle glissa dans la poche de son blaser. Quittant son bureau, elle traversa juste le couloir pour faire face au bureau devenu aseptisé de la directrice. D'un geste rapide, elle lissa sa jupe et toqua simplement, attendant la réponse pour ouvrir la porte le plus naturellement du monde et afficher un sourire aimable.

"Bonjour Madame Donowho."

Elle entra dans la pièce et referma la porte derrière elle. Les réunions se font en privé.

"Sur quoi portera la réunion du jour?"

A l'heure dite la télépathe arriva et Lily-Rose eut le temps de détailler sa mine et sa mise générales tandis qu'elle approchait vers le seul siège blanc disponible. Un simple calepin dans la poche indiquait toute la bonne volonté de la collègue, ce qui était à son honneur. Mask apprécia qu'elle ait refermé la porte pour plus de discrétion. Toutes deux avaient une certaine idée du sujet de la réunion mais la directrice ne fit pas plus longtemps de mystère, son impatience aidant.

"A votre avis Madame Harlow ?" Commença-t-elle d'un ton assez tranchant. "J'aimerais que vous me donniez des nouvelles de Mme Beckett, par exemple."

Son regard d'acier et son maintien raide ne laissaient que peu de place à la cordialité. Mask, il est vrai, était un peu à cran. Elle fronça les sourcils et fit glisser ses coudes sur la table en verre pour joindre ses mains sous son menton. Elle prit le temps de souffler tranquillement et fit l'effort de s'adoucir, même si l'effort en lui même fut visible.

"Quelle est votre opinion sur la situation ? Trouvez-vous normal que les ressources récupérées par les X-Men lors de missions dangereuses leur soient inaccessibles après quinze jours de rétention par le Bureau National d'Urgence ?"

Elle haussa un sourcil, pour prendre Neith à témoin du caractère purement rhétorique de la question.

Sur son écran d'ordinateur, Danger nourrissait un petit bandeau d'information en continu, indiquant notamment que la salle d'infirmerie venait d'être activée, mais l'attention de la directrice était tout à sa réunion. Elle en avait enchaîné ces jours-ci, des réunions, mais moins avec la télépathe qu'avec le nouveau venu Aurock.

Depuis son arrivée quatre jours auparavant, l'homme-bovidé avait consacré la majeure partie de son temps à se soigner (tout comme certains élèves...), reprendre des forces et subir les entretiens de la X-Woman (contrairement aux élèves). Ainsi la directrice était-elle rompue à l'exercice de l'interrogatoire.

Et bien l'accueil avait le mérite d'être assez sincère dans sa froideur. Neith ne s'attendait pas non plus à voir Lily-Rose lui souhaiter la bienvenue avec un gros câlin, ça aurait été certainement bien plus inquiétant encore. Elle ne changea pas pour autant d'attitude et resta parfaitement professionnelle. Elle prit place et croisa simplement les jambes, ne prenant absolument pas le tranchant du ton pour une attaque personnelle. La directrice devait être cran et elle avait des raisons valables. Tout comme l'ONE avait ses raisons de prendre du temps à décortiquer les données récupérées. Beckett n'avait pas tort, il valait mieux rester prudents dans la mesure où un ex membre des Pères Fondateurs, un terroriste aux yeux du gouvernement, se promenait maintenant librement parmi ceux qui avaient pourtant libérer le pays. Neith ne jugeait pas ce Valet. Elle savait d'expérience qu'il y avait pas mal de personnes qui se faisaient prendre dans des engrenages qui leur échappaient. Les véritables criminels étaient plus rares qu'on ne le pensait.

"Je n'ai malheureusement pas d'information supplémentaire sur le sujet. Croyez bien que j'en suis navrée."

Madame Harlow avait l'air parfaitement sincère en prononçant ces paroles. Puisqu'il s'agissait plus d'un interrogatoire que d'un mandat à lui fournir, elle laissa son calepin dans sa poche et croisa simplement ses doigts autour de son genou.

"Il semblerait que les supports de données récupérés n'aient pas encore fourni de résultats suffisamment complets pour que je puisse obtenir un rapport exploitable."

Elle resta passablement stoïque. Dans la situation présente, et étant donné l'effort que devait faire la directrice pour rester posée et ne pas s'emporter, Neith allait servir de bouc émissaire, parfaitement située entre les x-men et le Bureau. Néanmoins elle aussi se demandait pourquoi le travail prenait autant de temps. Beckett aurait pu déjà lui donner ce qu'ils avaient, après tout cibler les informations utiles était la spécialité de Neith.

"Je ne doute pas un seul instant que Madame Beckett m'informera dès qu'elle obtiendra des réponses concluantes."

Elle aurait pu répondre à Lily-Rose. La question n'était pas si rhétorique que ça et il lui restait tout de même de l'argumentaire pour justifier les choix de ses employeurs. Mais ce ne serait pas une bonne idée de jeter aussi clairement de l'huile sur le feu.

"Pardon ? Un "rapport exploitable" ? Qui êtes-vous pour en juger ?"

Éructa la doyenne avec irritation, mettant sans ménagement Harlow dans le même sac que les fédéraux et certainement pas dans le sien. Si la métamorphe était restée de marbre, ses yeux n'en avaient pas moins lancé des éclairs à répétition, tout au long des réponses bureaucratiques de son interlocutrice. Le dialogue s'engageait sur une méchante pente et le ton grinça sensiblement quand la doyenne appuya son index sur la surface froide du bureau.

"Permettez que je commence fortement à douter que Mme Beckett vous apporte quoi que ce soit. Pourquoi ne recevons-nous pas les supports bruts, maintenant que l'ONE a eu largement le temps de les copier ? Ou bien les supports bruts déjà analysés ? Pourquoi n'avons nous RIEN ? Comment ne devrais-je pas nous sentir trahis, sinon bernés ?"

Elle se redressa de tout son long en s'appuyant contre le rebord de la table d'un coude, pendant que l'autre main désignait la télépathe du doigt.

"Je m'inquiète, Madame Harlow, de ce que cette rétention d'information va nuire terriblement à la confiance que les élèves nous portent. A vous, à moi, à l'ONE évidemment. Par la grâce de Dieu, apportez-moi des semblants d'explications plus convaincantes. Ou plutôt ! Exigez de votre supérieure que nous assistions à leurs travaux. Ce mépris total à notre égard me met hors de moi."

Fit-elle en retenant son souffle, très remontée par cette situation insupportable. Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties, c'était le cas de le dire.

Les réponses standardes et officielles ne suffisaient plus. Neith avait parfaitement conscience que dès à présent, et grâce à la lenteur de Beckett, Lily-Rose avait toutes les excuses de son côté pour la discréditer. Elle n'était qu'un agent du gouvernement venue mettre son nez dans les affaires privées des X-men. L'ONE avait bien fait son travail, ils avaient obtenu ce qu'ils voulaient, sans trop d'égard pour ceux qui avaient été risquer leur peau. En temps normal elle aurait silencieusement applaudit cet état de fait. Pratique, pas de prise de risque, que du bénéfice. Mais il ne s'agissait as d'une autre agence ou d'un département qui se faisait exploiter. Il s'agissait ici d'enfants pour la plupart, des jeunes qui avaient valeureusement libérés la nations et se retrouvaient maintenant utilisés. Il existait quelques limites éthiques à ne pas trop franchir, même pour Madame Harlow.

Pourtant elle ne dit rien. Elle avait été envoyée ici pour aider et tenir la position du Bureau. Aussi ne jugea-t-elle pas opportun d'interrompre la directrice qui, emportée par son énervement, la considérait comme l'ONE personnifiée pour lui reverser tout son mépris pour l'organisation. Qu'il en soit ainsi. Elle n'allait pas nier les méthodes parfois douteuse de ses employeurs.

"Evitons de parler de mépris, ce serait mettre dans cette affaire des notions bien trop personnelles et hélas assez peu constructives."

Elle décroisa les jambes pour les recroiser dans l'autre sens. Il allait falloir passer de la passivité à l'offensive? Pourquoi pas, après tout Lily-Rose attendait une explication. Ou peut-être espérait-elle qu'il n'y en ait pas l'ombre d'une trace pour appuyer son opinion quant au fonctionnement de l'agence gouvernementale.

"Je ne vais émettre ici qu'une hypothèse. Mais partant du principe que dans les faits, vous avez été récupérer un ancien membre des Pères Fondateurs, ce groupe contre lequel vous vous êtes si bien battu, il me semble relativement légitime de la part de l'ONE ne veiller à mettre en sécurité certaines données potentiellement sensibles pour le bien de tous. Bien que je n'approuve pas l'attitude de mes supérieurs, je dois bien avouer que je peux comprendre ce genre de position. Le gouvernement a déjà souffert du coup d'état précédent et quand bien même les X-men ont fait preuve d'un courage et d'un héroïsme remarquable, il est inconcevable pour quelqu'un comme Madame Beckett de laisser de telles informations à proximité d'un ancien terroriste, sous la surveillance d'une seule dame de votre expérience entourée d'enfants, aussi mutants soient-ils."

Peut-être aurait-elle dû parler de "vieille dame" au lieu d'expérience, mais ça n'aurait pas été très diplomate. Sa tirade n'était pas totalement achevée, et elle ne laissa flotter que quelques secondes, détaillant avec un intérêt certain la réaction de sa vis-à-vis avant de poursuivre.

"Mais je suppose qu'aussi valable que puisse être cette justification, elle ne fera que vous mettre d'avantage hors de vous, n'est-ce pas? Qu'en est-il exactement de cette discussion Madame Dnowho? Parlons-nous réellement de lenteurs administratives ou ne s'agirait-il pas plutôt d'une histoire de ressentiment personnel et injustifié à l'égard de du Bureau National d'Urgence? Que me reprochez-vous au juste?"

Lily-Rose fronça les sourcils, le regard dur, sans concession devant la télépathe. Cette dernière ne pliait pas et ajoutait même argument sur argument pour défendre sa précaire position, située quelque part entre le marteau et l'enclume.

La directrice, elle, voyait rouge, et répliqua sans détour d'une voix au calme forcé.

"Ne mélangez pas tout Madame Harlow, il ne s'agit ni de moi, ni de vous, mais de cette institution et des enfants qui s'y trouvent sous ma responsabilité. Entendez-moi bien : le Bureau n'a aucun droit sur la façon dont fonctionne l'établissement, ni aucun droit de regard sur les buts qu'il poursuit ou les affaires qu'il traite, encore moins sur sa gestion interne. J'ai accepté de coopérer, par la force des choses, c'est un fait, mais l'offense que nous subissons reste intolérable et n'était nullement prévue dans l'accord initial."

Raide, digne, sa voix tranchait toujours dans le vif, et le ton montait sensiblement.

"Je parle bien d'offense Madame, car c'est ce que je ressens profondément quand je vois comment des jeunes mutants sont traités, comme de la chair à canon bon marché, par vos services. Cela n'a rien à voir avec un "ressentiment injustifié". J'ignore comment vous pouvez vous regarder dans une glace face à votre cynisme. Vous désapprouvez, mais vous respectez sans broncher les décisions honteuses de vos supérieurs ? Je suis ulcérée ! Que serait-il advenu si j'avais fait de même avec les décisions des Pères Fondateurs ?"

Et elle ajouta avec un dégoût visible.

"Vous êtes lâche, voici mon reproche. Lâche et immorale."

La colère de la doyenne lui rosissait les joues à présent. Elle fixait intensément Neith, guettant avec fureur le moindre signe d'insolence ou de provocation. Elle continua à parler, rebondissant sur l'argument de la mutante à propos du sauvetage du Père Fondateur belge.

"Beckett n'a aucune idée des ambiguïtés qui existaient chez les Pères Fondateurs, des ressorts de cette organisation et des personnalités parfois contradictoires de ses membres. Ce n'est qu'une bureaucrate à la solde d'une idéologie profondément anti-mutante, sous couvert de sécurité d’État. Qu'elle nous prouve le contraire en rendant aux X-Men ce qui leur est dû. Quant à vous, Madame Harlow..."

Elle prit une ferme inspiration et l'empêcha d'interrompre par un geste du bras et un regard sans équivoque.

"Tout nous sépare, vous n'êtes pas digne des X-Men. Mais suite à nos accords vous êtes membre à part entière de l'équipe pédagogique. N'est-ce pas ? J'estime donc que vous n'avez pas à gérer les relations avec le Bureau, qui sont du ressort de la direction. Je vous demande donc de prévenir Mme Beckett qu'elle devra s'adresser directement à moi, et moi à elle, d'égal à égal, pendant que vous assurerez vos cours. Les jeunes en ont grandement besoin. Est-ce trop difficile ? Vous faites ce que vous voulez dans votre sphère privée, mais ici votre travail à plein temps est l'enseignement, l'encadrement et le soutien. Quant à surveiller le terroriste Aurock, cela vous sera facile si quelqu'un vous en donne l'ordre car il est désormais votre collègue pour assurer ces mêmes missions. J'ai pris cette décision ce matin."

Elle défia Neith du regard de contredire ce choix. Ce n'était de toute façon pas avec un seule enseignante espionne à temps partiel qu'elle arriverait à quelque chose avec les jeunes. Il fallait du renfort et Aurock ne serait pas pire qu'une agent du gouvernement.

Lily-Rose regrettait-elle le temps où elle travaillait en équipe, d'égal à égal avec ses partenaires ? Sans doute. Mais il fallait s'adapter à toute situation et elle avait mûrement réfléchi ses choix présents.

Oh, non non, Neith ne chercha aucunement à interrompre une dame qui s'emportait. Elle pensa d'ailleurs que soit Lily-Rose en avait trop sur le dos pour feindre l'indifférence, soit sa gestion du stress laissait à désirer. En tous les cas, elle ne voulait pas entrer dans une confrontation directe. Tout n'était qu'affaire d'argumentation plus ou moins valable, et de sentiments personnels trop subjectifs. Chacuns avaient leur importance, dans une certaine mesure et elle préférait de loin laisser la directrice s'exprimer ouvertement, puisque jusqu'ici elles n'avaient échangé que des politesses politiquement correctes en jouant à la langue de bois. Elle laissa le flot s'écouler, conservant une distance qui lui faisait transparaître sur le visage comme un air de profonde sérénité. Lily-Rose avait raison sur pas mal de points, et elle défendait la position comme les intérêts des x-men. C'était là son rôle premier après tout. Néanmoins il ne s'agissait pas que de petites sensibilités heurtées. Elle ne pu cependant contenir un air de légère surprise face à la révélation de la directrice. Monsieur Valet, un collègue? Un homme au passé lourd directement catapulté à la hiérarchie de Graymalkin? Cela lui parut soudain et fort peu avisé. Néanmoins elle n'avait pas été envoyée ici pour juger des choix d'embauche de la directrice. Son travail était tout autre. Elle devait aider, servir d'intermédiaire, et non donner son avis. Elle se permit donc de prendre la parole à son tour.

"Permettez-mois de signaler que tant qu'il s'agira de sécurité nationale, le Bureau a toute autorité. Bien que je sois d'accord avec vous dans l'ensemble de vos propos, protéger ce pays passera aux yeux de l'ONE toujours bien avant des considérations telles que des sentiments d'outrages très personnels et, pardonnez-moi de le dire, bien loin des considérations héroïques et altruistes dont les X-men ont fait preuve en renversant les Pères Fondateurs au pouvoir."

Elle fixa Lily-Rose droit dans les yeux, sans même ciller un seul instant.

"Vous pouvez me juger, émettre tous les avis personnels quant à ma personne, j'avoue que cela ne m'inspire qu'un léger étonnement venant de la part de quelqu'un qui jauge tout un organisme gouvernementale et d'un autre côté prône les divergeances d'esprit et d'éthique des membres d'un groupe terroriste. Je vais devoir vous demander de laisser de côté vos opinions personnelles et de redevenir un peu plus objective, Madame la directrice."

Provocation? Là oui. Juste un petit peu mais c'était de bonne guerre.

"Faîtes ce que vous souhaitez du statut de Monsieur Valet. Je trouve cette initiative risquée, mais après tout, vous êtes à la tête de cet établissement, vous avez donc posément considérer les risques. Quant à Madame Beckett, je vous invite à prendre contact avec elle, mais je peux déjà vous dire, et croyez bien que j'en suis désolée, qu'elle risque fort de préférer passer par moi afin sans doute de s'éviter des débats comme celui que nous avons en ce moment-même."

Elle alla même, sans gêne aucune, jusqu'à afficher un sourire tout à fait radieux, dans une énième provocation sans doute.

"Quant à ma position au sein de l'équipe pédagogique, je suis tout à fait d'accord avec vous! Il me plairait bien de veiller à aider ces jeunes à développer leurs dons. Mais pour ce faire, je crains qu'il ne me faille avoir accès à quelques petites choses dont vous me privez en ce moment-même. Tout d'abord, je tiens à avoir les accès du plein contrôle de la salle des dangers. Et à parler de Danger, je désire également que cette dernière puisse me livrer sans filtre aucun toutes les informations dont je puisse avoir besoin concernant les mutants vivant ou ayant vécu au sein de votre groupe. Ce qui signifie également des informations concernant Monsieur Valet, bien entendu. Si vous voulez mon plein dévouement, je vais devoir demander une certaine transparence afin de pouvoir vous fournir un travail de qualité."

Plus Neith parlait et plus elle s'enfonçait dans les tréfonds de l'estime de la directrice. Provocation, manipulation, hypocrisie s'enchaînaient chez la télépathe avec l'aisance d'un poisson dans l'eau. Et elle avait en prime le toupet de s'estimer largement d'accord avec la X-Woman... Sans aucun doute, cette femme était très douée pour la politique mais peu pour la diplomatie. Elle parvint ainsi à désarmer la métamorphe.

"Vous m'épuisez, Neith Harlow. Discuter avec vous ne mène nulle part puisque vous me déniez toute légitimité à représenter ou seulement exprimer l'intérêt et les valeurs des X-Men. Restons-en là."

Dit-elle froidement en se massant légèrement le front entre le pouce et l'index. Les X-Men étaient tombés bien bas avec cette espionne cynique dans leurs rangs et malheureusement, Mask était seule et minoritaire. Pour le moment du moins. L'ombre de l'ONE devenait de plus en plus étouffante, c'était bien cher payé les quelques services que le Bureau avait rendu en l'absence des occupants de Graymalkin. Lily-Rose avait de quoi se mordre les doigts de cette "coopération".

"Je passerai par Mme Beckett directement et si elle présente la même attitude que vous, je ne suis pas en mesure de prédire ce qu'il se passera."

Rétorqua-t-elle en forme de réponse du berger à la bergère. Des couleuvres, elle estimait en avoir avalé assez. La doyenne émit donc un sourire peu amène, et secoua lentement la tête aux demandes inconsidérées de celle qui se payait sa tête depuis le début de l'entretien, et sans doute même avant.

"Votre enthousiasme fait plaisir à voir, mais on fait des merveilles avec un tableau noir et des craies vous savez ?"

Elle joignit ses deux mains devant elle sur la table, et consulta brièvement, pour la forme, l'écran de son ordinateur, avant de revenir sur l'insolente.

"Danger ne livrera jamais de telles informations et encore moins un contrôle quelconque à qui n'est pas X-Men. Cela fait partie de son programme, et en l’occurrence cela est tout à fait prudent, vous en conviendrez. Quant aux informations sur M. Valet, le mieux est que vous alliez lui parler. Vous constaterez qu'il a de grandes qualités humaines, si vous êtes objective bien sûr."

Elle désigna d'un geste la porte du bureau, le regard toujours aussi acérée qu'au début de leur entretien.

"Je vais voir avec Danger par quelles procédures indirectes et sécurisées vous et Aurock pourriez éventuellement lancer des programmes de simulation pour les élèves. Mais pour tout le reste, ne comptez plus sur ma coopération tant que l'ONE n'aura pas rendu aux X-Men ce pour quoi ils ont risqué leur vie."

Heureusement pour Neith, son emploi ne dépendait pas de l'estime que lui portait Lily-Rose. Cette dernière rendit les armes d'une certaine manière. Non pas que Madame Harlow aurait rechigner à pousser plus loin le débat, mais les faits étaient là: l'ONE faisait de la rétention d'informations et la directrice de Graymalkin jouait les outragées. Neith était idéalement placée pour lui passer les nerfs. A quoi bon la menacer de passer par Beckett alors qu'elle avait eu largement le temps de le faire? Si elle-même n'avait obtenu que peu de réponses, elle doutait qu'une femme qui n'avait pas la confiance de sa patronne puisse en obtenir plus. Mais cela ne coûtait rien d'essayer. Elle eut un début de rire réellement amusé quand Lily-Rose parla de tableau et de craie. Allons donc!

"Oui, les craies... J'avais oublié à quel point ce genre d'outil pouvait contrer les largesses d'usages des pouvoirs mutants."

Il n'y avait qu'à voir les libertés d'usage que prenaient certains pensionnaires. A son grand regret il lui avait fallu sanctionner déjà Timour, mais il n'avait s'agit là que d'attitude. Combien de dégâts l'établissement allait devoir encaisser? Il y avait les épreuves à affronter parfois difficilement comme l'avait prouvé Vesna et son addiction à l'alcool, les abus non négligeables de somnifères et les cachotteries de compétences entraînant des remords pour Jane, un historique lourd avec même un mort dans leurs rangs ici-même... Non, clairement ces enfants avaient besoin d'exprimer leurs pleines capacités ne serait-ce que pour en connaître les limites, et apprendre à les maîtriser. Ce genre de choses se faisaient en pratique, et dans un lieu sous contrôle sécurisé. Mais elle n'allait pas entrer dans ce débat. Lily-Rose ne cherchait qu'à faire dans la rétention d'information comme elle le faisait depuis le tout début. Quelle ironie de reprocher à un groupe l'attitude que l'on appliquait soit-même! Il y aurait eu là de quoi faire un merveilleux travail d'analyse comportemental. Peut-être Neith devrait-elle reprendre des études et verser dans la psychologie.

"Je n'ai pas la plus petite intention de vous dissuader de prendre les choses en mains avec Madame Beckett. M'est avis qu'il se peut que vous vous entendiez mieux que prévu, dans la mesure ou vous avez chacun un attrait tout particulier pour les cachotteries. Pour l'instant je vais me contenter d'apporter à ces enfants ce dont ils ont besoin et dont vous semblez les priver: de l'écoute et du soutient. C'est tout ce qu'un tableau et quelques craies me permettent de faire."

Son air amusé disparu instantanément au profit d'une expression d'une dureté presque dérangeante sur son visage, à croire qu'elle pouvait passer d'un sentiment à un autre en un claquement de doigt.

"Quant à Monsieur Valet, ma foi, si vous insistez, je me ferais une joie d'aller lui parler de vive voix pour faire sa connaissance d'une manière plus poussée et bien moins formelle. Vous avez raison, si nous allons travailler ensemble, autant débuter nos relations de travail sur des bases saines et honnêtes..."

Elle se pencha légèrement et prit appui sur les accoudoirs du fauteuil pour se relever.

"Merci pour votre collaboration, Madame Donowho. Soyez assurée que je ferai de mon mieux pour remplir mes devoirs. Et merci pour la pertinence de cet entretien. J'apprécie nos conversations, surtout quand elles s'avèrent aussi riches que celle-ci."

Elle afficha à nouveau un sourire politiquement correcte et prit la direction de la porte.


Ailleurs

Lily-Rose écouta Neith poursuivre sur le mode de l'ironie bien huilée, registre parfait pour signifier à son interlocuteur tout le mépris qu'on lui portait. Ou au moins, que l'on portait à ses propos. De ce côté là Mask avait été bien comprise par la télépathe qui lui renvoyait l'amabilité. Le théorème physique selon lequel deux particules chargées négativement se repoussent venait d'être à nouveau démontré.

La doyenne doutait néanmoins que l'envoyée de l'ONE veuille utiliser la salle des dangers pour réellement parfaire l'entraînement des mutants. C'était avant tout une mine d'informations pour elle. Or, comme l'envisageait justement la télépathe, Lily-Rose ne voulait pas partager cette mine. Protection de l'Etat américain contre protection de Graymalkin, ces arguments s'échangeaient comme des balles de ping-pong.

"Ce sera déjà parfait, vous vous rendrez utile."

Répondit-elle sèchement à la proposition de Neith de se contenter de la craie et du tableau pour aider les élèves. Elle se garda de répondre à la critique de négligence de la directrice à l'égard de ses ouailles, exprimée ouvertement par Harlow.

Toujours très immobile et froide, à l'image d'un ice-berg, la métamorphe ne quitta pas des yeux la "professeur" lorsque celle-ci reprit sa traditionnelle langue de bois bureaucratique. Signe encourageant de la fin d'une conversation pénible et dont la fertilité restait à établir.

"Je ne doute pas de vos parfaites capacités et compétences pour vous enrichir de toute conversation. Et pour enrichir du même coup les bases de données de l'ONE. Que ce soit moi, M. Valet ou les élèves, nous sommes des proies pour vous. Pas trop faciles, j'espère. Je fais en sorte en tout cas."

Un petit sourire séditieux orna son noble visage ridé.

"Bon courage et bon travail, Madame Harlow. Vous aurez aussi des comptes à me rendre..."

Trancha-t-elle en guise de conclusion, en se réorientant en face de son ordinateur.

Saut temporel

Lorenzo parcourut les couloirs de Graymalkin où il ne s'était pas rendu depuis quelques semaines. La bâtisse avait en partie été reconstruite suite à l'attaque des Csatars dont Claymore gardait un souvenir particulièrement amer... Pour les X-men, les choses étaient plus ou moins restées les mêmes, à l'exception notable du O.N.E qui s'était ingéré plus encore dans les affaires des X-men depuis l'épisode extraterrestre. Une certaine Neith Harlow, un pion du O.N.E, avait été placé dans l'institut pour officiellement aider Lily-Rose mais nul doute que sa mission s'étendait à d'autres objectifs plus inavouables. Affaibli par la perte de son pouvoir, l'Italien n'avait pas donné son avis dans l'intégration de cet agent du gouvernement mais en faisant confiance à Lily-Rose, il n'était pas certain d'avoir fait le bon choix...

Claymore avait eu vent des différentes missions et de leurs répercussions... La cache des Pères Fondateurs qu'il avait réussi à trouver avait été visitée par les X-men mais les documents récoltés avaient immédiatement été réquisitionnés par le O.N.E sans outre forme de procès. Un scandale aux yeux du Florentin qui ne supportait pas d'être considéré lui et les élèves comme de simples pions à la solde du gouvernement. Ça ne pouvait plus continuer ainsi et Lorenzo espérait bien par sa visite à l'Institut y mettre un coup d'arrêt. Il n'avait peut-être plus son pouvoir mais il se sentait toujours mutant... Les analyses de sang et ADN montrait simplement que sa mutation avait été affaiblie par la désactivation de son gène X. Outre ce détail biologique, il avait à cœur de soutenir la cause des X-men dont il épousait les valeurs. Était-ce vraiment le cas de la télépathe ? Au moins, elle semblait plus sympathique de prime abord que Walentyn mais cette affabilité cachait peut-être un autre jeu beaucoup plus trouble contrairement au leader des ex-Bloody Mary qui avait toujours été cash et franc dans ses motivations. Son état végétatif et la mort d'Emily avait été un coup dur pour tous les X-men, mais ils devaient aller de l'avant désormais.

Une autre raison le poussait à rendre visite à Lily-Rose et il espérait bien qu'elle lui apporterait tout son soutien dans son projet à venir... Il frappa deux coups secs à la porte de la directrice et après avoir attendu quelques secondes, il pénétra à l'intérieur.

Le changement de décor était assez brutal mais convenait tout à fait à l'Italien qui se sentait comme chez lui dans ce bureau aseptisé. Il aurait aimé mesurer le taux bactériologique de la pièce mais son pouvoir ne répondit pas. Comment d'habitude depuis l'injection des Csatars... Dans sa tête, il revit l'épisode de la fuite, les sentinelles qui tiraient leurs effroyables fléchettes, la mort d'Emily, Utazas qui s'écroulait touchée par l'une des fléchettes... Lorenzo grimaça et chassa rapidement ses idées noires pour se reporter sur Lily-Rose.

Elle n'avait pas l'air commode et l'Italien en fut plutôt satisfait. La voir toute guillerette, l'aurait découragé d'avance, si ce n'est prouver son incompétence.

"Bonjour Lily-Rose... Je suis content de te revoir." Déclara le Florentin avec sincérité.

Il plongea les mains dans ses poches et s'appuya tranquillement contre l'encadrement de la porte. De ce qu'avait pu en connaître la directrice, l'Italien semblait avoir changé tant physiquement que dans sa prestance. Il était calme et son esprit autrefois troublé suite aux persécutions exercées par les Pères Fondateurs semblait plus apaisé, moins excentrique.


Il dévisagea un long moment le visage de Mask comme un écho de son propre état émotionnel. La sensation était curieuse mais au moins, ils étaient sur la même longueur d'onde.

"Je ne te dérange pas ?" Il marqua une pause et ajouta sombrement : "Je crois que nous devrions parler..."

Ils avaient beaucoup de choses à se dire et l'Italien espérait bien avoir les réponses qu'ils escomptait depuis un moment déjà. Sans compter qu'il avait désormais, plus que jamais, besoin du soutien des X-men.

Citation :

De : mask@ixm.net
A : xmen@ixm.net
Objet : Annonce importante : équipe pédagogique
Contenu du message :

Mes chers X-Men,

Je vous écris pour vous annoncer sans tarder une nouvelle qui pourra vous surprendre, mais qui va combler un grand manque dans notre école de mutants. Désormais vous pourrez compter pour votre formation sur deux professeurs, en plus de moi-même.

Tous les deux sont déjà présents dans nos murs, avec un statut de représentante du gouvernement pour l'une, et un statut de réfugié pour l'autre.

Il s'agit tout d'abord de Mme Neith Harlow, employée du Bureau National d'Urgence du gouvernement des Etats-Unis (ONE) et d'Aurock, alias M. Jean-Christophe Vallet, ancien membre des Pères Fondateurs secouru par l'une de nos équipes en Israël.

Je vous demande de leur faire le meilleur accueil en tant que professeurs, car tous deux ont beaucoup de bonne volonté et n'ont cessé de me témoigner leur désir d'être utiles et de s'investir davantage dans notre institution. Pour Aurock, c'est une question d'honneur et de reconnaissance. Pour Mme Harlow, c'est plus une question d'intérêt et de curiosité pour vous, mais vous aurez tout loisir d'en discuter avec eux.

Sachez que j'ai pris avec Danger toutes les mesures de sécurité adéquates.

Je suis bien consciente des réticences que vous pourriez ressentir face à cette décision, mûrement réfléchie. N'hésitez pas à venir me voir pour en parler.

Que Dieu nous bénisse tous,

Mask.

***


A peine son courriel relu et envoyé à tous les X-Men sur la messagerie interne, la directrice eut le regard attiré par une annonce de Danger, l'informant de l'entrée dans le périmètre de Graymalkin de ... l'élément Claymore.

La doyenne eut un sourire et espéra qu'il aurait la courtoisie de se diriger directement à son bureau.

Ce fut le cas. Il toqua, elle répondit, il entra, à moitié. Assise dans son haut fauteuil blanc, derrière son bureau en verre, la directrice aux yeux gris détailla l'Italien d'un regard bienveillant, alors qu'il s'accoudait nonchalamment à l'encadrement de la porte.

"Mais entre, je t'en prie. Quelle joie de te voir." Insista-t-elle. Puis elle marqua une hésitation, sans quitter son sourire mais en arquant légèrement un sourcil. C'est vrai, Lorenzo était différent, au premier abord, de celui que Lily-Rose avait trop brièvement connu.

Un drôle de courant passa entre eux qui envahit la doyenne d'un certain mystère, d'une étrange émotion. Un lien fugace qui n'était pas exempt de froideur. Comme si tous les deux touchaient du doigt une terrible expérience commune ... quelque monstre qui reposait au fond d'un lac gelé. Elle répondit à ce silence communicatif.

"Mon cher Lorenzo. Bien sûr, installe-toi, mais ferme la porte."

Pendant ce temps elle fit rouler de quelques centimètres son siège pour ne plus faire face à l'ordinateur mais à son nouvel interlocuteur de l'après-midi.

"Oui nous avons beaucoup à dire... comment vas-tu ? J'ai pris de graves décisions. Mais parlons directement de ce qui t'amène. J'en ai une petite idée mais je risque de te décevoir."

Son air s'assombrit à l'unisson de celui de Claymore. Certainement le mutant guérisseur qui avait rencardé les élèves sur la mission à New York venait chercher les informations obtenues sur les différents théâtres d'opération... Elle croisa les mains devant elle et lui laissa la parole après un discret soupire.

A l'invitation de Lily-Rose, Lorenzo quitta le perron, non sans avoir refermé la porte derrière lui, pour s'installer plus à son aise sur le fauteuil face au bureau de Lily-Rose. Il ne cacha pas son plaisir en constatant que la directrice semblait satisfaite de le revoir. Ils avaient eu leur divergences mais après le chaos par lesquels ils étaient passés, cela n'avait plus grande importance. La situation exigeait aujourd'hui une concorde que Lorenzo avait à cœur de préserver.

La pieuse dame prit naturellement de ses nouvelles et c'est sans se départir d'une certaine morosité que l'Italien répondit :

"Un peu mieux même si je dois avouer que la perte de mes pouvoirs me pèsent terriblement... Il fut un temps où j'en rêvais, mais maintenant, ça m'a tout l'air d'un cauchemar..."

Le contact permanent avec des éléments bactériologiques l'avaient physiquement affaibli, lui qui avait toujours détruit le moindre organisme néfaste pour son corps... Il était désormais plus vulnérable que le commun des mortels au moindre virus et parasite. Sans compter que l'usage de son pouvoir était pour lui comme un réflexe dont il avait beaucoup de mal à se détacher. C'était une part de lui-même que les Csatars lui avait arracher. Heureusement que des centaines d'années lumières le séparaient de ces êtres... Il ne supporterait plus de les côtoyer si ce n'est pour les étranger à mains nues. Seuls Utazas et sa bande méritaient un minimum d'estime.

"Et toi, comment te sens-tu ? J'imagine que tu as beaucoup de choses à gérer ces temps-ci..." Interrogea Lorenzo non sans une certaine inquiétude.

La doyenne des X-men tenait un bateau qui commençait à prendre l'eau et de son état physique et mental dépendait en partie la survie des X-men. Elle n'avait pas besoin d'être couvée, forte comme elle était mais rares devaient être ceux qui s'enquerrait de son bien-être.

Elle entra rapidement dans le vif du sujet et le Florentin en éprouva un certain soulagement. Baste ! des mondanités ; la condition des X-men était trop critique.

"Oui, j'ai appris pour les informations usurpées par le O.N.E. C'est une véritable déception..." Lorenzo joua un instant avec l'alliance de sa défunte épouse et reprit : "Le O.N.E nous utilise, ça doit s'arrêter. Nous devons retrouver ce qui nous est dû. As-tu eu des contacts avec eux ? Que disent-ils pour justifier un tel comportement ? Neith t'a t-elle éclairé sur leurs agissements ?"

La voie diplomatique avait-elle porté ses fruits ? Comment cette organisation, après tout ce qu'avait fait les X-men pour le gouvernement américain, osait-elle se comporter de la sorte ? Cette Beckett était un vrai serpent... Il aurait bien aimé l'avoir en face de lui pour lui faire comprendre à sa manière ce qu'il pensait de ses petites magouilles.

"As-tu envisagé de rompre avec le O.N.E ?" Demanda-t-il comme pour résumer la situation.

Les X-men se débrouillaient très bien sans eux avant qu'ils n'interviennent. Maintenant que le gouvernement avait fourré ses affaires chez les X-men, il serait plus compliquer de s'en séparer et peut-être les occupants de Graymalkin risquaient-t-ils le statut de terroristes mais décidément cette collaboration devait retrouver un équilibre ou s'achever dès maintenant.

Lily-Rose eut un sourire compatissant et quelque peu gêné devant la faiblesse avouée de son congénère. L'Italien ne s’embarrassait pas de langue de bois, lui, contrairement à une autre, et déclarait à cœur ouvert son malaise honteux. Mask imaginait ce que perdre son pouvoir pouvait susciter comme sentiment de détresse et d'impuissance, encore plus chez un homme de la trempe du Florentin. Celui-ci avait déjà trop soufferts de multiples mauvais traitements.

Mais visiblement Lorenzo n'était pas seulement affligé par sa propre situation, il était encore capable de s'inquiéter aussi pour les autres, et notamment pour son ancienne collaboratrice. Qui pourtant était moins à plaindre. Celle-ci cligna des yeux en signe discret de sympathie.

Du point de vue de la pieuse Lily-Rose, ce mutant aurait certainement l'étoffe d'un chrétien martyre. Tous les ingrédients étaient réunis chez lui...  

... mais présentement, la soixantenaire n'excluait pas qu'il y ait, derrière la compassion réelle de Lorenzo, une dimension critique, voire de reproche.

Elle laissa filer l'occasion de répondre directement à Claymore sur sa propre façon "d'aller" et écouta avec vif intérêt son commentaire sur l'ONE.

"Si j'ai envisagé de rompre avec l'ONE ? Bien entendu, chaque jour que Dieu fait."

Répondit-elle avec le même sourire mais sur un ton de défi. Elle soupira.

"Comme tu le dis, j'ai beaucoup de choses à gérer et le Bureau a malheureusement fait beaucoup en notre absence. Il a couvert Graymalkin et rassuré les familles des jeunes mutants évaporés... même en cherchant bien il est très difficile de ne pas leur être redevable. Ils auraient pu faire bien pire et ils ont décidé de gérer nos affaires courantes, protéger le site... Tu imagines bien dans quelle situation je me trouve après ça. Oh, ça ils ont sans doute bien calculé leur coup... et maintenant ils se croient tout permis. Il y a quelques minutes Harlow me demandait pour la énième fois un accès à Cerebra et à la salle des dangers."

Sa figure avait repris une certaine froideur.

"Il est impossible de chasser Neith Harlow pour le moment, en l'absence, en plus, de réactions hostiles des élèves à son égard."

Malheureusement, la doyenne devait s'avouer qu'elle n'avait pas réellement effectué de sondages sur ce sujet auprès des élèves. En tout cas dans sa boite mail elle n'avait jamais reçu de réclamation au sujet de Harlow.  

Elle prit une ferme inspiration et fixa l'ancien chef des Tequila Sunrise d'un regard de fer.

"J'ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes, si on peut dire. Pour compenser la présence d'une mutante pro-humaine j'ai engagé un ancien extrémiste pro-mutant."

Un sourire ironique ourla son visage. Elle croisa les bras et poursuivit son explication avant que Lorenzo ne réagisse.

"Les X-Men ont récemment sauvé Aurock de la prison israélienne où je l'avais malencontreusement expédié. Il porte en nous une grande reconnaissance et surtout, pour avoir passé trois ans au sein des Pères Fondateurs, je le connais assez pour croire en sa sincérité. Je compte sur son zèle pour garder un oeil sur Harlow. De plus, son recrutement est un signal que j'envoie au gouvernement pour leur rappeler ma part d'autonomie dans la gestion de Graymalkin. Harlow a d'ailleurs désapprouvé ma décision. Pendant qu'elle sera occupée à surveiller Aurock, et Aurock à veiller sur ses sauveurs, nous aurons un peu plus l'esprit libre."

D'un haussement de sourcil elle interrogea Lorenzo sur sa réaction à ce petit exposé stratégique.

Lorenzo n'avait pas autant de scrupules que la directrice concernant le O.N.E. Leur dernier agissement ne méritait aucune pitié, car désormais leur relation n'était plus une collaboration mais un asservissement. Cet organisme était devenu plus qu'un poids pour les X-men, une véritable menace. Leur défiance vis-à-vis des X-men semblait assez claire puisqu'il ne leur permettait pas un libre accès aux informations récupérées. Qui pouvait dire quelle serait leur prochain coup bas vis-à-vis des mutants de Graymalkin ?

"Nous leur devons rien Lily-Rose. Nous leurs sommes autant redevables, si ce n'est moins, qu'eux le sont envers nous. Les X-men ont sauvé le gouvernement américain des Pères Fondateurs. C'est bien peu de choses comparé à leur aide financière et au soutien relatif qu'ils ont pu nous apporter..."

L'Italien regrettait amèrement de s'être éclipsé pour régler différentes affaires à leur retour sur Terre. Maintenant, la situation avait dégénéré en la défaveur des X-men. Neith Harlow revendiquait même un accès au Cérébra ! Quelle folie ! Entre les mains du O.N.E, cet instrument pouvait s'avérer terriblement dangereux... Les mutants qu'ils considéraient sans doute comme une menace, deviendraient l'équivalent de marionnettes et les idéaux des X-men ne vaudraient plus rien. Que les élèves n'aient pas encore conscience de cette menace et du serpent sournois que pouvait être Neith, Lorenzo ne voulait pas en entendre parler. Ces jeunes avaient leurs propres difficultés et veiller à leur bien-être était de la responsabilité directe de leurs tuteurs.

"Je n'ai pas encore d'avis tranché sur la télépathe. Elle est peut-être plus raisonnable qu'elle n'y parait mais si elle doit faire partie intégrante des X-men, elle va devoir prouver sa valeur et son engagement vis-à-vis des X-men." Indiqua sèchement le Florentin. "Il faut que nous la mettions à l'épreuve." De quelle manière ? Plusieurs possibilités existaient mais peut-être la directrice avait-elle son idée là-dessus ? "Y as-tu pensé ?"

L'aversion de la directrice vis-à-vis d'Harlow était manifeste et l'Italien ne put s'empêcher de penser que décidément elle et les télépathes ne faisaient pas bon ménage. Un lien ténu reliait les membres du corps professoral et la nouvelle révélation de Mask cloua Claymore dans son siège. Qu'avait-elle dit ! Bon sang, recruter Aurock ! Lui qui avait été affilié au groupes de mutants le plus extrémiste au monde ! C'était à cause de mutant comme ceux de l'espèce d'Aurock que Fatima, son épouse avait trouvé la mort ! La suite sur la sincérité du Père Fondateur repenti ne rassura pas Lorenzo pour autant. Certes, ce recrutement qui envoyait un message clair au O.N.E qui pouvait même y voir là une menace directe puisqu'un potentiel ennemi du gouvernement américain venait de rejoindre sans leur accord, les X-men ; toutefois, Lorenzo craignait que ce ne soit prématuré et regrettait de ne pas avoir été consulté. A la décharge de Mask, il avait été en convalescence pendant un certain temps, puis très occupé à récolter des informations sur les Pères Fondateurs mais tout de même !

"Je déteste profondément les Pères Fondateurs et toute forme d'extrémisme Lily-Rose. Je me ferai mon propre avis sur cet Aurock. J'espère que ton choix ne nous portera aucun préjudice. La prophétie est dans le coup, je suppose ?" Il posa son portable à large écran sur le bureau de la directrice et sans rapport aucun, poursuivit plus sèchement : "A l'avenir, je veux que nous prenions ce genre de décisions à deux si ça ne te dérange pas."

Sur ce sujet, il n'avait plus rien à ajouter. Du temps d'Emily et Walentyn, ce genre de dérives n'auraient jamais eu lieu. Mask, dans sa solitude prolongée avait dû gérer seule, c'est pourquoi Lorenzo ne lui tenait pas rigueur de l'avoir si peu informé. D'autant plus que c'est lui qui avait souhaité faire un break en quittant Graymalkin suite à la perte de ses pouvoirs.

"Les X-men blessés des dernières missions se remettent-ils ?"

Ce question en apparence anodine n'était pas dénuée d'intérêt, ce que Lorenzo ne tarderait pas à expliciter à Lily-Rose.

Lily rose reçut un message sur son téléphone portable.

Citation :

Sean sait que Aurock est un PF? Parce que ça risque de dégénérer dans la salle à manger!!!!

Pourquoi Aurock sait pas qu'Emily et Rebbecca? Vous lui faites confiance? Ce type devrait être enfermé!!!! : ( . Il sait quoi sur nous, vous lui avez dit quoi? O o

Lorenzo ne tarda pas à asséner ses arguments et montrait clairement son hostilité à l'ONE, à qui on ne devait rien. Mask hocha légèrement la tête, marquant ainsi son accord de principe avec l'Italien. Mieux que cela, il faisait une proposition de mise à l'épreuve de Neith qui éveilla l'intérêt de la directrice, qui redressa légèrement la tête.

"Non je n'y ai pas pensé tant qu'elle n'était pas membre des X-Men, ce qu'elle n'est toujours pas ..." Dit-elle en même temps qu'elle réfléchissait.

Ecarter Harlow de l'Institut et de ses secrets avait été sa première préoccupation mais la voie envisagée par Claymore présentait des attraits.

Pas contre, la nouvelle de l'embauche d'Aurock suscita une vive hostilité, vu le ton et le vocabulaire employé par le collègue. Les épaules de la doyenne se crispèrent quelque peu lorsqu'ils parla de "ce genre de décisions à deux", et son regard s'affuta.

"Mon cher Claymore, oui la prophétie est dans le coup, et je serai ravie de t'associer à la décision et je le ferai quand tu seras parmi nous sur une base permanente, et si possible, en pleine possession de tes capacités."

Réagit-elle, vexée.

"Les X-Men blessés se remettent, grâce aux technologies dont nous disposons ici, Dieu soit loué. Excuse-moi si mes paroles te choquent. Mais tu devrais passer plus de temps ici, et t'entraîner, ou faire les recherches nécessaires pour tenter de regagner tes capacités en interrogeant la mémoire de Danger. Je t'aiderai. J'ai besoin de renforts pour protéger ces enfants."

Elle savait que cela n'était pas agréable à entendre, aussi poursuivit-elle avec plus de résignation.

"Je te demande de me faire confiance. Et je serai heureuse, oui, que tu sois à mes côt..."

Le téléphone de Mask simplement posé sur le bureau près du clavier d'ordinateur vrombit et clignota. Elle le saisit, s'informa du message de Lens et haussa un sourcil.

"Excuse-moi ..."

Elle eut un petit sourire navré. En reposant l'objet, elle regarda rapidement sur son écran d'ordinateur si des réponses étaient tombées dans la boite mail des X-Men.

"Aurock se promène dans les couloirs et certains élèves n'ont pas encore lu mon mail visiblement..."

Décidée à répondre plus tard à Lens, une fois la réunion terminée, elle joignit à nouveau les mains devant elle.

"Claymore, je suis ravie que tu sois là et nous devons nous entre-aider plus fortement. Comment veux-tu mettre à l'épreuve Harlow ?"

Les reproches allèrent bon train et Lorenzo détailla le visage buriné de la directrice non sans une certaine froideur. Elle n'était pas gênée celle-là ! Un simple coup de fil aurait suffit ! Songea l'Italien dont la mauvaise foi allait grandissante. En son for intérieur, il savait qu'elle avait raison : il n'aurait pas dû partir de son côté même si c'était pour rendre service aux X-men. Il y avait d'autres priorités mais à ce moment-là, il avait préféré la solitude car se retrouver entouré de mutants alors qu'il pensait ne plus en être un, le déprimait complètement. Pour une chrétienne, Lily-Rose n'était guère compréhensive mais au moins semblait-elle lui avoir pardonné. Même si en réalité, Claymore n'espérait aucune pitié de sa part, ni de celle des X-men.

Savoir que Danger s'était occupée de soigner les élèves en son absence le fit frémir. Car quelle autre technologie que le tas de boulons avait pu les soigner ?  L'androïde n'était pas réputée pour être très douce et encore moins chaleureuse. Elle cherchait uniquement l'efficacité et les fractures avaient dû se réparer...douloureusement. Avait-elle seulement songé à leur administrer des anti-inflammatoire ? A leur donner des sédatifs pour les blessures les plus graves ? A assurer leur suivi par médication orale ? Dubitatif, le médecin s'enfonça dans son fauteuil et se promit d'aller faire le tour des X-men blessés pour s'assurer qu'ils avaient été correctement soignés. Particulièrement, Eden et Ryoichi qui semblaient avoir recueilli les blessures les plus graves...

Lily-Rose conseilla à sa manière son compère et celui-ci fronça les sourcils.

"Si je me suis isolé après notre retour sur Terre, je ne suis pas resté inactif pour autant." Trancha Lorenzo. "Espionner les Pères Fondateurs n'a pas été ma seule occupation. J'ai passé des jours entiers dans un labo improvisé à comprendre les ravages causés par la substance csatar et à tenter de l'enrayer. Je te parlerai après de mes conclusions à ce sujet. "

Un sms plus tard sur le portable de Mask vint les interrompre alors qu'elle lui demandait de lui accorder sa confiance. Pendant qu'elle lisait son message, il songea que sa confiance lui était d'ors et déjà à peu près acquise mais qu'elle devrait veiller à l'entretenir par ses actions... L'information que lui donna ensuite la directrice n'était pas pour plaire à Claymore.

"Hmm..." Fut tout ce qu'il décrocha lorsqu'il apprit la nouvelle qu'Aurock se baladait parmi les élèves.

L’instant d'après, la copieuse de pouvoir mit un peu d'eau dans son vin apaisant la tension naissante entre les deux interlocuteurs. Elle faisait des efforts et Lorenzo lui en était reconnaissant. Il ferait donc de même.

"Revenons à Neith... Le O.N.E nous a volé les informations que les X-men ont eux-mêmes récupérés au péril de leur vie. Je propose que l'on monte une équipe pour subtiliser ces données dans l'une des bases du O.N.E. Une équipe qui serait sous la direction de...Neith Harlow. Si elle accepte et qu'elle s'engage pleinement, cela prouvera dans une certaine mesure qu'elle est digne de rejoindre les X-men et qu'elle est capable de faire certains écarts vis-à-vis du O.N.E quand celui-ci ne nous respecte pas." L'Italien adressa un sourire entendu à sa collègue et conclut : "Si elle refuse de nous aider, c'est qu'elle ne rejoint pas les objectifs des X-men et qu'elle est potentiellement une taupe. Elle devra donc nous quitter de gré...ou de force."

La solution était peut-être radicale mais au moins cela permettrait d'éprouver la valeur de la télépathe.

La directrice hocha la tête, prenant note du prochain sujet que Lorenzo allait développer. Le fait qu'il n'ait pas été inactif pour résoudre son problème n'étonna pas vraiment Mask. Quel mutant dépossédé de son pouvoir n'en aurait fait autant ? Fauve et les autres avaient montré en ce domaine leur détermination, après le sinistre Jour M. Et Claymore, médecin de profession, avait lui aussi de solides connaissances scientifiques.

Ses traits se détendirent donc quelque peu, satisfaite que l'infortuné captif des Csatars (et des Pères Fondateurs avant eux) ait fructueusement entamé des recherches de son côté. Avec un peu de chance il n'y aurait qu'à en cueillir les fruits.

Mais on revint à Neith, cette épine dans le pied des X-Men, ce ver dans le fruit.

Mask rapprocha sa chaise à roulettes tout contre les bureau et posa son coude sur la table. Ses yeux s'arrondirent au fil du discours de l'Italien. Elle sembla positivement impressionnée.

"C'est ..."

La doyenne posa une minute les yeux au plafond, pensive, très sérieusement. Puis elle plissa le front et revint sur Lorenzo.

"C'est trop dangereux."

Trancha-t-elle, avant de rassembler en pensée ses arguments.

"Je m'explique. Le principe de ton idée est excellent, et les objectifs on ne peut plus désirables. Cependant, que cette mission d'infiltration de l'ONE réussisse ou qu'elle échoue, les risques que notre équipe soit repérée et identifiée sont immenses."

Elle prit une brève inspiration et appuya son regard gris sur le séduisant médecin.

"Et qu'adviendra-t-il ? Je vais te le dire : le Bureau ne laissera pas s'écouler 24 heures avant de riposter ici, à Graymalkin. Je ne serai pas surprise qu'ils envoient l'armée. Beckett m'a plusieurs fois fait des allusions, disons des menaces, très claires à ce sujet : les mesures nécessaires ont été prises pour que nous soyons en permanence dans le viseur du gouvernement. Raison de sécurité..."

Elle balaya l'air d'un geste de la main.

"Cette menace est réelle Lorenzo, mieux vaut trouver autre chose. Pourquoi ne pas envoyer Neith à la poursuite des Pères Fondateurs et des anciens sbires de la Police mutante ?"

Avec eux, au moins, la télépathe aurait du fil à retordre.

Lily-Rose semblait intéressée et Lorenzo y vit là un signe encourageant à poursuivre dans son idée. Malheureusement, l'intérêt céda bientôt le pas à la réticence et Lorenzo écouta la directrice évoquer les défaut de la tactique. Le médecin était plongé dans sa propre réflexion et au fur et à mesure que Mask expliquait ses réticences, il tenta de trouver des réponses cohérentes. Certes le risque que les X-men soient reconnus était important ou encore que la télépathe les trahisse toutefois, rester en l'état était inconcevable.

"Mais officiellement, nous ne serons au courant de rien Lily-Rose. Neith aura monté sa propre équipe de X-men sans même nous en avertir. Bien évidemment, tout aura été fait en concertation avec elle mais si elle avise de nous trahir, nous serons à quoi nous en tenir et la rupture avec le O.N.E sera consommée. Nous pourrons tenter de discuter avec eux et s'ils refusent, il faudra nous tenir sur nos gardes et peut-être songer à l'exil. Mais c'est un moindre mal... Qui sait ce que fera le O.N.E dans peu de temps ? Peut-être songent-ils déjà à t’évincer pour mettre Neith comme directrice..." Suggéra l'Italien qui avait conscience de jouer sur la corde sensible de la métamorphe.

Il croisa les jambes et sans laisser le temps à Mask de réagir, il reprit :

"Ne laissons pas la situation dégénérée plus qu'elle ne l'est actuellement. Si on ne fait rien, on restera dans le flou avec tous les risques que cela comporte. Veux-tu que les X-men soient les pions du gouvernement américain ?" Interrogea-t-il pour lui faire pleinement prendre conscience de leur condition. "Si Neith nous trahit et que l'on est découvert, on aura au moins envoyé un message fort au gouvernement et le parasite télépathe sera parti. Si nous ne sommes pas découverts, tant mieux, nous jouerons comme eux la partie en sous-main avec Neith en agent-double et en prime nous aurons récupéré les informations que le O.N.E voulait nous cacher. Nous pourrions même brouiller les pistes en laissant croire que ce sont les Pères Fondateurs qui les ont volé..."

Après avoir débité tous les arguments qu'il avait en tête pour rallier Mask à sa stratégie, Claymore reprit une respiration plus calme. Si le plan fonctionnait, les avantages pour les X-men ne seraient pas négligeables. La perspective de tromper le gouvernement était très séduisante mais si les X-men devaient le combattre, ils risquaient de devenir les nouveaux Pères Fondateurs aux yeux des Américains et ce malgré le fait que ce ne soit qu'une légitime défense car de cela, la population n'en saurait rien.

Au lieu de rester confus et abattu par ses arguments, Lorenzo fit de la surenchère et se mit à damer un à un les pions de la directrice. Elle fronça les sourcils, très attentive, recevant avec une acuité particulière l'hypothèse de son évincement par Neith. Une petite lueur de révolte brilla dans ses yeux ternes.

L'image de Harlow à sa place, sur son siège, commandante de bord de Graymalkin, pollua un bref instant sa pensée. Elle se croyait du genre alarmiste mais Claymore était encore meilleur à ce jeu.

Elle n'interrompit pas l'Italien, même si l'envie lui vint à quelque moment pour aller dans son sens. Elle se força a bien réfléchir point par point et ne pas se laisser influencer. Mais le mot de "parasite" télépathe acheva de la convaincre que son collègue avait raison. Il fallait tenter le diable sur ce coup-là.

Elle hocha la tête et soupira fermement.

"Tu as raison nous ne pouvons plus supporter d'être les pantins du gouvernement. Je ne le supporte plus. Bien que ce plan soit très audacieux, eh bien, il faut de l'audace. Neith devra prouver sa valeur, et se compromettre aux yeux de son employeur. De leur côté, les élèves seront sûrement satisfaits que l'on rende à l'ONE un peu de la monnaie de sa pièce."

Dit-elle pour résumer sa conviction, désormais sans faille, sur ce projet. Elle sourit avec un regard complice pour le rusé Florentin.

"Je ne suis pas mécontente d'avoir retrouvé un véritable allié dans cette maison. J'ai beau être métamorphe, c'est en réfléchissant à plusieurs que l'on parvient aux meilleures conclusions."

Elle s'adossa contre son siège et eut un bref regard pour son ordinateur, du fait du petit clignotement d'un message de Danger concernant l'arrivée de l'élément Blake Stone aux portes du château.

"Avant de parler de toi, j'ai cette idée qui me vient. Dans le même état d'esprit, nous pourrions demander à Aurock d'accompagner des élèves pour traquer les Pères Fondateurs éparpillés ? Les X-Men ne devraient pas rester sur un échec de ce côté-là... Et pour Aurock aussi ce sera l'occasion de prouver sa loyauté."

Elle coula son regard gris sur son interlocuteur pour tester la réception de cette idée, symétrique de celle qu'il venait d'avoir pour Harlow, avec un petit sourire en plus. Elle avait bien noté dans la réplique de Claymore son aversion pour le recrutement d'un ancien Père Fondateur. Ferait-il deux poids deux mesures entre les deux "parasites" ?

"Qu'en penses-tu ? Nous pourrions prendre cette décision à deux ?"

Glissa-t-elle avec malice.

Un sourire satisfait étira les lèvres du Florentin. Lily-Rose finissait par rejoindre son point de vue ! Elle trouva même de nouveaux arguments pour achever de se convaincre ! En effet, les élèves seraient sans doute heureux de prendre leur revanche sur le O.N.E qui n'avaient pas hésité à les mépriser en gardant les informations pour eux.

"Affaire réglée alors. Nous pourrons contacter Neith dans la soirée pour lui faire part de notre décision..."

En jouant avec le O.N.E, les deux professeurs prenaient un risque mais comme Lily-Rose l'avait si bien rappelé en reprenant les propos de Danton : "Il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !". Ces paroles avaient été prononcées dans une période trouble de l'histoire de France. Ici aussi, la situation était critique et peut-être qu'en déconcertant l'adversaire, en étant plus malin qu'eux, ce n'est pas la France qui serait sauvée mais les X-men !

Quoi qu'il en soit, rester passif face aux évènements était tout aussi vain qu'agaçant pour le Florentin... Cette résolution, approuvée par la directrice, eut au moins le bénéfice de calmer sa hargne. A l'instar de la collaboration entre les deux mutants que Mask évoqua astucieusement.

"A moi aussi, notre entente me fait plaisir. J'ignore si un jour le corps professoral de cette école réussira à trouver une certaine harmonie mais quand ce sera le cas, je crois que nous pourrons véritablement nous en réjouir."

Même avec Emily et Walentyn, la mésentente avait souvent été de paire avec le travail effectué au sein de l'équipe enseignante. Les caractères trop différents de Mask et Chimère avaient grandement compliqué leur relation à tous. Seule, Emily, disposée à mettre de l'eau dans son vin et dans celui des autres, avait réussi à trouver grâce aux yeux de Lorenzo. Malheureusement, elle n'était plus là pour temporiser. La directrice chapeautait désormais les décisions sans trouver de réels contradicteurs pour s'opposer à elle. Claymore ne voyait pas l'utilité de contredire pour contredire. Il s'opposerait à ses décisions s'il y avait lieu mais n'irait pas chercher le conflit pour une question d'ego.

Comme une idée en pousse une autre, Mask évoqua la possibilité de tester Aurock de la même façon que Neith, en le contraignant à affronter sur le terrain ses anciens compagnons. Cruelle Lily-Rose ! Le médecin fut néanmoins très réceptif et il hocha légèrement la tête signifiant inconsciemment son approbation. Alors quand elle lui demanda s'ils pouvaient prendre cette décision à deux, l'Italien décrocha :

"Ca me semble très à propos Lily-Rose." Il adressa un nouveau sourire entendu à sa collègue avant de reprendre : "Je suis entièrement d'accord. Lui aussi, doit prouver son appartenance aux X-men... Mais si jamais il s'avise de trahir les X-men en pleine mission, je ne me le pardonnerai jamais..." Souffla le Florentin imaginant déjà le pire. "Autant je doute que Neith agisse ainsi car nous pourrions gravement nuire au gouvernement si une telle chose se produisait autant Aurock en serait capable sans que les inconvénients l'emporte sur les avantages pour les Pères Fondateurs. Ils nous porteraient un coup terrible sans compter qu'il tuerait les X-men que nous aurions envoyés ou alors ils tenteraient de les manipuler et sans doute les torturer..."

Faire confiance à Aurock n'était pas encore possible pour Claymore qui trouvait l'idée de le tester très pertinente. Toutefois, il fallait envisager la possibilité qu'il les trahisse ou alors la directrice avait-elle certaines assurances dont elle ne lui aurait pas parlé ?

"Qui te dit qu'il ne trahira pas au moment opportun les X-men pour rejoindre ses anciens acolytes ? Porter un coup aussi fort aux X-men lui assurerait un retour triomphal..."

Affaire Harlow réglée, en effet, et Mask était impatiente de voir la réaction de la télépathe à leur décision. Elle serait sans doute aussi suprise sur le fond que sur la forme, n'étant pas habituée à l'alliance Claymore-Mask contre elle. Même si Claymore n'était plus un mutant à part entière ...

La directrice avait envie d'aborder sans détour ce sujet avec le mutant qui n'avait plus de mutant que le nom de code, mais celui-ci s'avisa de jeter une (nouvelle) pierre dans son jardin, non sans avoir préalablement confirmé la nécessité de la bonne harmonie dans la direction de Graymalkin.

Lily-Rose réfléchit à ses arguments concernant la mission d'Aurock et pouvait difficilement donner tort au médecin. Cependant un nouveau sourire ne tarda pas à se dessiner sur son visage ridé.

"C'est vrai, si nous parlions par exemple de cet imbécile de Drown, ou de ce fou dangereux de Nomade, je ne pourrais que souscrire à tes craintes pour nos élèves. Et jamais je n'aurais conçu de coopérer avec de tels mutants. Mais, il s'agit d'Aurock. Personne ici ne le connait autant que moi."

Répondit-elle en redevenant grave pour montrer tout son sérieux à Lorenzo.

"Malheureusement c'est ma parole contre toutes les autres. Aurock avait des raisons égoïstes de servir les Pères Fondateurs, mais il avait des principes éthiques que j'ai pu observer sur le terrain. Il s'attaquait aux humains mais jamais l'assassinat ou la torture n'ont été ses modes opératoires. Bien sûr, je peux tenter de le vérifier, en empruntant le pouvoir de Neith et en sondant ses souvenirs. Je le ferai si tu me le demandes. Mais j'ai fait équipe avec lui plusieurs fois, et j'en suis même venue à penser que s'il accompagnait Drown sur le terrain c'était justement pour le canaliser."

Si on pouvait dire, concernant un mutant hydrokinésiste. Elle marqua une pause et soutint bien le regard de son compagnon.

"Tu as été captif des Pères Fondateurs. L'as-tu aperçu ou entendu ? Je suis prête à parier que non. Prodigy connaissait parfaitement ses troupes. Les équipes d'interventions étaient calibrées selon la nature des missions et jamais il n'a imaginé pouvoir confier la torture et le meurtre à Aurock. Il y avait suffisamment à faire, dans les États Mutants Unis."

Lily-Rose ne pouvait ressentir aucun plaisir à replonger dans le passé trouble et nauséabond de sa vie de résistante, mais risquer la vie des jeunes gens contre une seule garantie morale de sa part ne pouvait pas satisfaire le prudent Lorenzo. Normal. Elle soupira.

"Dieu le jugera. Les découvertes qu'il fera sur le passé pèseront cruellement sur sa conscience. J'engage toute ma responsabilité. Si cela peut te rassurer, les X-Men qui partiront avec lui auront des communicateurs, et Aurock aussi. Je me tiendrai prête pour pouvoir réagir au moindre problème."

L'avait-elle convaincu ? Sa mine sévère en disait long sur sa ferme conviction au sujet d'Aurock.

Lorenzo écouta les arguments de la directrice et pesa soigneusement le pour et le contre... Elle semblait convaincue de la bonne volonté du Père Fondateur et se disait même prête à fouiller dans son esprit pour s'assurer des ses bonnes intentions... Parce qu'elle ne l'avait pas encore fait ? Circonspect, l'Italien écouta la suite qui sans le convaincre entièrement eut le mérite de le rassurer.

Certes, Aurock n'était sans doute pas Drown, ni Désir, et encore moins Nomade ; ces sociopathes dont la mort libérerait le monde d'un grand poids.

"Oui, je n'ai jamais eu à subir les sévices d'Aurock durant ma captivité. Il n'en reste pas moins qu'il participait à toutes les exactions des Pères Fondateurs même si comme tu le prétends, c'était de manière indirecte."

Mask affirma finalement qu'elle pourrait se rendre sur le terrain pour intervenir directement au moindre problème... Ce serait montrer clairement son manque de confiance à Jean-Christophe à moins qu'elle n'y aille sans l'en avertir mais de cela Claymore n'en avait cure.

"Il n'est peut-être pas utile que tu t'y rendes. Toutefois et par mesure de prévention, je pense qu'il vaut mieux que tu sondes son esprit pour prévenir tout risque. Les enjeux sont trop importants..."

L'attitude sérieuse de la mutante et le peu que le Florentin connaissait d'elle, achevèrent de le convaincre qu'il pouvait la suivre dans son sens. Surtout si elle vérifiait par télépathie ce qu'il en était. Lily-Rose aimait trop ses protégés pour leur faire prendre un risque inconsidéré. C'est sur ce type de sujet qu'elle était maintes fois entrée en contradiction avec Walentyn. Voilà, que c'était désormais Lorenzo qui prenait son rôle et elle, celui de Chimère... Ce renversement était si incongru aux yeux de l'Italien, qu'il pensa un instant qu'il était surprotecteur à la limite de la paranoïa.... C'est qu'il savait ce dont était capables les Pères Fondateurs. Sa captivité lui en avait appris beaucoup.

Le sujet était néanmoins réglé car les dispositions avaient été prises pour s'assurer de la sécurité des X-men. Il décida donc d'entamer celui pour lequel il avait tout particulièrement décider de prendre contact avec Lily-Rose.

"Nous avons bien avancé sur tous ces problèmes. Il en reste un que je souhaiterais aborder avec toi... Celui de ma mutation. Depuis notre séjour extraterrestre, tu sais bien que j'ai perdu mes capacités. Elles sont grandement diminuées. Même dans ma jeunesse, j'étais capable de mieux..." Il retint un soupir de frustration et poursuivit plus enthousiaste : "J'ai peut-être trouvé la solution à mon problème... Un contact dans un laboratoire de San Francisco m'a indiqué qu''il développait une drogue - ou ce que je considère plutôt comme un sérum dans mon cas - qui permet de décupler les facultés mutantes." L'Italien ménagea son interlocutrice pour lui laisser le temps d'assimiler l'information puis reprit : "Peut-être as-tu déjà entendu parler du Kick ? Ils ont retrouvés sa composition et opère de nombreux examens avec. Cette drogue existait il y a longtemps mais seuls quelques dangereux initiés en avait connaissance et s'en servaient... Je veux voler la composition et un échantillon du Kick dans ce laboratoire. Il pourrait m'aider à me...rétablir."

Tapotant un instant sur le portable qu'il avait posé sur le bureau de Lily-Rose, Lorenzo y fit s'afficher une photo du laboratoire en question et toutes les données qu'il possédait sur le bâtiment. Il y avait en outre de nombreuses notes, qu'il avait lui-même rédigées, dont la plupart étaient des informations concernant l'infrastructure, la société de sécurité, etc. Il y avait aussi les examens qu'il avait passé, des tests sanguins, des analyses génétiques portant sur l’inactivité de son gène X, des prélèvements biologiques démontrant la perte croissante de ces cellules mutantes... En outre la directrice put y trouver toutes les données que le médecin avait réuni sur cette drogue et les mutants qui, de réputation, s'en étaient servis. Parmi eux, un certain...Magnéto.