Jour 2 - Activation système

Eden eut un léger sourire en voyant Vadim tourner et retourner le briquet entre ses mains. Sa façon de percevoir son pouvoir à elle la laissait perplexe. Et si au final c'était autre chose que de la télékinésie? Après tout, la barrière de la langue rendait la compréhension mutuelle maladroite. Peut-être que le mot n'était pas le plus adapté. Les mouvements et le degré de concentration du jeune russe différait largement de sa propre manière d'utiliser son pouvoir. Encore qu'elle avait elle-même perçu la télékinésie plus subtilement lors de l'affrontement contre l'homme-comète à Graymalkin. Peut-être qu'ils ne "ressentaient" pas la cible de leur compétence de la même manière. Ou peut-être que la cible réelle de leur pouvoir était différente. Perplexe, Eden fronça les sourcils en répondant.

"Je le fais comme toi... Un peu... Ou alors notre pouvoir n'agit pas sur la même chose. Peut-être que ce n'est pas vraiment de la télékinésie."

Après tout, il était possible que deux pouvoirs différents possèdent des effets visuellement semblables, comme un hydrokinésiste affichant un niveau lui permettant de faire des choses pareilles à un cryokinésiste. Ou un mutant agissant sur le climat avec un autre agissant uniquement sur l'air. Il y avait tant de possibilités!

"Il faudrait presque demander l'avis de Danger. Avec tous les mutants qu'elle a connu, elle devrait reconnaître presque tous les pouvoirs."

Le hurlement à nouveau plus fort de ces sales bêtes l'obligea à jeter un nouveau coup d'oeil dans le couloir. Ce n'était plus un, mais deux piafs qui s'étaient perchés à la fenêtre. Le plus gros avait d'ailleurs l'air particulièrement hargneux. La remarque de Vadim était pertinente. Si ces sales bêtes mangeaient aussi de la chaire fraîche, l'affrontement risquait bien de devenir inévitable. Son seul regret à ce moment précis était de ne rien avoir sous la main d'assez gros pour boucher la fenêtre. Mais s'il fallait en venir à se battre, ces bestioles avaient peut-être des serres et des becs, mais elle avait des poings, des ongles, des dents, de la télékinésie, et bien assez de frustration pour ne aligner quelques uns. Le problème majeur, c'était qu'ils étaient vraiment beaucoup, et qu'en comparaison, s'il fallait compter les mutants offensifs en assez bon état pour se battre dans la forteresse, elle n'aurait su dire si leur nombre serait suffisant. Non en fait, compte tenu du degré de sympathie mutuel et de solidarité dont elle avait été témoin ces dernières heures, ils étaient d'ors et déjà foutus.

"Des gâteaux pourraient bien les occupés, mais... S'ils commencent à croire qu'ils vont avoir à manger ici, ça risque de devenir l'enfer."

Et si elle essayait déjà de leur faire comprendre que la fenêtre était zone interdite? Deux vautour, c'était encore gérable pour le moment. Elle recommença comme précédemment, elle se concentra sur les volatils pour les repousser vers l'extérieur, mais sans brutalité.

La même situation que précédemment se déroula, hormis qu'il fallait cette fois-ci repousser deux oiseaux. Têtus, les volatiles tentaient de garder leur position aussi longtemps que possible, avant de tomber en arrière en ouvrant grand leurs ailes pour prendre le premier courant ascendant disponible.

L'un après l'autre, les deux disparurent de la fenêtre, la laissant à nouveau libre. Derrière, la multitude de comparses étaient toujours présente, visiblement toujours occupée à faire on ne savait quoi.

Apparaissant à l'angle du couloir, un vautour se présenta soudainement, juste en dessous de la fenêtre. Il avançait par petit bond et remarqua la grande mammifère qui était présente. Il resta silencieux un instant en la détaillant, puis coassa comme s'il l'engueulait littéralement d'être ici. Aussitôt, un vautour vint se planter sur le rebord de la fenêtre et observa à son tour Eden.

Pas vraiment de la télékinésie... En même temps, c'était un autre mutant débutant qui lui avait suggéré la nature de son pouvoir. Dans le fond, ca ne changeait pas grand chose. Il en était toujours à soulever des briquets pour expliquer son pouvoir. Il releva le museau quand Eden lui parla de quelqu'un expérimenté dans les pouvoirs, ou du moins avec des connaissances. "Dangerr... lui être chef de x-men?", demanda-t-il, imaginant une sorte de super-héros confirmé ou de vieux sage donnant des épreuves initiatiques à des générations de petits mutants.

Le jeune russe regarda son paquet de gateau quand l'américaine lui fit remarquer une évidence : si on ne nourrit pas un animal sauvage, c'est pour éviter qu'il s'habitue et revienne chercher plus de nourriture. "Ah... toi rraison... moi pas penser bien...", dit-il simplement. Il s'attela à remettre son paquet de gâteau en place tout en réfléchissant, le bruit stressant des croassement raisonnant en bruit de fond. Un vrai film de Hitchcock.

"Eden...Toi dirre que pas voirr ici croa-croa avant... et... vous pas etrre dans chateau volant avant aussi... Je penser crroa-crroa vouloirr quelque chose ici... comme corrbeau sur Terre... sentirr chose manger. Ou peut-être château êtrre maison crroa-crroa? ", proposa-t-il.

Vadim s'arrêta quelques secondes, essayant de s'assurer d'être à peu prés compris. "Crroa-crroa etre trrop beaucoup... pas mieux trrouver autres x-men? Ou demander chef x-men?", continua-t-il. Zero-G n'avait aucune idée des difficultés de groupe au sein des x-men. Et sa perception de la situation se limitait à ce qu'il avait réussi à comprendre de Wraith.

Hélas, il n'eut pas le temps de proposer quoique ce soit d'autre. Des croassements bien trop proches l'avaient fait sursauter. Penchant la tête pour voir l'origine des nouveaux cris, il grimaça : "Crroa-crroa êtrre vrraiment pas beau..." Mais, heureusement, que deux, et pas trop proches.

N'ayant pas envie d'abandonner sa camarade d'infortune, le jeune ado russe se prépara à faire fuir du corbac locale comme on fait fuir des pigeons, si ceux-ci s'approchaient de trop prés : à grand cris et mouvements de bras.

Deux piafs de moins. Et deux qui ne tardèrent pas à revenir à l'assaut. Il était plus que clair que ce type de combat était perdu d'avance. Eden était crevée, incapable de reprendre correctement des forces depuis son réveil sur Meredith, les nerfs usés, et avait déjà eu la preuve que ses compétences possédaient leurs limites. Il allait falloir trouver plus radical que des petites poussées de télékinésie. Elle coula sur Vadim un regard interrogateur quand il demanda pour Danger. Ah ouais, là encore il allait falloir déterminer la position de l'androïde, et c'était pas gagné.

"C'est... Pas vraiment un chef. C'est un robot qui nous protège."

Quoique pour la peine, elle ne voyait pas trop en quoi Danger les protégeait. Des menaces extérieures, éventuellement, exception faite des charognards extra-terrestres. Mais tout bien réfléchit, elle ne pouvait pas les protéger d'eux-mêmes, et c'était bien là qu'était trop souvent le problème. Il y aurait matière à faire un développement philosophique sur le sujet, d'ailleurs! Mieux valait ne pas partir dans ce genre de délire. Les suppositions faites par le jeune russe n'était pas dénuée de sens logique. A vrai dire, c'était même très pertinent. Considérant les circonstances, les seuls vrais intrus dans cette forteresse... C'était les x-men.

"Je pense plutôt qu'on est au mauvais endroit. Si c'était leur endroit, il devrait y avoir des plumes, des nids, ou d'autres choses. Et si c'était la nourritures, ils devraient aller là où elle est."

Si la cuisine/salle de repos avait été prise d'assaut, pour sûr, ça aurait fait bien plus de bruit que ça. C'était là que se trouvaient la plupart de ses camarades. Mais ça, c'était impossible pour Vadim de le savoir.

"Mais tu as raison. Seuls, on ne peut rien faire. Il faut aller voir Danger. Peut-être que la forteresse peut être fermée, ou protégée mieux que ça."

De la technologie ET hyper-avancée et aucun moyen d'éloigner quelques malheureux piafs? L'idée lui paraissait absurde. La seule chose qui la gênait était la perspective de laisser ce foutu portail sans surveillance. Eden fit alors un pas dans le couloir.

"Ils sont vraiment moches, oui. On va aller rejoindre Danger."

Plutôt que de chercher à les faire fuir, la californienne tâcha de se diriger vers l'atelier où l'androïde devait se trouver. Si un seul de ses horreurs à plumes se mettait en travers de son chemin, il risquait d'expérimenter un vol plané d'une toute autre nature.


L'atelier, si on y arriver.

Devant la charge impromptue de Vadim, le vautour hurla de surprise en battant des ailes pour se grandir et fit aussitôt demi-tour quand le gamin ne se dégonfla pas. Ni une, ni deux, il s'envola et percuta celui perché à la fenêtre qui couina à son tour, avant de se rattraper en tombant dans le vide.

Les deux oiseaux avaient fuit face au garçon. Ils semblaient assez peureux.

Il avait chargé! Quant à savoir qui des monstres volants ou de lui avait eut le plus peur... Bilan, deux oiseaux en fuite, un russe surpris de sa réussite! Tout sourire il se retourna comme un gosse venant de marquer un but, pour se retrouver seul, avec la silhouette d'une Wraith qui quittait la pièce dans le couloir.

Il eut un petit moment de panique, ne souhaitant VRAIMENT PAS rester seul dans un lieu encore inconnu envahit de choses plus moches que son pote resté à Greymalkin. L'ado commença à courir vers le couloir, avant de freiner net! Son sac! Il retourna le plus rapidement possible récupérer son encombrant sac-à-dos, enfila les sangles et réajusta le tout tant bien que mal en titubant vers la sortie!

"Eden! Toi pas trrop vite! Je venirr avec toi!", cria-le-gamin en jetant un coup d'œil à la fenêtre. Au pas de course, barda sur le dos, il essaya de rattraper son ainée, tout en murmurant d'un air désolé en russe : "Boris... si tu dois venir ici... ne vient pas maintenant!"


L'atelier, en mode garde-du-corps d'Eden (ou touriste japonais visitant le Louvre )