Jour 2 - Activation système

Vadim eut le temps de faire deux pas avant de ressentir le rideau d'air, identique au moment où ils avaient passé la grille. Mais il n'eut pas le temps d'avertir son camarade : derrière lui, Boris s'était mis à hurler son nom, totalement paniqué. Le décors changea d'un coup, et la voix de Boris s'éteignit. "Wohaaa... Ne t'inquiète pas, Boris, je reviens!", lança-t-il en russe. "C'est vraiment fort ces hologrammes...", continua-t-il en se tournant lentement, détaillant les portails. Une ou deux secondes passèrent pendant lesquelles l'ado réalisait ce qu'un portail signifiait. "Ou alors... c'est pas un hologramme...", finit-il, toujours en russe, sur une grimace contrariée.

Et ce fut au moment où il achevait son tour d'horizon qu'il vit... une belle blonde, habillée comme une paysanne de l'est, mais une superbe blonde quand même. Vadim avait tout l'air du petit élève touriste d'Erasmus : un pantalon cargo de l'armée, un sweat à capuche blanc, une bonne paire de basquettes noires, un ENORME sac-à-dos de l'armée vert d'où dépassait un sac de couchage, et une carrure d'adolescent slave en manque de croissance. Le petit glazovite resta figé, essayant péniblement de faire le tri entre ses pensées et ce qu'il voyait.

"Errr... пока!", commença-t-il avec un sourire un peu gêné, les mains refermées sur les sangles de son sac-à-dos, avant de finalement arriver à mettre de l'ordre dans son cerveau shooté au mélange testostérone-adrénaline. Boris était seul, dans le complexe, et il allait surement paniquer. Il était là pour trouver des x-men, qui avaient été attaqués par des ennemis inconnus et armés. Et les américains parlaient anglais.

La jeune fille ne semblait pas armée. Elle était derrière une sorte de console, peut être le truc qui activait le portail-hologramme. Plissant un peu ses yeux bleu, Vadim chercha les bons mots en anglais, regrettant déjà la présence rassurante de sa tête d'ampoule fan de x-men. "Bonjourrr... je souis Vadim... vous êtrre x-men?" L'accent monotone du garçon était clairement d'Europe de l'est, voire russe, le sac à dos et le pantalon portaient un écusson représentant un drapeau russe, et un porte-clés à l'effigie de la cathédrale Saint-Basile pendait d'une des fermeture éclair. Peut-être un gamin portugais?

La nouvel affolement de tout l'attirail extra-terrestre fit froncer les sourcils à Eden. Elle releva un regard scrutateur sur le portail, les mains appuyées sur le bord de l'appareil, prête à faire valdinguer ce qui passerait le portail au premier mouvement menaçant. Elle écarquilla un instant les yeux en réalisant que non seulement contrairement à la foi précédent il ne s'agissait ni d'un adulte ni d'un jeune de sa tranche d'âge, mais qu'en plus il parlait un dialecte qui, bien que lui rappelant de très loin certains accents allemands, n'entrait clairement pas dans les langues comprises par la californienne. Ce qui n'était pas sans lui rappeler l'accent de leur moscovite de Vesna, d'ailleurs. Du russe? Elle plissa les yeux, sans bouger, détaillant plus précisément le nouveau venu qui avait suivit le jeu de piste vicieux de Danger. Il avait l'air plus jeune que Malo, sans qu'elle n'en soit certaine, et il était chargé comme un boeuf. A croire qu'il s'agissait d'un touriste qui avait voulu planté sa tente à Graymalkin et s'était retrouvé malgré lui largué dans une autre galaxie. Elle se redressa lentement, marquant un air de totale incompréhension quand il baragouina des syllabes de cette autre langue, pour recommencer mais cette fois-ci dans un anglais approximatif.

"Hem... Oui, en quelque sorte."

Ça lui faisait tout drôle. C'était la première fois qu'Eden considérait à haute voix être un membre des x-men. Elle commença à faire prudemment le tour de la console, sans lâcher le nouveau des yeux. Après tout, leurs agresseurs avaient aussi compter dans leurs rangs un enfant. Même si par définition, la californienne avait un peu de peine à considérer un plus jeune qu'elle comme une menace. Elle reprit, veillant à ne pas parler trop vite.

"Je suis Eden. Tu es entré à Graymalkin, c'est ça?"

Elle s'immobilisa à nouveau et enfonça ses mains dans ses poches.

"D'où tu viens?"

A l'accent, elle aurait misé sur la Russie, encore que les indices visibles pouvaient indiquer une autre origine.

Le petit blond se rapprocha d'Eden, à moitié soulagé par la réponse. Instinctivement, il se plaça en décalé par rapport aux portails, permettant à l'américaine de garder un œil sur lui et eux. Effectivement, les x-mens devaient être ici. La question était : où était ce ici? Il jeta un regard rapide vers le portail principale, espérant voir Boris arriver, sans trop y croire.

"Да! Nous entrrer dans Graymalkin... Je etrre avec Boris... Nous etrre russes. Avoir écouté Голограмма devant entrée. Ca dirre chemin et nous suivrre...", expliqua-t-il le plus calmement du monde. "Je venirr pour avoirr aide de x-men... mais... x-men peut-êtrre besoin aide aussi?", ajouta Zero-G avec un léger sourire embêté.

Si il y avait bien un opposé au sang latin, c'était le sang russe. Dur de lire les émotions dans cet accent monocorde et peu expressif. Non pas que Vadim fut serein. Mais, pourquoi paniquer sans danger immédiat? Le jeune mutant abordait ses problèmes dans le style typique des citoyens d'Europe de l'est : du calme bordé d'un certain fatalisme, de la persévérance dans l'adversité, une chose après l'autre.

Au premiers mots du garçon, Eden se reporta sur le portail, s'attendant presque à ce que la machine refasse son manège de sons et lumières avant que ne débarque une personne de plus. Mais rien. Du moins rien pour le moment. Si autre mutant il y avait, soit ce dernier n'avait pas franchit le portail, soit le portail s'était mis hors service, soit... Il y avait tellement de possibilités qu'elle aurait pu s'en faire fumer la cafetière! A la place, elle préféra plutôt se concentrer sur ce qui était d'ors et déjà arrivé ici. Déjà, Vadim était définitivement russe. Quant à ce qu'il avait écouté exactement, c'était une autre histoire. La californienne marqua un temps d'incertitude, avant de décréter que le mot en question devait probablement dire robot, ou quelque chose du genre. Après tout, si les quatre premiers passages avaient été guidés par un hologramme de Danger, pourquoi le cinquième y ferait-il exception? Et pour ce qui était de l'aide, ce jeune homme déduisait fort bien les choses, malgré un ton presque similaire à celui de l'androïde.

"Oui... Un peu. Désolée, mais nous sommes tous bloqués ici. Toi aussi maintenant."

Elle releva les yeux et pointa du doigt le portail.

"Cette chose qui t'a emmener ici... Elle ne peut pas nous renvoyer à Graymalkin. Pas pour le moment."

Quoique dit comme ça, Eden savait pertinemment qu'elle n'apportait pas encore toutes les données. Se faire téléporter en un autre lieu, passait encore. Mais quand il s'agira de faire comprendre à Vadim que cet autre lieu se trouvait dans une autre galaxie, ça allait être plus compliqué.

"Je suis vraiment désolée... Mais si c'est de l'aide que tu es venu cherché, tu es venu au mauvais moment."

Ecoutant attentivement Eden, Vadim ne comprit pas immédiatement le mot "bloqué", avant d'apprendre qu'il ne pourrait pas rentrer à Greymalkin dans l'immédiat. Sa bouille juvénile afficha un peu de contrariété. Boris et lui voulaient savoir où étaient les x-men, Zero-G avait trouvé la réponse : coincé quelque part loin de chez eux. Quant au pourquoi ils ne pouvaient pas revenir: l'espèce de porte ou de machine que pointait la jeune x-men ne fonctionnait pas bien. Et quelque chose devait les empêcher de revenir à San-Francisco à l'extérieur. Leurs ennemis peut-être?

Il acquiesça lentement en ajoutant un simple : "D'accord... je crroire comprrendre..."

D'une certaine façon, le glazovite préférait presque que son camarade de voyage ne soit pas venu. Il aurait paniqué encore d'avantage! Mais quand Eden rajouta qu'il était venu au mauvais moment, le petit touriste eut l'air d'abord étonné. Puis un sourire illumina son visage et ses yeux bleu, et il haussa les épaules.

"Pourrquoi Eden désolé? Nous venirr... bon moment... pour aider x-men... non?"

Son regard franc plongé dans celui de la jeune mutante fatigué, Vadim avait dit cela sur le ton de l'évidence la plus totale. Même s'il n'avait aucune idée de comment aider un groupe de super héros surpuissants.

"Vous avoirr quelqu'un savoirr parrler russe?", demanda-t-il avec un peu d'espoir. Cela faciliterait grandement la communication! Et s'il n'y avait aucun russophone, il était bon pour la pratique de l'anglais sur le tas. Au pire il possédait un petit dictionnaire anglais-russe dans son sac.

Eden n'était pas très sûre que ses explications soient comprises. La barrière de la langue rendait les explications un peu plus ardues. Autant elle trouvait déjà peu crédible d'expliquer la situation à quelqu'un parlant couramment anglais qu'elle se sentait un peu découragée à l'idée d'essayer de raconter sans trouver les mots justes le contexte peu commun dans lequel ils se retrouvaient tous. Bien que Vadim ne faisait que croire comprendre, elle ne savait pas si elle avait les moyens de son côté de vérifier ses dires, ni même d'y apporter des précisions au besoin. Dire qu'il était si jeune, sac à dos, parlant à peine l'anglais, et était venu jusqu'à Graymalkin pour ça. C'était navrant. Les x-men étaient bien loin des héros qu'ils étaient censés représenter autrefois. Maintenant ils n'étaient plus qu'une bande d'ados, avec quelques adultes têtes brûlées, et des théoriques professeurs référents aux abonnés absents. Une belle équipe de bras cassés. La californienne ne s'en sentait que plus désolée encore.

Pour le coup Vadim aurait bien eu raison. C'était eux qui avaient indéniablement besoin d'aide. Quant bien même objectivement les propos tenus par le jeune russe pourraient s'avérer risibles, ils apportait étrangement un certain baume au coeur. Le genre de soulagement incompréhensible qui pourtant était devenu indispensable sans qu'Eden s'en soit rendue compte. Découragée par les réactions de ses camarades, par les réactions robotiques de Danger, par les morts, par le simple fait d'être perdu loin de tout ce qui avait de l'importance à ses yeux, il fallait que les paroles les plus agréables à entendre ici viennent d'un enfant plus jeune qu'elle. C'était vraiment le monde à l'envers. La plupart des adultes feraient bien d'en prendre de la graine. Malgré elle, la californienne eut un petit sourire un peu triste, bien que ça fasse du bien d'entendre des mots hasardeux aussi positifs. Dommage qu'elle ne puisse pas lui rendre la pareille pour sa simple question.

"Malheureusement plus pour le moment."

Que pouvait bien faire Vesna en ce moment? La moscovite aurait été tellement utile à Vadim! Elle choisit de faire comme lui pour l'instant. Autant arrêter de s'apitoyer sur son sort et aller un peu de l'avant.

"Mais c'est pas grave. On va se débrouiller!"

Chassant au mieux sa mélancolie, elle prit exemple sur Vadim et tâcha d'afficher plus de positivisme et une meilleure assurance.

"Il y a ici des gens qui viennent du monde entier. Ce n'est pas la langue qui va nous empêcher de communiquer."

Le jeune garçon russe lâcha un soupire sur un air de "Et mince..." quand Eden lui annonça qu'il n'y avait personne pour jouer les traducteurs parmi les x-men du coin. Il était bon pour sortir le dico anglais-russe... Relevant la tête au ton beaucoup plus optimiste de la jolie blonde, il répondit à son sourire en acquiesçant à ses paroles encourageantes.

"Да! ... Je pas trravailler assez anglais dans école...", il haussa les épaules, "Maintenant devoirr trravailler anglais avec x-men ici." Comme quoi, tout se payait toujours un jour.

Vadim jeta à nouveau un coup d'œil vers le portail principale. "Oh! Borris lui peut-êtrre venir!... Lui...errr... grrosse tête... pas cheveux... Boris rressembler vieux, mais lui juste êtrre mutant jeune... Borris pas trrop chance. Il avoirr surrement peurr, mais êtrre trrès gentil! Lui êtrre fan de x-men!", finit-il sur un grand sourire joyeux. Le glazovite rajoutait de grands gestes à ses paroles, comme un élève passant un oral d'anglais, son regard concentré et inquiet de ne pas être bien compris. Une mini-torture pour Vadim...

Il attendit d'être à peu prés sur qu'Eden ait compris, à peu prés, sa tentative de communication. Finalement, lui et Boris étaient réellement deux jeunes touristes venus rencontrer des célébrités locales! Il ne manquait que la demande d'autographe, un T-shirt "I love X-men", et une photo de groupe!

"Err... Quoi je dois fairre maintenant?", demanda-t-il poliment, attendant gentiment les instructions supplémentaires, ne voulant pas trop embêter l'héroïne mutante dans sa tache. Il s'attendait presque à débarquer dans une sorte de base secrète, avec des super-héros en costume, quelque-part sur Terre.

SI lui n'avait pas travaillé l'anglais, que devrait-elle dire à propos du russe? Ça ne faisait même pas partie des langues enseignées dans son lycée. Même pour l'allemand, elle était passée par une école de langue extérieur au cursus scolaire. Déjà il fallait réussir à comprendre ce que Vadim voulait dire. Mine de rien, il était assez clair, sauf quand il s'agissait d'un vieux chauve pas vieux fan des x-men avec une grosse tête... Pendant un instant, Eden afficha la plus parfaite incompréhension. Mais quand il parla du si courant "pas de chance", elle fit un lien avec une mutation pas franchement avantageuse qui pourrait expliquer les contradictions dans les propos du jeune russe. Niveau pas de chance, il lui était donné d'en voir une bonne quantité. Entre les Morlocks, la pauvre Jun qui redoutait d'électrocuter tout ce qui la touchait, Flesh dont le physique morbide ne semblait pourtant pas être un problème pour elle, Jane avec ses ailes, Mbarou avec ses écailles - quoique certaines mutations restaient quand même plus classes que d'autres - et tout dernièrement la pauvre Alix résignée à vivre dans une combinaison, un mutant qui avait l'air vieux tout en était jeune n'était pas si surprenant que ça. Elle releva les yeux vers le portail, mais celui-ci ne sembla pas s'activer pour autant. A croire que si ce Boris se trouvait de l'autre côté, quelque chose l'avait empêcher de franchir le seuil. La californienne espéra que ce soit la peur, plutôt qu'un élément extérieur autrement plus indésirable dans la forteresse.

"J'imagine qu'il t'a vu disparaître, ça l'a peut-être effrayé. Mais s'il vient, il sera bienvenue aussi."

Quant à savoir quoi faire, elle eut pour commencer un silence assez embarrassé. Ils étaient tous à attendre le signal de Danger pour retourner risquer leurs peaux sur des planètes douteuses, ce qui ne constituait en soi pas un planning très attrayant.

"Et bien..."

Elle réfléchit quelques instants, avant de poursuivre, en veillant toujours à ne pas parler trop vite.

"Tu peux visiter cet endroit si tu veux. Il y a d'autres mutants avec lesquels tu peux faire connaissance. Mais pour le moment... On attend tous. Dans quelques heures, on doit partir chercher des pièces pour faire marcher le portail et retourner sur Terre."

Elle pointa à nouveau le portail du doigts avant d'en revenir à Vadim.

"Je ne te l'ai pas encore dit, mais ici, on est dans une forteresse volante, sur une autre planète."

C'était la quatrième fois aujourd'hui qu'elle en parlait mais malgré tout, à se l'entendre dire, Eden trouvait toujours cette révélation trop tirée par les cheveux pour être comprise.

Vadim eut un soupire de résignation en imaginant un Boris, seul, dans le sous-sol lugubre d'une bâtisse vide, juste après avoir vu son pote disparaitre d'un coup. Il y avait de bonnes chances pour que le courageux mutant russe ait effectué une retraite stratégique. Au moins, il avait l'assurance qu'il serait bien accueilli si, par hasard, il débarquait ici.

Le petit blond avait levé un regard plein de curiosité quand Eden lui donna la permission de visiter l'endroit et de rencontrer d'autres mutants. Il sourit en repensant à ses camarades mutants resté en Russie. Cependant, si personne ne parlait le russe ici, cela pourrait s'avérer un peu compliqué.

Ne comprenant ni le mot forteresse, ni le mot planète, le jeune touriste russe plissa les yeux comme un môme ne comprenant pas trop l'énoncé d'un problème de maths, mais hocha la tête quand même. Ils se trouvaient dans un truc volant et voulaient revenir sur la terre ferme... un truc du genre. Après avoir vu des tourelles de défense et un jet éventré à Greymalkin, le petit glazovite à l'imagination fertile s'imagina sur une sorte de grand avion ou vaisseau, un peu futuriste.

"Je pouvoirr venirr avec vous ? Pour aider cherrcher? ", demanda-t-il tout en dézippant une poche latérale de son énorme sac-à-dos. Il en sortit son sauveur, un petit dictionnaire russe-anglais, et le montra avec un grand sourire à la belle américaine. "Parrler plus facile avec ça...", commenta-t-il tout en cherchant quelques mots dans les pages.

"X-men être dans comme avion. Vous avoirr pilote dans...dans le ici-volant? Vous pas pouvoirr atterrir sur la sol. Donc devoir utiliser porrtail. Et porrtail pas marrcher. Donc vous cherrcher pour rreparer porrtail. Je avoirr bon comprris?", finit-il par demander, tout en tendant le petit dico à l'américaine. Il priait sincèrement pour que la réponse soit un oui.

Quand Vadim proposa son aide pour la recherche des batteries, Eden eut d'abord une pensée pour son jeune âge, avant de se rappeler qu'au final, de plus jeunes encore avaient déjà été sur le terrain... Pour ne pas en revenir en songeant à Kitty. Etait-ce une bonne idée? Elle n'en savait rien. D'un point de vue purement calculateur, plus nombreux ils seraient et plus les possibilités de réussites seraient grandes, mais cela revenait à penser en terme de chaire à cannon, ce qui entrait en parfaite contradictions avec ses propres convictions. Même si elle se sentait prête à tout pour rentrer. C'était plus simple de se dire qu'au final, la décision ne lui reviendrait pas. Elle n'était qu'une enfant parmi d'autres. Illusoirement ça soulageait sa conscience.

"Je ne sais pas."

Oh! Un dictionnaire! En voilà une bonne idée! Vadim avait pensé à tout. Eden se rapprocha pour voir le livre, mais se ravisa au bout de quelques pas. En fait, se faire comprendre était encore plus difficile qu'il n'y paraissait. Les grandes lignes avaient été saisies, mais les détails les plus importants pour le jeune russe n'avait pas été correctement expliqués par la californienne.

"Pour le portail, tu as bien compris."

Pour le reste, elle avait mal expliqué. Récupérant le petit dictionnaire tendu, elle essaya de trouver les mots.

"Ici, ce n'est pas un avion. C'est un peu comme un château."

Elle chercha le mot dans le dictionnaire. Encore heureux qu'il y avait la phonétique!

"кр...еп..ос..ть. ... крепость."

Elle parcouru d'autres pages, l'air très concentré, en marqua une en la tenant d'un doigt et chercha encore un mot.

"другой... планета."

Elle baragouinait vraiment les mots comme une débutante. L'accent n'y était pas du tout, mais elle s'efforça de suivre les indications phonétiques placées à côté des mots. Elle finit par relever les yeux.

"Ici, ce n'est plus la Terre."

Quand Eden releva les yeux vers le petit russe, elle put y lire un gros mélange d'incompréhension et de confusion. Si le garçon avait bien compris les mots prononcés, l'idée d'être dans un château volant sur une autre planète n'était... pas très évidente à assimiler. Il en était toujours à assimiler que des personnes pouvaient avoir des sortes de pouvoirs magiques ou des corps de monstres.

Vadim resta ainsi, confus, bouche entre-ouverte et yeux bleu fixés sur la mutante américaine. Lentement, le gamin s'accroupit, pour glisser son sac à dos au sol. Et, sans dire un mot, ouvrit une autre poche latérale avec un bruit de scratch, pour y récupérer une sorte de paquet. Il s'assit à même le sol froid, à coté du sac plus grand que lui, sortit une clope pour la mettre en ses lèvres, l'alluma et prit une bonne grande bouffée.

l'adolescent jeta quelques coups d'œil vers Eden, au cas où celle-ci aurait eut l'air de blaguer sur la soudaine révélation dure à avaler. Il n'avait pas demander l'autorisation de fumer, mais pour une fois, cela lui passait franchement au dessus de la tête. "Nous pas êtrre sur Terrre.... et nous dans château volant...", prononça-t-il lentement, entre le bilan et la tentative de confirmation. Le blondinet tira une autre bonne latte avant d'exhaler la fumée, le regard fixe dans le vide, visiblement en pleine réflexions.

Finalement, il eut un léger rire juvénile et sourit à Eden, à la fois désabusé et amusé: "Amérricains...x-men... vous jamais pouvoirr fairre chose comme rreste du monde?" Il s'étira les bras, subissant les contrecoups de fatigue de son premiers jet lag. "Ca etrre vie norrmale mutants chez vous?", demanda-t-il avec un sourire goguenard. "Je devoirr prrendre photos pour Borris... lui jamais crroire...", souffla-t-il en tendant le paquet de clope à la jolie blonde. Finalement, Vadim prenait la situation à la russe. Il lui manquait des pourquois et des comments sur la situation, mais il n'était plus pressé de les poser.

Et bien voilà qui faisait une personne de plus qui prenait relativement bien la nouvelle. Si tant est qu'elle puisse être bien prise. Eden s'attendait tout de même à ce qu'il émette une objection quelconque. Après tout elle pourrait tout aussi bien se moquer de lui. Qui sait tout ce qui pouvait passer comme reflexion dans la tête de quelqu'un qui se faisait annoncer un changement de planète? Le dictionnaire toujours entre les mains, elle ne pu qu'observer Vadim se laisser aller au sol pour fouiller dans son sac et sortir... Un paquet de clopes. A son âge. Stoïque, la californienne n'avait clairement pas l'air de blaguer jusqu'ici. Elle était parfaitement sérieuse. Aussi sérieuse que fut malgré elle un certain regard désaprobateur quand elle constata que le jeune russe se glissait une cigarette entre les lèvres le plus naturellement du monde. Enfin... Elle n'était pas là pour jouer les éducatrices. De toute manière, elle était mal placée pour reprocher quoi que ce soit, tout bien réfléchit. Le court résumé du mutant avait le mérite d'être tout à fait exact.

"C'est ça."

Au moins ça avait le mérite de le faire rire. De même quand il joua sur ce cliché de l'exagération américaine. Un peu contrite, elle baissa les yeux, un sourire un peu vide sur les lèvres.

"On aime pas faire les choses à moitié, faut croire..."

C'était vrai que depuis qu'elle avait accepter la proposition de Walentyn, Eden n'avait pas connu plus de quelques jours de réelle tranquillité. Entre l'attaque à Chicago, la mission à la Maison Blanche, les recrutements, les bagarres internes, les extra-terrestres... Oui, les x-men ne feraient jamais rien comme les autres.

"C'est assez souvent comme ça, oui."

Pauvre Vadim. S'il avait espérer trouver la paix au milieu de ses semblables, il était bien mal partit. Elle ne fit que secouer la tête à la proposition d'une cigarette. Certes, elle avait une réputation de sainte à tenir, mais au-delà de ça, c'était clairement quelque chose de plus costaud que la nicotine dont elle aurait bien eu besoin. Elle finit par s'asseoir à même le sol à son tour, relevant les yeux sur le portail.

"Qui sait, peut-être que ton ami Boris va venir lui aussi."

S'il n'avait pas détalé comme un lapin en voyant son compatriote disparaître sous ses yeux.

"De toute manière je ne pense pas que qui que ce soit nous croira."

En espérant encore qu'ils reviennent sur Terre.

Le jeune ado avait rangé son paquet de clope, presque amusé par le regard sérieux d'Eden. Le même regard désapprobateur que certains parents avaient quand ils voyaient le blondinet fumer dans la rue, le désignant à leurs propres mômes comme un chemin à na pas suivre. Cela lui plaisait bien!

Le jeune fille avait repris son ton abattu et fatigué, presque désillusionné... Zero-G n'avait aucune idée du temps qu'elle avait passé ici, mais il comprenait bien qu'un tour de garde pouvait être épuisant. Sans compter que les x-mens semblaient à la fois coincé et toujours en alerte sur les ennemis qui les avaient attaqués. D'ailleurs...

Il fronça légèrement les sourcils et releva son minois de gamin vers l'américaine. "Gens qui attaque x-men... dans Grreymalkin... êtrre ici aussi? Nous voir personne dans Grreymalkin..." Vadim n'avait toujours aucune preuve sur le fait d'être sur une autre planète ou un château volant, mais il ne voyait pas pourquoi Eden lui aurait menti. Il réfléchit un moment tout en finissant sa cigarette à grande bouffées préssées.

"Je pouvoirr rrester avec toi? Partirr cherrcher chose rréparer portail quand toi rrecevoir ordre... si toi d'accorrd. Je pas faire brruit! Je mettrre sac ici avec murr et je garrder porrtail avec toi...aprrès partirr." Son regard bleu fixait celui d'Eden comme un môme demandant à sa mère le droit de se coucher tard. Non pas que le glazovite n'était pas curieux sur le reste de la forteresse, ou qu'il ne souhaitait pas voir d'autres mutants, mais, la fatigue du vol se faisait sentir, et tout réexpliquer a des non-russophones allait être compliqué et long. D'une certaine façon, c'était plus simple de se faire présenter par Eden.

Quittant le portail des yeux, Eden se reporta sur Vadim. La question était pertinente. Pour ceux qui en avaient parlé, il n'y avait personne à Graymalkin. Un lieu déserté sans âme qui vive. Ce qui pouvait être logique dans la mesure où ils avaient été enlevés. Cela voudrait dire que leurs agresseurs ne pensaient pas qu'ils pourraient rentrer sur Terre? Ou qu'ils avaient eu d'eux ce qu'ils voulaient? Elle n'en savait strictement rien mais refusait de se laisser aller pour autant. Ces saletés d'extra-terrestres étaient inférieurs en nombre et leur avaient mis une raclée phénoménale. S'ils avaient voulu tuer les x-men, ils auraient pu.

"On ne les a pas revu pour le moment. Et j'espère qu'on ne les reverra jamais."

Elle replia ses jambes contre elle.

"Ceux qui sont arrivés un peu avant toi ont dit la même chose: il n'y a personne à Graymalkin. Et c'est bizarre."

Après le bordel qu'ils avaient fait, les missiles, les explosions, les balles, lur jet crashé en plein parc, les cris, la forêt embrasée par l'homme-comète, elle restait dubitative sur le fait que personne d'extérieur à Graymalkin n'ait rien remarqué. Quant à la question de Vadim sur leur mission à venir... Elle eut un instant d'incompréhension. C'était la première fois qu'on lui demandait une permission de ce genre. Jusqu'ici, son avis n'avait pas vraiment compté pour des missions. Il y avait toujours eu un adulte responsable - hem... - pour prendre ce genre de décision. Elle baissa les yeux pour réfléchir quelques instants. Kitty, plus jeune que Vadim, arrivée, enlevée, et tuée sur Jotnar. Alyson, qu'Eden avait elle-même ramenée, n'avait même pas eu le temps de défaire ses valises qu'elle se faisait emporter avec eux. Son cadavre était resté au milieu des autochtones de Meredith. De fait, si ce n'était pas l'âge qui déterminait la survie, était-ce alors le temps passé au sein des x-men? Sur Terre, ils avaient eu des missions à San Francisco, Graymalkin et une salle des dangers, du temps pour se connaître. Encore que ça n'arrangeait pas l'esprit d'équipe. Mais Vadim? En pleine action, si jeune, et peinant à parler anglais, comprendrait-il dans un instant de panique s'il fallait courir, se mettre à couvert, frapper? Elle ne savait même pas encore quelles étaient ses capacités. Mais même avec un pouvoir surpuissant, un problème de communication pourrait mettre sa vie en danger plus que nécessaire. Quant à rester faire le pied de grue devant le portail... Le risque semblait limité. Jusqu'à maintenant, aucun ennemi n'était entré. Eden pouvait raisonnablement penser que Danger avait fait le nécessaire pour qu'aucune présence indésirable ne débarque. Quoiqu'il lui faudra aller demander à l'androïde, par précaution.

"Si tu veux rester ici avec moi, tu peux. Tu es libre d'aller où tu veux. Mais..."

Comment dire ça sans que ce soit mal pris? Elle ne voulait pas le mettre sur le banc de touche, mais en même temps, elle était déjà responsable de la mort d'Alyson et ne voulait pas en prime avoir celle de Vadim sur la conscience, surtout si il lui donnait la possibilité de l'empêcher de partir en mission pour le moment.

"Quand il faudra partir chercher la batterie, je préférerais que tu reste ici,si tu veux bien. Deux personnes sont déjà mortes et je voudrais éviter autant que possible que ça recommence."

Surtout que le pauvre Vadim n'y était absolument pour rien dans cette histoire. Il ne s'était pas fait enlever, et se retrouvait là avec trop de bonnes volontés pour se faire tuer sur une planète inconnue.

Occupés à discuter, les deux mutants entendirent soudainement des sortes de piaillements, provenant de tout autour d'eux, mais étouffés par la pièce en pierre. Les sons provenaient de l'extérieur, sans aucun doute, et ressemblaient à des coassements sonores et très nombreux.

Vadim fit un oui rapide de la tête quand Eden trouva étrange que l'ancienne école des x-men soit vide. Avec Boris, ils n'avaient pas compris pourquoi un champ de bataille pareil était ignoré de tous, hologramme ou pas. Il y avait quand même deux choses rassurantes : les x-men étaient vivants et leurs ennemis n'étaient plus là. Bon, il fallait mettre de coté la situation épineuse de se retrouver sur une planète inconnue, avec une entrée mais pas de retour possible. Mais bon, tant qu'il y avait de la vie...

"D'accorrd...Je garrder porrtail quand tu pas etrre là! Je essayer bien expliquer chose ici si tourristes arriver encore surr... planète château volant!" Tout sourire, le blondinet ne prenait pas du tout mal d'être laissé en arrière-garde. Après tout, il n'avait aucune expérience du terrain, et les autres x-men travaillaient surement en équipe, comme des professionnels. Il les voyait toujours comme une sorte de groupe paramilitaire envoyé dans des missions très dangereuses par le gouvernement américain. Mais, un glazovite jouant les hôtesses d'accueil pour les malheureux mutants leurrés par Danger, cela promettait d'être savoureux en quiproquos et conversations en charades!

Soudain, des piaillements et croassements en grand nombre se firent entendre, tout autour des deux ados, étouffés par les épais murs de pierre, mais néanmoins bien audibles. Vadim ne semblait pas rassurés et murmura à l'attention d'Eden : "Vous avoirr grros oiseaux noirrs... fairre crroa-crroa... autourr château volant? Ou eux êtrre ennemis à vous?" Il ne connaissait pas le mot anglais pour corbeau. Mais à la grimace du petit russe, l'américaine put facilement comprendre qu'ils ne faisaient pas parti de ses oiseaux préférés.

Oui, bon. En fait, imaginer Vadim en service d'accueil pour mutant égarés n'était peut-être pas la meilleure option. Mais elle restait néanmoins moins pire qu'une mission périlleuse. N'empêche, Eden trouva là encore assez étonnant le fait que Vadim prenne aussi bien son refus. A croire qu'elle avait perdu l'habitude des gens compréhensifs. Le jeune russe allait-il restaurer sa foi en l'espèce mutante? Parce qu'il était nécessairement mutant s'il s'était retrouvé ici lui aussi. Quoique. C'était peut-être le bon moment de vérifier en posant une simple question. Eden ouvrit la bouche, dans l'optique de demander purement à Vadim quel était sa capacité hors norme quand un boucan étouffé par les murs arriva jusqu'à eux. Surprise, elle leva les yeux vers le plafond, puis vers la seule entrée de la pièce. Si le bruit n'avait pas eu l'air de venir de partout à la fois elle aurait cru à un gag de Pedro. Lentement, elle se releva, légèrement tendue. Ils avaient déjà bien assez d'ennuis comme ça.

Quand Vadim s'adressa à nouveau à elle, la californienne se retourna vers lui. Il n'avait pas l'air franchement rassuré, ce qui se comprenait. En prime, les "gros oiseaux noirs" n'avaient pas l'air d'être des bestioles appréciées du jeune russe. Elle tourna à nouveau la tête our surveiller l'entrée de la pièce.

"On est sur une autre planète... Je ne sais pas si les corbeaux existent ici. Mais ce bruit, c'est la première fois que je l'entend dans cet endroit."

Elle contourna la console pour se rapprocher du couloir et, restant prudemment dans la pièce, elle se pencha au dehors pour essayer de distinguer si ces croassement venaient exclusivement de l'extérieur ou si une saloperie ne s'était pas glissée dans la forteresse.

Au bout du couloir, Eden remarqua rapidement qu'une sorte de gros vautour était planté sur le muret d'une fenêtre, immobile, et lançait quelques coassements sordides irréguliers. Le volatile planta son regard noir sur la jeune fille, sans réagir.

Derrière celui-ci, Wrath remarqua rapidement que l'oiseau semblait avoir amené sa famille avec lui. Parents, enfants, tantes et oncles, frères et soeurs, grands-parents, neveux et nièces, compagnes, ami(e)s, et peut être encore beaucoup d'autres. Tous volaient dans le ciel derrière lui. L'invasion commençait-elle ?

Récupérant son grand sac-à-dos, le jeune russe suivit Eden, jetant des coups d'œil tout autour comme si les volatils invisibles allaient sortir des murs. Et d'après ce qu'il en comprenait, la jeune x-men n'avait pas d'idée sur ce qui se passait dans la forteresse. Il posa le sac contre le mur, à coté de l'entrée, et reprit son dictionnaire gentiment des mains de sa camarade pour le ranger en vitesse dans la poche scratchée. Il aurait aimé discuter un peu plus avec elle mais ils étaient dans une zone hostile et mal connue.

Affichant un air concentré et inquiet, Vadim se cala dos au mur, juste à coté de l'entrée du couloir, oreilles grandes ouvertes, mais yeux rivés sur les portails. Une diversion était toujours possible, il pourrai compléter la vision d'Eden.

"Toi voirr quelque-chose?", murmura-t-il dans un souffle.

Pour un peu, Eden aurait passé le reste de la journée avec le dictionnaire serré dans une main. Elle manqua presque de sursauter quand Vadim le lui reprit, réalisant qu'en plus d'être distraite, elle avait vraiment les nerfs à fleur de peau. Les escapades intergalactiques ne lui réussissaient décidément pas. Penchée dans le couloir, elle repéra finalement assez rapidement la source de tout ce tintamarre. Mais que c'était laid ce truc! La californienne ne bougea plus d'un poil, constatant que le truc était venu plus que largement accompagné. C'était leur période de migration où la forteresse se trouvait en plein dans leur territoire aérien? Ce qui la gêna le plus à vrai dire, c'était le regard fixe du volatil planté sur elle. Soit ce genre de bestiole était accoutumée à la présence de bipèdes sur Khane, soit... Il ne considérait tout simplement pas l'humanoïde comme un potentiel prédateur. Cette seconde pensée l'incita à se reculer très très légèrement pour répondre à Vadim, sur un ton bizarrement calme, pour ne pas agiter la bestiole.

"On dirait des vautours."

Conscience que le mot en question ne faisait peut-être pas vraiment parti d'un vocabulaire courant, elle précisa.

"Les gros oiseaux qui mangent les animaux morts. Il y en a vraiment beaucoup"

Ou les gens. Mais même là elle ne comprenait pas. Il n'y avait aucun cadavre dans la construction. Rien qui puisse attirer un charognard. Peut-être que ce n'était tout simplement pas un charognard en fait.

"Vadim... C'est quoi ton pouvoir? Si ces choses attaquent, tu arriverais à les repousser?"

A moins qu'ils ne doivent en venir à s'enfermer dans une salle. Quoique pour Eden l'option n'était pas envisageable. Si ces piafs entraient jusqu'ici, ils pourraient aller n'importe où dans la forteresse. Wraith tâcha de se concentrer sur la bestiole perchée à la fenêtre. Elle ne voulait pas l'attaquer, juste le pousser en douceur et progressivement en arrière pour le pousser à s'envoler dehors et rejoindre sa famille, parents, enfants, tantes et oncles, frères et soeurs, grands-parents, neveux et nièces, compagnes, ami(e)s, et peut être encore beaucoup d'autres dans le ciel de Khane. C'était un animal, et vu sa tête, c'était pas certain qu'il ait un cerveau assez développé pour faire le lien entre un truc invisible qui le pousse et une proie potentielle planquée plus loin dans un couloir.

Sentant la pression contre lui, le volatile tenta de faire un pas de côté pour se stabiliser, avant de rapidement se mettre à battre des ailes pour éviter de tomber. Finalement, il fit demi-tour et s'envola pour ne pas risquer de chuter de dos dans le vide, et poussa quelques coassements agacés qui se mêlèrent aux autres alors qu'il s'éloignait.

Eden était devenue douée en explication de vocabulaire! Peut-être une futur prof d'anglais? Effectivement, le mot "vautour" ne faisait pas parti des mots courants dans le vocabulaire du petit russe. En même temps, des vautours, en Russie... Autant parler de pangolin. Vadim fit une grimace de dégout sur le descriptif de l'animal. Non, vraiment, cela ne faisait pas parti de ses bestioles favorites.

Il se concentra pour comprendre la demande de la jeune fille et lachâ un simple : "Oh! errr...", embêté. Dejà qu'il n'arrivait pas a bien expliquer son pouvoir en russe, alors en anglais. Il avait fait quelques progrès depuis que Boris était venu le chercher à Glazov. Les objets tenaient plus longtemps et dans une zone plus vaste. Mais cela restait simple et rudimentaire. Viktor avait appelé ça... ah oui : "Télékinésie... Je crroire...". Le jeune mutant ne connaissait rien à la nomenclature des pouvoirs. A ses yeux, le plus simple était la démonstration.

Fouillant dans sa poche, Vadim attrapa son briquet, qu'il avait remit avec ses clopes par habitude. Il mit sa main à plat, briquet dans la paume, et bascula brièvement dans ce petit état second qui lui faisait ressentir les choses différemment. Utiliser son pouvoir revenait à nager, la tête sous l'eau : des sens brouillés, déformés, différents, mais pas désagréables.

A ses yeux, le briquet était tout petit, émettant un "bruit" très faible, comme couvert par celui de son corps. Et il y avait Eden, plus distincte, ainsi que son sac-à-dos, formant une sorte de bosse coagulée avec le mur. Ses nouveaux sens lui donnait l'impression que certaines choses était plus "grosse" ou plus "petite" que ce qu'il voyait par ses yeux. Et, il y avait cette présence permanente, partout, comme si soudainement l'air était visible. Cette chose que Vadim ressentait sans en connaitre le nom : la gravité de cette planète. Une sorte de bruit de fond continu très grave et profond.

Zero-G créa une bulle de "calme" d'environ 50cm de diamètre autour de sa main, une zone sans "bruit", sans gravité, et baissa lentement sa main. Le petit objet flottait en tournant légèrement sur lui-même. Le petit mutant avait l'air d'être un peu en transe, regard fixé dans le vide, expression neutre. Pourtant, il eut un léger sourire au lèvres quand le briquet fut attiré quelques instants vers lui avant d'être repoussé, comme le flotteur d'une canne à pèche soudainement happé puis relâché. Vadim se contentait de créer des courants dans sa bulle, uniquement vers ou à l'opposé de lui.

"Ca... êtrre pouvoirr de moi.", expliqua-t-il d'une voix basse curieusement absente et monocorde.

Vadim aurait put rester plus longtemps dans cet état quasi second mais il coupa sa concentration en entendant les croassements et battements d'ailes furieux d'un vautour proche. Clignant des yeux, le blondinet leva son regard bleu vers Eden, et eut un sourire gêné : " Pouvoirr de moi... telekynesie... pas trres servirr beaucoup. Je pas assez forrt." Mais le jeune mutant novice gardait le moral : il pouvait s'entrainer et s'améliorer! La seule chose qu'il ignorait, était qu'il se trompait sur son pouvoir! "Quoi êtrre pouvoirr de toi?", demanda-t-il simplement.

Une fois sa petite démonstration faite, Vadim reprit sa position, gardant les portails en visuel. Toutefois, la curiosité prit le dessus et il se pencha pour jeter un coup d'œil rapide dans le couloir.

Et si Eden revoyait son choix d'études? Prof, c'était pépère comme job. Bien loin des vautours extra-terrestres et des portails intergalactiques! Ou pas. Au moins, pas besoin de vocabulaire pour saisir la mine quelque peu dégoûtée de Vadim. Non, les charognards ne rentraient pas dans le top dix de ses animaux préférés. Ce qu'elle comprenait d'ailleurs. Observant le piaf, elle constata que ce dernier, bien que visiblement dérangé par sa poussée, cédait la place sans trop rechigner pour aller rejoindre ses semblables en vol. Une bonne chose de faite!
Parler des pouvoirs, c'était autrement plus intéressant. Quand elle entendu le mot "télékinésie", elle se reporta sur le jeune russe. Un collègue de pouvoir! Cool! Avoir un autre télékinésiste ne serait pas de trop! Eden recula un peu pour voir ce que Vadim fabriquait en sortant à nouveau son paquet de cigarettes. Silencieuse, elle observa avec attention quand le garçon sortit son briquet. Il paraissait ailleurs en usant de son pouvoir. Une sorte de concentration zen qu'elle n'avait jamais appliqué jusqu'à maintenant. Mais il devait y avoir autant de télékinésie que de télékinésistes. Le mouvement du briquet lui parut étrange. Les objets ne bougeaient pas exactement de la même manière quand elle utilisait son pouvoir, mais bon. Elle avait bien vu Hellion étranger Timour à distance, chose qu'elle ne savait pas faire. Elle tendit une main, comme pour aller toucher le briquet, mais se ravisa finalement. L'objet avait plus l'air de flotter que d'être maintenu en l'air. Vadim devait certainement être bien plus doué dans les effets de finesse que la californienne. Par contre, il était un peu moins libre qu'elle pour ce qui était de la dimension des objets, mais pour ce qui était de la force, ça viendrait!

"Tu vas vite apprendre."

Eden eut un petit sourire nostalgique. Quand elle était arrivée à Chicago, elle faisait à peine voler une petite cuillère. Mais bien qu'elle ait progressé, elle restait encore bien trop faible à son goût. Tant qu'elle ne pourrait pas tenir tête à Hellion, elle continuerait à s'entraîner! En attendant, Vadim lui retournait la question et elle répondit, sur un ton légèrement amusé.

"La télékinésie."

Ça lui ferait peut-être drôle de trouver quelqu'un avec le même pouvoir que lui. Bien qu'Eden trouvait que Vadim avait clairement un petit quelque chose en plus dans son pouvoir qu'elle n'avait pas. Elle continua.

"Mais ton pouvoir, c'est bizarre. Ça ne ressemble pas tout à fait au mien. Peut-être qu'il existe différents types de télékinésie."

Pour illustrer ses mots, elle tendit la main pour prendre le briquet de Vadim, en douceur, puis elle se servit de son pouvoir pour le maintenir en l'air. Contrairement à l'effet produit par le jeune russe, le briquet n'avait pas vraiment l'air de "flotter", juste de tenir dans le vide. Elle fit lentement aller le briquet vers Vadim, pour l'immobiliser à nouveau devant lui, non loin de sa main afin qu'il puisse le reprendre.

"Tu vois? Il ne bouge pas de la même façon."

Tournant le dos à la porte, Eden se contentait dès lors de simplement prêter l'oreille, si un coassement se rapprochait à nouveau. En attendant, il lui semblait que les oiseaux n'étaient pas venus jusqu'à la forteresse pour attaquer.

Après les traditionnelles démonstrations de pouvoirs, les deux mutants s'assurèrent tour à tour de la présence, ou plutôt de l'absence de volatiles dans le couloir. Le premier, Vadim, préféra observer le corridor. Celui-ci était toujours vide, mais la présence de créatures volantes à l'extérieur était effrayante par leur nombre.

Quelques instants plus tard, c'était Eden qui se contentait d'écouter les coassements pour déterminer si depuis le vol du briquet, un vautour était de retour sur la fenêtre. Un piaillement confirma malheureusement cela. Passant la tête cette fois, elle remarqua un oiseau sur le bord de la fenêtre. Ce n'était pas le même que le premier. Celui-ci semblait plus chétif, si bien qu'un second camarade vint se placer à ses côtés sur le bord, plus massif, et coassa d'un cri plus grave en fixant Eden avec ses yeux noirs sans âme.

Le gros semblait plus agressif que le petit. Ses cris semblaient clairement dirigés vers la mutante. Comme s'il la sommait de partir.

Le jeune garçon fut tout d'abord content d'être encouragé par son ainée x-men. Mais son expression passa vite à l'étonnement le plus total quand celle-ci annonça son propre pouvoir : le même! il mit un léger temps avant de hocher la tête, toujours sur le coup de la surprise, écoutant sagement l'explication sur les possibles différences de télékinésies. Cela se tenait : même effets, mutants différents, même pouvoir, utilisations différentes.

Ce ne fut que lorsque le briquet fut maintenu en l'air que Vadim réalisa pleinement. A ses yeux, absolument rien ne soutenait le briquet. C'était littéralement une chose invisible qui le maintenait tel quel! Il pouvait toujours ressentir la présence du briquet mais... mais rien de plus. Pas de "bruit", pas de "courant", rien. Pourtant, il tenait. A ses yeux, c'était de la magie pure et simple.

Le jeune mutant récupéra son briquet, le tournant machinalement dans ses mains comme un gamin cherchant l'astuce d'un tour de magicien. Eden avait raison : leurs pouvoirs étaient identiques et différents à la fois. Et cela rendait visiblement perplexe le petit blond. "Je... pas comprrendrre comment toi fairre ca...", souffla-t-il.

Finalement, il rangea son briquet dans sa poche et se ré-adossa au mur. Les croassements continus et leurs échos dans les murs de la citadelle rendait Vadim nerveux. Mais au moins, le corridor était encore vierge de toute présence de corbeaux. Mais quand un de ces cris lugubres se fit entendre plus distinctement proche, le mutant serra les poings. "Croa-croa de ici peut-êtrre pas manger que choses morrtes...", murmura-t-il à la jeune américaine. La pièce était désespérément vide de toutes armes potentielles, et il n'avait rien dans son sac-a-dos de vraiment utile à première vue, à part un paquet de barres de céréales aux fruits secs . "Toi croire que eux aimer gâteaux russes?", ajouta-t-il avec un petit sourire ironique.

Dans le doute, Vadim ouvrit son sac-à-dos et récupéra son paquet de biscuit. Cela n'était pas une arme, mais pourrait servir d'appât.