[Deutschland] Berlin, un jour de pluie...

*Quel temps de chien…*

Songea Athenodora d’un air maussade, le regard perdu dans la contemplation du paysage lardé d’une infinité de traits humides et acérés, tandis que d’une moue boudeuse elle remuait lascivement une cuillère dans la tasse de café qui lui faisait docilement face : les mauvaises conditions météorologiques n’étaient vraiment pas les meilleures amies des voleurs, c’était un fait. Les gens ne sortaient pas dans les rues, préférant en toute logique la chaleur et la quiétude de leurs demeures et, si jamais certains d’entres eux étaient suffisamment hardis pour oser braver le mauvais temps, ils s’harnachaient comme des chevaliers revêtus d’une armure de tissu difficilement pénétrable. Heureusement pour elle, Athenodora avait d’autres cordes à son arc que le simple dépouillement des idiots et des naïfs.

Quittant la fenêtre de son appartement situés aux abord du centre-ville du regard, la jeune femme dirigea son regard en direction de la tasse d’ou s’élevait une diaphane et sinueuse fumée propice à une forme de rêverie certaine. Elle en sortit sa cuillère qu’elle égoutta délicatement avant de la déposer sur la table, puis, dans un soupir empli d’un soupçon de lassitude, Athenodora porta la tasse à ses lèvres ou un discret reflet brillant illuminait le rouge vif qui en tapissait la surface moelleuse. Contre mauvaise fortune bon cœur, la jeune femme se fit finalement une raison. Si elle ne pouvait œuvrer comme tous voleur honnête digne de ce nom, au moins cela lui donnait-il l’occasion de prendre une journée de repos bien méritée… Selon son point de vue en tous cas.

Une fois sa gorgée du chaleureux breuvage caféine descendu le long de sa gorge, Athenodora reposa lentement sa tasse sur la table. Un frisson la parcoura très brièvement, mais il lui fut des plus agréable comme à chaque fois que le mauvais temps et la chaleur d’une boisson suave se rencontraient lors d’un instant commun. Après avoir goûté à ce bref moment de bonheur personnel, la jeune femme souffla comme pour se donner un semblant de courage. Ne rien faire de sa journée était une chose des plus appréciable, mais ce qui l’était encore plus c’était de ne rien faire de sa journée tout en se distrayant quelque peu afin que l’ennui ne vienne pas gâcher cette relaxante activité.

Cherchant du regard la télécommande de sa télévision, elle fini par l’apercevoir sur le canapé ou elle se souvenait soudain l’avoir distraitement balancer la veille au soir, entre l’instant ou elle s’était réveillé d’un sommeil impromptu devant une émission vaguement intéressante et celui ou, presque aussitôt, elle était allée se plonger dans les draps moelleux de son lit à baldaquin. Quittant finalement sa table avec sa tasse de café à la main, Athenodora laissa ses pas la guider jusqu’à son canapé et, après avoir empoigné sa télécommande et s’être confortablement installée dans celui-ci, elle alluma sa télévision avant de commencer à zapper de chaînes en chaînes en espérant trouver un programme à sa convenance.

Débuta alors le défilement de toutes les nombreuses et inutiles chaînes : celles vantant les mérites d’un quelconque télé-achat que la jeune femme considérait généralement comme des voleurs ayant pignon sur rue, celles qui affichaient, pour ne par dire matraquaient, toujours les mêmes informations toutes les dix minutes, Celles qui vous disaient quoi faire et comment pour être plus jolie, plus mince, moins ringardes… Ces dernières, Athenodora ne les regardaient jamais… Pour quelle raison.. ? C’était évident voyons, il suffisait de la regarder des pieds à la tête pour en comprendre ladite raison. La jeune femme avait parfaitement conscience d’avoir une très haute opinion d’elle-même, mais dans son activité professionnelle c’était une condition sine qua non pour exceller dans l’art extrêmement délicat de soutirer aux gens leur trop-plein matériel… Elle leur rendaient service lorsqu’on y songeait bien… Grâce à elle, les gens apprenaient que l’on pouvait vivre heureux avec beaucoup^moins que ce que l’on pouvait posséder… Oui, on pouvait même avancer l’idée qu’elle contribuait à rendre l’humanité meilleure, assurément.

Passant d’un canal télévisé à un autre avec, entre chaque, un intervalle variant de quelques secondes à quelques minutes, Athenodora fini par tomber sur un vieux film. Visiblement commencé depuis peu de temps, celui-ci racontait l’histoire de gens étranges qui se courraient après à travers le temps pour, finalement, se décapiter les uns les autres. En soi, l’idée paraissait terriblement absurde à la jeune femme. Si elle avait un jour la chance de devenir immortelle, Athenodora aurait assurément bien mieux à faire de son temps que de chercher à couper la tête des autres gens comme elle. Bien entendu, l’histoire de la récompense finale, un fabuleux pouvoir qui, dans les faits restait des plus abscons dans son descriptif réel, ne lui avait certes pas échappé. Mais le pouvoir lui semblait tellement… Comment dire… Futile. Il appelait à trop de responsabilités, trop de complications et de contraintes en tous genres… Elle, préférait très nettement la liberté.

Bien entendu, Athenodora pourrait être plus riche, vivre dans une maison bien à elle et, peut-être même, avoir une employée de maison ou deux. Mais l’ambition n’était pas vraiment un des traits de sa personnalité. De toute façon et comme le lui avaient enseignée ses deux mères, à trop en vouloir on finissait généreusement par tout perdre. L’une d’entres elles répétait d’ailleurs souvent le proverbe suivant ; qui trop embrasse, mal étreint. Fidèle à ces préceptes sages, Athenodora avaient assez rapidement décidé de se contenter d’avoir suffisamment d’argent afin de vivre convenablement… Enfin… Un tout petit peu plus quand même… Les temps pouvaient parfois être durs, alors il fallait toujours avoir de quoi voir venir l’avenir.

Quoi qu’il en soit et même si le scénario en question lui paraissait des plus absurde, la jeune femme se décida en fin de compte à rester devant ce film afin de se distraire durant l’heure et demie à venir. Se calant encore un peu plus confortablement dans son canapé, Athenodora avala alors une autre gorgée de son café en se disant que, finalement, il valait mieux voir des gens qui se décapite à la chaîne plutôt qu’une histoire d’amour aussi irréaliste que fondamentalement niaise.

La journée avait vraiment de quoi être désespérante, la pluie ne cessait de tomber, la jeune allemande pouvait entendre, le sifflement des goutes sur les fenêtres. C’est donc ainsi, dans son canapé que la jeune femme passa le reste de l’après midi, devant son film traitant d’immortelle.

Elle aurait surement put passer le reste de sa journée comme cela à ne rien faire, zappant de chaine en chaine, et suivant lorsque l’envie lui prendrait telle ou telle émission, film, série ou autre. Cependant le destin peut-être en décida autrement. Alors que le film touchait à sa fin, elle entendit trois coup à sa porte suivit d’un :

« Dora, Dora, ouvre moi y caille dehors »

La jeune femme put tout de suite reconnaître la voix de Mose, l’un des ses « frères », il était plus jeune qu’elle et n’avait que 19 ans. C’était d’ailleurs l’un des seuls à l’appeler de cette façon Dora. Athenadora, savait qu’il ne venait en général que lorsqu’il en avait besoin, Mose était toujours fauché et donc constamment à la recherche du bon coup qui lui assurerait une certaine tranquillité.

Le jeune homme frappa de nouveau à la porte trois fois, il semblait visiblement préssé que la jeune femme aille lui ouvrir, peut-être à cause du temps épouvantable qu’il y avait dehors.

(HJ : oki pour les deux !)

L’esprit vaguement somnolent, Athenodora regardait le film précédemment cité tandis que la nature s’évertuait bien aimablement à nettoyer ses vitres de l’extérieur. Toujours prête à saisir la bonne affaire, la jeune femme s’était vaguement demandé, dans une pensée songeuse, à quoi pouvait bien tenir l’immortalité des personnages de l’œuvre de fiction . Etait-ce lié à quelque chose contenu dans leur sang..? Dans ce cas, celui-ci pourrait sans le moindre doute se revendre une véritable fortune pour seulement une poignée de gouttes. Un soupir, aussi fugace que inconscient, fusa alors des lèvres closes de la berlinoise tandis que cette dernière se disait intérieurement qu’il était vraiment dommage que tout cela n’était rien de plus qu’une théorie purement imaginaire en fin de compte.

Alors que le film progressait, lentement mais sûrement, en direction de sa fin, Athenodora vit son attention attirée par l’éclat de trois coups répétitifs sur sa porte d’entrée. A peine eu-t-elle le temps de réagir et de penser à tout naturellement se lever afin d’aller regarder au travers de son Judas afin de constater de visu l’identité de son visiteur inattendu, qu’une voix retentit alors à travers le panneau de bois épais… Une voix, qui sonnait de manière très familière aux oreilles de la jeune femme, au même titre que ce surnom que, en vérité, elle n’appréciait que très modérément.

Un profond sentiment de lassitude s’empara alors de Athenodora qui, en un réflexe presque pavlovien, se demanda instinctivement ce que pouvait bien vouloir son petit frère cette fois-ci, tandis que celui-ci réitéra pour la seconde fois l’éclat de ses trois coups portés contre la porte d’entrée de son appartement. Rien encore n’allait dans le sens de sa pensée, mais Athenodora connaissait suffisamment son cadet pour savoir qu’il n’était pas du genre à subir le courroux humide et quelque peu venteux de la météorologie actuelle, uniquement pour venir lui rendre une petite visite de courtoisie. Mais bon… C’était son petit frère après tout et puisque désormais leurs mères n’étaient plus présente, il était à la charge des aînés de s’occuper des plus jeunes.

Prenant son courage à deux mains, la rouquine quitta vivement le confort moelleux de son canapé et se dirigea en direction de sa porte d’entrée qu’elle ouvrit sans même prendre la peine de regarder apparaître Mose, car elle dirigea aussitôt ses pas vers sa salle de bain tout en lançant :

‘’Entre et assis toi, je reviens… A la table, pas sur mon canapé… Je n’ai pas envie que tu ailles me mettre de l’eau partout.’’

Le propos pouvait être interprété d’une bien désagréable façon pour quelqu’un non au fait des habitudes du jeune homme, mais Athenodora connaissait bien son petit frère et elle savait que le premier geste de celui-ci, une fois chez elle, était de toujours se laisser mollement choir sur son canapé comme si tout le poids du monde pesait sur ses frêles épaules de jeune adulte pourtant bien vigoureux. Mose était un gentil garçon, mais depuis toujours il avait eu des difficultés à assimiler les leçons de sagesse de leurs mères. Même si la plupart d’entres eux avaient presque naturellement imaginé pouvoir gagner très gros sur le court terme, tous avaient fini par se rendre à la cruelle réalité du monde : Dans leur domaine d’activité, s’enrichir prenait des années, voir même une ou deux décennies… Tous.. ? Pas vraiment, car Mose s’était apparemment attaché à cette idée comme étant une possibilité accessible en dépit des avertissement répétés de ses aînés.

Souvent, Athenodora se demandait si ils avaient eu raison de le laisser prendre son indépendance aussi jeune, suite à l’arrestation de leurs mères. Les plus jeunes de ses frères et soeurs n’avaient pu échapper au griffes de l’assistance sociale, mais lui, en revanche, avait été plus ou moins sauvé par sa majorité toute proche. La plupart de ses aînés avaient décidé de lui faire confiance, mais Athenodora et une minorité des siens avaient cependant jugé qu’il n’était pas encore prêt à s’assumer par lui-même… Et jusqu’ici, le comportement du jeune homme abondait plus ou moins dans leur sens. Mais encore une fois, elle était son aînée, elle ne pouvait donc refuser de l’aider lorsque celui-ci venait lui en faire la demande.

Après avoir attrapé une serviette de bain, la jeune femme laissa ses pas la mener dans la cuisine ou elle prépara deux tasses de café bien chaudes : Une pour elle, et une seconde pour son petit frère afin que ce sale gosse, comme elle se plaisait parfois à l’appeler, puisse se réchauffer doucement. Athenodora revint finalement dans son salon puis, une fois ses deux tasses déposés sur la table ; elle jeta la serviette en direction de Mose avant de s’asseoir en lui disant :

‘’Essuies toi, je n’ai pas envie que tu tombes malade.’’

D’autant plus que, le connaissant comme elle le connaissait, cet irresponsable n’avait certainement pas de quoi se soigner dans un tel cas de figure… Il fallait vraiment qu’ils lui mettent du plomb dans la tête, autrement ils ne tarderait pas à rejoindre leurs mères dans une cellule.

S’étant à son tour installée à la table du salon, Athenodora fixa en silence son regard sur Mose en train de se frotter les cheveux, afin d’en déloger au mieux l’eau qui y avait trouvé refuge. Dans une pensée attendrit, la jeune femme se remémora brièvement des évènements passé liés à son frère et, dans une seconde pensée attendrit nuancée d’un soupçon de résignation, elle se dit alors que décidément, il n’avait vraiment pas changé, il fallait toujours prendre soin de lui exactement comme lorsqu’il était encore un enfant. Athenodora n’avait que quatre années de plus que Mose, pourtant sa maturité responsable évidente donnait très souvent l’impression qu’elle était bien plus âgée.

Le laissant en terminer avec son séchage capillaire, la jeune femme glissa sa main dans l’anse de porcelaine de sa tasse et porta celle-ci à ses lèvres afin d’en avaler le breuvage brûlant d’ou s’échappait une légère volute de fumée blanchâtre. Bien que curieuse de connaître la raison de la visite de son cadet, Athenodora préféra ne pas le brusquer en l’interrogeant tout de go. Malgré sa connaissance évidente de la nature opportuniste de celui dont la rousseur l’avait presque toujours plus rapproché d’un véritable frère que tous les autres n’étant pas nanti de cette teinte pas aussi courante que cela, elle ne souhaitait pas préjuger avant de savoir… Elle préférait lui laisser le bénéfice du doute, car après tout Mose venait aussi parfois la voir simplement parce que il en avait l’envie.

Athenodora se contenta donc de l’observer, en silence, semblable à une mère qui attendait que son enfant prenne la parole en premier, tout en jouant machinalement avec sa tasse de café. Si le fait de le voir humer son café avec une envie des plus évidente laissa la jeune femme de marbre, il n’en fut pas de même lorsque Mose décida de porter une cigarette à ses lèvres et de l’allumer. Une moue de désapprobation se dessina alors sur le visage de Athenodora, tandis que le jeune homme se sentait apparemment plus intéressé par la télévision qui était resté allumée, plutôt que par la présence de sa propre sœur. Sa remarque, sans doute voulu comme étant gentiment moqueuse par rapport à la série pour adolescentes attardées qui avait fini par remplacer le film initialement regardé, arracha un léger sourire à Athenodora. Il la connaissait bien, il savait que sa grande sœur n’était pas une adepte de ces séries low cost à forte tendance fleur bleue. Pourtant, Athenodora prit la peine de lui répondre mais uniquement à propos de la fin de sa phrase :

‘’Le temps ne m’inquiète pas outre mesure tu sais, j’ai largement de quoi voir venir en attendant la fin de la saison des vaches maigres… Mais en parlant d’affaire, justement…’’

S’interrompit brusquement la jeune femme, qui tendit alors le bras en direction de son frère et lui arracha sans le moindre ménagement la cigarette qui était emprisonnée entre ses doigts encore humide. Elle s’adossa à nouveau contre le dossier de sa chaise et, constatant que en fin de compte elle n’avait aucun endroit ou écraser cette chose aussi affreuse que horriblement nauséabonde qui était en train de polluer ses propre doigts, elle décida de ne pas faire dans le détail et de la plonger directement dans sa propre tasse de café qu’elle poussa ensuite sur le côté puisque, par définition, devenue absolument imbuvable. Pour Athenodora, c’était aussi une manière assez forte de faire passer un message à son frère : Plus de cigarettes !

‘’Il me semble que la dernière fois que l’on en avait discuté, tu m’avais promis d’arrêter de fumer, non ? Tu sais pourtant très bien ce que je pense du fait de te voir détruire ta santé pour cette saleté.’’

Ajouta-t-elle à l’encontre de Mose, avec un accent de reproche courroucé dans la voix. La mine sombre de la jeune femme signifiait qu’elle ne plaisantait absolument pas sur le sujet, comme le savait assurément le jeune homme coupable. Après quelques secondes, Athenodora fini cependant par pousser un long soupir de dépit… Irrécupérable, ce sale gosse était vraiment irrécupérable.

‘’Enfin… Et si tu commençais par me dire comment tu vas.. ?’’

Toutefois, Athenodora se promis que si jamais Mose déposait son paquet de cigarettes sur la table, elle l’emprisonnerait dans un carcan de roche afin que plus jamais il ne puisse en user.

Mose regarda sa « sœur » un petit sourire aux lèvres, elle n’était pas comme lui, le jeune homme était parfois envieux de sa sœur, de sa capacité à être une fourmi et de prévoir les temps à venir. Le jeune homme n’était en effet pas caractérisé par cette qualité, chez lui c’était plutôt la cigale qui l’emportait.
Mose ne bougea pas lorsque brusquement l’allemande vint tendre son bras en direction de sa cigarette. Il regarda d’un air ébahi sa grande sœur, puis changea tout de suite d’air lorsqu’il la vit éteindre, sa précieuse drogue dans sa tasse de café :

« Nan, nan dora t’abuse »

Il écouta ensuite d’un air penaud, comme s’il se faisait gronder par sa mère, pour une bêtise qu’il avait faite, Athenodora lui faire la morale. Le jeune homme tripota nerveusement son paquet de cigarette, sembla hésiter à en ressortit une, comme pour défier l’autorité, puis se raisonna finalement à ranger son paquet dans sa poche.

« Je sais, je sais, mais j’arrive pas, j’essaye, je te jure Dora, mais en ce moment ben c’est pas le top donc j’y arrive pas. »

Mose regarda intensément sa grande sœur, même s’il ne pouvait plus fumer en présence de la jeune femme, il n’était pas encore question pour lui de s’arrêter totalement. Et le soupir de l’allemande sembla lui indiquer qu’il n’avait pas perdu la guerre.

« Ben c’est pas la joie en ce moment, jsuis un peu à sec à vrai dire »

Mose laissa un petit temps de pause, s’autorisa, une gorgée de café, avant de se rapprocher de la table pour chuchoter tel un conspirateur :

« Mais j’ai ptete un bon coup sur le feu, mais faudrait agir, ce soir et je serais comment dire rassurer si tu venais avec moi »

Mose se tut attendant la réaction de sa grande sœur.

Parfois, Mose avait le bon gout d’avoir un minimum de bon sens. Bien lui en pris dans la situation présente, lorsqu’il se retint de défier Athenodora en s’emparant à nouveau d’une autre cigarette afin de se la caler entre ses lèvres et avant de l’allumer à son tour. Depuis toutes ces années qu’ils se connaissaient, le jeune homme avait bien retenu qu’il ne fallait pas dépasser une certaine limite avec ‘’grande sœur Dora’’ et qu’ils valait mieux ne pas commettre l’erreur de confondre sa gentillesse avec une forme de faiblesse exploitable par le premier pseudo dominant venu. La jeune femme était un peu à l’image de la force vive à laquelle s’apparentait la couleur de sa chevelure flamboyante : D’apparence calme, lascive et envoûtante, mais qui pouvait soudainement s’embraser sous l’effet d’une simple bourrasque. L’adolescent que fut autrefois Mose le savait d’ailleurs parfaitement, pour s’y être plus d’une fois brûlé les doigts.

En réponse à son rappel concernant leur dernière rencontre et le sujet qui y fut, entre autre, évoqué, Le jeune homme afficha une réponse somme toute assez prévisible : ‘’J’aimerais bien, mais je ne peux pas… C’est pas ma faute, c’est celle de la vie…’’ Mose avait une tendance, aussi fâcheuse que certaine à se conforter dans un rôle de victime, ce qui en vérité irritait dramatiquement Athenodora qui voyait dans cette attitude le manque flagrant de l’autorité parentale de leurs mères. Force était de reconnaître, que ces dernières possédaient une habileté psychologique difficilement reproductible par les autres enfants de la fratrie qui ne pouvaient faire que de leur mieux en leur absence.

Lorsque le jeune homme donna de ses nouvelles en annonçant être ‘’à sec’’, Athenodora ne pu s’empêcher de lui répliquer de façon distraite et quelque peu amusée :

‘’Pas tant que cela à ce que je vois.’’

La référence à l’aspect de chien mouillé de Mose était des plus évidente, quoique pas forcément d’un très haut niveau humoristique. Mais pour qui connaissait un peu la jeune femme, une pointe d’humour de sa part c’était déjà quelque chose d’appréciable en soi. Cela étant dit, la réponse de son frère ne la surprit guère étant donné sa manière d’être et tandis que Mose avalait une autre gorgée de son café, la jeune femme se laissa retomber contre le dossier de sa chaise en croisant aussi bien ses jambes, que ses bras contre sa poitrine, tandis que son regard s’appesanti sur son cadet d’un air songeur. En dépit de toute sa bonne volonté, l’espoir que la visite de celui-ci soit purement désintéressée lui semblait s’éloigner de seconde en seconde. Consciente qu’elle lui donnerait une fois de plus de l’argent si Mose lui en faisait la demande, Athenodora se demanda tout de même si elle ne ferait pas mieux de plutôt lui secouer énergiquement les puces afin qu’il se décide enfin à prendre, aussi bien sa vie que son avenir, en main.

Quand Mose s’avança par dessus la table afin de lui parler, pareillement à un sinistre conspirateurs chuchoteur désireux de conserver le secret de son propos, Athenodora cessa de se perdre dans ses pensées afin de porter son attention sur le propos du jeune homme en portant légèrement son visage en avant. Contrairement à sa crainte initiale, Mose ne lui réclama nullement d’argent… Mais ce qu’elle entendit s’échapper de ses lèvres timides ne la rassura guère… Aïe… Un bon coup… Dans la bouche du jeune homme, cela signifiait bien souvent des ennuis en perspective. Le fait d’employer le conditionnel laissait très clairement imaginer qu’il n’avait pas vraiment préparé son coup avec toute la rigueur et le sérieux requis et ce n’était pas l’urgence d’agir le soir-même, qui rassura sa grande sœur. Une simple pensée surgit alors dans son esprit tandis que sa mine se fit doucement perplexe : Dans quelle affaire stupide, allait-il encore s’embarquer ?

Le fait d’entendre que sa présence était requise laissa Athenodora assez dubitative et c’est pourquoi, sans se départir de sa perplexité, elle lui demanda :

‘’Tu serais rassuré si je venais avec toi.. ? Et pour quelle raison, dis-moi.. ? Même si tu es encore loin d’être aussi capable que nos aînés ou moi, tu es tout aussi apte que n’importe lequel d’entres nous à fonctionner en solitaire. Je te rappelle d’ailleurs que c’était la condition sine qua non pour te laisser prendre ton envol au lieu d’aller vivre chez l’un de nous… De plus, tu es un garçon vigoureux et je ne vois pas trop en quoi je pourrais te ‘’rassurer’’ comme tu viens de me le dire. A moins que…’’

La perplexité du regard de Athenodora se transforma peu à peu en une inquisition des plus incisive qui paraissait vouloir transpercer Mose au plus profond de son être… Non, il n’oserait tout de même pas… Dans un mouvement brusque, Athenodora décroisa ses bras et laissa tout le haut de son corps s’étendre au dessus de la table afin de se rapprocher à son tour du visage du jeune homme afin que leurs regards se croisent mutuellement :

‘’Dis-moi Mose… Tu n’aurais tout de même pas eu l’audace de penser que tu pouvais te servir de mon pouvoir, pour ton propre compte.. ? Tu sais pourtant très bien ce que je pense de ce genre de chose, non.. ? Ce n’est pas un jouet que tous le monde peut utiliser à son gré.’’

La jeune femme se recula ensuite afin de revenir s’adosser contre sa chaise, puis elle ajouta sur un ton et un regard redevenu légèrement plus neutre, quoique non entièrement dénué d’un soupçon de suspicion :

‘’Si tu me disais plutôt ce qu’est cette affaire qui réclame ma présence rassurante, afin que je puisse me faire une idée sur sa fiabilité.. ? Si tu as besoin, non pas de moi mais de mon pouvoir, alors abandonne… C’est une affaire pour laquelle tu n’es pas à la hauteur.’’

La encore, le propos était assez rude dans son expression. Mais il y avait des choses avec lesquelles Athenodora ne transigeait pas et son pouvoir en faisait partie. De même et au risque de heurter douloureusement l’orgueil de son petit frère, elle préférait lui dire la vérité plutôt que de la laisser s’engager dans quelque chose qui dépassait de loin ses propres capacités et qui risquait peut-être de le mettre sérieusement en danger… Ne jamais voir trop grand, c’était pourtant une leçon très simple à retenir.

Le jeune homme connaissait bien sa grande sœur, c’est pour cela qu’il ne prit pas au pied de la lettre, la moquerie de sa grande sœur, lorsqu’il lui dit qu’il était à sec. Le jeune homme lança un sourire malicieux à Athenodora :

« Ouais c’est ça pffff »

Le jeune homme avait l’habitude de l’humour de la demoiselle, et il s’en accommodait fort bien. Le jeune homme continua alors d’écouter les remontrances de sa sœur, cette dernière savait fort bien que le jeune homme n’appréciait pas qu’elle prenne ce ton condescendant avec lui. Le jeune homme se renfrogna, mimant presque de son coté des gna gna gna, voulant presque dire cause toujours ma belle. Le jeune homme supporta alors le regard inquisiteur de sa sœur, il leva presque les yeux au ciel en entendant sa grande sœur, croire qu’il pourrait avoir cette audace de vouloir utiliser le pouvoir de sa sœur.
Cependant, la méfiance d’Athenedora, n’était pas sans fondement. Le jeune homme était fasciné par le pouvoir de sœur, il en était même jaloux et il avait déjà dit à sa plusieurs fois qu’elle devrait utiliser se pouvoir à bon escient afin de se faire un gros pactole. Cependant aujourd’hui, le jeune homme n’était pas venu avec cette idée en tête.

« Mais non Dora, t’inquiète j’ai bien compris que c’était ton trésor caché »

Le jeune homme commençait visiblement à s’énerver comme cela était parfois le cas lorsque Dora, le maternait. Mose était également susceptible et lorsque Dora suggéra qu’il pouvait ne pas être à la hauteur le jeune homme se leva de table et lança un regard assez noir à sa sœur.

« C’est bon j’ai compris, tu crois que je ne serais pas à la hauteur c’est ça, eh bien je vais me débrouiller seul. Moi je venais juste te proposer de faire un truc tous les deux ensembles, j’avoue que j’aurais préféré être deux et partager avec toi les gains, mais je pense que je pourrais le faire seul »

Le jeune homme avala le reste de son café et se dirigea vers la porte :

« Dora, tu verras, je vais réussir seul et demain tu seras fier de moi »

Mose posa la main sur la poignée de la porte s’apprêtant à partir. Sa sœur n’avait maintenant que quelques instants pour lui dire quelque chose avant que le jeune homme ne se décide à partir. Athenodora, pouvait voir que son frère avait le regard brillant, plein de désir de faire la fierté de sa sœur.

Comme dans chaque famille ou les ainés suppléaient presque naturellement les parents dans leur rôle vis-à-vis des plus jeunes, la fratrie informelle à laquelle appartenait Athenodora n’échappait pas à cette règle. Peut-être même était-elle encore plus prononcé en leur sein, étant donné la reconnaissance que chacun d’entres eux avaient envers leurs mères qui les avaient recueilli, nourri, blanchi et surtout, aimé sans concession en leur apportant un bonheur que nombre de membres de cette étrange famille recomposée avaient perdu auparavant… Et comme dans toutes ces familles, les plus jeunes ne comprenaient pas le bien-fondé de ce qui pouvait sans doute s’apparenter à leurs yeux, à de l’autorité abusive.

Athenodora, comme la quasi totalité de ses frères et sœurs, prenaient ce rôle extrêmement au sérieux, d’autant plus que désormais la famille ne pourrait plus s’agrandir comme autrefois. Alors, qu’il soit d’accord ou non avec cet état de fait, Mose était devenu des plus précieux à leurs yeux. Il était le dernier, l’héritage ultime de parents désormais absent… Tout devait donc être fait et mise en œuvre, pour qu’il ne devienne pas un échec final, c’était quasiment une question d’honneur filial pour ses aînés. Voilà pourquoi, la jeune femme n’était pas toujours tendre avec ce dernier. Il pouvait la détester, la honnir, faire comme si ses paroles de l’intéressaient pas, mais quoi qu’il puisse en penser, il l’entendait et c’était bien là le principal en fin de compte. Athenodora avait bien conscience de heurter durement son orgueil de jeune mâle dominant, mais, ne lui en déplaise, la jeunesse se devait d’être parfois tempérée par l’expérience et la sagesse.

Lorsque Mose commença à s’emporter de façon véhémente en lui disant qu’elle se trompait complètement à propos des raisons inhérentes à ce qu’il était venu lui demander, Athenodora marqua un léger mouvement de recul. Visiblement, elle avait piqué au vif l’ego de son frère et cela lui arracha un bref sourire à peine esquissé. Voilà, comment elle voulait le voir : Alerte, décidé, prêt à se battre et non pas quémandant timidement une quelconque aide, semblable à un petit chiot apeuré. Si seulement il pouvait être toujours comme ça, songea alors la jeune femme dans un soupir intérieur. Pour la peine, elle se réjouissait de s’être ainsi trompé sur ses intentions. Mais à sa décharge, il fallait bien avouer que Mose avait des antécédents liés au sujet de sa mutation qui nourrissaient sa suspicion, même si elle-même ne se gênait nullement pour en user dans son activité. Mais elle, avait le recul et la sagesse de ne pas en abuser à tort et à travers, c’était là toute la différence.

En revanche, il s’égarait sur un point : Jamais elle n’avait pensé qu’il ne puisse être à la hauteur, étant donné qu’ils avaient suivit le même enseignement dans ce domaine si particulier. Si prompt à réagir à la moindre provocation et tellement peu enclin au raisonnement… Enfin, elle-même avait sans doute du être ainsi… Enfin… Peut-être… La jeune femme n’était pas forcément la plus apte à juger de son propre cas en la matière après tout.

En voyant Mose quitter brusquement la table et se diriger en direction de la prote d’entrée, aussitôt après avoir vidé sa tasse de café, Athenodora écarquilla les yeux de surprise. Elle se demanda alors ce qu’il était en train de faire.. Il fuyait ? après avoir fait preuve d’un comportement adulte et décidé, il prenait soudainement la fuite comme un sale petit gamin contrarié qui ne voulait pas continuer à discuter.. ? Quand le jeune homme lui adressa une dernière parole à l’intonation rempli d’une certitude dangereuse, son regard croisa le sien et ce qu’elle y vit donna naissance à un sentiment assez désagréable chez Athenodora. Il brillait de cet éclat, aussi puissant qu’un cri. Ce regard avide de reconnaissance, elle l’avait vu plus d’une fois chez ses cadets, comme sans doute elle-même avait du l’avoir envers ses aînés… Ce désir de montrer que l’on était à la hauteur, afin d’être enfin considéré comme un véritable adulte au même titre que les autres… Un sentiment sans nul doute très humain, mais qui pouvait parfois conduire à bien des imprudence, surtout lorsque l’on était aussi inconstant que son petit frère à l’ogueil tellement élevé.

‘’C’est bon, je m’excuse…’’

Finit-elle alors par lancer à Mose, tandis que celui-ci était littéralement sur le point de quitter son appartement. Athenodora poussa un profond soupir de dépit, puis ajouta :

‘’Je suis désolée d’avoir pensé que tu voulais me demander de venir avec toi, afin que tu puisse user de mon pouvoir… Mais comprend bien que si les mutants sont bien acceptés dans ce pays et que une poignée d’entres eux ont même une position officielle assez importante, ce n’est pas pour autant que l’utilisation des nos pouvoirs est libre et que certaines personnes n’ont pas peur de nous. Mon pouvoir n’est pas quelque chose que je veux garder pour moi seule, c’est une grande responsabilité qui se doit de demeurer sous mon unique autorité et c’est la raison pour laquelle je vous ai toujours demandé de n’en parler à personne, tu peux comprendre ça, non ?’’

Et accessoirement, Athenodora n’avait pas la moindre envie que les autorités, qu’elles soient humaines ou mutantes, aient vent de l’existence de sa mutation, surtout après ce qu’elle avait fait deux ou trois ans auparavant. Pour Athenodora, la discrétion s’appliquait à tous les aspects de sa vie, assurément. A la suite de cette petite mise au point qui avait suivi ses plus plates excuses pour avoir mis en doute les intentions de son frère, la jeune femme reprit sur un ton qui se voulu très nettement plus offensif que précédemment :

‘’Maintenant, si tu veux vraiment que je sois fière de toi, commence donc par te comporter comme un adulte responsable et reviens immédiatement à cette table afin de m’expliquer en détail cette affaire dont tu m’a parlé… Et ne m’oblige pas à me lever pour te ramener en te tirant par les oreilles comme un sale gamin capricieux, compris ?’’

Athenodora aurait aussi voulu ajouter que l’idée de Mose visant à les faire travailler en équipe lui créait un réel plaisir, mais elle doutait que le flatter de la sorte à l’instant présent, lui soit réellement profitable. Mais peut-être lui ferait-elle don de cet aveu rare, si jamais elle acceptait de l’aider et que tout se passe pour le mieux.

‘’Allez, expliques moi tout et dis-moi aussi pourquoi c’est aussi pressé… Tu sais pourtant que toute activité d’envergure se prépare avec un peu d’avance et non pas la veille, c’est la base de toute réussite dans nôtre domaine.''

Ajouta encore Athenodora, afin d’inciter le jeune homme à revenir de lui-même à la table. Elle lui offrait une occasion de lui démontrer un début de maturité, charge à lui maintenant de saisir cette opportunité ou bien de préférer rester un enfant à ses yeux de grande sœur.

Mose leva sa main de la poignée de porte lorsque sa sœur, daigna s’excuser. Il ne semblait pas habitué à entendre sa sœur prononcée ses parôles. Généralement c’était plutôt lui qui devait le faire. Le jeune homme esquissa un léger sourire, réussir à faire dire ces deux mots dans la bouche de sa sœur était quelque chose de presque jouissif, comme s’il avait réussit un exploit incroyable. Immédiatement les traits du jeune homme se radoucirent.

« Je sais bien grande sœur combien il est important que ton pouvoir reste caché, nos mères ne nous l’on bien fait comprendre et toi aussi. »

Sa grande sœur, reprit alors aussitôt se ton offensif, autoritaire, qui faisait d’elle l’ainée, le chef de meute. Le jeune homme tiqua un peu, ce n’était pas facile pour un jeune homme sortant de l’adolescence et devenant un adulte, de se faire rabrouer comme un vulgaire enfant. Mais bon gré, mal gré le jeune homme vint se rasseoir à table.

« Eh doucement quand même t’es pas ma mère, pousse pas trop quand même »

La testostérone aidant, le jeune homme se sentait le devoir de rappeler à son ainée qu’il était apte à faire ses propres choix, et qu’il la laisserait de moins en moins prendre le dessus ou lui parler comme à un petit enfant. Se rasseyant sur sa chaise, et prenant son aisance, Mose décida de révéler son plan grandiose.

« Bon déjà ce n’est pas de si grande envergure, mais je dois du fric à Marcello, il me file des tuyaux ou des combines de temps en temps et comme je suis à sec depuis un moment disons que je lui dois un peu de fric. Mais tu vois c’est un type bien et il m’a filé un coup en or »

Mose se tut quelques instants, réfléchissant à la façon dont il allait aborder la suite des événements :

« Sa nièce, Lena bosse comme aide de ménage, chez une vieille et cte vielle ben elle est sacrément riche et surtout elle est fan de son bouboule, un caniche, Marcello m’a dit que elle srait capable de payer une fortune en rançon de son chien, j’ai qu’a lui ramener le chien, lui il se charge du reste, il se fait rembourser de ce que je lui dois et prend une marge. »

Mose avait les yeux qui brillait, il croyait ardemment dans son plan, pour lui c’était presque du tout cuit :

« Le hic c’est cette vielle est transit entre l’Allemagne et la France et demain justement elle doit partir, Lena à les clés car elle doit y aller une fois pas semaine pour s’occuper du ménage de la baraque, donc si on veut agir c’est ce soir pendant que la vieille dort »

Mose ne lui disait pas tout, et Athenodora, se doutait de ce qu’il ne souhaitait pas dévoiler devant elle. La jeune femme pouvait maintenant comprendre pourquoi son jeune frère requérait son aide, il n’était pas très à l’aise avec les chiens, il en avait même un peu peur, il devait surement compter sur sa sœur pour l’aider à l’immobiliser et le fourrer dans une boite pour le transport.

« Alors t’en pense quoi ? »

Mose attendait fixant les réactions de sa sœur, allait-il être seul dans cette aventure ou sa sœur l’accompagnerait ?

Que ce soit ses excuses, certes sincères mais fortement dégainée comme un ultime recours afin de retenir son petit frère ou bien encore sa menace, tout aussi sincère, de le ramener à la table en le traînant par les oreilles, Mose avait fini par s’asseoir à nouveau face à Athenodora. Bien entendu, il avait toutefois rugit pareillement à un fauve rebelle à la domestication, afin de s’affirmer en tant que égal devant sa sœur. Celle-ci voulu lui renvoyer une réplique cinglante afin de lui rappeler qu’il ne fallait pas s’imaginer qu’une concession de sa part signifiait qu’il pouvait s’enhardir au-delà d’une certaine limite, mais finalement elle s’en abstint. Après tout… Même si il ne s’agissait que d’un sursaut orgueil blessé plutôt que d’une réelle affirmation de soi, c’était déjà un début… Maladroit, indéniablement, mais un début tout de même. D’autant plus que lorsque l’on venait proposer une affaire à quelqu’un, il fallait surtout se montrer décidé pour ne pas laisser penser à l’autre que on ne savait pas trop de quoi on parlait. L’hésitation et le flou était interprétable comme un signe de faiblesse et dans leur milieu, la faiblesse ne pardonnait que très rarement : Même si l’idée était assez déplaisante à Athenodora, ils étaient des prédateurs et les prédateurs se dévoraient entres eux, c’était un fait indiscutable.

Alors, la jeune femme se contenta de donner à son frère le sentiment qu’il avait, temporairement tout au moins, pris le dessus sur elle et se contenta de l’écouter développer sa proposition en lui décochant un vague sourire à mi-chemin entre l’amusement et la satisfaction. Mose avait l’air tellement enjoué en lui expliquant les tenants et les aboutissants de cette fameuse affaire, qu’elle aurait été bien cruelle de ne pas l’écouter la lui développer jusqu’au bout. Malheureusement, très vite son sourire s’effaça afin de laisser place à une moue un peu plus dubitative.

En soi, l’affaire n’était en effet pas très compliquée. Sur le papier elle offrait même un fort gain potentiel, pour, en apparence, un minimum de risque. Mais ce qui déplaisait fortement à Athenodora, c’était la nature même de cette soit-disant juteuse affaire : elle était tout simplement minable, sans la moindre équivoque possible. Même si ils étaient des malfrats, la famille avait tout de même un certain code, appelons le d’honneur à défaut de mieux, que leurs avaient enseigné leurs mères. Même si la frontière pouvaient sembler des plus mince, ils n’étaient en aucun cas des gangsters à la petite semaine ou bien encore des arnaqueurs sans la moindre morale… Mose était en train de s’égarer lourdement et Athenodora ne savait pas trop si elle devait tenter de le raisonner calmement ou bien alors se lever de sa chaise afin de se rapprocher de son petit frère, dans le but de lui décocher une magistrale gifle d’un revers impitoyable de la main qui viendrait s’écraser lourdement sur sa joue de jeune imbécile sans cervelle.

Bien que sa nature profonde tendait à lui faire naturellement préférer la seconde option, Athenodora ne bougea pas d’un pouce tandis que Mose lui demandait ce qu’elle pensait de sa proposition. L’affaire était délicate et elle ne pensait assurément pas à celle que venait de lui proposer son petit frère. Après quelques secondes d’un silence pesant passé à fixer Mose, la jeune femme fini par pousser un profond soupir de dépit en levant brièvement les yeux en direction du plafond de son appartement.

‘’Ce que j’en pense.. ?’’

Lui répondit-elle finalement, tout en faisant surgir une myriades de minéraux de la paume de sa main, qui s’agglomèrent en l’espace de quelques secondes en une fine baguette de pierre aux extrémités effilées, à la forme très légèrement irrégulière et d’environ une quinzaine de centimètres. Une fois sa création terminée, Athenodora s’en empara avant qu’elle ne tombe sur la table sous l’effet de la gravité et reporta enfin son attention sur son petit frère tout en tapotant machinalement sur la table à l’aide de celle-ci en un rythme régulier..

‘’J’en pense que pour commencer, tu devrais sérieusement cesser d’être aussi naïf Mose… Un type bien ne t’aurait jamais proposé de participer à un kidnapping et de profiter honteusement d’une personne âgée… N’oublie jamais que les personnes qui te propose des affaires ne sont pas des amis mais des gens qui voient avant tout leurs propres intérêts avant les tiens : es-tu certain qu’il t’a vraiment tout dit.. ? D’ailleurs, tu lui dois quelle somme précisément ? Et vous comptez lui demander combien en échange de son chien, à cette femme ?’’

Lui dit-elle alors, naturellement méfiante envers les ‘’affaires en or’’ en apparence à la portée de n’importe quel débutant. Bien entendu elle avait des arguments plus technique a opposer à Mose afin de lui démontrer la terrible fragilité de sa bonne affaire, mais comme Athenodora le lui avait encore dit il y avait peu, Il fallait connaitre le moindre détail d’une affaire avant de s’y lancer définitivement et contrairement à son frère elle ne dérogerait pas à cette règle de base de leur activité.

Tout en continuant encore et encore son tapotement pierreux sur la table dans l’attente d’une réponse de la part de son frère, Athenodora compris au moins la raison pour laquelle Mose avait tant envie de sa présence rassurante à ses côtés. Toutefois, l’aspect amusant de cette peur irraisonnée des canidés ne parvint pas à faire disparaître le fait que Athenodora se sentait quelque peu offusquée de n’être, aux yeux de son petit frère, qu’un simple outil dans cette affaire et non pas une partenaire à part entière afin de, comme il le lui avait si bien dit, faire ce coup avec elle, en famille… Malheureusement pour lui, cette fâcheuse maladresse n’allait pas aider à rendre la jeune femme des plus conciliante à son égard désormais, c’était un fait.

Elle lui en ficherait du partage…

Le visage du jeune homme se glaça, lorsqu’Athenodora, prit son temps pour lui répondre ce qu’elle en pensait. Cette expression, le jeune homme la connaissait fort bien et avait appris à la redouter. Il écarquilla les yeux devant la baguette minérale que sa grande sœur venait de faire surgir. Le jeune homme se raidit encore plus à cette vision, conscient que cela n’annonçait rien de bon. Mose se recula sur sa chaise, pour mettre plus de distance avec le démon qu’il venait de faire surgir.

« Attends Athenodora, jvais t’expliquer »

Mais il n’eut pas le loisir d’en dire plus, et le jeune homme écouta donc passivement sa sœur. Devant les remarques de sa sœur, Mose perdit tout son arrogance de jeune coq et répondit à sa sœur.

« Je lui dois 15 000 euros, on pensait demander 50 000, ce n’est pas vraiment non déontologique, cette bonne femme, elle est vieille et pétée de tune qu’est ce qu’elle va en faire partir dans sa tombe avec. »

Mose regarda sa sœur, sans soutenir son regard et ajouta avec un certain empressement :

« Nan mais t’as raison, c’est pas une bonne idée, je vais me débrouiller autrement pour le rembourser t’inquiète pas, merci de m’avoir conseillé, je peux compter sur toi pour me remettre dans le droit chemin c’est gentil »

Ce revirement de situation était un peu facile, cependant le jeune homme semblait assez sincère, bien qu’à aucun moment il ne regarda sa sœur entre ses yeux. Mose regarda alors sa montre, la fin d'après midi approchait et s’écria :

« Merde, je vais être en retard, j’ai promis à ma copine d’aller la chercher au sortir de son taf »

Mose se leva prestement de sa chaise, puis se dirigea vers la porte :

« Merci Dora, passe une bonne soirée, et je reviendrais bientôt pour un autre café »

Mose ajouta un clin d’œil à sa sœur puis sortit. L’allemande se retrouva seule chez elle, avec un drôle de pressentiment.

Quinze milles euros.. ? Il devait quinze milles euros à ce type ?!

En entendant cet aveu arraché de force, Athenodora cessa soudainement son tapotement sur la table tout en crispant brusquement sa main sur la fine baguette de pierre. Son regard s’écarquilla alors, tout en s’écrasant lourdement sur Mose qui, visiblement, n’était plus aussi enhardi qu’il y avait quelques minutes de cela. Tandis que le jeune homme tentait de fuir le courroux qui pouvait se lire dans le regard de sa grande sœur, celle-ci s’interrogea intérieurement : comment diable, ce petit imbécile avait-il pu se retrouver avec une telle dette ?

Ce type, ce Marcello, avait du lui fournir des tuyaux en or massif et ornés de diamants, ce n’était pas possible autrement. Quinze milles euro… Pour avoir une telle dette à cause d’informations, il fallait des années et des années, et avoir échoué à chaque affaire liée à ces même information. Décidément, il était vraiment temps de se poser très sérieusement la question : soit Mose n’était vraiment pas fait pour leur mode de vie et il serait donc vraiment temps pour lui de se diriger vers quelque chose de plus conventionnel comme une vie d’honnête citoyen, soit… Hé bien… Il était vraiment un naïf définitivement irrécupérable et il finirait sans doute très mal et ne dépasserait peut-être même pas sa trentième année de vie.

Outre cet aveu de sa propre stupidité, ce qui mit en colère la jeune femme ce fut la justification que Mose lui avança : Cette femme était vieille et riche, certes… Cet argent ne la mettrait sans doute pas dans la misère, certes… Mais visiblement le jeune homme ne semblait pas comprendre le fondement même du problème et c’était cela qui irritait plus particulièrement Athenodora. Outre le fait que le kidnapping, fut-ce d’un chien, le faisait monter d’un échelon dans la criminalité, il ne semblait pas réaliser le risque qu’il prenait et que, par extension, il faisait prendre à sa sœur, était absolument dément : et si la vieille femme ne cédait pas ? Et si elle appelait la police ?

Mose réalisait-il que sans effraction, les policiers dirigeraient très rapidement leurs soupçons sur les personnes possédant une clé de l’appartement ? En l’occurrence, ils soupçonneraient très vite la femme de ménage qui, désireuse de ne pas supporter tous le poids de ce kidnapping, dirigerait certainement les forces de l’ordre vers son oncle qui, lui-même, finirait pas donner le jeune homme comme seul et véritable coupable. Après tout, c’était lui qui prenait tous les risques, les autres ne seraient sans doute accusés que de complicité… Et si jamais ils remontaient jusqu’à Mose, ils ne tarderaient sans doute pas à arriver jusqu’à elle comme étant sa complice.

Au final, eux feraient de la prison mais les deux autres s’en sortiraient quasiment sans dégât… Non, Mose était vraiment trop naïf, c’était définitif…

Le fait qu’il fuit toujours son regard énerva encore un peu plus Athenodora qui allait lui en faire vertement la remarque, lorsque Mose reprit soudain la parole pour lui annoncer finalement qu’il se ravisait, qu’il laissait tomber l’affaire parce que elle l’avait finalement convaincue… De courroucé, son regard devint suspicieux. Le changement lui paraissait un peu trop soudain, pour être tout à fait honnête. Son petit frère avait trop facilement cédé et Athenodora n’était pas femme à croire les belles paroles lancé aussi abruptement. Alors qu’elle allait lui faire part de ses plus que très sérieux doute concernant sa sincérité, Mose quitta précipitamment la table en prétextant un retard et un rendez-vous urgent. Sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, il sortit de l’appartement de Athenodora en la saluant encore et en la remerciant une fois de plus pour son aide, laissant la jeune femme devant une chaise désormais vide.

‘’Sale petit morveux, il a fui…’’

Maugréa la jeune femme dans un accent de colère non dissimulé, tout en fixant longuement la porte de son appartement.

‘’Et zut !’’

Dit-elle encore, tout en plaquant violemment sa fine baguette de pierre sur la table. Elle se leva à son tour, s’empara des deux tasses de café qu’elle ramena ensuite dans sa cuisine et, après les avoir toutes deux nettoyées, essuyées et rangées, Athenodora s’empressa de se diriger vers son téléphone portable. Une fois celui-ci en main, elle commença par envoyer le message suivant à Mose :

{Ne fais surtout pas de bêtise stupide, on va trouver une solution pour rembourser ce type. Alors, reste tranquille, tu as compris ?}

Puis, elle composa le numéro de téléphone du plus ancien de la fratrie, l’aîné par excellence et aussi le plus aguerri d’entres eux. Malheureusement, ce dernier n’était pas disponible et la jeune femme tomba sur sa messagerie vocale, ce qui ne fit qu’irriter encore un peu plus la rouquine déjà bien contrariée. Elle lui laissa finalement le message suivant :

‘’Salut Kurt, c’est Athenodora… Il faut absolument que tu parle à Mose avant ce soir, je crains fort qu’il ne fasse une énorme bêtise qui risque de lui attirer des ennuis semblable à ceux de nos mères, tu vois ce que je veux dire n’est-ce pas ? Il m’a dit qu’il n’en ferait rien, mais j’ai un sale pressentiment sur ce coup, alors parle lui le plus vite possible c’est très urgent.’’

Puis, elle raccrocha et déposa son téléphone avant de se laisser à nouveau tomber sur son canapé en fixant le plafond d’un air songeur, avec la télévision en fond d’ambiance. Outre le fait que Kurt était ‘’le’’ grand frère de toute la fratrie, il était aussi un homme, alors Mose se sentirait peut-être moins diminué si c’était un des siens qui lui disait de renoncer.. L’orgueil des mâles, surtout lorsqu’ils étaient encore jeune, c’était vraiment toute une histoire, assurément.

Quoi qu’il en soit, il allait vraiment falloir qu’ils règlent le cas de leur cadet au plus vite, c’était certain.

En y réfléchissant mieux, Athenodora, pu aisément se rendre compte qu’une telle dette ne pouvait pas simplement provenir d’un ensemble de tuyaux, ayant échoué. Elle se rappelait même très nettement le coté parfois immature de son jeune frère et surtout son impossibilité à se maitriser, à se contrôler. Elle pouvait donc aisément en déduire, que Mose avait du se faire embrigader dans des histoires pas possible conduisant à la perte d’une telle somme d’argent, comme par exemple des dettes de jeu.

Son SMS à Mose resta lettre morte. Le destin ne semblait pas être clément avec la jeune femme, puisque son ainé, Kurt ne répondit pas à son appel. Il ne restait plus qu’a la jeune femme à attendre patiemment que l’un ou l’autre lui réponde.

En tout début de soirée la jeune femme reçut un SMS de son grand frère Kurt.

Bien reçu, t’inquiète je vais veiller sur lui

Elle savait que son grand frère avait la tête sur les épaules, mais en tant qu’homme, il avait des idées également assez précises sur l’éducation qu’un homme devait recevoir. Avec lui, il n’était à pas douter que Mose prendrait une leçon de vie.

La soirée passa, le temps maussade n’était pas des plus engageant à sortir et la jeune femme était bien partie pour passer la soirée chez elle, la télé en fond musical.

Alors qu’elle dormait en plein milieux de la nuit, la jeune femme rêvait.

deux immortels en train de se battre à coup d’épée, lorsque soudainement l’un deux leva sa main en signe de stop :

« Attend j’ai un appel »

Son téléphone sonnait, l’immortel le décrocha et la sonnerie s’arrêta

Athenodora se trouvait dans cette phase ou réalité et rêve se mêlait, l’image se brouilla et prenant soudainement consciente d’être réveillée, la jeune femme entendit son portable sonner brièvement. Son frère Kurt avait tenter de l'appeler et venait de lui laisser un message vocal.
Regardant son réveil, il était 3 h du matin….

Consciente de ne pas pouvoir en faire plus pour le moment, Athenodora reporta finalement son attention sur l’écran de sa télévision Toujours allongée sur son canapé, elle passa alors de chaîne en chaîne afin de trouver un programme susceptible de lui faire temporairement oublier la visite de son cadet et, par là même occasion, les futurs ennuis qu’ils ne tarderait sans doute pas à lui ramener si jamais Kurt ne parvenait pas à le faire revenir à une certaine raison. Finalement, la jeune femme choisi de s’arrêter sur une chaîne d’information en continu… Les nouvelles du monde, rien de tel pour s’abrutir un tant soit peu, surtout lorsque ces dernières sont rabâchés plusieurs fois dans une même heure.

Pourtant, malgré ses efforts pour faire le vide dans son esprit, Athenodora ne pouvait s’empêcher de s’interroger. Il s’agissait de son petit frère après tout, que pouvait-elle faire d’autre… Cette somme, ces quinze mille euros, était assurément bien trop importante pour être uniquement le fruit de tuyaux tordus que Mose se serait fait bêtement refilés par le premier escroc venu ayant flairé la bonne affaire. Non… Un telle somme, en seulement deux ans, c’était autre chose… Mais quoi ?

Le jeu ? Athenodora ne connaissait pas ce vice à son cadet, mais pourquoi pas.

Les paris ? Là, oui… Peut-être… Impétueux et irréfléchi comme il était, Mose aurait bien été capable de se laisser entraîner à parier encore et encore, par pure provocation… Les hommes et leur orgueil de mâle, songea-t-elle alors dans un soupir las…

Athenodora songea aussi que, éventuellement, il avait pu se laisser aller à transporter ou à revendre de la drogue et qu’il avait peut-être perdu sa marchandise… Cette hypothèse n’attira guère la rouquine en vérité, car premièrement elle savait que son frère n’était pas stupide au point de se lancer dans le commerce de stupéfiant et deuxièmement, il savait très bien que si jamais c’était le cas et qu’elle le découvrait, ce serait elle qui le tuerait de ses propres mains, sans le moindre doute.

Alors quoi ? du chantage.. ?

Pour cela, encore faudrait-il que Mose eu jamais possédé quoi que ce soit ayant une valeur équivalente à ces quinze milles euros.

Rhaaa… Athenodora se frotta frénétiquement le crâne en se relevant et en allant chercher une petite bouteille d’eau dans la cuisine. On ne pouvait jamais être sur de quoi que ce soit avec son cadet, mais l’hypothèse la plus probable restait tout de même le jeu ou bien encore les paris… Enfin, valait-il mieux pour lui que ce soit effectivement bien le cas, ou sinon gare à lui.

En revenant de la cuisine, la jeune femme fouilla dans un des placards de son salon afin d’en retirer un paquets de chips… Allégée, bien entendu, frauleïn Ghestling entretenait son principal outil de travail avec soin… Sans compter que si Athenodora avait une cuisine dernier cri et toute équipée, ses talents culinaires était très loin d’être à la hauteur de tout ce matériel à la pointe de la technologie. Les apparences, toujours les apparences… Une déformation professionnelle, diraient sans doute certains.

S’installant à nouveau dans son canapé, Athenodora passa le restant de la soirée à regarder une succession d’épisodes de l’une de ses séries favorites. Deux bonne heures s’étaient écoulés depuis qu’elle avait fait mentalement la liste des âneries potentielles de Mose, mais pourtant elle se sentait mieux en dépit de son absence de réponse. Ce petit mieux était principalement du au fait que si son petit frère n’avait pas daigné répondre à son message, en revanche Kurt avait fini par la rappeler en début de soirée afin de l’assurer qu’il allait s’occuper de raisonner Mose. En entendant cela, Athenodora s’était comme sentit soulagée d’un poids.

La soirée se poursuivit tranquillement, et le visionnage d’émissions se poursuivit jusqu’à environ une heure du matin. En jetant un œil à travers la fenêtre de son salon, Athenodora constata que la pluie n’avait toujours pas cessé. Un temps à ne pas mettre une orpheline dehors, s’amusa-t-elle à songer. En fin de compte, la jeune femme attrapa sa télécommande, éteignit sa télévision et, dans un ultime effort, se releva prestement de son canapé afin de mieux rejoindre sa chambre et la douceur moelleuse de son lit à baldaquin. Elle n’avait peut-être pas d’éducation digne de ce nom, mais au moins elle avait la classe, ça c’est sur.

Terriblement lasse de cette longue journée d’oisiveté, Athenodora ne tarda pas à céder aux délicieuses avances de Morphée et, à peine ses yeux clos, elle sombra dans un sommeil salvateur. Mais Morphée était un dieux terriblement facétieux, car la jeune femme se mit à rêver… Et quelle rêve ma foi… Debout dans un lieu qui lui était totalement inconnu, Athenodora était en train de regarder deux immortels en train de se battre à l’épée dans l’un de leurs habituels duels afin de savoir qui décapiterait l’autre le premier. Comment elle savait qu’il s’agissait de deux d’immortels.. ? Ma foi… Elle le savait, voilà tout… C’était d’ailleurs tellement évident, que la question paraissait même assez déplacée. Oui, elle rêvait, elle le savait très bien… Pourtant, comme bien souvent dans ce genre de rêve, cela lui paraissait tout à fait normal. Une bien étrange chose que les rêves tout de même…

Alors qu’elle attendait avec impatience de savoir qui allait arracher la tête de l’autre en premier, Athenodora sentit poindre en elle un soupçon de déception lorsque l’un des immortels fit interrompre le combat afin de répondre à son téléphone qui s’était mis à sonner soudainement.

‘’Zut !’’

S’était-elle laissé aller à murmurer, de manière quasi instinctive et en serrant machinalement le poing.

Mais à peine l’immortel avait-il décroché afin de répondre à son appel, que la vision de la jeune femme se brouilla. De manière tout à fait naturelle elle cligna rapidement des yeux afin de rétablir cette dernière, quand tout à coup l’image disparu complètement afin de laisser place à… Son oreiller.. ? C’était un rêve, réalisa-t-elle alors enfin pleinement tandis que la sonnerie de son propre portable se mourrait. Comme vide, Athenodora poussa un profond soupir écrasé par le tissu de sa taie d’oreiller.

*Quelle rêve idiot...*

se dit-elle alors distraitement, tandis qu’elle cherchait le courage de bouger son bras et de le déplacer jusqu’à atteindre son portable. Lentement, le membre supérieur chemina lentement jusqu’à ce dernier et s’en empara avec brusquerie, avant de reculer jusqu’au visage de Athenodora. A mi chemin entre le monde réel et celui du sommeil, la jeune femme ouvrit doucement les yeux afin de pianoter sur son portable et de voir qui avait bien pu l’appeler aussi tard.

La découverte de l’identité de son correspondant lui fit doucement hausser un sourcil… Kurt.. ? A cette heure-ci.. ? D’ailleurs, quelle heure était-il ? Relevant légèrement la tête, elle porta son regard embrumé en direction de son réveil et constata qu’il était seulement trois heure du matin. Un soupir de dépit fusa de ses lèvres, tandis que sa tête retomba lourdement sur son oreiller. Athenodora attendit une poignée de seconde, le temps de trouver le courage d’agir, puis elle fini par regarder son appel manqué de plus près. Elle constata alors que son frère lui avait laissé un message.

Partagée entre sa curiosité et son envie de replonger entre les bras de la divinité des rêves afin de connaître le vainqueur du duel d’immortels brusquement interrompu, elle se résolu finalement à écouter le message de Kurt. Cela devait sans doute concerner Mose et, en dépit de son envie de laisser son corps s’abandonner au sommeil, Athenodora ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour ce dernier. Alors, presque instinctivement et dans une habitude des plus évidente, elle pianota un fois de plus sur l’écran tactile de son portable avant de laisser ce dernier s’écraser lourdement sur son oreille libre tout en fermant à nouveau ses yeux.

Athenodora composa le numéro de sa boite vocale. La jeune femme était encore toute ensommeillée, et le sommeil était là tapi dans l’ombre, tâchant de reprendre le dessus sur l’éveil. La boite vocale, récita donc habituelle :

« Vous avez un nouveau message »

Suivit de son bip, elle n’entendit tout d’abord rien, puis un halètement étouffé :

« Athe…Athe…Athenodora, oh Merde… Merde... Merde …. »

C’était la voix de son grand-frère, il semblait paniqué, jamais encore la jeune allemande n’avait entendu une telle détresse dans la voix de son frère. Elle entendit un bruit lointain, comme un grognement imposant de chien. Elle entendit alors un bruit sourd, comme si le portable venait de tomber par terre. Puis le message se coupa.

Athenodora, devait maintenant être parfaitement réveillé, après ce message étrange. Le temps de se rendre compte de ce qu’elle venait d’entendre, elle reçut un texto de la part de son frère Kurt :

143 charlottenburger ufer

Cela correspondait vraisemblablement à une adresse, Athenodora, connaissait le quartier charlottenburger, c’était l’un de ses quartiers préférés pour réaliser ses méfaits, la rue se trouvait être celle qui longeait la rive du fleuve Spree.

Athenodora put essayer de rappeler son frère cependant son portable tombait directement sur la boite vocale, il en était de même pour celui de son frère Mose.

Les yeux clos, à la limite de se laisser sombrer à nouveau dans un sommeil terriblement séduisant, Athenodora attendit que le message d’introduction de sa boite vocale laisse enfin la place au message de son frère. Elle n’entendit tout d’abord qu’un silence sourd, qui lui fit pousser un soupir las. Dans sa demi inconscience, la jeune femme espéra que Kurt n’avait pas changé d’avis juste après l’activation de la messagerie, comme cela arrivait parfois à certains et qu’elle n’avait pas été réveillé inutilement par son téléphone.

C’est alors, que le halètement étouffé se fit soudain entendre. Ce dernier intrigua Athenodora, qui ouvrit alors les yeux avec une surprise dans les traits de son visage. Puis, la voix de son frère se fit entendre, même si elle en douta l’espace de quelques instants. Son propos était comme haché par ce qui lui parut être un essoufflement et la jeune femme commença à se redresser lentement en prenant appui sur son bras. Plus inquiétant cependant, lui sembla l’ennui qu’elle pouvait ressentir dans les paroles saccadés de son frère. Kurt n’étant pas du genre à paniquer pour rien, Athenodora pensa alors immédiatement qu’il avait du se passer quelque chose de réellement grave pour que ce dernier se comporte de la sorte. Elle entendit encore une sorte de grognement lointain et puis… Plus rien… Il y en encore un ultime bruit, comme une chute lourde sur le sol et le message s’interrompit immédiatement.

Lorsque Athenodora réalisa que ce bruit de chute était vraisemblablement celui du téléphone de son frère, elle se redressa vivement dans son lit et quitta définitivement le monde du sommeil pour revenir dans celui entièrement dans celui de l’éveil. Prenant quelques secondes pour analyser la situation, elle tenta d’associer la panique de son frère, le grognement et la coupure soudaine du message… Et ce qui en résulta, fut que quelque chose de terrible avait du se passer. Un nouveau message, écrit cette fois-ci, arriva alors sur son portable. En y jetant rapidement un coup d’œil la jeune femme pu constater qu’il s’agissait du numéro de Kurt et que ce message contenait en tout et pour tout une adresse. Cette adresse, Athenodora la connaissait parfaitement…

Devenue assez inquiète, la mutante tenta alors de le rappeler, mais malheureusement sans succès. Elle tenta alors de contacter Mose, plus ou moins persuadée que celui-ci n’était pas sans rapport avec tout cela. Mais là encore, ce fut un échec et Athenodora jura intérieurement en des termes peu élogieux qui ne serait pas correcte de reproduire en ces lignes. Serrant les dents de contrariété en fixant méchamment l’innocent appareil de communication, elle réfléchit alors à ce qu’elle allait faire. Sa réflexion fut toutefois de courte durée, car de bien entendu elle savait déjà qu’elle n’allait pas laisser son frère dans les ennuis. Ainsi en allait-il dans la famille, personne n’abandonnait personne, c’était une des règles de base de leur fratrie recomposée.

Quittant finalement son lit dans un empressement non dissimulée, Athenodora se dépêcha d’attraper un pantalon noir, un sweat à capuche tout aussi sombre et une paire de baskets qu’elle enfila dans une précipitation certaine avant de s’emparer de son téléphone et de quitter son appartement en toute hâte, en espérant que la pluie avait cessé. Une fois dans la rue, elle rabattit la capuche de son sweat afin de dissimuler sa très remarquable chevelure flamboyante et, tout en marchant rapidement afin de rejoindre la rue cité dans le message, Athenodora pianota sur son téléphone. Elle se connecta au réseau, se dirigea ensuite vers un annuaire en ligne et y inscrivit l’adresse reçu afin d’en découvrir le l’identité du ou de la propriétaire. Elle ne pouvait en jurer, mais quelque chose lui disait que tout cela avait un rapport avec l’affaire louche que Mose était venu lui proposer et cela la rendait encore plus rageuse.

Athenodora pianotait sur son téléphone portable, elle essaya les annuaires inversées mais sans succès. En effet ces annuaires inversés nécessitaient le numéro de téléphone pour trouver le prénom et l’adresse d’une personne. Pianotant sur son téléphone elle trouva plus simple, il suffisait de se connecter à un annuaire des télécom et de rentrer l’adresse pour trouver, un nom et un numéro de téléphone.

Tapant l’adresse, elle trouva qu’une certaine Miranda Keyr vivait à cette adresse. Prolongeant ses investigation et entrant le nom de Miranda Keyr, la jeune femme finit une photo de cette personne. Petite dame d’un âge assez avancé, cheveux blanc, visage ridée, vêtement laissant supposer un train de vie raisonnable. Cette photo semblait bien décrire la vielle dame que Mose voulait arnaquer.


Poursuivant ses investigations, elle découvrit que Miranda était une ancienne généticienne de talent, le reste qu’elle put lire n’était qu’un charabia incompréhensible pour une néophyte, des mots comme croisement, génétique, méthylation, implication de la molécule EZH2 dans l’inhibition d’expression des gènes du développement, bref un ensemble d’ânerie inintéressante. Elle trouva plus loin un blog, cette dame semblait être au top de la connectivité internet, des images de son chien de concours étaient présentes. Un adorable caniche blanc. Le tout parfaitement répugnant….En cherchant bien, son chien était un véritable trophée de chasse, raflant un nombre de concours canin assez incroyable.

Poussé par la curiosité elle continua de fouiner sur le moteur de recherche, la découverte qu’elle fit quelques pages plus loin avait de quoi étonner la jeune femme. Au hasard de ses recherches, elle trouva que ce soir même, Miranda Keyr, n’était pas en Allemagne, mais en France, à Paris. L’article de presse, décrivait que le salon du chien, sur trois jours accueillait une invité de marque la célèbre généticienne Miranda Keyr et son chien Mirza, trois fois concours de beauté canine.

Ces découvertes avaient de quoi intriguer la jeune femme. Comment kidnapper un chien si ce dernier n’était pas là…

En effectuant une recherche rapide, Athenodora finit par découvrir l’identité de la propriétaire du 143 charlottenburger ufer. Désireuse de confirmer ou d’infirmer son intuition qu’elle espérait cependant erronée, elle effectua une seconde recherche sur un moteur de recherche afin d’en apprendre un tout petit peu plus sur cette personne. Ce qu Athenodora découvrit sur cette Miranda Keyr la fit jurer méchamment, tandis que ses yeux parcouraient les lignes résumant brièvement la vie, assez intéressante ceci dit, de celle-ci. La photon de la vieille femme avait malheureusement confirmé ses craintes à propos de Mose, mais ce fut la découverte du blog de cette dernière qui acheva de la convaincre.

Le nom de Miranda Keyr ne lui disait rien, mais il s’agissait apparemment d’une pointure en terme de génie génétique et les quelques explications découverte sur ses divers travaux convainquirent rapidement la jeune femme de ne pas aller plus en avant dans leur lecture. Même si elle en comprenait très vaguement le sens grâce à des expressions comme ‘’croisement génétique’’ et ‘’inhibition du développement’’, sa compréhension de la chose en elle-même trouvait ses limites des que les termes employés devenaient subtilement de nature scientifique. De toute façon, qui comprenait réellement quoi que ce soit à la génétique, n’est-ce pas ?

Ce qui étonna le plus Athenodora fut plutôt le fait que une telle sommité mondiale, une personne forte intelligente au demeurant et qui avait du avoir des réflexions bien au-delà de celles du commun, ai pu se passionner pour une chose aussi futile et ridicule que les concours de chiens. Car oui, Miranda Keyr avait bel et bien un chien… Et quel chien… Une bête de concours de beauté canine visiblement, voilà qui expliquait finalement assez bien le pourquoi de ce kidnapping stupide et la demande de rançon. Mirza… Son nom était aussi ridicule que son physique de boule de laine qui le faisait ressembler à tout, sauf à un véritable chien digne de ce nom. Dire c’était pour s’emparer de ça, que son petit frère avait essayé de faire appelle à elle… Cela en était presque ridicule, pour ne pas dire pathétique, pour Mose que d’avoir peur de ce truc pomponné et sans le moindre doute, parfumé jusqu’à la truffe. Un caniche… Et pourquoi pas un yorkshire tant qu’on y était…

En tous cas, voilà qui expliquait cet intérêt pour le cabot miniature et la raison pour laquelle celui qui avait refilé le tuyau à Mose était persuadé que la vieille femme serait prête à payer une rançon afin de le récupérer. Plus qu’un chien, c’était avant tout un véritable investissement financier ce genre de chien de concours, Athenodora savait aussi que des gens seraient prêt à payer très cher pour avoir un chiot dont ladite Mirza serait la mère… Stupide, mais parfaitement compréhensible cela dit, la jeune femme se devait bien de ne reconnaître. Mais alors que Athenodora était persuadé d’avoir découvert le fin mot de toute cette boiteuse histoire, une recherche plus poussée lui apporta une information qui vint tout bouleverser : Miranda Keyr n’était pas en Allemagne actuellement, mais en France. Elle était apparemment parti avec son chien pour être l’invitée d’honneur d’un quelconque concours canin et cela, depuis au moins deux jours.

Surprise, Athenodora stoppa net sa marche et commença à réflechir… Comment diable, pouvait-on enlever un cabot ridicule ce soir même, à Berlin, alors qu’il se trouvait à des centaines de kilomètres de là, à Paris.. ? Voilà qui faisait tomber un voile opaque sur toute cette affaire et dans une colère difficilement contenu, la jeune femme se demanda vraiment dans quel ennuis son imbécile de cadet avait bien pu se fourrer cette fois-ci.

Rangeant son téléphone dans sa poche, Athenodora reprit sa marche tout en continuant à réfléchir à cette dernière et troublante découverte. Lorsqu’elle arriva finalement dans la rue cité dans l’adresse reçue par message, elle s’arrêta au coin de la rue adjacente à la bâtisse de Miranda Keyr. Se dissimulant dans l’ombre de la nuit, Athenodora observa l’endroit durant de longues secondes afin de voir si rien ne pouvait éventuellement attirer son attention. Tout en faisant cela, elle fit mentalement la somme de ses réflexions intérieures :

Premièrement et pour une raison totalement inconnue, Mose avait visiblement réussi à entraîner Kurt dans son délire de kidnappeur de chien. Deuxièmement, si le cabot en question n’était pas ici, alors c’est que le fameux Marcello convoitait autre chose de tout aussi précieux, présent dans la maison de la vieille femme. Troisièmement… Quoi, précisément.. ? Logiquement, si Miranda était une scientifique, alors cela pouvait être quelque chose comme une formule, un dossier… Le genre de secret qui pouvait se vendre extrêmement cher, mais qui faisait monter le niveau de l’acte de plusieurs crans par rapport aux activités habituelles de la famille. C’était lucratif, mais l’espionnage industriel était aussi très risqué. Plus prosaïquement Athenodora avait aussi pensé à un banal vol de bijoux, mais pour cela le mensonge n’aurait pas été vraiment nécessaire, avait-elle alors songé.

Quoi qu’il en fut réellement, ils en étaient désormais là : Kurt et Mose elle ne savait pas vraiment ou mais sans doute dans cette maison et elle, en train de se tapir dans l’ombre de la nuit comme une voleus,e sans trop savoir quoi faire désormais. Cependant, elle savait au moins une chose avec certitude : lorsque tout ceci serait réglé et que ses deux frères s’en seront sorti sans le moindre dégât, elle tuerait définitivement Mose de ses propres mains pour l’avoir entraîner dans toute cette histoire ridicule.

Tout en continuant d’observer silencieusement les lieux, Athenodora sorti à nouveau son portable et composa le numéro de téléphone de la maison afin de voir ce qui allait se passer. Avec un peu de chance, une lumière s’allumerait ou bien encore, une silhouette apparaîtrait à la fenêtre afin de jeter un coup d’œil dans la rue… Rien n’était sur, mais qui ne tentait rien n’avait rien et, dans sa position actuelle, le moindre renseignement, aussi minime soit-il, lui serait le bienvenue.

Athenodora aurait bien entendu pu foncer tête baissée directement dans la maison, mais seul un idiot ferait cela et la jeune femme était loin de l’être, assurément. En cas d’échec, hé bien… Elle aviserait.

Le voyage d’Athenodora se déroula étrangement, la jeune femme était perdue dans ses pensées, la ville de Berlin était en cette heure tardive ou matinal selon le point de vue, bien silencieuse. C’était parfois étrange de se dire qu’une ville d’habitude, si bougeante, trouvait la nuit un calme tout relatif.

Arriver au coin de la rue adjacente à la maison, la jeune femme ne distingua tout d’abord rien. La rue était déserte, notant les différents numéros elle trouva alors enfin la maison qui l’intéressait. La maison était entourée d’une haie de sapin rendant la visibilité quasiment nulle. Un portail entrouvert permettait cependant d’entrapercevoir une riche demeure.


Une petite terrasse se trouvait devant la maison entouré d’un jardin. L’endroit semblait vraiment calme et à l’abri des regards indiscrets. La maison toute en façade blanche, sur 3 étages, semblait avoir la capacité d’héberger trois ou quatre famille. La propriétaire devait en effet être aisée pour pouvoir vivre dans une si grande maison.

A l’intérieur, tout était noir, aucune lumière n’était visible. Athenodora composa le numéro de téléphone. Ce dernier retentit trois fois, avant que le répondeur ne se mette en marche et prononce d’une voix désincarnée son message rituel : [/right]

Votre correspondant est injoignable pour le moment veuillez laisser un message après le bip sonore.

La jeune allemande raccrocha alors son téléphone. Rien ne se produisit dans la maison. Tout était au plus calme. C’est alors que le silence de la nuit fut brisé par un badaud arrivant par l’autre bout de la rue. L’homme était encore loin mais la jeune femme pouvait clairement distinguer qu’il poussait une espèce de chariot faisant un boucan de tous les diables. Le clochard était visiblement en train de chanter une chanson paillarde dont les paroles exactes étaient encore trop lointaine pour être parfaitement comprise….

Cela faisait maintenant un bon quart d’heure que Athenodora était arrivée au coin de la rue adjacente à la maison appartenant, sans (plus ou moins) le moindre doute, à cette femme dont Mose et son informateur avaient soit disant espéré soutirer une rançon en échange de son cabot de compétition. Mais comme elle venait de le découvrir quelques instants plus tôt grâce à ses recherches en ligne, celle-ci n’était plus à Berlin depuis deux jours et cela ne fit que confirmer, en sus de la situation présente, que son imbécile de frère s’était bel et bien fait avoir par ce fameux Marcello : soit ce dernier était aussi stupide que Mose, mais de cela Athenodora en doutait assez fortement, soit il avait, comme elle l’avait tout d’abord supposé, un objectif bien différent de celui énoncé à son cadet. La question qui lui restait sans réponse était donc celle-ci : qu’est-ce que Mose pouvait bien avoir à faire dans cette histoire et aussi, pourquoi Kurt s’était lui aussi retrouvé dans les ennuis… Quoi que pouvait bien rechercher ce Marcello, ou quel que soit son véritable prénom d’ailleurs, l’absence de la vieille femme devait sans aucun doute lui faciliter la tâche.

Depuis son arrivée et en dépit d’une observation des lieux aussi attentive que silencieuse, la jeune femme n’avait rien remarque de vraiment notable. Aucune lumière ne perçait à travers les fenêtres de l’immense bâtisse qui sembla bien grande à Athenodora pour une personne vivant seule, aucun bruit ni aucun mouvement ne vinrent alerter ses sens aux aguets, dissimulés dans les ténèbres de la nuit. Ceci étant dit, une immense haie de sapin dardant leurs épines vers le ciel étoilé lui dissimulait une grande partie de son champ de vision, ce qui faisait que Athenodora ne pouvait voir l’intégralité de l’endroit depuis sa position de recluse. L’appel téléphonique passé quelques minutes plus tôt n’avait donné aucun résultat probant et, en l’absence de tout autre moyen de vérification la jeune femme devait se rendre à la première des évidences : La maison était probablement vide.

Toutefois, elle douta aussi fortement que on l’ai fait venir à cette adresse uniquement pour le plaisir de la voir quitter son lit douillet en plein milieu de la nuit. Plongé dans une incertitude certaine, Athenodora resta appuyé contre son mur dissimulateur et essaya de réfléchir au mieux à la suite des évènements : Entrer dans la bâtisse.. ? Oui, mais de quelle manière.. ? Ou plutôt, comment y pénétrer sans se voir immédiatement repérée par un éventuel ennemi.. ? Le plus logique était certes de passer par devant en profitant du portail entrouvert, mais le piège était d’une telle indécence que même un enfant de dix ans ne se laisserait pas prendre à celui-ci. Non, le mieux serait sans doute de faire discrètement le tour de la maison, afin de vérifier si il n’y avait pas un moyen de pénétrer par l’arrière de celle-ci.

Tandis qu’elle tentait d’imaginer quelque chose sans vraiment savoir à quoi s’attendre, une voix jaillit dans la nuit silencieuse en braillant comme un beau diable. Il s’agissait, d’après son ton tonitruant et l’absence totale de rythme digne de ce nom, de quelqu’un qui n’avait visiblement pas bu que de l’eau minérale au cours des dernières heures. Le curieux bruit, que Athenodora finit par assimiler à des roulettes de chariot de supermarché rouillé et qui accompagnait ce ténor de la nuit, lui fit immédiatement penser à un clochard… Et cela lui donna instantanément une idée afin de vérifier si il y avait réellement quelqu’un dans la maison surveillés.

Toujours dissimulé par sa capuche semblable à une ombre, elle osa un regard en direction du vacarme et ce qu’elle vit au loin confirma immédiatement sa déduction. L’homme, à la démarche aussi boiteuse que son timbre de voix, venait du bout de la rue qui longeait la bâtisse. Faisant rapidement demi tour afin de contourner le pâté de maison opposé à la demeure suspecte, Athenodora se mit à courir dans la nuit afin de rejoindre le mendiant avant qu’il ne soit trop proche de celle-ci. Ombre parmi les ombres avec sa tenue intégralement sombre et son faciès de jolie rouquine dissimulée par sa capuche qui ne laissait à peine entrevoir que la partie inférieure de son minois germanique, la jeune femme, bien plus alerte que l’homme en train de créer un véritable tapage nocturne, ne mit qu’une poignée de dizaines de secondes pour contourner les bâtiments.

Une fois le mendiant de nouveau dans son champ de vision, elle s’assura une dernière fois qu’il n’y avait personne d’autre dans les environs et elle s’avança dans sa direction d’un pas plus posé dont elle profita afin de reprendre son souffle. Une fois arrivé à la hauteur de ce dernier, elle lui dit d’une voix discrète :

‘’Salut l’ami… Ca te dirais de gagner ça ?’’

En accompagnement de ses paroles, elle fouilla dans sa poche et en sorti un billet de vingt euros qu’elle brandit bien en l’air afin que le regard aviné de l’homme ne puisse pas manquer de se poser dessus.

‘’Je paye d’avance et en échange je voudrais que tu me rende un petit service… Tu vois la grande maison avec la grille entrouverte là-bas ?’’

Ajouta-elle, en désignant de la main tenant le billet de banque, la maison surveillée. Ramenant ensuite sa main devant les yeux du mendiant afin qu’il puisse à nouveau regarder avec envie le précieux billet, Athenodora lui dit encore :

‘’Je voudrais que tu pénètre à l’intérieur du jardin et que tu ailles frapper à la porte jusqu’à ce que quelqu’un vienne t’ouvrir… N'hésites pas à faire du bruit, les gens qui vivent la sont un peu dur d’oreille’’

Consciente toutefois que l’homme ne s’exécuterait pas sans un minimum d’explication, la jeune femme ajouta :

‘’Ne t’en fais pas, c’est juste pour leur faire une blague, ils n’appelleront pas la police, je te le promet… Si tu le fais, tu auras un second billet comme celui-ci… Voire même, peut-être deux si tu réussi à te faire ouvrir la porte.’’

Allécha-t-elle encore un peu plus le pauvre miséreux, en faisant danser ses doigts fins emprisonnant le billet de vingt euros qui devait certainement être comme un phare dans la nuit pour l’homme, sans le moindre scrupule.

‘’Alors, ça t’intéresse ou pas ?’’

La promesse d’un second, voire d’un troisième billet, était aussi une forme de sécurité pour Athenodora. Elle savait par expérience que, parfois, les clochards prenait le premier billet et aussitôt, filaient sans faire ce qui avait été convenu… Ou alors, ils s’exécutaient mais sans véritable entrain, ne faisant que le minimum requis pour obtenir le second billet. Le troisième, était là pour les pousser à faire de leur mieux. C’était là une chose que les bons voleurs et les bons escrocs apprenaient très rapidement dans leur carrière malhonnête.

Si jamais rien ne se passait, alors peut-être que un voisin excédé finirait par appeler la police et que celle-ci débarquerait. Dans un tel cas de figure et étant donné la nature sociale du mendiant, il ne serait pas étonnant que les forces de l’ordre inspectent les alentours de la maison afin de vérifier qu’il n’y a eu aucune tentative d’effraction de la part de l’homme. Dans un cas comme dans l’autre, si jamais il y avait quelqu’un à l’intérieur de celle-ci il ne resterait sans doute pas sans réagir… Surtout, si il y avait bien un chien comme Athenodora avait cru l’entendre au téléphone.

L’homme chantait, gaiement sa chanson, le temps qu’Athenodora avance, ce dernier se trouvait non loin de la demeure qui intéressait tant la jeune fille. S’approchant de l’homme, la jeune femme entendit alors distinctement la chanson paillarde que l’homme chantait avec plus ou moins de justesse :

« Car la gent monastique
Jetait dans sa boutique
Des trognons et des chiques
Restes de ses repas...

Un jour la soeur Charlotte
S'asticotait la motte
Avec une carotte
Grosse comme le bras..."

Entendant alors la jeune femme, le soudard s’arrêta de chanter, et se retourna en direction de la voix :

« Bien lebonsoir ma ptit dame »

Le clochard avait tout du cliché de la clochardise, un petit chien trottinait à coté de lui, ce dernier regarda la jeune fille, mais s’en désintéressa rapidement.



Le clochard regarda d’un air circonspect le billet que la jeune femme lui tendait, regardant autour de lui si un mauvais coup ne se tramait pas. Il faut dire que la jeune fille n’avait pas la tenue la plus avenante qui soit. De l’endroit ou elle se trouvait, Athenodora pouvait sentir l’haleine vicié du clochard. Cependant ce dernier ne se semblait pas si saoul que cela. Il écouta avec un certain intérêt ce que la jeune femme lui proposait, son œil brillait d’excitation devant ce doux billet.

« ptet que sa pourrait bien m’intéresser ma ptite dame, mon ptit tommy a de la voix, mais bden faudrait lrécompenser lui aussi qu’endite vous ma ptit dame »

L’homme ne semblait pas dupe et voyant la bonne affaire il tentait de négocier un plus gros tarif pour sa petite action, la jeune femme sut que pour ferrer la ligne, un plus gros appât serait nécessaire.

Escroc… voleur…Sale petit profiteur…

Songea Athenodora suite à la tentative évidente du mendiant de lui soutirer encore un peu plus d’argent, oubliant sans doute par-là même sa propre condition sociale. Mais comme le disait si justement le proverbe, on ne voyait que très rarement la poutre que l’on avait dans l’œil… Que la jeune allemande avait de fort joli d’ailleurs, même si l’homme aviné ne pouvait profiter du spectacle à l’heure actuelle de par le fait de la dissimulation dont lui-même et son jumeau faisait actuellement l’objet.

Bien que ses doigts se crispèrent légèrement sur le billet déjà présent en leur sein, Athenodora se résigna. C’était de bonne guerre après tout et elle le savait parfaitement bien pour en avoir elle-même déjà usé de nombreuse fois… Elle avait une demande… Il était le seul à pouvoir lui faire une offre… Ce n’était rien de plus qu’une banale tractation commerciale en fin de compte.

Quoi qu’il en soit, si l’homme ne serait assurément pas le lauréat de la prochaine édition de Chante avec les stars, son haleine fétide de chacal tombé dans un tonneau d’alcool bon marché n’avait apparemment pas brouillé es capacités de réflexion en ce qui concernait les bonnes affaires, c’était un fait certain. Lorsque le poivrot lui fit plus ou moins clairement comprendre que ce brave Tommy voudrait bien, lui aussi, un peu d’argent pour sa participation, un sourire légèrement crispé se dessina sur les lèvres de la jeune femme avant que celle-ci ne réponde :

‘’J’en dis que… Si ce brave tommy donne un coup de patte, alors il mérite effectivement une petite récompense lui aussi…’’

Athenodora fouilla alors à nouveau dans sa poche et en extirpa rapidement un nouveau billet de dix euros qu’elle fit glisser au côté du premier offert.

‘’Mais puisque Tommy n’est qu’un simple assistant, il n’aura droit qu’à une demie récompense, n’est-ce pas ?’’

Dit à nouveau la jeune femme, en remuant encore une fois doucement les doigts en étau de sa main tentatrice. Sachant cependant que dans ce type de situation l’égalité salariale était, curieusement, très souvent réclamée, Athenodora ajoute encore en s’adressant à l’homme :

‘’Tommy aura encore dix euros une fois terminé… Et dix de plus, si vous arrivez à faire en sorte que quelqu’un vienne vous ouvrir la porte.’’

Si elle faisait rapidement le compte, toute cet affaire allait lui coûter pratiquement une centaine d’euros, cela commençait à faire cher la stupidité de son idiot de cadet, assurément… Et une fois tout cela terminé, elle ferait en sorte qu’il la rembourse au centuple même si pour cela elle devait le traîner avec elle durant toute une semaine… Autant dire une semaine d’enfer pour Mose, car lorsque grande sœur Athenodora était réellement en colère elle était très loin d’être un cadeau.

‘’Alors, Tommy et toi vous acceptez ma proposition, oui ou non ?’

Redemanda encore une fois Athenodora, espérant cette fois-ci une réponse qu’elle jugerait des plus acceptable. Cela dit, il ne restait plus qu’à espérer que l’éclair d’intelligence cupide dont avait fait preuve le clochard, ne se transforme pas en une gourmandise qui risquait bien de le laisser finalement sur sa faim.

C’était quoi déjà, cet autre proverbe.. ? Qui trop embrasse, mal étreint ?

Le clochard observa la jeune femme, un petit sourire en coin s’afficha sur son visage, celui de quelqu’un qui venait de réussir un pari risqué. L’homme regardait avec une avidité certaine le billet que la jeune femme venait de rajouter entre ses doigts. L’homme semblait toutefois hésité face à la proposition d’Athenodora, mais cette dernière, en grande connaisseuse, reconnue que l’affaire était conclue et que cette hésitation ne faisait parti que du jeu de marchandage.

« mdame a raison... Tiger assistant, moi le chef »

Puis se penchant vers son animal et le caressant :

« Hein mon ptit travail et après la paté eh eh.. »

Le clochard se releva et prit des mains les deux billets de la jeune femme, Athenodora, pouvait ressentir son contact un peu sale et son haleine qui se retrouvait plus proche d’elle. Lorsque l’homme effleura la main de l’allemande cette dernière ressentit comme un léger frisson, le clochard la regarda droit dans les yeux et perdit soudainement, son attitude aviné pour lâcher d’un ton un peu mystique :

« Lorsqu’un choix se présente à vous, faites attention à bien faire celui qui vous semble le plus judicieux, un choix à toujours beaucoup d'importance »

Puis l’instant passa et l’homme ramassa les billets dans sa poche avant de lancer à son chien :

« Allez viens Trésor on a du boulot pour la ptite dame »

Puis il s’éloigna en titubant en direction de la maison, laissant la jeune femme avec ses pensées, comme si ce que venait de dire l’homme quelques instants plus tôt s’adressait autant à lui qu’a elle...
Le clochard était maintenant au niveau de la maison, Athenodora pouvait entendre l’homme hurlé diverses choses telle que :

« Debout la ddans c’est le motin, bande de feignant »

Il hurlait de plus belle, semblant mettre de l’entrain dans son action, tambourinait à la porte, accompagné de son chien.

Quelques instants passèrent sans que rien ne se produise, puis la jeune femme entendit un léger grésillement électrique, provenant du poteau électrice situé non loin d’elle, le grésillement s’amplifia soudain. Deux arcs électriques plongèrent alors en direction du clochard et du cabot, et la nuit se retrouva soudainement noir, la rue entière était privé de lumière plongeant l’endroit dans les ténèbres. Et le silence ce fit, de l’homme ou du chien Athenodora n’entendit plus rien…

Athenodora esquissa un léger sourire de satisfaction, mâtiné d’un certain sentiment de soulagement. L’homme s’était finalement montré raisonnable en acceptant sa dernière proposition de compensation financière pour le service qu’elle lui demandait, ce qui lui ôtait déjà un poids : grâce à lui, elle pourrait savoir si il y avait quelqu’un dans cette fichu maison. Bien sur, cela lui avait tout de même coûté une certaine somme non négligeable durement gagn’scroquée, mais après tout on avait rien sans rien en ce monde, c’était une vérité bien connue.

Lorsque l’homme s’approcha d’elle afin de s’emparer de la première partie de son du, la jeune femme ne pu réprimer un faible froncement de ses sourcils tandis que l’odeur nauséabonde du clochard pénétrait ses narines habituées à des fragrance un peu plus agréables. Le contact sale et graisseux de ses doigts sur les siens lorsqu’il s’empara des billets fit naître en la jeune allemande un frisson à mi chemin entre le dégoût et une certaine forme de dépit impuissant et, instinctivement, elle se frotta rapidement les doigts souillés les un contre les autres tandis que l’homme s’adressait à son chien afin de l’enjoindre à le suivre et à faire de son mieux dans cette mission qui était désormais la leur.

Tout en les regardant s’éloigner en direction de l’immense bâtisse, Athenodora songeait à ce que le clochard lui avait dit concernant les choix à faire. En soi, ce n’était bien entendu pas une phrase des plus difficile à comprendre. Mais ce qui avait intrigué la jeune femme, ce fut ce bref moment, comme un flottement d’éphémère lucidité dans un océan aviné. La phrase en elle-même n’était pas absurde ou vide de sens, elle était tout simplement incongrue dans le contexte présent. Mais très rapidement, Athenodora se débarrassa l’esprit de ce curieux moment. Elle se dit qu’elle avait du interpréter quelque chose qui n’avait jamais existé, que cela n’avait été qu’une banale erreur de perception. L’homme était clairement alcoolisé jusqu’aux naseaux, c’était un fait et il ne pouvait donc pas avoir eu un quelconque moment de lucidité, aussi bref soit-il.

Elle mit aussi son ressenti sur le compte de la nervosité du à la situation. Même si elle tâchait de n’en rien montrer, tout ceci la stressait quelque peu sans oublier le fait qu’elle s’inquiétait aussi pour ses deux frères, vraisemblablement retenu prisonnier. Après s’être débarrassé de ce premier point, un second vint alors subitement prendre sa place dans l’esprit de la jeune allemande. En effet, elle n’avait pas fait attention sur le moment, mais le clochard n’avait-il pas appelé son chien Tigre, alors que quelques instants plus tôt celui-ci s’était vu nommé Timmy ? Un sentiment de méfiance naquit alors soudainement en son for intérieur, tandis qu’elle observait l’homme en question disparaître dans la cour de la propriété. C’est alors que lui revint en mémoire un détail… Un aboiement… Elle avait cru percevoir un aboiement en arrière-plan, lorsqu’elle avait été contacté par Kurt.

Alors, elle réalisa… Elle réalisa que peut-être, le clochard n’en était pas un…. Peut-être, était-il un complice de ceux qui l’avait attiré ici, cette nuit. En y songeant, la chose lui paraissait assez logique : ces gens avaient du penser au fait qu’elle ne serait pas assez stupide pour foncer bêtement dans le tas, alors placer innocemment un des leurs dans la rue afin de la faire se découvrir aurait été une excellente tactique… Dans une colère intérieure envers elle-même, Athenodora se maudit de s’être laissé prendre à ce genre de piège vieux comme le monde. Si elle avait vu juste, désormais ils savaient qu’elle était là, rôdant dans l’ombre comme un voleur prêt à commettre son sinistre méfait.

L’homme avait commencé à tempêter comme un beau diable, accompagné des aboiements de son compagnon fidèle, mais peut-être faisait-il semblant afin de conserver sa couverture d’innocent… Songeuse, la jeune femme ne fit que distraitement attention au grésillement qui avait commencé à émaner du poteau électrique situé non loin de sa position. Ce ne fut que lors les deux arcs électriques zébrèrent l’obscurité de la nuit faiblement éclairé pour aller frapper à l’endroit ou devaient normalement se trouver le clochard et son compagnon, que Athenodora cessa toute réflexion. Craignant pour sa vie elle avait esquissé d’instinct un geste de recul, bien vain face à une éventuelle électrocution, mais tout ce qui lui tomba dessus fut les ténèbres d’une rue désormais sans lumière. Elle ne savait pas ce qu’il venait de se passer, mais en tous cas cela avait apparemment fait disjoncter le système électrique de tous les éclairages publiques à plusieurs mètres à la ronde.

Se remettant de ses émotions, Athenodora remarqua le silence qui s’était abattu telle une chape de plomb… Le silence de la rue, mais aussi et surtout celui de l’homme et de son chien. Elle se rappela alors la direction prise par les deux arcs électriques et commença à douter : avait-elle eu tort concernant l’homme ? Ou bien, était-ce encore une tromperie ? Quoi qu’il en soit, le mur d’enceinte de la propriété ne lui permettait pas de vérifier de visu la réalité des choses et, dans un sens pratique qui était le sien, la jeune femme se félicita d’avoir envoyer quelqu’un à sa place. Si le clochard et son chien étaient réellement mort, et par définition innocent, alors tout cela était regrettable… Mais en même temps, il était préférable que ce soit eux plutôt qu’elle, c’était un fait.

Toutefois, tout ceci avait donné naissance à un point positif… Non, deux en fait : premièrement l’incident n’était clairement pas le fruit du hasard et donc, il y avait bien quelqu’un dans la maison de la vieille femme et deuxièmement, l’obscurité allait lui faciliter la discrétion de ses déplacements à venir. Athenodora songea tout d’abord à longer le mur de la cour de la maison afin de se rapprocher de la grille de l’entrée pour vérifier la situation de ses propres yeux, mais elle se dit que ce ne serait guère prudent. C’est pourquoi, elle choisi finalement de se fondre dans la nuit noire afin de faire le tour de la propriété, dans l’espoir de découvrir une autre possibilité d’accès plus sûr.