02.03/16.C.Providence, Rhode Island - Les premières lueurs d'une ville

Les premières lueurs d'une ville, enfin ! Depuis que Samuel était parti de Nuuk, le ciel au-dessus de l'Atlantique n'avait pas constamment été suffisamment lumineux pour qu’il puisse facilement repérer le nord. Les lourds nuages des pôles cachaient les étoiles, et se formaient à une altitude très élevée. Trop élevée pour qu'il envisage de les survoler à chaque fois qu'ils apparaissaient, ce qui l'aurait perdu d'une manière plus sûre encore. Ne ressentant pas la gravité, la confusion haut-bas était pour lui tut aussi angoissante. Malgré cela, le mutant avait décidé de continuer à avancer, vers ce qu'il pensait être le Sud-Ouest. Son objectif, il l'avait fixé en consultant une carte à son départ du Groenland, avait été la côte du Labrador. En réalité, sa trajectoire avait été dans un premier temps largement déviée vers l'austral, puis, ayant remarqué les anormales modifications du climat, Samuel avait rectifié le tir se réorientant à angle droit vers l'occident.

Finalement, il avait réussi à contourner presque tout le territoire canadien, et échouait à présent dans une cité qu'il n'avait pas encore identifiée. C'était une ville moderne, très lumineuse, dont on distinguait surtout, derrière les mats des nombreux bateaux, les buildings assez bas. Plus bas en tout cas que ce à quoi il s'était attendu en visant les États-Unis. La lune aurait dû se découper quelque part derrière eux, mais ce devait être la nouvelle lune. La nuit était tombée depuis quelques heures, et l'adolescent était épuisé par le voyage. Toutefois, le soulagement de s'être extrait du désert d'eau lui redonna un peu de vigueur. Il était tiraillé entre l'envie de se reposer et la curiosité qui le poussait à au moins s'informer sur sa position géographique.

Ce deuxième penchant tendait à l'emporter alors qu'il approchait du port. Il passa à coté d'un grand bateau type paquebot, le London, un nom qui ne le renseigna pas. Il s'enfonça dans les rues, qui semblaient plutôt bien entretenues bien que les façades paraissaient assez anciennes. A cette heure, les passants étaient rares, et aucun ne sembla le remarquer vraiment. La ville était bien plus grande que Luleå, l'agencement des bâtiments la rendait aussi plus dense, toutefois, les tons crèmes des murs des appartements ne la rendait pas si différente du bourg suédois. Décidément, il était bien loin de la modernité de New York. Le mutant s'arrêta devant une tour plus vieille que le reste de la cité, au sommet de laquelle trônait une horloge. Elle devait surplomber toutes les habitations, en son temps, songea-t-il. Aujourd'hui, elle paraissait engloutie par les immeubles. Samuel pensa également qu'elle ferait un parfait endroit pour dormir. Après tout, il aurait tout le temps de se repérer au lendemain.

Ne pas avoir de cerveau matériel n'était pas une excuse recevable. Comme tout le monde, Samuel dormait. Il rêvait, même. S'il ne pouvait pas, contrairement aux êtres humains, fermer les paupières, il avait appris depuis déjà plusieurs années à sommeiller sans obscurité ; encore heureux. Pour autant, pendant qu'il se reposait, il n'était pas plus au fait de son environnement que n'importe qui d'autre. Aussi fut-il tout aussi surpris lorsqu'il se rendit compte qu'un groupe d'adolescent l'avait repéré. Les signes de son réveil furent d'abord plutôt subtils. Sa lumière, qui s'était un peu tamisée pendant la nuit, devint légèrement plus vive, et ses contours se précisèrent. Enfin, il s'éleva d'une dizaine de centimètres supplémentaire, et l'orbe sembla un court instant tourner sur elle-même, comme pour se repérer.

Rapidement, le mutant se remémora les événements de la veille, et ceux-ci le mirent d'assez bonne humeur. La mer était derrière lui, son périple allait redevenir intéressant. Pas encore tout à fait alerte, il se força à analyser la situation. Elle n'était pas si singulière, finalement. Les enfants qui l'observaient avec un mélange d'intérêt et de peur n'étaient pas les premiers, et certainement pas les derniers, à s'interroger sur sa condition. Là où un individu plus grincheux, depuis le temps, s'en serait agacé, Samuel parvenait toujours à s'en amuser dans une certaine mesure. D'autant que celui qui prit la parole lui avait déroulé un tapis rouge. Le mutant recula vers un coin d'ombre, ce qui, entre tous les bâtiments, n'était pas très rare. Puis, sous le regard des adolescents, il forma dans l'air trois phrases, qui s'inscrivirent plus nettement sur le mur de la tour, l'une en dessous de l'autre.

Salutations distinguées, terriens.
Je suis Šהּהּסּῦƹ∟, émissaire de la planète ٥ץׄϞѢↄظǫ†ɧ.
Me feriez-vous visiter votre ville ?

Samuel avait volontairement déformé son prénom et celui de son fictif monde d'origine, pour rendre leur écriture plus exotique. Regardant autour de lui, il guettait la venue d'adultes un peu rabat-joie qui auraient pu interompre son jeu. Il espérait simplement que les adolescents seraient suffisamment curieux pour ne pas partir en courant. Hélas, c'était une réaction courante.

Enchanté par le comportement des adolescents, Samuel, bon enfant continua à développer son mythe. Au fond, il aurait aimé pouvoir se présenter et être accepté comme il était, mais même se faire passer pour un extraterrestre était plus simple qu'expliquer exactement son état. Il n'eut cependant aucun mal à se convaincre que c'était de toute façon plus amusant ainsi ; et il n'y avait pas à dire, un alien, ça imposait quand même le respect. Du moins à ses interlocuteurs.

Providence :
ce mot possède dans votre mode de communication,
un sens charmant.

Le nom du lieu ne lui disait en fait pas grand-chose. Peut-être l'avait-il entendu sans trop y prendre garde, et cela sonnait aussi bien Canadien qu’Étasunien. Il restait toujours dans le flou. La connotation qu'avait le mot providence lui plaisait toutefois authentiquement, surtout pour une ville dans laquelle il était arrivé par hasard.

Je viens ici en repérage.
Nous préparons une invasion,
pour Juin 2046.

Samuel laissa planer quelques secondes le message avant de le remplacer.

Je plaisante.
☺
Cela est-il conforme à vos usages ?

Jouer l'étranger, pour sûr ! Il aimait le faire, il prenait plaisir à abuser un peu de la crédulité des enfants. Il n'envisageait évidemment pas d'aller plus loin, et les menacer pour obtenir des services ne lui traversa même pas l'esprit.

On m'a appris qu'il existait sur votre planète,
des animaux quadrupèdes formidables.
Des vaches, c'est ça ?

Samuel constata avec quelle facilité il parvenait à manipuler tout un groupe d'enfants, et sans qu'il n'en montre rien, cela l'effrayait légèrement au final. S'il avait été malveillant, qu'aurait-il pu leur faire faire ? Il ne concevait pas de leur révéler la vérité maintenant, d'abord il n'en avait pas le courage ; et ensuite il était inutile de les décevoir. Comme le Père Noël et la Fée des dents, il s'agissait de créer une fable, pensa-t-il, et avec un peu de chance, celle-là leur laisserait un bon souvenir.

Les terriens sont les seuls êtres de l'univers,
A vraiment posséder l'humour :
Faites en bon usage.

Être un rien moraliste ne coûtait pas. Puis l'un des adolescents le qualifia d'ami. Les choses qui auraient pu faire davantage plaisir à Samuel se comptaient sur les doigts d'une main. Joyeux, il se dit avec amusement qu'il était plus facile d'être considéré comme une personne lorsque l'on se présentait comme un extraterrestre que comme un mutant.

Merci pour votre accueil !
J'apprendrai à mes semblables,
Que les terriens sont un peuple amical.

Il traversa la rue, passant entre les enfants, pour se retrouver sur le mur d'en face. Il tournoya dans les airs, exprimant son enthousiasme. En plus gros caractères, il illumina :

Ça me plaît.
Découvrons les animaux
terriens quadrupèdes.

Que sa tentative pour valoriser une qualité terrienne puisse être considérée comme triomphante incita toujours plus Samuel à persévérer dans son jeu. Il trouva cependant la remarque du garçon juste, et s'empressa de le rassurer. Il se souvint des distances et des temps évoqués dans les films de science-fiction. Sans les concepts de type hyper-espace, une explication commune à de nombreux univers pour faire voyager les personnages de systèmes solaires en systèmes solaires, les trajets seraient en réalité infiniment plus longs. Le mutant décida que sur ٥ץׄϞѢↄظǫ†ɧ, le transport accéléré par passage dans une dimension parallèle n'était pas d'actualité. De quoi accentuer l'étrangeté de son extraterrestre.

Ne vous inquiétez pas.
Ils n'arriveront pas avant 639 années terrestres,
De toute façon..

Puis Samuel suivit docilement les enfants, les dépassant même parfois. Si son dépaysement n'était bien sûr pas comparable à celui qu'aurait sans doute réellement éprouvé un alien en visite sur terre, il n'en découvrait pas moins une nouvelle ville. La bande qui l'accompagnait devait être composée de fils de familles plutôt aisées. Il lui avait souvent semblé qu'il y avait peu de place dans les villes américaines. Pour autant, il avait du mal à juger de la superficie et du cachet exact de Providence. Lorsque le chien apparu, il se contenta de projeter à l'ombre d'un arbre une seule ligne.

Fascinant !

Le mutant avait toujours aimé les animaux en général, et le biggle avait un air particulièrement sympathique. En un sens, il regrettait de ne pouvoir lui-même posséder de compagnon domestique. Il ne laissa toutefois pas cette pensée l'assombrir. C'était une nouvelle occasion de faire l'idiot.

Salutations distiguées, terrien quadrupède.
Je suis Šהּהּסּῦƹ∟, émissaire de la planète ٥ץׄϞѢↄظǫ†ɧ.
Comment allez-vous ?.

Ah ?
Aucune importance !
Il n'en reste pas moins fascinant.

Pendant une poignée de minutes, Samuel s'amusa à tester les réactions du chien à sa présence. Les attitudes qu'adoptaient les animaux à son égard étaient aussi diverses que celles qu'adoptaient les humains. Quelques un ne lui prêtaient pas trop d'attention, d'autres se montraient simplement gênés par sa lumière, alors que certains le poursuivaient en tentant de lui donner des coups de patte. Celui-ci semblait en l’occurrence assez intéressé, à moins que ce ne fusse tout simplement la proximité des enfants qui lui importait.

Le shérif intervint alors que le mutant était en train de décrire des ronds rapides autour du chat, qui, un peu désorienté, ne savait plus où donner de la tête. Samuel ne le vit pas approcher, mais n'en fut pas vraiment surpris pour autant. Il s'était attendu à ce que cela finisse ainsi ; s'il avait eu des épaules, il les aurait haussées.

Il hésitait à prendre le temps de s'expliquer avec le surveillant, hélas, qu'il ait déjà appelé du renfort montrait que son avis était déjà bien arrêté. Il ne prendrait probablement même pas le temps discuter avec lui. Le mutant renfloua facilement sa colère. Il savait que le comportement du shérif était principalement dicté par la peur. Il aurait voulu l'aider, cependant la tâche lui paraissait trop immense pour lui seul. Sa mère, c'était certain, aurait parfaitement su comment s'y prendre. Il se remémora les conseils de cette dernière. Il fallait donner sa chance à tout le monde, au moins essayer. La fuite n'était pas une solution. Il ne risquait pas grand-chose après tout.

Bonjour monsieur.
Si vous souhaitez que je parte,
Il suffit de me le demander poliment.

Les lettres apparaissaient sur l'habit même de l'homme, Samuel n'ayant pas trouvé de moyen plus sûr pour qu'il les lise.

Pour la première fois depuis plusieurs années, Samuel eut réellement peur. Il ne s'agissait pas ici de l'angoisse qu'il pouvait ressentir lorsqu'il manquait de se perdre, mais bien d'une véritable frayeur, vive et immédiate. Malgré ses voyages, sa vie avait été jusqu'ici plutôt bien rangée, et il n'avait jamais vu une grenade ailleurs qu'au cinéma. Toutefois, il reconnu instantanément l'objet, et comprit son potentiel destructeur. Il ne craignait bien sûr pas pour sa personne ; lui n'aurait pas ressentit la moindre onde de choc, et seul le bruit de la détonation aurait été désagréable. En revanche, il craignait pour les enfants, ignorant si le surveillant serrait capable de leur faire du mal dans sa tentative de défense. Le mutant savait que les armes étaient courantes aux États-Unis, bien plus qu'en Suède, pour autant, un homme qui le menaçait avec des explosifs ne devaient pas être mentalement très stable.

Il resta un moment paralysé par le stress. Il cherchait ce qu'il devait faire et menaçait de céder à son tour à la panique. Son souhait le plus cher était à présent de partir le plus loin possible de l'individu dangereux. Malheureusement, un départ trop brusque pouvait entraîner une action malheureuse du shérif, et Samuel était encore trop prêt des adolescents. Perdu dans des éléments de fiction plus ou moins proches de la réalité, il ne pouvait que vaguement estimer le rayon de l'explosion, tout en se rendant compte que ces derniers ne s'en sortiraient certainement pas indemnes. Sans compter qu'il croyait le surveillant susceptible de se blesser lui-même. La situation l'empêchait se mener une analyse rigoureuse, et il s'en tint à une seule directive, celle de rester le plus calme possible.

Le mutant baissa légèrement sa luminosité pour paraître moins intimidant. Puis, en lettres plus floues et plus tamisées, remplaça son dernier message par un simple constat :

Je m'en vais.

Lentement, il commença à s'éloigner du groupe d'enfants, et par la même occasion du shérif, migrant progressivement vers un autre bout de la rue. Arrivé à bonne distance, il pourrait se permettre de prendre de l'altitude.

S'étant envolé depuis plusieurs dizaines de secondes, Samuel s'autorisa à s'arrêter brièvement. Il avait fui sans oser se retourner, et n'avait heureusement entendu que les adieux des adolescents, pas de détonation. Il se détendit un peu. Était-ce un hasard, un coup de malchance, ou les gens capables de telles réactions étaient-ils courants aux États-Unis ? Il ne pouvait le croire ; jamais dans aucun pays qu'il avait visité jusqu'ici il n'avait rencontré de personne aussi imprévisible et dangereuse. Ce devait être une exception. Et puis, songea-t-il, l'erreur venait principalement de lui, à bien y regarder. Le mutant n'avait jamais pensé que son histoire d'extraterrestre aurait pu être crue par autre chose qu'une bande d'enfants à la fois rêveurs et, dans un sens, d'accord pour entrer dans le jeu. Une erreur qu'il comptait ne pas reproduire.

Samuel, encore hagard, reprit son vol au-dessus de Providence. Il préférait penser à la suite de son voyage, pour ne pas être envahi de culpabilité. Il lui faudrait faire un bon nombre de kilomètres pour se faire oublier. Il allait sans doute continuer vers l'intérieur des terres, jusqu'à la prochaine ville de grande taille qui croiserait son chemin, quand bien même il ignorait toujours sa position géographique exacte. Il en profiterait pour la préciser ; il n'était pas bien difficile de trouver dans les hôtels de ville ou dans les offices de tourisme des cartes des alentours.

Dans ses pensées, il faillit rater les signes du jeune homme. Le mutant n'hésita pas longtemps. Avoir été à deux doigts d'être l’origine d'un funeste drame une minute plus tôt n’avait entaché que très peu sa curiosité. D'autant que pour le repérer dans le ciel en plein jour, il fallait réellement le vouloir. Si on y ajoutait que l'individu semblait lui demander d'approcher, on aurait pas pu piquer plus vivement son intérêt. Aussitôt, il s’exécuta, et descendit presque verticalement vers le jeune homme. Il projeta dans l'ombre de son interlocuteur une politesse qui ne montrait rien de son enthousiasme, espérant que l'explication ne tarderait pas.

Salut.

Dans l'immatériel cerveau de Samuel, la perplexité et la prudence devaient faire avec l'excitation grandissante du mutant. Les questions se bousculaient, et l'adolescent maudit la lenteur de son mode de communication, qui ne pouvait suivre le rythme étrenné de sa réflexion. Il se consola un peu en interprétant la légère hésitation de son interlocuteur comme relevant d'un étonnement égal. Sans trop se torturer l'esprit, il émit :

C'est bien moi.
Difficile de se tromper !

Avant de se rendre compte de l’extraordinaire hasard de la situation. Quelle était la probabilité qu'un autre mutant se tienne sur sa trajectoire à ce moment précis, et l’appelle par son nom ? Il pensa d'abord à sa mère ; il ne lisait pas ses livres, peut-être avait-elle parlé de lui dans l'un d'entre-eux. Toutefois, même en ajoutant ce paramètre, l'événement restait bien hypothétique.

Son interlocuteur n'aurait pas eu besoin d'évoquer sa préméditation que Samuel l'aurait sans doute soupçonnée. Il ne connaissait pas beaucoup de mutants, mais il concevait facilement que le jeune homme devant lui disposait d'un pouvoir lui permettant de réaliser de tels exploits. Incapable de déterminer la nature de celui-ci, il ne s'en formalisa pas. Malgré son ardeur, il mit plus de temps qu'il en avait l'habitude à projeter sa réponse, pourtant courte. La deuxième phrase retenait son attention davantage encore que la troisième.

Comme moi ?

L'explication de Damian laissa Samuel encore plus perplexe qu'à l'instant qui l'avait précédée. Influer sur la chance ? Il n'avait jamais pensé qu'elle constituait un élément tangible et rationnel. Une capacité qui, non contente d'être moins visible, lui semblait difficile à prouver. C'était bizarre... mais pas suffisamment pour le faire douter des propos de son interlocuteur, et encore moins pour l'effrayer. A la fois fasciné et intrigué, le mutant ne tarda pas à répondre.

Cool !
Tu dois être meilleur que moi au Bondtolva.
Surtout que je peux pas y jouer.

Avant qu'il devienne incapable de manipuler des cartes, l'adolescent excellait dans ce jeu de cartes, variante suédoise du Soixante-six ; de l'histoire ancienne.

Que des mutants ?
Ça ressemble à une secte, non ?
Je n'aime pas trop le communautarisme.

C'était la première idée qui était venue à l'esprit de Samuel. Sans doute cela aurait été également la principale interrogation de sa mère. Un élément qui le poussa un peu plus vers l'acceptation. La proposition était trop soudaine pour qu'il s'y livre sans réserve, cependant, encore une fois, il ne risquait pas grand-chose. Il attendit quelques secondes, puis dirigea un rai de lumière sur le visage de Damian, dans le but de le faire cligner des yeux.

☺
Ça a l'air sympa.
San Francisco, c'est loin d'ici ?

* * *