02.03/13.L.Crémaillère - Piste de danse

Timour avait bien cru devoir affronter un torrent de gifles et de baffes, mais non. L'Ondine fit colère froide malgré la dose de ressentiment injectée. Pourtant elle ne pouvait pas le tromper sur le fait qu'elle le haïssait. Pour quelques minutes. Il sursauta tout de même quand il entendit d'étranges bruits de liquides dégouliner de la table et des verres. Il se retourna pour observer le phénomène. Son cœur continua sa chamade. La folle d'amour voulait-elle le noyer au coca cola et au jus de fruit à base de jus concentré ?? Ou pire, voulait-elle salir son immaculé smoking ??

L'empathe craignit un instant, vraiment, pour sa vie, avant de rapidement s'assurer qu'il tenait toujours les fils de sa marionnettes. Au moindre danger, il utiliserait la méthode dite Fléshienne : remords, culpabilité et auto-flagellation.

Mais cela s'avéra, pour l'instant, inutile. Il serra ses petits poings en soutenant son regard.

"T'as qu'à voir un psy si t'as des problèmes !! Nympho !!!"

Gronda-t-il, offusqué. Mais la jeune femme tournait les talons, emportant avec elle sa frustration.

Laissé seul dans le grand hall musical, légèrement dévasté, Timour n'avait aucune envie d'être rattrapé par Danger pour nettoyer tout ça. D'autant qu'il était innocent. Son vibreur de téléphone tout neuf le rappela à ROXIE. Il prit connaissance de sa réponse en souriant mentalement.

Il tapota sa réponse avec la vitesse d'une dactylo au sommet de sa carrière, tout en se dirigeant vers le salon.

Timour à Roxie a écrit:

La movaiz c kelèm que lé fillles !! (tro dur pour moi lol vu la bombkecè!!!) la bon c kel te kif AMOR!!! L veu tenter l'XP ac toi (L èm le sex PTDR L è CHODE) é ça la fai FLIPER GRAVE en mêm temp!!!! Ya 1 BLOKAJ fo le fair péter TRè VITE L te pren pour 1 gamine FO KE TU ATTAK DIREKT MONTRE LUI KE TA DES C..... é ke tu KIF son KOR sinon c mor!!! Tro cho a Xpliké par SMS on svoi à+

Des conseils d'empathe professionnel par SMS ... Roxie était une cliente vraiment privilégiée ! Il fallait qu'elle en ait conscience ...

salon

[ HRP : Pour les prochains arrivants : un tabouret git en morceaux sur la table du buffet et par terre. A cet endroit des verres et victuailles sont aussi en pagaille. Non loin, sur la table des verres sont renversés et leur contenu a en partie dégouliné jusqu'au sol. Ça colle un peu aux chaussures ]

Le psycho-drame qui se jouait fut accompagné d'un changement de piste de la playlist. C'est un Timour solitaire qui put apprécier le nouveau titre.

Essoufflé, les yeux remplis de larmes qui ne coulaient pas, Dakota était enragé. Où est-ce qu'il se retrouvait ? Il croyait avoir échappé à son chez lui où on le battait à cause de l'alcool, avoir échappé à ces dégueulasses à l'orphelinat, et voilà qu'il se rendait compte que son espoir de vivre normalement s'effondrait. Il les détestait tous, sauf la fille verte qui avait rien fait, Malo, Alex et Blancpoil. Encore qu'Alex avait l'âge que le blond n'aimait pas. Mais il l'avait sauvé, alors il avait le droit au doute. Mes les autres… Ces garçons dégueulasses… Le mioche ne voulait ni ne pouvait les encadrer d'avance. Sans parler du prof.

Prof de mes couilles. Si même les chefs d'ici incitaient les autres à boire, ça donnerait quoi ? Dakota ne voulait pas le savoir. Tout ce qu'il voyait, c'est qu'il s'était trompé sur ici. Et le pire… Le pire c'est qu'il n'avait nulle part d'autre où aller. Heureusement la piste de danse était vide. Y'avait un peu à bouffer sur une table, des verres renversés, de la bouffe tombée et un tabouret explosé. Le blond savait pas trop ce qu'il s'était passé ici mais décida d'aller se réfugier en dessous de la table, à moitié caché par la nappe qui tombait. Ramenant ses genoux contre son torse, l'américain était encore trop en colère pour pleurer. Il entoura ses jambes avec ses bras et plongea sa tête sur ses genoux. C'était juste un cauchemar. Il les détestait. Tous. Ou presque.

Informé par un mail de Lily-Rose, de la petite soirée qui avait lieu à Graymalkin, Ludvig s'était élégamment habillé d'une veste noire cintrée, recouvrant une chemise de la même couleur, largement ouverte sur le dessus. Cela lui donnait un air classe et décontracté à la fois. L'idéal pour une soirée de crémaillère.


Le Norvégien s'était même rasé la barbe et à la sortie du taxi il passa négligemment sa main sur son menton imberbe. L'impression était particulière mais pas désagréable. Il régla le chauffeur avant d'observer quelques instants. l'imposante bâtisse des X-men. Pendant ces quelques secondes, il récapitula brièvement les enjeux de cette visite.

La première raison de sa venue était purement professionnelle. Il paraissait essentiel de faire plus ample connaissance avec les élèves avant d'envisager des projets avec eux. Il ne doutait plus désormais de leurs compétences qu'ils avaient largement démontrées en renversant les Pères Fondateurs mais la clé de le coopération résidait dans la connaissance et le respect mutuel. C'est pourquoi Ludvig avait accepté la proposition de la doyenne des X-men. La seconde raison était plus inavouable mais elle avait pesé lourd dans la balance. Ludvig avait éprouvé et éprouvait toujours un vive enthousiasme à l'idée de retrouver Lily-Rose. Cette femme lui avait fait forte impression. L'expérience lui avait forgé une force de caractère remarquable et l'avait amené à une philosophie de vie semblable à celle du télépathe. Tout deux avaient beaucoup de points communs et le Norvégien comptait bien creuser un peu plus sur ce terrain là.

Après avoir passé les grilles de Graymalkin et ouvert la porte du bâtiment, Ludvig se retrouva nez à nez avec l'androïde des X-men. Une certaine Danger, se souvint le mentaliste en la dévisageant, non sans curiosité. Il la salua d'un simple sourire puis balaya la salle du regard. Pour une soirée, il n'y avait pas tellement d'ambiance! Mises à part la musique et la décoration, rien n'évoquait une fête. Comme la météo s'y prêtait bien, les X-men étaient sans doute à l'extérieur, songea Ludvig qui effectua un rapide repérage mental du hall, tant par réflexe que par acquis de conscience.

Il y avait quelqu'un! Le diplomate ouvrit les yeux et comme les donnés visuelles ne lui permirent pas de repérer l'individu, il le rechercha mentalement. Un garçon s'était réfugié sous une table dont la nappe lui avait permis de passer inaperçu jusque là. Une rapide sonde télépathique informa aussitôt Ludvig de la détresse du mutant dont les pensées de haine teintées de tristesse laissaient percevoir. Le Norvégien se dirigea tranquillement vers le bar, évitant les morceaux du tabouret et de verres brisés pour rejoindre la sono dont il baissa sensiblement le volume sonore. Ce n'était vraiment pas le genre de musique qu'il affectionnait et comme elle ne profitait à personne, un petit changement s'imposait donc. Ludvig rechercha rapidement sur internet un titre plus familier à ses oreilles et le lança.



Le volume était toujours relativement bas, suffisamment pour que l'on s'entende parler mais assez fort pour que l'on perçoive tout de même parfaitement la mélodie. Le Norvégien installa un tabouret près de la cachette de Dakota et expliqua:

"C'est la musique que mettait ma mère chaque matin à mon réveil de mes cinq ans jusqu'à ma onzième année où je partis en internat. Tu n'imagines même pas comment j'ai haï cette symphonie pendant ces six années... Les petits sons stridents, les échos des flutes traversières, cette joie écœurante que dégageaient ces chœurs de violons étaient autant de provocations qui me rappelaient l'impérieuse nécessité de me lever pour couper rageusement la chaine-hifi, installée à l'autre bout de ma chambre."

Ludvig sourit, conscient que c'est ce que pouvait ressentir le jeune mutant en entendant cette mélodie joyeuse à l'exacte opposé de son humeur actuelle. Le fait de parler à une table amusait aussi grandement le diplomate. Quiconque passerait par là, le prendrait sans aucun doute pour un fou!

"Plus tard, quand j'ai évoqué cette anecdote avec mon professeur de piano et que je lui confiais que depuis cette époque j'avais cette symphonie de Mozart en horreur, il m'a contraint à l'écouter de nouveau. Il trouvait cela terrible qu'une telle œuvre soit aussi détestée, surtout par quelqu'un qui aspirait au titre de musicien..."

Pendant ce temps là, la symphonie se poursuivait avec la même régularité, ce même entrain qui tenait presque de l'ivresse.

"Je me suis installé avec mon professeur et j'ai patiemment écouté." Poursuivit Ludvig. "Il m'a alors dévoilé toutes les subtilités que recélait cette oeuvre. Il m'a fait découvrir notamment sa dimension tragique... A l'exacte moitié de la musique, la mélodie change : elle se fait plus triste et les cordes nous donnent l'impression qu'elles crient avec toute l'énergie du désespoir. Pourtant au début, elles manifestaient cette joie presque agaçante... Mais ici, elles semblent...désespérées. Vers la fin, elles retrouvent leur bonne humeur d'origine même si on dirait qu'elles ont changé... Mon professeur les trouvait moins naïves. Le Norvégien sourit au souvenir de cette leçon musicale puis il reprit après une courte pause: "Je crois qu'il a raison... Au départ, la mélodie est presque candide, les cordes sont heureuses dans le meilleur des mondes possibles. Mais après un passage à vide, elles se sont aperçues que le monde n'est pas forcément tout rose, qu'il pouvait se révéler terrible et finalement, elles décident de faire avec, tout en tirant parti de leur épreuve..."

Le pianiste ferma un instant les yeux pour ressentir au mieux l'harmonie du morceau. Puis, après quelques secondes, il enchaîna:

"Je crois que Mozart nous révèle ici sa conception de la vie... Lorsque l'on est jeune, tout nous parait idyllique et plaisant. Puis - en grandissant - on comprend que tout n'est jamais comme on le voudrait. Il y aura toujours quelque chose qui nous fera souffrir. Alors on crie, on pleure, on en veut à la terre entière à l'instar des cordes et de leurs fortissimos angoissés qui sont autant de révoltes contre le destin..." Ludvig se tut alors, attendri par la musique devenue plus lancinante. "On dit que ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort. Nos épreuves peuvent s'avérer une force, une fierté même ; les cordes ont bien comprit cela à la fin du mouvement, je les trouve...dignes. Elles savent qu'on ne peut pas changer le monde mais que l'on peut se changer soi même. On peut modifier sa vision des choses... Mon professeur m'a fait découvrir cette œuvre, et a radicalement changé mon point de vue sur elle. Aujourd'hui, lorsque je ne vais pas bien, j'écoute cette symphonie et j'en tire à nouveau cette leçon. Désormais, elle n'est plus synonyme de réveils agités et désagréables mais de lendemains meilleurs..."

Le diplomate espérait bien, en agissant ainsi, faire retrouver le sourire au petit mutant caché sous la table. La souffrance n'était jamais inutile aux yeux de Ludvig. Celle-ci avait exacerbée sa compassion pour autrui car, qui comprenait la douleur, la supportait encore moins chez les autres... Elle permettait de révéler ainsi le meilleur de soi. C'est la leçon que voulait apprendre Ludvig à ce garçon. Le télépathe avait lui-même ressenti de terribles afflictions semblables à celle que vivait ce jeune homme et à l'image de son professeur de piano, il aurait bien aimé que quelqu'un lui apprenne comment s'en sortir...

"Que penses-tu de la conception de Mozart? Est-ce qu'elle te semble juste?" Insista le Norvégien, toujours installé sur son tabouret.

Plongé dans ses sombres pensées dans lesquelles le blond ressassait tous les mauvais évènements qui lui étaient arrivés, il ne releva le visage lorsque la musique s'arrêta pour laisser place à autre chose. Un truc qui avait pas trop de quoi être dans les musiques de fête. Le son avait un peu baissé, et Dakota entendit un tabouret être posé près de la table, juste à côté de lui.

Et une voix qu'il ne connaissait pas commença à parler. Parler beaucoup. Le petit garçon écouta l'histoire en se demandant si ça lui était adressé, et se concentra religieusement sur les paroles. La mélodie était jolie même s'il ne l'aurait jamais avoué en public. Après l'histoire, l'homme expliqua son interprétation. La jeunesse heureuse et l'âge de raison qui offrait la découverte de ce qu'était vraiment la vie, avec son lot de désagrément.

Mais Dakota avait la sensation que pour lui, rien n'allait jamais bien depuis quelque temps. Depuis que son père avait disparu. Le blond n'était pas fier de ce qu'il avait vécu. Quand il avait abordé comme un coq le fait de se faire frapper par son beau-père, c'était uniquement pour faire le petit dur et rien d'autre. Se cacher derrière une coquille. Celle de l'indifférence. Quant à l'orphelinat… C'était forcément plutôt humiliant d'être l'objet sexuel de plus grands et d'être faible, incapable de se défendre.

Se changer soi même, le garçon n'y avait pas trop pensé. Même pas du tout. Il ne comprenait pas trop ce qu'il aurait fallu changer en lui. Il n'allait pas se mettre à aimer l'alcool, ni son beau-père et encore moins les trucs dégueulasses de l'orphelinat. Il n'avait aucune vision à changer.

Jusqu'ici, l'inconnu - qui n'en était pas un pour lui ici d'ailleurs ? - avait parlé dans le vide, racontant sans relâche son histoire et ce qu'il en avait tiré. Mais cette fois, une question lui était directement posée. Pas de doute, il avait été vu. Il n'y avait pas un second inconnu quelque part. Personne répondait.

Dakota laissa passer quelques secondes, vérifiant par le silence que la question n'avait pas été adressée à un autre. Puis, hésitant, il répondit finalement " Je trouve que les notes ont peur. Comme moi. Que tout se répète toujours avec la mélodie. C'est presque toujours la même. " Il soupira en laissant retomber sa tête lentement, de côté, sur ses genoux. " Changer sa vision, c'est juste pour se protéger du monde.Si vous aimez cette musique, c'est pour ne plus vous faire du mal en l'entendant. " Son regard se fixa sur la nappe.

Il était à moitié plongé dans le noir. Dans une obscurité presque rassurante. Une sorte de négation du monde dans lequel il se trouvait. " J'aime pas la conception de Mozart. Parce que pour lui, un adulte c'est quelqu'un qui a souffert et qui souffre encore. Je trouve pas que c'est synonyme de lendemain meilleur. Juste qu'il faut vivre avec sa douleur, comme les autres, et l'accepter. " Jamais il ne se serait imaginé quelques instants plus tôt en train d'analyser l'interprétation d'une symphonie de Mozart, caché sous une table. " Si grandir c'est souffrir, je veux plus grandir… Je suis assez grand maintenant… " Il avait assez donné avec la mort de son père, son remplacement par l'odieux connard, le chiard, sa mutation en cette saloperie d'Eko, l'orphelinat puis sa capture pour il ne savait pas trop quelle raison.

A défaut d'être en colère, Dakota était juste triste et fatigué. Il était calmé mais non apaisé. Il en voulait encore à la terre entière. Il voulait juste une famille normale. Comme avant…

Mbarou n’avait pas trop vu la direction ou c’était échapper le petit blond, sûrement a l’intérieur du bâtiment, mais elle voulait être sûr qu’il ne se soit pas cacher dans le par et elle avait pris le temps de regarder un peu autour d’elle avant d’entrée dans l’édifice.

Une fois à l’intérieur, elle découvrit la piste de danse qui avait été préparer dans le hall. C’était super classe et coloré, rien à voir avec ce qu’elle avait quitté. Les travaux avaient été super rapides, sûrement grâce au pouvoir des X-mens. La piste était incroyablement vide et la musique était du Mozart… Peut-être que la raison de la désertion des lieux était seulement le choix musical imposé par Lily-Rose. Seul un homme se trouvait dans la pièce, assit sur un tabouret parlant de musique à une table entourée de liquide de toutes sortes. La géante crue comprendre que le gamin se trouvait sous la table, il avait sûrement dû renverser tout cet alcool par terre en arrivant et l’adulte essayait de communiquer avec lui.

Elle écouta de loin les paroles très sensées de cet homme et se demanda si lui aussi était un nouveau prof. En tout cas, il était parvenu à avoir une réponse de l’enfant, qui semblait calmée par la discussion. La jeune fille sourit et préféra laisser seul les deux êtres. L’adulte était sûrement mieux placer qu’elle pour calmer le garçon, alors elle décida d’aller posé ses affaires dans sa chambre. Elle pourrait toujours revenir plus tard pour voir comment allait le petit blond.

Vers les chambres

Ludvig écouta avec attention la réponse de l'adolescent. La mélodie se répétait en effet, mais à ses yeux, ce n'était pas parce que les notes avaient peur, mais parce que d'une part, elles prenaient leur temps pour exprimer leurs émotions, passant de la joie à la tristesse pour retrouver une certaine sérénité à la fin de la symphonie. Bien évidemment, cette symphonie était composée de plusieurs mouvements et celui-ci n'était que le premier, il y aurait encore tant à dire sur la suite mais mieux valait se limiter au premier pour le moment.

Mbarou passa par là et Ludvig lui adressa un sourire aimable. Elle eut tôt fait de repartir et le télépathe recentra donc son attention sur la réponse de Dakota.

Changer sa vision, c'était certes pour se protéger du monde mais aussi et surtout pour grandir. Notre perception du moi, des autres et du monde, régissaient nos vies et changer cette première c'était bouleverser notre existence pour le pire ou le meilleur, si on le désirait.

"J'aime cette musique, corrigea Ludvig, car en plus d'être belle, elle me rappelle que les épreuves de la vie sont synonymes de souffrance uniquement parce que je les perçois de cette manière, comme des difficultés, comme des sources de malheur. Or cette mélodie nous indique que les épreuves, même si elles nous font souffrir, nous font aussi grandir." Le Norvégien ferma un instant les yeux et reprit: "Tout le monde sur Terre souffre, mais il y a différentes manières de souffrir. La première est la plus commune, elle consiste à s’apitoyer sur son sort, à se laisser déborder par la tristesse et à désespérer. Cette attitude, même si elle est compréhensible, n'apporte strictement rien, bien au contraire elle nous détruit. La seconde manière de souffrir, c'est de se dire que les terribles épreuves que nous vivons, vont nous permettre d'apprendre quelque chose, qu'elles vont nous faire évoluer et qu'il faut se battre pour s'en sortir. Mozart nous apprend donc cette seconde manière de souffrir. Il y a une mauvaise et une bonne façon de souffrir, l'une asservit, l'autre nous fait grandir."

Dakota exprima alors son "complexe de Peter Pan" et le mentaliste sourit intérieurement. Ce garçon était déjà assez mûr pour son âge et de ce fait il grandissait, malgré sa volonté.

"En refusant de grandir en refusant les épreuves de la vie et les souffrances qu'elles engendrent, tu t'opposes au cycle naturel et tu restes dans l'état dans lequel tu es. Tu continueras donc de souffrir et tu n'en retireras rien. Alors que si tu décides de grandir, en apprenant de tes épreuves alors tu pourras espérer des lendemains meilleurs car l'existence n'est pas faite que de douleur... Parallèlement, on apprend que les souffrances sont aussi des leçons de vie et elles ne nous détruisent plus comme avant..." Le Norvégien sourit et glissa négligemment ses mains dans les poches de sa veste. "Selon mon expérience, je crois que la douleur nous apprend, les valeurs de la patience, de l'humilité, de la compassion et finalement de l'amour. Elle nous fait apprécier la joie et nous offre - paradoxalement - le bonheur..."

La vie était parfaite, quand on savait la voir comme il le fallait. Elle n'était qu'évolution. Ludvig aurait pu disserter encore longtemps sur ces passionnants sujets qui rejoignaient sa philosophie spiritualiste mais il ne pouvait rester très longtemps à Gryamalkin et il avait encore Lily-Rose à voir avant de prendre l'avion. Il invita donc Dakota:

"Sors de dessous cette table, jeune homme. Sois courageux. Accepte la vie, accepte les épreuves et apprend d'elles. Vis pleinement la vie, prend conscience que malgré tout, tu es véritablement chanceux. Tu as ici l'opportunité unique - que beaucoup de mutants désireraient avoir - de grandir et d'apprendre les leçons de la vie dans les meilleures conditions possibles. Même si tout n'est pas toujours idéal, dis-toi que c'est l'occasion d'apprendre quelque chose et de grandir pour justement avoir un avenir meilleur. Tu ne sais pas de quoi est fait le futur et peut-être trouveras-tu le bonheur plus tard. Grandir est un risque qui vaut le coup d'être pris : crois-moi."

Puis, Ludvig attendit patiemment que le mutant pointe le bout de son nez, tandis que la musique s'achevait dans un accord final émouvant. Il descendit tranquillement de son tabouret et tendit sa main en direction de la table napée.

Comme il s'y attendait, l'adulte avait de quoi lui répondre pour réaffirmer sa vision de la musique de Mozart. A nouveau, Ludvig répéta que grandir c'était souffrir. Mais la suite, Dakota la comprit surtout comme une critique du fait de se plaindre. Le mot apitoyer, il le sentait presque comme une insulte. Genre t'as pas le droit de pleurer, t'as pas le droit d'être malheureux, ça sert à rien, si tu fais ça t'es un looser. La seule chose qui lui sembla à peu près vrai était qu'il fallait se battre. Mais ce soir, le blond n'en avait pas envie.

La journée avait été assez riche en rebondissement, comme ces derniers jours. Avant hier soir, il se faisait tabasser par son beau-père avec la ceinture, hier matin il se retrouvait à l'orphelinat pendant la nuit, dans la journée on voulait le violer, puis on le kidnappait un peu plus tard dans la soirée avant finalement d'être sauvé ce matin même après s'être fait tirer dessus par un sniper et qu'un homme invisible leur court après. Définitivement, le gamin n'était pas dans de bonnes dispositions pour donner raison à Ludvig, quelque soit la justesse de ses propos.

Il continuait à comprendre qu'en ne voulant pas grandir, il devenait une loque. " Sois heureux et tais toi, quoi. " maugréa l'américain de façon un peu trop audible. Pour lui qui aimait l'ouvrir sur tout, et surtout ce qui le regardait pas, ça partait mal. Et comme tout gamin qui se respectait par inexpérience de la vie, il avait pour habitude de se plaindre de la moindre chose qui changeait un minimum son quotidien. Quand avoir école cinq jours de suite était déjà une "épreuve" en soit parce que le mercredi aprem était supprimé, il fallait comprendre que ces deux derniers jours ne le laissent pas indifférent.

L'adulte finissait par lui dire qu'il fallait apprendre, être courageux, et pire… Pire… Qu'il était chanceux. Comment il pouvait dire ça ? Qu'est ce qu'il connaissait de sa vie pour dire ça lui ? C'était qui pour lui faire la moral ? Trouver le bonheur dans le futur ? Mais il s'en foutait ! Le bonheur, il le voulait tout de suite ! Sans attendre ! Sans souffrir avant !

Dakota sortit de la table comme un diable de sa boite sans accepter la main qui lui était tendue, et fixa l'homme, le regard vairon ampli de colère. " T'es pas mon père. Je suis pas chanceux. Je veux pas grandir. J'ai rien à apprendre de mes malheurs. Les alcoolos sont des connards. Les garçons sont dégueulasses. Les adultes sont des enfoirés. Et j'ai pas mérité que mon papa soit MORT ! " Le ton était monté crescendo envers Ludvig.

L'homme était totalement innocent, mais ses paroles pleines de sagesses ne pouvaient percer ce soir la coquille de colère et de tristesse dans laquelle Dakota s'enfermait avec hargne. Il avait l'orgueil de penser que personne ne pouvait le comprendre et que tout le monde était responsable de son malheur. Le flot de mésaventures lui masquaient totalement les derniers évènements salvateurs qui lui étaient arrivés tels que sa libération et son arrivée ici.

Serrant ses petits poings, Dakota poussa un gémissement de colère avant de tourner les talons avec la plus totale impertinence et ingratitude envers l'homme qui avait pourtant essayé de l'aider.

Vers la cuisine