01.01/29.L.Old School - Débat intérieur...

Un désagréable sentiment s’emparait de Luz tandis que la conversation progressait. Ce n’était pas directement lié aux paroles que pouvaient prononcer ses trois désormais camarades, mais plus à une atmosphère nullement amicale qui s’installait petit à petit. Elle avait comme l’impression que des hormones étaient en pleine phase de combat, sauf qu’entre le regard vide de Timon et la haine de plus en plus tenace qu’elle éprouvait pour l’Asiatique, son jugement était voilé. Il n’y avait guère que Janet qu’elle comprenait approximativement.
Et alors qu’elle allait répondre à la fille-chat, Kang se fendit d’une nouvelle salve de remarques rétrogrades à un rythme tellement soutenu que Luz s’attendit presque à ce qu’il conclue sa tirade par un tonitruant « Women stay in the kitchen ». Au bout de sa seconde réplique, elle avait posé sa main sur sa bouche pour masquer sa stupéfaction, à la quatrième, elle secouait la tête, tentant de nier l’évidence, et à la dernière, qui en prime la visait personnellement, elle avait clairement et définitivement établi qu’elle vivait désormais auprès d’une nuisance bien plus concrète que tous les Pères Fondateurs du monde : un sportif macho moralisateur avec de la purée de céréales enrichie en vitamines en guise de cerveau.
Cela occasionna une période de stase dont elle sortit pour enfin s’adresser à Janet, espérant sans trop y croire réussir à dévier la conversation, et ainsi ne pas avoir à sauter à la gorge de Kong à la prochaine maxime imbécile qu’il lui assènerait.

- Mais du coup, si t’es venue en chat, t’as pas d’affaires, rien ?

Elle imaginait mal un petit félin tirer derrière lui une valise à roulette de trente kilos tout en demeurant inaperçu.

- Si t’as besoin d’aide pour récupérer des trucs, demande. Ca sera nettement plus enrichissant que de courir comme une débile.

Le dernier mot fut ponctué d’un regard en coin pour Kong. Le pire, c’est qu’il l’appelait « ma belle » ! On ne lui avait pas adressé un compliment sur son physique depuis l’apparition de sa mutation, et il fallait que celui qui rompe la malédiction soit un type aussi subtil qu’un mur de briques, et aux idées définitivement bloquées au treizième siècle. Le monde était bien cruel.
Elle rassembla ses esprits pour éviter de répondre à l’invitation du Coréen à se faire nourrir par une bordée d’insultes fort peu élégantes.

- Désolé, je prépare jamais à manger pour les idiots. Mais ça se soigne, hein. T’es pas encore un cas désespéré.

Et en signe de protestation face au tournant que prenait la conversation, elle se replia sur son hamac, afin de laisser les deux mâles régler leurs comptes en face à face. L’idée de se faire présenter une moto ne l’enchantait pas vraiment, même si elle était certaine de préférer la personnalité de la bécane à celle du sportif demeuré. Il faudrait qu’elle demande à Roxane, la petite énergique, ce qu’elle pensait des idées de Kang, afin de savoir si elle était la seule à être choquée par les relents réactionnaires qu’elles dégageaient.
C’était dans ce genre de moment qu’elle aurait apprécié d’avoir à disposition sa « merde de cana ».

Timour continuait de parler des Pères Fondateur à son rythme. A savoir haché, rapide et vaguement embrouillant. Il avait une espèce de ton de premier de la classe qui ignore ses talents cachés et qui inonde sans s'en rendre compte ses rivaux potentiels de messages d'encouragement. Mine de rien, malgré son air rebutant, Janet commença a changer peu à peu d'avis sur lui. Il semblait... innocent. Il devait encore être jeune, peut-être encore plus qu'elle, et était visiblement tombé dans le panier de crabes sans y être préparé du tout. Elle commença à ressentir de la sympathie pour lui parce qu'il représentait une chose qu'elle voyait rarement, qu'elle trouvait beau et qu'elle souhaitait défendre : un avis niais sur le monde qui l'entourait. Ce point de vue lui avait été arraché bien trop tôt sans qu'elle le veuille vraiment et elle ne serait pas la première à chercher à briser le jeune mutant.

Les autres mutants étaient déjà un peu blasés et cyniques (loin d'atteindre son lvl 99 toutefois, leur expérience dans le domaine devant être trop récente). Elle n'aimerait pas assister à la métamorphose de Timour en quelque chose de triste et d'agressif. Ce serait trop faire plaisir aux Pères Fondateur, aux conspirateurs, aux adultes et aux imbéciles bureaucratiques en général.

"Personne ne m'a dit qu'ils étaient des Pères Fondateurs. Mais voir les autres presque au garde à vous, ne pas voir de problèmes qu'ils soient entourés de cadavres et en train d'interroger un militaire haut gradé dans un salon VIP d'un aéroport... Disons qu'une police, même mutante, ne doit pas avoir le même culot."

Encore cette histoire avec ce Valentine. Avec l'autre dont elle avait entendu parler dans la salle à manger ça faisait trois profs en tout qu'elle connaissait de nom. Ils attendaient quoi pour se présenter? La première mort par choc culturel? D'ailleurs, Bam apporta sa pierre à l'édifice de la désolidarisation de l'espèce en traitant avec une condescendance à peine masquée les deux filles. Il allégea la charge sur Janet mais la féline hésitait sur les motivations profondes de l'acte. Il avait compris que pousser le bouchon trop loin avec Jameson était synonyme d'ennuis tranchants ou bien il fantasmait juste sur le plaisir de voir une belle jeune femme faire la cuisine pour lui? Vu le taux de testostérone dû à la pratique du sport, elle penchait pour la seconde hypothèse. Hélas.

Ce que ça va être long avant de retourner en Afrique...

Elle laissa Kang et Timour discuter de sport. Le base-ball avait cela de commun avec la grippe : il était bien répandu et frappait souvent, immobilisant des quantités de personnes durant la phase de latence aussi connue sous "qualifications" et la phase active de la maladie qui vous clouait dans un fauteuil pendant la période dite "tournoi". Ce qui ne laissait plus que Louise qui mit un peu d'écart entre elle et le coréen. Elle voulait se faire désirer? Avec un physique pareil, elle devait faire baver bien des mâles en rut et devait avoir acquis une certaine compétence dans l'art de jongler les hormones masculines. Janet brillait plutôt dans l'émasculation. Elle fit la preuve qu'elle était dotée d'un cerveau.

"Oui, pas d'affaires du tout. Les Pères Fondateurs me sont tombés dessus à la sortie de l'avion. Ils repèrent les mutants et cherchent à les faire joindre leur cause. Enfin, je sait pas trop... J'avais plus l'impression de les déranger pendant un de leur petit carnage..."

Encore un frisson. Est-ce que la vue de ces cadavres allait se décider un jour à déménager de son cerveau. Elle enviait Clong, ce type devait avoir un système du genre "chasse d'eau" qui permettait de vidanger ses neurones de tout ce qui n'avais pas trait au sport de combat. S'appuyant le dos contre la balustrade, les bras croisés sur sa poitrine pour contrôler les tremblements, elle concentra toute l'attention de ses petits yeux d'un bleu pâle sur la plante verte. Elle voulait... rendre service? Les collègues de classe avaient toujours une idée derrière la tête dans ces conditions. Le genre d'idée qui faisait que ça lui rendait bien plus service à lui qu'à la personne à aider. Sauf que s'il y avait une chose à retenir de la masse d'informations tordues arrivées depuis la veille, c'est que les mutants du bâtiments n'avaient aucun point commun avec les Golden Baby croisés dans les lycées américains nord africain. Sur le coup elle fut surprise. Vraiment surprise.

"Ah heu... Merci."

Le dernier mot, "débile", avait une intonation différente. Elle critiquait Janet pour sa manie de ne pas rester sur place? Ou bien... La tirade suivante révéla que le coréen avait raté sa cible. Tirer au bazooka pour abattre un moustique était réservé à l'élite façon Chuck Norris. L'espagnole voulait visiblement plus de considérations. Malgré son côté babacool parfaitement assumé, Louise tenait à garder un certain statut vis à vis des mâles. Janet étant, tout à fait intérieurement, une amazone armé de haches à double tranchants dans chaque main (et tenues entre le pouce et l'index) elle donna une tape d'encouragement sur le dos de la chose verdâtre qu'elle devait bien admettre comme camarade. Toutefois il restait un peu à soigner le coréen avant qu'il aille s'enfuir pleurer dans sa chambre. Ou casser quelques briques à coups de tête.

"Exact. Je peut t'apprendre à parler avec une fille sans qu'elle ait envie de se faire un collier avec tes intestins mais pour l'instant, je préfère admirer le résultat d'un long entrainement en arts martiaux et son efficacité pour parler à l'autre moitié de l'humanité."

C'était toujours donnant-donnant avec Janet. Et Kang n'avait pas grand chose à lui apporter. Louise par contre...

"On pourrait aller discuter de spécialités culinaires espagnoles?"

Elle tenta un sourire de petite fille modèle, mais son estomac eut la traitrise de frapper en ce moment précis pour émettre un long gargouillement d'agonie. Il fut d'ailleurs accompagné d'une sévère crampe qui brisa la tentative de sourire et plia en deux la jeune fille. Se redressant, elle tenta de faire comme si rien n'était arrivé et s'appuya à nouveau sur la balustrade. Elle haïssait paraître plus faible que ce qu'elle était.

Toute sa concentration absorbée sur les deux jeunes femmes le coréen ne prêta aucune attention à l’approche sournoise du jeune Azeri. Lorsque ce dernier apposa sa main sur son abdomen le coréen ne peut s’empêcher de tressaillir de surprise tout en tournant un visage perplexe vers l’être grisâtre.

‘Hey mon petit, qu’est tu as à me toucher le ventre comme ca ?’

Lance à l’attention de Timour, Kang-Dae.

‘Tu veux toucher mes abdominaux ? Si tu veux, je peux te montrer comme faire pour en avoir d’aussi puissants que les miens.’

Poursuit Kang-Dae sur un ton enjoué tout en remontant e sa chemise pour dévoiler le bas de son ventre totalement imberbe.

Puis contractant ses obliques afin de les rendre plus visibles l’asiatique s’apprêta à poursuivre son monologue lorsque son facies se figea.
Les traits de son visage se modifièrent affichant peu à peu un profond dégout mâtiné de surprise. C’est à peine si la tirade assassine de Luz parvint aux oreilles de Kang-Dae tandis qu’il relâchait brutalement le pan de sa chemise qui mollement reprit sa position initiale.

Quelques brides de phrases lui parvinrent mais Kang-Dae ne pouvait tenter de les comprendre trop occupé à tenter de trouver la source de son dégout de plus en plus oppressant.
Tournant son visage en toute direction de plus en plus rapidement le coréen ne peut en trouver la source. Est-ce que c’était l’apparence de Timour ou de Luz la cause ? Ou peu être le contre coup de se retrouver couper des siens et plonger en un monde froid et hostile ? Quelques gouttes de sueur commence à perler le long de son front tandis que Kang-Dae cherche du regard la porte qui l’a amené sur ce toit.

Tout semblait le dégouter sur ce toit, chaque élément que son regard effleurait ne faisait que renforcer ce sentiment. Et avec le dégout vint la colère qui fatalement explosa comme un fruit bien trop mur alors que le coréen le regard de plus en plus furieux avait avancé de quelques pas en direction de la sortie du toit.

Hurlant de frustration, le coréen renforce sa densité au maximum afin de décocher une magistrale frappe contre l’abri extérieur tout en tournant un regard de bête traqué autour de lui.

La source de dégout se renforçait, Kang Dae devait éliminer ce qui le dégoutait et ce n’était apparemment pas ce mur. Le coréen posa alors un regard brulant de haine vers les autres personnes du haut de l’immeuble.

Timour ressentait bien toute l'irritation que les paroles du Coréens provoquèrent chez Luz. La manière dont elle lui répondit trahissait largement cet état d'énervement.

"Quoi des cadavres ?? Quels cadavres ? Comment tu as fait pour voir ça et être avec eux ??"

Sa curiosité était piquée au vif par les propos horrifiques et romanesques de Janet. Celle-ci s'était rapprochée de Luz, vautrée dans son hamac. Les deux filles faisaient copine-copine, et adressèrent quelques paroles venimeuses à Kang-Dae. Timour regarda avec une curiosité non visible la manière dont sa cible gérait son dégoût soudain pour son environnement. L'Azéri ne répondit pas aux questions naïves de l'asiatique concernant son contact avec un abdomen musclé. Cédant au mimétisme, Timour tapota lui-même du poing contre son propre ventre, qui était très loin d'être aussi musclé.

Ainsi l'Azéri restait dans une posture immobile et triste tandis que peu à peu Kang-Dae fut submergé de répugnance pour le monde. Il l'exprima de manière très visible et palpable, contrairement à Damian par exemple. Timour pencha un poil la tête, observateur. Il cligna de ses grands yeux lorsque le jeune colérique lui planta un regard haineux.

C'était le moment de jouer pour faire bonne impression auprès de ces dames, surtout que Janet démontrait sa volonté de partir.

Sans peur devant le démon, Timour fit un signe de la main, paume ouverte, à ces dames et se dirigea vers lui.

Il parla d'une voix humble.

"Heu... excuse-moi, je ne sais pas ton prénom, mais tu sais, ne sois pas énervé. Les filles ont raison de réagir comme ça. Ce que tu dis c'est vraiment pas bien vu ici, où les femmes et les hommes sont égaux. C'est mal vu de demander à une fille qu'elle nous fasse la cuisine, à nous les mecs."

Il adressa un bref regard aux filles, et s'approcha prudemment de Kang-Dae. Le charme devait déjà s'estomper. Le front de Timour se plissa et il ressentit à nouveau une lourdeur dans son crâne. Il commençait à fatiguer mais il fallait tenir bon.

Une fois à côté du Coréen, Timour tendit son bras vers lui, pour poser amicalement sa main sur son épaule. Il murmura à Kang-Dae sur le ton du plus grand secret :

"Tu voudrais bien ? ... Que je touche tes abdominaux ?"

Sa petite voix trembla légèrement devant sa propre audace. Puis il posa sa main sur l'épaule de Kang-Dae, et si le Coréen ne le repoussait pas avant, il tenta de lui imposer une grande joie envers lui, ce si gentil et adorable petit alien.

Janet sembla réagir positivement à sa proposition spontanée et quasiment désintéressée de coup de main pour récupérer quelques fringues. Il n’y avait pas chez Luz d’arrière-pensée telles que « elle me sera redevable » ou « je me rendrai indispensable », voire de « elle fera le boulot pour moi ». Elle voulait seulement trouver une échappatoire claire à ce que lui proposait Kang. D’ailleurs, cuisiner ne la dérangeait pas – tant que ce n’était pas pour le ninja boy. Cela étant dit, si la petite féline s’attendait à une paëlla grand format avec garniture complète, elle risquait d’être déçue. L’Espagnole était plutôt branchée salades, et l’état du lieu laissait peu d’espoir quand aux chances de trouver des crevettes ou des gambas au frigo.

Elle allait cependant accepter de bon cœur la proposition d’aller vers la cuisine – même si elle n’avait pas faim, ayant été calée par la biscotte de Lucy. C’est à ce moment qu’elle vit la façon dont Kang la regardait. D’accord, elle n’avait pas été sympa, mais de là à ce que ça provoque chez lui…cette réaction ! Non seulement ninja boy était macho, mais en plus, il était plus que susceptible. Dans un geste de protection, Luz bascula de son hamac et s’agenouilla derrière la toile, ne laissant dépasser que sa tête. Quelle mouche le piquait ? Elle avait touché un point sensible ? Est-ce que « débile » était une insulte coréenne qui maudissait la cible jusqu’à la treizième génération ?

- Qu’est-ce qui lui prend ?

Elle avait baissé d’un ton pour s’adresser à Janet, qui avait peut-être compris ce qui s’était réellement passé, elle. Recroquevillée derrière sa pitoyable protection de toile, elle essayait d’évaluer ses chances de survie si elle était la cible de Macho Man. Elles étaient faibles, bloquée sur un toit sans aucun moyen pour s’échapper – son moyen de défense préféré.
Et pendant ce temps, Timon le martien continuait de tripoter Kang tout en le moralisant gentiment sur son mode de pensée archaïque. Quelque chose fit « tilt » dans l’esprit de Luz, et elle marcha, ou plutôt rampa vers Janet pour lui expliquer une partie de la scène au cas où ça lui ait échappé. Elle murmura pour être certaine de ne pas être entendue des deux hommes, car une fuite pouvait avoir des conséquences désastreuses.

- Hey…je crois que le petit Timon est gay. C’est juste bête qu’il ait le béguin pour ce grand crétin, il aurait pu mieux choisir.

Du coup, Luz se sentit libérée d’un poids – celui de l’impression étrange que lui avait laissée le regard du martien. Ce n’était pas un coup de foudre ou une quelconque autre émotion, c’était juste l’affection pour Kang qui s’extériorisait. L’Espagnole espérait tout de même qu’il se rende compte à quel point il faisait le mauvais choix en jetant son dévolu sur un être aussi…inintéressant.

Du coup, dans son esprit, le camarade à l’apparence aussi exotique que la sienne devenait potentiellement très intéressant. Non seulement il la comprendrait s’ils commençaient à disserter des problèmes que l’on pouvait subir à cause de sa seule apparence, mais elle savait qu’elle pourrait se confier à lui sans arrière-pensées – elle était automatiquement exclue des cibles à potentiel romantique du petit mutant. Cette hypothèse la rassura légèrement – elle aurait été réellement enthousiaste si un coréen amateur de kung-fu ne lui jetait pas des regards meurtriers en cet instant précis.

Elle se tenait prête pour tenter de l’éblouir, à tout jamais. Mais ça ne marcherait qu’une fois. Il faudrait qu’il se calme d’ici là, sinon le premier jour américain de Luz risquait de tourner au cauchemar.

Toujours appuyée contre son parapet, Janet commençait à méditer sur le fait que quoi qu'elle fasse elle se tenait toujours proche d'un emplacement où l'on voit un chat. Depuis sa mutation, le chat en elle voulait toujours sortir mais se heurtait au cynisme qui faisait un rempart du format de la muraille de chine. Le jeune... Timour c'est ça... semblait horrifié par son histoire. Ben tiens, le premier à avoir vraiment peur quand on lui parle de cadavres. Tous les autres semblaient déjà bien blasés.

"Ils m'avaient emmenée avec eux en croyant que j'étais totalement d'accord avec eux. Je crois qu'il leur manque les neurones pour comprendre ce qu'est le cynisme."

Allez, Janet, vient tuer des gens avec nous. Et tous en choeur, on va réciter le poème du Grand Papounet Fondateur en faisant une ronde autour des cadavres! A bien y penser, elle aurait dû en griffer quelques uns avant de partir. Si ils se recroisaient, ils seraient encore fichu de lui redemander de rejoindre leur camp. Comment on dit "non" en jargon de Père Fondateur? A coup de fusil de chasse peut-être?

Toutefois, la volonté de guider Louise vers la cuisine, le frigo et accessoirement les ustensiles à fonction de remplissage d'estomac se heurta à un mur d'abdos en béton surmonté d'un crâne adepte des courants d'air. Le coréen pétait littéralement les plombs et ses phalanges avec. C'est comme ça qu'il réagit lorsqu'on ne réagit pas favorablement à ses demandes de mâle alpha? Il faudrait remettre ça plus souvent. Janet ne prit pas la peine de se mettre à l'abri. Après tout, aux yeux de Kang, elle valait 4000 dollars et elle savait que l'argent était un truc plus costaud que la colère sur l'immense majorité de l'humanité et, par extension, de la mutanité. Faussement nonchalante, elle examinait ses chances d'accéder à la sortie avec Kang et les jugea très élevées. Louise, par contre, semblait paniquer et le petit jeu de Timour compliqua encore un peu le tableau.

"Heu, non, il n'est pas gay. Enfin, je sait pas trop comment dire ça..."

Elle avait déjà entendu parler de ces hommes qui restent avec d'autres hommes mais le comportement de papillonnage d'un genre à l'autre sans retenue était un concept dont elle ne connaissait pas le nom. Elle était d'ailleurs étonnée de remarquer que Louise n'avait pas senti tout le poids du regard baveux du jeune alien sur sa peau émeraude.

"Disons qu'il aimerait bien dire du mal de la corrida avec toi. Le soir. Et dans ta chambre de préférence."

Bon, la situation commençait à dégénérer sérieusement là. Il y avait beaucoup de tension sur ce toit et, chose absolument impardonnable, ce n'était pas elle le centre d'attention de ce chaos sur le point d'exploser.

"Kang-Daé!"

Autant l'appeler par son nom. Il ne devait pas avoir l'habitude.

"Si tu veux tant que ça te défouler, fait un tour du paté de maison en courant avec moi. Je suis gentille, je te laisse deux tours d'avance."

La douleur lancinante qui lui martelait la main s’estompait peu à peu tout comme le dégout et la colère qui cohabitait en son esprit fiévreux. Ses pensées s’assemblèrent et firent corps permettant au coréen de prendre pleine conscience de son environnement.
Par tout les ancêtres, mais pourquoi diable avait- il eut un tel sentiment de dégout et de colère. Pourquoi avoir frappé le mur et commencer à se mettre en position de combat face aux autres personnes présentes ?
Timour la casquette visé sur son crane se positionnait à ses cotés la main posée sur son épaule et l’observait de son étrange regard totalement inexpressif qui faisait froid dans le dos. Il n’y a avait rien de pire que d’être confronté à un regard vide, mort…
Luz était positionnée à genoux derrière le hamac qui se balançait de plus en plus mollement pour l’observer d’un air mi figue mi raisin se demandant certainement quelle mouche l’avait piqué….
Quand à Janet, elle l’observait droite comme une lance avec un air d’attente sur le visage comme si elle attendait une réponse. Il lui semblait bien que cette dernière l’avait interpellé durant sa phase de colère mais ce souvenir restait trop vague….

Se dégageant de l’étreinte de Timour le visage pensif recule de quelques pas puis maugrée quelque mots :

‘Je ne sais pas ce qui m’a pris…Je ne comprends pas ce qui…’

Le coréen stoppe net son allocution, une nouvelle sensation prenait racine en sa tète, supplantant toute réflexion. Des bouffées de chaleur le submergeait, le fait de voir Timour a ses cotés le remplissait d’un sentiment de joie et de plénitude, un sourire niais lui dévora le visage.
Un signal d’alarme dans son crane retentit, il se passait quelque chose sur ce foutu toit, pour quelle raison trouvait-il la présence de Timour à ses cotés si intéressante. Se pourrait-il que lui Kang-Dae devient gay….
Les lèvres tremblotantes Kang Dae ose poser un regard sur Timour qui l’observe avec son visage si inexpressif, le sentiment de joie se renforce et il semble que ce ne soit pas la seule chose en lui.

‘Non….Pas possible…Je ne peux etre….Ca serait de la déviance pure et simple la ! Un autre homme passe encore mais E.T.....’

Mumure le coréen en reculant de quelques pas totalement effaré.

‘Non…non et NON !’

Hurla Kang-Dae en fonçant vers la porte pour quitter ce toit à l’atmosphère si étrange !

Timour passa son regard vide sur ces dames, pour se rendre compte qu'elles épiaient la scène étrange que leur livrait le Coréen. L'empathe en était fort satisfait. La fille chat avait beau avoir un sale caractère et de l'agressivité bien cachée à revendre, elle semblait sérieuse sur le sujet des Pères Fondateurs. Ils pourraient sûrement discuter (si elle ne lui sautait pas à la gorge toutes griffes dehors à la moindre contradiction...). La femme chat voulait contribuer à calmer l'asiatique en offrant une course à pied. Mais son idée tomba à l'eau car justement, Kang-Dae subissait son revirement radical d'émotion.

L'Azéri resta sans réaction, immobile lorsque sa victime le repoussa. Il l'observa de ses grands yeux vides en attendant les signes. Timour se demanda s'il n'y avait pas été un peu trop fort dans son dosage. Kang Dae n'assimilait pas très bien son brusque changement d'humeur. La joie intense qui irradia le Coréen se transmit à Timour. Il apprécia cette allégresse et la partagea de bon cœur, car c'était une belle victoire.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et le cœur de Kang-Dae rendit bientôt une impression d'effarement et de quasi-panique. Timour resta sans voix devant la déclaration ultime du samouraï. Il le regarda s'enfuir et serra ses poings le long de son corps.

Il resta face à la porte, médusé lui aussi. Les mots de Kang-Dae résonnaient durement dans ses oreilles, surtout les deux lettres majuscules. Et il réalisa en plus que Luz avait tout entendu elle aussi. Il ravala sa salive et se tourna courageusement vers les deux filles en essayant de se détendre.

"Il est... franchement trop nul ce mec ! ..."

Tout bouleversé, Timour sortit à son tour en trombe et se rendit directement dans sa chambre pour se cacher sous ses draps, si par chance Kang-Dae ne s'y trouvait pas !

saut

Janet et Luz semblaient avoir une vision différente des réactions hormonales masculines, puisque la petite brune informa la grande verte de la façon dont elle avait perçu le comportement de Timon. L'Espagnole écouta attentivement, mais ne pouvait s'empêcher d'être suspicieuse. Certes, il y'avait quelque chose qui l'avait gênée dans l'attitude du petit martien, mais il démontrait par A + B que son véritable centre d'intérêt s'avérait être le musculeux Coréen.

D'ailleurs, pour la première fois depuis...depuis qu'elle le connaissait, Luz se retrouva d'accord avec lui. Timon était bien gay, et son pouvoir semblait d'une certaine façon influencer les sentiments des gens, ce qui pouvait s'avérer rudement pratique, voire vicieux. Mais par bonheur, son possesseur préférait les hommes. Aucune chance qu'il ne tente de l'utiliser sur elle.

Cela étant dit, le lien spirituel avec Kang s'arrêta là, puisqu'il manifesta une homophobie primaire qui, si elle avait eu des cheveux, les lui aurait fait dresser sur la tête. Luz secoua la tête.

- Il est en-dessous de tout.

Puis elle se tourna vers Janet. Elle aurait voulu aller consoler Timon, mais il avait déjà fui, sans doute découragé par son échec sentimental avec l'artiste martial.

- N'empêche que je te l'avais dit : il est gay.

Pour ne pas trop verser dans le triomphalisme, elle décida de pondérer ses propos.

- Mais je t'accorde que son regard est pas facile à interpréter.

Les ennuis et les pensées du seizième siècle étant parties avec Kang-Dae, Luz se retrouvait de nouveau libre sur le toit. Donc libre de se livrer à son activité favorite, dans le lieu qui lui était dédié : une sieste dans le hamac. Elle s'y étendit de tout son long, posa ses deux mains derrière sa tête, et ferma les yeux.

Elle ne voulait surtout pas penser.

Saut

La situation assez bizarre sur le toit finit par se désamorcer aussi brutalement qu'elle s'était allumée. Janet en fut un peu déçu. C'était comme allumer un énorme pétard qui finit par faire "pshit" au moment où l'on attend un gros "Boum". Klang finit par s'enfuir en courant sans même attendre la féline et Timour lui emboita le pas, déçu. Il ne chercha même pas à reporter toute son attention sur la belle plante verte. Il était vraiment tombé accro des abdos du coréen? Il faudrait qu'elle fasse attention ici. Si ça se trouve, elle tomberait encore sur un vieux que ça ne dérangerait pas de palper des jeunettes dans son genre. Bien sûr, c'est lui qui risquait le plus dans l'histoire mais il faudrait plusieurs heures de douche à Janet pour se débarrasser de l'odeur du pervers.

Rapidement, elle se trouva seule avec Louise qui retourna sur le hamac qui n'en demandait pas tant, pensant sûrement pouvoir hiberner pendant la trêve hivernale.

"J'avoue qu'ils ne sont pas faciles à comprendre..."

C'était une nouveauté pour elle. Les gens qui l'entouraient avant étaient clairs comme de l'eau de roche pour elle alors que les personnes qui ne sont pas du même monde avaient un schéma comportemental qui avait la limpidité du pétrole. Elle avait donc eu sur ce toit un macho effrayé par ses propres sentiments, un moulin à parole qui réclame autant d'attentions qu'un poussin neurasthénique et un plant de cannabis ambulant assassinant ses congénères dans des soupirs d'extase. Et elle n'était pas encore descendue dans les étages voir ce que le reste du cirque lui réservait. Il n'empêchait, elle avait l'impression que ce qui régnait principalement parmi ses congénères c'était la bêtise.

Et la bêtise est si facile à manipuler...

Saut temporel

Citation :

Kang-Dae : +2 points de réputation
Timour : +1 point de réputation
Janet : +1 point de réputation