01.01/30.L.Old School - 1re matinée

30 janvier. Première matinée.

Damian avait assez mal dormi cette nuit. Le nouveau changement de vie, les rencontres, l'importance de ce qu'ils allaient être amenés à faire. Il avait pensé toute la nuit à deux choses : la belle Lucy qui était venue se rappeler à lui régulièrement dans ses songes, et l'objet réel de son inquiétude, à savoir ce qu'ils allaient faire ici. Avait il fait le bon choix? Outre les considérations matérielles, à savoir un lieu où dormir et des gens qui étaient heureux de l'accueillir...

Pas évident de passer du jour au lendemain de lanceur de couteau à celui de héros qui allait défendre la veuve et l'orphelin. Il avait fini par se persuader qu'il avait fait le bon choix et il avait pu s'endormir. Et puis il avait rencontré des gens comme lui, qui se posaient sans doute les mêmes questions. Certains étaient étranges d'autres charmants (ou plutôt charmantes ^^).

Il s'était donc levé, quasiment aux aurores. Le bâtiment était calme, quelques craquements, signe que le soleil de l'hiver pointait ses rayons sur le toit de l'école et faisait jouer les vieilles boiseries de la charpente. Les bruits de la ville aussi s'amplifiaient à l'unisson symbolisant la reprise d'activité de l'économie de Chicago.

La cuisine était calme, tout juste éclairée par les premiers rayons matinaux. Damian prépara une cafetière, au cas où d'autres lèves-tôt pointeraient le bout de leur nez. En attendant que celui-ci finisse de couler, il lit les nouvelles de la journée passée qu'il n'avait pas pris le temps de lire en dégustant les dernières madeleines que lui avait confié Soisik, l'acrobate voltigeuse du cirque qui l'avait accueilli pendant toutes ces années.

Une fois le café prêt il s'en servit une bonne rasade dans un mug qu'il avait trouvé près de l'évier. Et commença à établir son plan pour la journée. Il faisait beau, c'était donc un jour judicieux pour aller faire un tour dans son ancien quartier. Il était revenu et comptait bien tirer parti de sa proximité avec ses anciens employeurs pour se venger et leur faire payer ce qu'ils lui avaient fait. Mais avant d'en venir là il lui fallait faire des repérages, et quelques surveillances pour repérer leurs allées et venues et leur fonctionnement actuel.

Aujourd’hui, Lucy s’était levée du bon pied. Bon, les dégâts dus au décalage horaire lui arracheraient certainement quelques bâillements au cours de la matinée, mais elle était déjà moins dans le gaz que lors de son premier jour officiel à l’Old School. Bon, il lui fallait encore une bonne tasse de café pour réellement se voir éveillée et pleine d’énergie, mais au moins était-elle lavée, coiffée et habillée, cette fois. Enfin, coiffée… ce qu’on pouvait appeler une coiffure, puisque ses mèches rousses étaient de longueurs inégales, expressément. Elle trouvait ça cool, comme coiffure. Aujourd’hui, elle avait revêtu un petit haut noir et un jeans simple, par delà ses converses mauves qui plairaient sûrement à Roxie si elle les voyait.

Aujourd’hui, elle comptait bien aller faire un tour dans le quartier autour de l’hôtel pour se trouver un p’tit job sympa. Bon, ça ne payait pas de mine, dans les alentours, mais ça devrait pouvoir aller pour dénicher un bar sympa qui recherchait une serveuse sexy, qui servait comme une pro, et qui en bonus supplémentaire pouvait pousser la chansonnette. Et puis au pire du pire, si elle ne trouvait pas la place rêvée dans un petit café sympa et si possible pas trop glauque, elle pourrait toujours faire livreuse de pizzas aux quatre coins de la ville, avec son permis deux-roues.

D’ailleurs, elle comptait bien demander un de ces jours sa moto à Walentyn, pour faire un tour. Là, il n’était pas là aujourd’hui, et il avait laissé en plan sa bécane, la trompant avec un gros modèle de voiture encombrant à souhait. Enfin bon, telle n’était pas la question, puisqu’elle n’avait pas en sa possession la clé du bolide…

Damian était dans la cuisine. Lorsqu’elle arriva, elle lui salua, et lança à la cantonade :

« Salut Dam’ ! Bien dormi ? »

Elle se dirigea vers la machine à café qui venait de finir de passer, et vérifia qu’il y en avait assez pour plusieurs personnes. Elle entreprit de servir deux tasses, habilement, et en tendit une au jeune homme.

« Dis, ça t’dirait de venir jeter un coup d’œil en ville avec moi aujourd’hui ? J’ai l’intension de me trouver un job dans le coin… T’es bien de Chicago, toi, hein ? Tu peux peut-être m’aider à trouver un bar sympa qui cherche une serveuse ! »

Elle souffla sur le liquide brûlant et le but doucement pour ne pas s’échauder les lèvres. Il était comme elle les aimait : noir et corsé. Un coup de fouet dès le matin !

« Merci pour le café, au fait ! Bien dosé ! »

Et elle était compliquée, pourtant…

Damian était perdu dans ses pensées, sa tasse vide, le journal ouvert. Quand il entendit quelqu'un venir dans la cuisine, décidément la chance était de son côté même quand il n'y pensait pas, c'était cool comme pouvoir. La belle Lucy venait d'apparaître dans la cuisine. Sa première matinée allait finalement être réussie. Lucy avait ses mèches rousses qui étaient de longueurs inégales mais ça lui allait plutôt bien, elle avait également revêtu un petit haut noir et un jean simple. Plutôt sexy comme ensemble, et elle portait ça divinement.

" Oh 'lut belle inconnue!..."

Il sourit quand il eut prononcé ces derniers mots, il se rappelait que la jeune fille lui avait dit que s'il le voulait, il pouvait continuer à l'appeler belle inconnue. C'était en effet les premiers termes qu'il avait utilisé quand il la vit hier dans le petit salon.

"Disons que pour une première nuit, c'était pas terrible... Et toi t'as bien dormi?..."

Elle se dirigea ensuite vers la machine à café qui venait de finir de passer et servit deux tasses dont une qu'elle lui tendit gentiment. Elle avait l'air d'avoir l'habitude de manier ce genre de chose, puis elle lui posa une question. Ainsi il savait pourquoi elle avait l'air si douée avec les tasses et le versement de liquide dans celles ci.

"Oui, avec plaisir!... J'suis bien de Chicago, la ville n'a pas trop changé en mon absence. Tu préfères quoi comme quartier?... J'dois t'avouer que j'connais pas trop bien les beaux quartiers, par contre les autres c'est ok! J'ai peut être même quelques vieilles connaissances pas loin de Little Italie..."

C'était vrai, il avait dans le temps assuré des colis pour pas mal de bars dans les environs, peut être que certains se rappelaient de lui. C'était pas trop risqué puisque la plupart se contentaient de payer leur protection sans poser de question. Damian ne voulait pas non plus plonger sa belle inconnue dans la merde à cause de lui.

"... Mais cela nécessiterait un petit repérage avant car je n'ai pas conservé que des amis là-bas. Et je voudrais être sûr qu'il ne t'arrive rien à cause de moi si jamais l'endroit te bottait."

La journée allait bien se passer. Il allait faire plus ample connaissance avec la belle, et il pourrait également allait tater le terrain dans son ancien quartier, joindre l'utile à l'agréable. L'agréable étant la recherche d'emploi avec Lucy. Il pourrait peut être essayer de trouver quelque chose aussi?

"Bah de rien, je m'suis levé tôt, donc j'en ai fait pour tout le monde, normal quoi."

Damian était tout de même un peu embarrassé face à sa muse, il ne savait pas trop comment elle avait pris son "attitude attiré" de la journée d'hier. Elle n'avait pas l'air de lui en tenir rigueur. Peut être qu'elle aussi l'aimait bien, mais c'était trop tôt pour le dire. En tout cas, elle n'avait pas peur de venir le voir, et de lui proposer une ballade... C'était dejà un point positif...

Sans s'en rendre compte il tenait sa petite cuillère en équilibre sur son petit doigt, en signe parasite de gestion du stress.

Même après une nuit de sommeil et une réunion de rencontre avec les membres de sa propre équipe n’avaient pas suffi à Damian pour faire oublier le surnom qu’il avait trouvé à la rouquine lors de leur première rencontre. Soit il en pinçait vraiment pour elle, soit c’était un dragueur invétéré qui faisait du gringue à toutes les minettes qui lui passaient sous le nez. Ou les deux. Il avoua avoir mal dormi, prétextant qu’il s’agissait de sa première nuit dans l’hôtel.

« Oh tu sais, moi j’suis là depuis deux nuits déjà. Et j’ai pas eu de souci de sommeil. Avec ce foutu décalage horaire, je tombe comme une mouche morte sur mon pieu dès qu’je m’y couche. Mais bon, j’ai l’habitude de dormir un peu partout. J’avais pas de lit dans mon ancien chez moi. Je squattais le canapé de mon frère. »

Il accepta le café qu’elle lui tendait, et confirma qu’il venait bien de Chicago. Le bougre ne devait pas souffrir de décalage horaire, normal qu’il ne trouve pas le sommeil. Surtout s’il avait l’habitude de pieuter dans un lit moelleux à souhait, au milieu d’une dizaine de coussins, et d’un édredon trois fois trop épais. Les lits du Old School n’étaient pas vraiment les plus confortables qu’on trouvait dans le commerce, même si Lucy s’en accommodait très bien.

Il lui proposa de chercher son job dans les mauvais quartiers de la ville. Lucy se voyait déjà entourée de gens pas très nets, des classes ouvrières, et des crapules de la ville-basse… Au moins n’aurait-elle pas à affronter les péteux bourgeois des beaux quartiers et leurs airs suffisants. Et puis, si ça tournait au vinaigre, elle avait un caractère assez trempé pour pouvoir réagir efficacement et remettre des malotrus, souvent plus bêtes que méchants, à leur place. Et puis, si ça tournait vraiment mal, elle savait se défendre…

« Moi ça m’va, du moment que tu m’fais pas bosser pour la mafia ! »

Elle émit un petit rire aigu. La plaisanterie était facile : la mafia à Little Italy, c’était comme des miettes de pain dans les poils d’un barbu : c’était inévitable. Elle poursuivit :

« Non et puis, mieux vaut que ça reste discret, faudrait pas que je grille la couverture de l’institut. »

Elle attendit un court instant avant de continuer.

« Nan et puis, si tu connais un p’tit bar où les serveuses ont l’occaz de faire un p’tit tour de chant, ça serait vraiment le pied. Il doit bien y avoir ça non, ici ? Faut bien que les gens se distraient. Enfin… j’veux dire, autre part que dans les bordels… »

C’était clair : elle refuserait catégoriquement de bosser dans ce genre d’endroit. Elle ne connaissait pas encore suffisamment Damian pour affirmer s’il était ou non pour ce genre de truc, aussi préférait-elle le prévenir par sous-entendu, mais de manière la plus claire possible.

La rouquine sirota une petite gorgée de son café, tout en observant le petit manège de Dam’ avec sa petite cuillère.

« Quand t’as fini, on est go ? »

Elle but à nouveau une nouvelle gorgée de liquide brulant, lui réveillant les sens…

Elle répondit à sa première affirmation tout en sirotant son café encore tout fumant. Tenant sa tasse à deux mains pour ne pas en perdre la chaleur. Elle subissait encore les contrecoups du décalage horaire, et avait du mal à tenir les fins de journée. Elle avoua même à Damian qu'avant elle dormait dans le canapé de son frère, et qu'elle avait plus ou moins l'habitude de dormir partout. Finalement c'était un peu comme lui. Ce n'était pas vraiment la literie qui l'avait gêné mais plus le changement. Il cessa le geste réflexe qu'il avait avec la petite cuillère pour la remettre dans sa tasse.

« C'est pas vraiment à cause de la literie... Les chambres sont mille fois mieux que ce que j'ai pu connaître jusqu'à présent. Nan, c'est plus le changement de vie que ça implique pour moi. Le fait d'appartenir à un groupe, d'œuvrer pour un intérêt supérieur, tout ça... C'est vraiment nouveau pour moi, tu comprends?»

La faire bosser pour la mafia?... Ça va pas la tête... Plutôt mourir que de l'impliquer là dedans. Même si elle avait dit cela du ton de la plaisanterie, en riant ouvertement juste après, sa déclaration avait fait couler un ruissellement de sueur froide dans le dos de Damian. Il avait instantanément repensé à quelques scènes vécues, le passage à tabac, l'évasion au cours de laquelle il avait du tuer pour fuir jusqu'au soir où il avait échappé de peu à la mort, où il avait senti la froide morsure du plomb qui lui avait laissé une trace indélébile sur l'épaule. Inconsciemment il leva sa main gauche pour se soutenir l'épaule droite, comme si la douleur s'était réveillée quelques instants.

Se rendant compte de son geste, espérant que Lucy ne l'ait pas capté plus que ça. Il se redressa sur sa chaise dans un geste souple, mimant un quelconque inconfort, et, envoya sa main gauche mal placée saisir sa tasse fumante.

Lorsque le rire de la belle rousse retentit, il se dit qu'il lui faisait l'effet d'une piqure de joie, il ne put s'empêcher de lui lâcher un sourire. Un sourire sincère qui n'était ni calculé, ni forcé, il se sentait vraiment bien en sa présence et ça se voyait, cela devait contraster avec l'image torturée de lui-même quelques secondes auparavant.

«Oui tu as raison!.. Discrétion et prudence!.. Je connaissais deux endroits dans le temps où ils jouaient à l'occasion de certaines soirées en live. Blues ou Jazz au choix? J'sais pas si ça te botte mais on pourrait toujours aller voir... J'espère qu'ils feront une audition comme ça j'aurais la primauté et la joie de t'entendre pousser la chansonnette!.."

Et puis ces deux bars n'avaient pas de relation avec Robert et ses sbires. Ça il en était sûr. L'un des deux bars, appartenait au père adoptif d'un de ses camarades d'orphelinat et il n'avait jamais trempé dans les magouilles, ni même vraiment trainé dans la rue comme eux. C'était un bon choix. Il goba son café en deux gorgées expéditives, se leva, entreprit de laver sa tasse, puis il regarda la belle Lucy dans les yeux et avec un petit sourire, il lui dit :

"On y va quand tu veux... Je suis à toi."

Il s'adossa contre le bord de l'évier, attendant tranquillement que la belle finisse sa tasse à la vitesse qu'elle voulait.
Il espérait juste qu'elle ne le trouve pas trop bizarre, repensant à sa réaction instinctive d'il y a quelques instants. Surtout il espérait avoir conservé toutes ses chances de la connaître un peu plus amplement.

Lucy termina rapidement sa tasse de café. Le petit noir du matin était vraiment une bénédiction pour elle qui avait parfois du mal à se sortir du coltard. Les autres avaient pu, déjà, s’en rendre compte. Quelques uns d’entre eux, en tout cas.

« Ouais, moi aussi j’ai pas l’habitude de m’occuper plus que ça des problèmes des gens que je connais pas. Mais bon, j’me dis que si je viens en aide aux mutants du monde, ben mes potes mutants seront aussi soutenus, donc c’est cool. »

Apparemment, elle avait pioché la bonne personne pour se joindre à elle dans ses recherches. Dam’ se montrait connaisseur, et les deux propositions qu’il fit pour le type de bar-scène motivaient la rouquine au plus haut point. Même si l’une des deux convenait mieux à Lucy, ce qu’elle ne manqua pas de préciser.

« Bah j’avoue avoir un faible pour tout ce qui est jazzy. En plus, s’ils n’ont pas de pianiste, j’peux me débrouiller pour leur faire deux trois trucs qui devraient leur plaire. Allez, on est go alors ! »

Il était à elle… Lucy souligna intérieurement cette précision, en souriant. Elle connaissait une façon très particulière de rendre les gens ‘à elle’. Et généralement, c’était sans leur consentement. Il était agréable de voir qu’un individu, de nos jours, se laissait s’offrir aussi naturellement…

Ils quittèrent donc à deux l’institut pour partir là où Damian voudrait bien l’emmener…

Bas-fonds: Little Italy

Petit salon

Sur le passage, Lily-Rose nota qu'on jouait de la musique dans la salle de réception. Il était agréable de voir que les jeunes prenaient possession des lieux et les égayaient. Le Old School n'en devenait que plus chaleureux. Cette simple constatation lui inspira une joie qui gomma toute la tristesse suscitée par la vue du corps de Flesh.

La cuisine était désertée mais une odeur de café planant dans l'air et des placards ouverts ici et là indiquaient qu'elle avait été visitée. Lily-Rose, qui portait une chemise en jean sur un maillot de corps blanc, un pantalon en jean et des espadrilles noires, invita Flesh à s'asseoir sur une chaise et examina brièvement d'un œil alerte l'état de ses blessures. Elle prit un air grave.

"Comment te sens-tu ce matin ? Au fait, il fait bien plus froid ici que chez toi, en ce moment. Je vais te prêter des affaires le temps qu'on t'en trouve. Hmm ou bien nous demanderons à une jeune fille de ton âge."

Se reprit-elle en pensant elle ne savait pourquoi, au short bariolé de Roxane. Elle déposa le document sur la table, ouvrit un placard et en tira une boite jaune estampillée "Business hotcake, faîtes bouillir l'eau, c'est hot et c'est bon !" Lily-Rose craqua un sachet et sourit à nouveau, d'un air rieur et bon enfant.

"C'est mon petit dej préféré ! Je ne mangeais que ça quand j'étais gosse."

Elle rajouta de l'eau dans la bouilloire électrique achetée sur les fonds légaux de Las Vegas, et la mit en route. Elle resta adossée contre le plan de travail, et regarda l'adolescente d'Israël.

Salon

En se faisant trainer du salon jusqu'à la cuisine, Flesh a le temps d'entendre un peu de musique. Il y a longtemps qu'elle n'écoute plus de musique, pour peu qu'elle en ai vraiment écouté un jour, et cette mélodie l'intrigue. Ces étrange cette volonté qu'on les gens à exprimer leurs sentiments via ce genre de choses. Vraiment bizarre.
Elles arrivent dans une pièce déserte mais remplie d'une odeur un peu âcre et amer. Faisant un effort de mémoire important, Flesh se souvient que son père buvait beaucoup d'un liquide noirâtre et amer qui avait une odeur similaire. Ca s'appelait du...café...surement ça...Lily-Rose se remet à lui parler. Elle lui demande comment ça va.

"Compressée...cet endroit est trop confortable...trop tentant."

Puis elle lui dit qu'ils lui trouveront des habits pour qu'elle ait chaud. C'est vrai qu'il fait un peu froid dans ce pays, surtout avec ses pieds nus, mais elle peut survivre pour le moment c'est le principal.
Et puis...cette femme a beau avoir les yeux ouverts, il y a quelques choses qui ne sont pas encore comprises, dont les vêtements. En plus d'une considération purement esthétique, bien s'habiller ne lui servirait à rien, au contraire, ça adoucirait l'effet qu'elle recherche, de manière pratique les vêtements ne sont pas une priorité quand on vit, mieux vaut avoir un peu de nourriture et de quoi se tenir chaud. Elle se contentera d'un pantalon, une paire de chaussure (si elle arrive à en trouver), deux marcels au cas où il fasse vraiment froid...et puis sa cape...enfin une autre. Il ne peut pas faire si froid que ça dehors, non? Quelques degrés en moins ne seront pas grand chose, elle s'y habituera.

"Trouvez moi quelques vieux trucs, je me débrouillerais avec...Ne faites pas de dépenses inutiles."

Elle pose des papiers sur la table. Flesh aimerait bien jeter un coup d'œil mais se retient, jetant tout un même un regard vers le tas. Surement des papiers administratifs sans grande importance. Mme Donowho montre une boite jaune à Flesh et en sort un paquet, lui disant qu'elle adore ça. Flesh ne peut retenir une moue à moitié dégoutée. Comment une sorte de...machin dans lequel on met de l'eau peut être considéré comme bon. Certes, elle n'est pas critique culinaire, loin de là, et son palet a dût se détériorer en ne mangeant que ce qu'elle trouvait dans les poubelles et dans la rue mais là....c'est quand même étrange pour la mutante.
Elle va lui dire qu'elle n'a pas faim et que de toute façon, elle ne se nourrira que des restes mais...c'est faux. Elle a faim, un peu...suffisamment pour qu'elle le sache. Pourtant elle ne devrait pas se permettre de manger une nourriture aussi facile alors que des quantités d'autres sont gaspillées tous les jours, mais elle ne peut pas quitter la pièce pour aller faire le tour des poubelles du quartier alors qu'elle parle avec quelqu'un. Elle doit faire une entorse cette fois...cette seule et unique fois avant de revenir à un régime alimentaire préférable pour elle. Elle déglutit en laissant la femme préparer son truc.

Pour tenter d'oublier ce qu'elle va devoir manger, Flesh se dit que parler peut être un bon moyen. Sur l'école par exemple, ou sur la ville...mais avant elle a deux trois petites choses à régler avec la directrice.

"Pour les chambres...il vaudrait mieux que je dorme seule dans une pièce quelconque avec une couverture."

Il devait bien exister dans ce lieu une sorte de salle commune, voir même l'entrée si il le fallait, mais juste pas de lits et pas avec d'autres gens (ou alors si ils viennent de la rue mais elle se doute que sur ce point là ça va gêner). Elle plante son regard dans celui de la vieille femme pour qu'elle comprenne bien qu'il n'y a là ni crainte ni honte mais plutôt un choix réfléchit.

"Et en ce qui concerne la nourriture..."

Elle lance un regard en biais à la boîte.

"Ne me comptez pas dans votre budget, je sais m'en sortir..."

Ce n'était pas stricto sensu une action philanthropique de la part de la mutante, mais juste qu'il était inutile de gâcher de la nourriture alors qu'on peut en trouver ailleurs.

Bien qu'ayant initialement prévu de se rendre au salon, Alexander s'était laissé tenté par l'idée de reprendre à nouveau du café. Un vrai péché mignon. Il n'avait en effet pas l'habitude de se resservir dans la matinée mais la tentation avait apaisée cette entorse au quotidien. Et puis il pouvait toujours se convaincre qu'il en avait besoin pour tenir le choc du décalage horaire.

Lâchant un bâillement profond mais retenu, l'asiatique entra tranquillement dans la cuisine lorsqu'il se retrouva face à Flesh et à Lily Rose en tenue décontractée. Alexander se figea soudainement comme s'il s'était prit un mur en fixant la jeune fille, à croire que l'information circulait mal entre ses yeux et son cerveau.

Il cligna plusieurs fois des yeux comme s'il était dans une mauvaise illusion de la part de Walentyn. Hors celui-ci était parti il ne savait où. La créature face à lui était bien plus impressionnante que Timour, qui avait déjà en lui même un faciès singulier. Mais cet être par contre avait quelque chose de particulièrement effrayant. On aurait cru faire face à un grand brûlé ou à un corps déterré.

Alexander tenta de se ressaisir et adopta son visage de haute société, le plus neutre possible. Qui que cette personne soit, il devait la traiter correctement. Il s'approcha alors du duo et engagea la conversation.

- " Bonjour Madame Donowho. " puis se tournant vers la personne dont le sexe était difficilement déterminable : " Bonjour. Je suis Alexander. "

Il essaya de lui offrir un sourire sincère quoiqu'un peu crispé puis s'aventura à lui tendre la main. Alex n'avait jamais eu à faire face à quelque chose d'aussi particulier en haute société, aussi sa solide capacité à se montrer le plus neutre possible et à masquer ses émotions était-elle mise à rude épreuve face à Flesh.

Trop confortable ? Flesh trouvait le Old School trop confortable. Voilà qui était original, pensa la directrice, qui elle-même trouvait qu'un peu plus de confort ne serait pas de trop, pour vraiment récupérer de ses sorties nocturnes et diurnes à répétition. Flesh voulait visiblement vivre avec moins que le minimum vital. Un choix de vie qu'on ne pouvait que respecter. Elle ajouta tout de même en arrondissant les sourcils.

"Tu sais, quand il y a déjà vingt bouches à nourrir, une de plus ou une de moins ne fait pas grande différence dans le budget. Ça n'en fait même aucune. Et puis nos ressources sont le fruit d'un travail collectif. Chacun y met du sien. C'est en quelque sorte une grosse caisse commune."

Les documents sur la table semblaient être des fiches, comportant des photos, et des renseignements indiqués à côté. C'était un document imprimé, corné ici et là.

Lily-Rose repéra tout de suite la mine peu réjouie de Flesh devant sa mixture.

"Je te promets que tu vas adorer."

Elle mit la poudre dans un bol, versa l'eau fumante dedans. La poudre se dissout instantanément et une pâte commença à se former. Mask en versa un peu dans une petite assiette. Le disque de pâte ainsi formé se mit à épaissir et à sécher en dégageant une douce odeur de grillé.

"Eh bien pour la chambre, tu sais il y a des avantages à dormir dans une chambre ..."

Elle s'interrompit devant le bâillement ostentatoire qui provint de l'entrée de la cuisine de l'ancien hôtel. Peu après le garçon reçut le choc de la vue de Flesh.

"Bonjour, Alexander."

Comme il se présentait à la nouvelle venue en la considérant tout à fait normalement, elle n'intervint pas. Elle observa les deux jeunes gens avec intérêt, tout en touillant le contenu pâteux du bol.

Lily-Rose prend un air légèrement étonné en répondant à ce qu'elle a dit. Elle ne s'attendait pas à autre chose en disant ça. C'est normal que les gens ne voient pas pourquoi elle agit comme ça, elle ne leur demande pas ça non plus et comprend qu'on veuille ne pas avoir mal au dos en se levant, ou ne pas sentir son ventre vide un jour sur deux, ce n'est pas dans le confort minimum que se cache le Monstre, mais elle...elle ne peut pas...ne doit pas...en aucun cas, ou alors elle risque d'oublier.

"Ce n'est pas tant pour votre budget que pour moi...Croyez moi sur ce point là."

La femme sort la poudre de son sachet et la met dans un bol accompagnée de l'eau bouillante. De ce mélange se forme une mixture étrange. La métamorphe en verse un peu petit peu dans une assiette et la pâte durcit peu à peu, formant une sorte de crêpe un peu épaisse d'où sort une odeur pas si désagréable que ça, moins que celle du café tout du moins.
Elle se saisit de l'assiette, et d'un air un peu interloqué, elle essaye d'attraper le pancake d'une main peu assurée. Est-ce que cette chose est vraiment solide? Réponse: oui...et chaude avec ça.

"J'vais attendre que ça refroidisse un peu..."

Eloignant vivement sa main de la source de chaleur elle se détourne un temps de la nourriture pour écouter ce que la directrice lui dit à propos des chambres. Elle n'a pas le temps de lui répondre qu'un fort bâillement se fait entendre.

Un jeune homme aux trais asiatiques entre alors, et se bloque quelques instants en la voyant. La mâchoire de Flesh se crispe légèrement. Alors comme ça on est choqué? Elle s'attend à le voir blêmir, hurler, rester bloquer...mais il se reprend, enveloppe son visage dans une expression neutre et s'avance vers la mutante la main tendue. Alexander qu'il dit qu'il s'appelle. Son nez se fronce un court instant. Il cache bien ses émotions le gamin...elle aime pas ça. Pourquoi il fait comme si rien ne s'était passé, comme si il avait rien ressenti en la voyant? A quoi ça pouvait lui servir? Cependant, Flesh ne refuse pas la main tendue, elle s'en saisi de sa main à la peau fripée et aux ongles jaunes. Le contact est pas agréable hein? Elle guète avec attention la réaction du jeune homme, pour voir à quel point son masque de cire est efficace, plantant ses yeux dans les siens pour y percevoir un court instant le dégoût qu'elle y attend. Elle ouvre un court instant la bouche et lance son nom de sa voie abimée.

"Flesh."

Mais elle ne lâche pas la main pour autant, serrant au contraire un peu plus sa poigne, et se rapproche légèrement de l'asiatique bien habillé. Maintenant que les politesses d'usages ont étés faites, elle peut s'occuper de son cas. Elle laisse le sifflement de sa respiration se terminer avant de reprendre.

"Un bon conseil, laisse tomber les faux semblants. Leur protection est une illusion."

Ses yeux se plissent en disant cela. Ce message n'est pas tant un conseil qu'un ordre et elle espère que ce sera bien compris de cette manière par le jeune homme. Elle finit par lâcher la main du mutant bien habillé et ses yeux blancs quittent ceux noirs d'Alexander.

La créature lui attrapa la main en réponse à la salutation. Le contact avec la peau fripée était relativement désagréable, mais Alexander ayant engagé le mouvement, il ne pouvait pas le stopper soudainement. Il tenta de maintenir son sourire un peu mal à l'aise alors que l'être se nommait Flesh. Probablement un pseudonyme, se dit-il. Il n'avait jamais entendu ce prénom et concevait mal son origine.

Mais Flesh se rapprocha de lui sans lui lâcher la main. Est-ce qu'il se faisait défier par le regard ? L'asiatique maintint ses yeux plantés dans ceux du monstre, vitreux, et écouta ce qui ressemblait à des menaces, étrangement.

- " J'essaye simplement d'avoir une réaction qui soit la plus bienveillante possible à votre égard Flesh. On ne doit pas souvent se comporter bien envers vous. Je ne vous suis pas hostile et j'espère que vous pouvez comprendre que votre physique ne laisse pas indifférent lors une première rencontre. "

Sentant soudainement l'odeur de chaud qui se dégageait près de Lily-Rose, Alexander, après avoir lancé un nouveau sourire à Flesh qui se voulait apaisant, annonça à la directrice :

- " J'ai proposé à un commerçant de nous livrer des viennoiseries tous les matins pour le petit-déjeuner. Je les payerai tout naturellement. J'espère que vous n'y voyez aucun inconvénient, je peux encore annuler... ? "

Sa famille lui avait laissé à lui et à Gabriel une certaine somme sur des comptes qu'ils étaient libres d'utiliser. Ils avaient les moyens après tout et Alexander n'était pas dépensier pour lui même. Alors autant en faire profiter les gens d'ici.

Lily-Rose regarda Flesh faire la leçon à Alexander. Celui-ci ne se laissa pas démonter. La métamorphe trouvait que les paroles du Néo-Zélandais sonnaient plutôt juste. N'importe qui sursauterait en voyant Flesh. Mais en matière de laideur extrême, tout était une question de point de vue. Selon que l'on était la victime ou l'observateur, le malaise était présent des deux côtés.

La jeune fille aurait-elle préféré qu'il laisse éclater sa frayeur ? Il était possible que oui. Flesh ne semblait pas supporter l'hypocrisie et tous les faux-semblants.

La directrice répondit à Dreams par un sourire.

"C'est vraiment une délicieuse initiative. Tu devrais en parler avec Marc, qui se charge de notre organisation alimentaire générale. Il sera certainement intéressé de connaître les services de ton fournisseur. Et si cela se trouve ces commandes entreront ensuite parfaitement dans notre budget. Toute initiative et participation est la bienvenue."

Dit-elle d'un air attendri. La proposition d'Alexander était généreuse, et il était agréable de voir les jeunes gens mettre la main à la pâte, ou à la poche. Cela ne gênait nullement l'Américaine. Elle sortit deux autres assiettes pour mettre en route des hotcakes. Elle s'adressa de là à Flesh.

"Alexander, et son frère Gabriel, viennent de Nouvelle-Zélande. Je crois qu'on ne peut guère venir de plus loin. Tu verras que les jeunes mutants ici viennent d'endroits très différents. Les cultures, les traditions, les religions sont différentes. On le perçoit tous les jours que Dieu fait. C'est extrêmement enrichissant pour nous tous je pense."

Dit-elle, tout en allant fouiller dans le frigo. Elle en trouva un pot de confiture qui bien sûr était entamé jusqu'au fond du bocal. Mais encore deux ou trois bonnes cuillerées devaient tapisser les bords.

Elle le posa sur la table en soupirant.

"Vous voulez bien qu'on fasse un sort à ce pot ? Sinon je sens qu'il va rester là, surtout quand il s'en trouvera un neuf..."

Flesh ayant tenté de toucher sa crêpe, Lily-Rose lui tendit le pot et une cuillère.

"Il faut vraiment être pressé le matin pour manger son hotcake sans rien dessus, Flesh."

Précisa-t-elle en fronçant les sourcils. Elle s'assit à son tour en observant sa crêpe se former dans l'assette, tout en réfléchissant à cette histoire de chambre. Ils n'avaient pas vraiment envisagé qu'un élève ne veuille pas dormir avec les autres. Elle songea donc à ce que pourraient penser Emily et Walentyn de cette demande un peu spéciale.

Le masque du jeune homme est résistant, sa réaction était faible en lui serrant la main, un petit sourire crispé, voila tout. Hum...il doit s'être entrainé de longues heures devant la glace pour arriver à ce résultat. Un néophyte en la matière aurait surement tenu moins longtemps que lui.
Flesh note avec étonnement qu'Alexander la vouvoie...étrange...ça plus ses vêtements...il a dût recevoir une éducation de la Haute. Mouais...

"Je sais comment les gens réagissent en me voyant...si ils exprime de la peur ou quelque chose de ressemblant, c'est normal." c'est même un but recherché en fait, sinon elle porterait des vêtements un peu plus couvrants.

Après tout un réflexe est un réflexe, à moins d'être prévenu il est plus que difficilement contrôlable. Elle ne peut pas blâmer les personnes à cause d'un cerveau un peu trop zélé. Par contre ce qu'ils font après...

"J'ai l'habitude qu'on me lance des cailloux, qu'on me frappe, qu'on me poursuive...mais au moins ceux qui font ça expriment leurs vrais sentiments. Les ennemis franchement déclarés valent mieux que les amis mensongers."

Le jeune homme comprendra peut-être ce qu'elle veut lui dire, ou peut-être pas, seul l'avenir le dira. Il sera peut-être plus ouvert au changement que la majorité des biens-pensants qu'elle a eu l'occasion de croiser quelques fois.
Malgré l'ouverture ouverte par son sourire, qui semble honnête, Flesh ne fait aucun geste en faveur de l'asiatique: si il semble honnête il ne l'est pas forcément...après les capacités qu'il a montré...

Alexander annonce ensuite à Lily-Rose qu'une commande de viennoiseries a été passée pour tous les matins à venir. Bon...viennoiseries elle voit pas trop ce que c'est mais ça doit se manger si c'est pour le petit déjeuner.
La directrice indique à Flesh d'où viennent Alexander et son frère - Nouvelle-Zélande? elle fera des recherches sur où ça se trouve- et continue sur sa lancée en lui affirmant que l'endroit est un réel melting-pot de cultures. Bien, ça pourra être intéressant de voir des gens de pays différents, elle comprendra de nouvelles choses.
La mutante hoche la tête tandis que la directrice va fouiller dans son frigo pour y prendre un pot de confiture, ça elle en mangeait quand elle était petite. La femme lui tend le pot avec une cuillère pour qu'elle en tartine sa crêpe. Au point où elle en est...

Maladroitement elle se saisit de l'objet que lui donne la femme et racle le pot pour avoir un peu de confiture qu'elle étale ensuite avec application sur le pancake.

"J'sais pas, ça avait l'air prêt..."

Elle regarde son pancake en attendant que ceux des autres soient prêts pour commencer à manger.

Flesh considérait qu'il était normal qu'on ait peur en la voyant et en effet, ça l'était. Alexander commenta ensuite ses paroles à propos des pierres qu'elle recevait et auxquelles elle était habituée.

- " Qui peut supporter le pire peut supporter le mieux non ? Un sourire au visage est toujours plus agréable qu'une pierre dans la figure. Mais je suis d'accord avec vous. Comment dit le célèbre dicton : "Soit proche de tes amis et encore plus de tes ennemis."." conclut-il en un sourire franc avant de reporter son attention sur Lily-Rose.

La directrice semblait ravie de l'initiative à propos des viennoiseries et il l'était donc également. Alexander hésita à corriger lors de la présentation le terme "frère" par "demi-frère" mais se tut, préférant éviter le pointillage qui serait perçut probablement comme une mise à distance qu'il essayait malgré tout de cacher. La femme alla récupérer de la confiture au frigo qui semblait vivre ses derniers instants et proposa à chacun d'en étaler sur la préparation. Curieux, l'asiatique demanda :

- " Il y a un air de pancakes mais quelque chose est différent, notamment le nom. Qu'est ce qui change dans la recette ? "

Resongeant à la présentation que Lily-Rose avait fait de lui, Alexander demanda :

- " Vous avez probablement visité énormément de pays. Quels sont ceux que vous avez préféré ? "

Après avoir mentalement consulté l'avis supposé de ses deux collègues, Lily-Rose avait pris une décision concernant la solitude souhaitée par Flesh. Mais avant de lui faire part de ses arguments, il fallait entendre ceux de la mutante. Elle s'était bien gardée de les exposer. Ce n'était sans doute pas la crainte des autres qui justifiait ce choix, ou même la possibilité de gêner leur sommeil avec sa respiration sifflante. Cela devait plutôt correspondre au mode de vie très solitaire qu'elle avait eu jusqu'à présent et qu'elle voulait reproduire ici. Flesh n'avait pas du goûter souvent à la vie en collectivité. Il faudrait pourtant qu'elle s'y adapte. La directrice glissa les yeux sur le duo de jeunes mutants. Le contact semblait plutôt passer. Certes Alexander n'était pas parmi les élèves provocateurs ou maladroits, ce qui aidait sans doute.

Mask notait que Flesh parlait en termes d'amis ou d'ennemis, ce qui signifiait qu'elle avait l'expérience de l'amitié. Du moins elle en avait la notion. Son proverbe sur les amis mensongers laissa songeuse la métamorphe. Les Pères Fondateurs seraient sûrement d'accord avec elle. Toute organisation infiltrée par un espion le serait aussi. Alexander fit tout à fait écho à cette pensée, si bien que Lily-Rose se prit à sourire. Ce dernier était extrêmement diplomate, car les propos de Flesh n'étaient guère flatteurs à son sujet.

Elle tourna son attention vers les pancakes.

"Ce qui change dans la recette ? Mais ce sont des pancakes, ou des hotcakes. C'est la même chose. Bien sûr les industrielles ont un goût différent de celles faites maison... tu peux jeter un œil à la composition si cela peut t'aider."

Dit-elle en attardant son regard sur la manière de Flesh d'étaler la confiture.

"Oh pas énormément de pays Alexander. Quand nous allons vous chercher ici et là aux quatre coins du globe, nous avons peu l'opportunité de faire du tourisme, malheureusement. Ce sont souvent les aéroports qu'on visite. Et puis ce n'est plus pour moi les grands voyages, je préfère laisser les destinations exotiques aux jeunes, autant que possible."

Avoua-t-elle en songeant aux mines terreuses d'Emily et Walentyn suite à certains décalages horaires vertigineux.

"Hum mais j'ai adoré Londres. On s'y sent bien, tranquille, couvé dans les traditions et le bonheur suprême de servir la Couronne. Quelle sérénité."

Elle repensa à son entrevue avec ce fumeur de Walentyn, qui s'était opportunément trouvé dans les pattes des Pères Fondateurs.

"J'ai aussi apprécié un petit bois en Espagne. C'était calme et reposant. Là aussi tout respirait une certaine quiétude."

Elle croisa ses mains devant elle et posa son menton dessus. Sans doute était-ce en effet les ambiances qu'elle avait préféré.

"Et vous deux, quelles régions avez-vous parcourus déjà ?"

Alexander réagit à ce qu'elle a dit. Il n'a pas compris ce qu'elle veut dire apparemment...Elle aimerait bien continuer la discussion mais ce serait perdre du temps. C'est trop ancré en lui pour qu'il se rende compte maintenant de son erreur. Il y aura le temps d'y remédier. Mais pas maintenant...et pas devant Lily-Rose...Elle se doute que ses méthodes ne lui plairont pas...

"Tu ouvriras les yeux un jour, tu comprendras..."

Ces paroles prophétiques ne sont pas à prendre à la légère, malgré le ton plutôt tranquille que la mutante a utilisé, de gré ou de force elle y arrivera, ici comme ailleurs. Mais ses méthodes doivent s'adapter...maintenant elle peut rester sur une même cible plusieurs jours, voir semaines...réfléchir au meilleur moyen pour arriver à ses fins et optimiser les réussites. Elle se laisse un peu de temps d'adaptation et d'observation avant de passer aux choses sérieuses. Voir les cibles prioritaires...

Pendant que les deux autres mutants parlent de grande cuisine, Flesh mord dans son pancake maintenant moins chaud et recouvert de confiture. Elle mâche lentement la pâte durcie. C'est...pas trop mal...mais...trop sucré, largement trop sucré...et pis le goût est pas vraiment...enfin bon...c'est bon...mais pas trop...fade aussi...elle comprend pourquoi il faut de la confiture. Voila...c'est le mot en fait...fade...ni bon ni mauvais...mais ça a le mérite d'être là.

La vieille femme raconte ses voyages à l'asiatique en Angleterre et en Espagne. Pas vraiment intéressant, moins que la crêpe en tout cas. Cependant, elle leur demande si eux aussi ils ont voyagé.

"J'ai marché de Riyad à Jérusalem."

Et c'est tout. Comment aurait-elle put aller autre part? Et puis...ça ne change pas grand chose pour elle au final l'endroit où elle se trouve.

Alexander haussa les sourcils lorsque Lily-Rose lui apprit que les deux noms signifiaient la même chose.

- " Ho, je vois... Je pensais que les deux noms justifiaient des différences dans les recettes. Je me suis donc trompé. " répondit-il en souriant poliment.

La directrice lui apprit qu'elle n'avait pas le temps de beaucoup visiter les pays dans lesquels ils venaient les chercher ce qui était relativement logique. S'ils perdaient du temps à faire du tourisme à chaque fois, ils ne seraient que trois ou quatre ici.

- " J'imaginais que vous aviez voyagé déjà avant de venir nous chercher tous. "

Elle retourna la question des voyages aux deux élèves. Flesh avait voyagé de Riyad à... Jérusalem ?

- " Vraiment ? Ca fait une petite trotte. Probablement comme traverser la Nouvelle Zélande sur la longueur. Quant à moi, j'ai, naturellement été au Japon puisque j'en suis originaire et y ait vécu quelques années. Nous sommes allés en Australie, à Paris et aux Etats-Unis. Les ambiances sont très différentes tout comme les lieux à y visiter. Mais l'anglais y est parlé au moins ! Ou compris pour la France."

Flesh dégustait son pancake de façon peu convaincue. Dreams quant à lui n'avait plus particulièrement envie du café pour lequel il était venu. Il regarda sa montre et jugea qu'il était l'heure d'aller visiter les commerces du centre ville.

- " Je vais vous laisser. Passez une bonne fin de matinée. "

Il sourit aux deux femmes en s'inclinant très légèrement, signe de respect gravé de sa jeunesse, puis prit congé.

Lily-Rose adressa un regard furtif à Flesh lorsqu'elle prophétisa à l'intention d'Alexander. Mais celui-ci ne releva pas cet étrange serment et préféra commenter les destinations géographiques. La directrice préparait sa crêpe tout en jaugeant les deux protagonistes. Ils étaient vraiment à l'opposé l'un de l'autre. Autant les intentions de Flesh lui semblaient clairement annoncées - et un brin dérangeantes pour qui les recevait - autant celles d'Alexander restaient un grand mystère. Ce garçon était trop poli et bien élevé pour être honnête. Il était du genre à garder ses doutes et soucis bien cachés au fond de lui.

"Oh non, je n'ai pas voyagé en dehors des Etats-Unis avant cela." Lui répondit-elle avec un sourire.

"Il faut que quelque chose me pousse vraiment à voyager, sinon, je suis aussi bien dans mon petit chez moi."

Elle s'attela enfin à savourer ce petit déjeuner tardif pendant que le jeune homme détaillait son expérience touristique. En comparaison Flesh était plutôt une adepte de la grande randonnée...

"La langue ne devrait pas être un obstacle, je pense, pour voyager."

Commenta-t-elle avant d'échanger avec Flesh un regard complice. Les deux femmes avaient évoqué ce sujet dans la cellule israélienne.

Mais Alexander prit congé, avec toute la déférence et la politesse possibles en pareilles circonstances. Mask esquissa un sourire devant tant et tant de courtoisie. L'origine japonaise du garçon y était sans doute pour quelque chose.

"Merci, vous aussi jeune homme."

Répondit-elle en posant sa tête dans son poing, le coude posé sur la table. Elle tourna ensuite son regard bleu clair fatigué sur Flesh. Elle demanda d'un ton neutre, simplement interrogatif.

"Dis-moi, pourquoi au juste veux-tu dormir à l'écart des autres ?" Et elle mordit à nouveau dans sa crêpe habillement pliée.

Alexander commente le voyage qu'elle a fait. Oui c'était long, mais il y avait une raison à son voyage...et elle a prit le temps pour y arriver, étalé comme elle l'a fait ce n'est plus vraiment difficile, surtout quand il y a quelque chose qui vous pousse à y aller. Il raconta à son tour les voyages qu'il a fait. Pleins de pays différents qu'elle situe plus ou moins bien...Quelques images lui viennent en tête, furtives, rapides. Elle connait ces noms mais ce n'est pas le plus important. Comment ce jeune homme a-t-il fait pour autant voyager? Fils d'un ambassadeur peut-être? Ça expliquerait pas mal de choses concernant ce qu'il a laissé paraitre de son caractère...En tout cas quelqu'un qui a de l'argent, ça c'est sûr.
Lily-Rose commente sur les langues. Flesh n'y a pas vraiment réfléchit jusqu'à présent...la barrière de la langue ne lui a pas encore posé problème. Mais communiquer par la parole n'est pas nécessaire, on s'en sort aussi bien avec des images...et au moins c'est universel. La mutante note à peine le regard de la vieille femme sur elle.

L'asiatique s'en va après avoir jeté un coup d'oeil à sa montre, toujours avec sa politesse maniérée. Pourquoi être aussi poli? A quoi cela peut-il servir? Mis à part être une manière de se cacher et de mentir.

"Hum..."

Voila les seules paroles qui saluent le départ du jeune homme. Il cache quelque chose dessous sa politesse, elle en est certaine. Elle y réfléchira plus tard.

La directrice a fini de préparer son pancake et mord dedans. Elle lui demande pourquoi elle veut dormir à l'écart des autres. Flesh écarquille les yeux, cette question lui parait tellement tribale qu'elle n'y a même pas pensé.

"Pourquoi?..."

Les réponses viennent rapidement à son esprit, elle n'a même pas besoin de réfléchir pour connaitre les réponses qu'elle va donner.

"Voila des années que je vis à côté de la société humaine, autant par choix que par obligation, parce que les humains me dégoutent autant que je les dégoute, que leur aveuglement et leur ignorance me font les haïr. Dormir à côté d'eux me ferait le même effet que de forcer une personne saine à dormir avec des pestiférés: toujours la crainte de tomber malade à son tour, d'être déjà contaminé sans le savoir."

Elle marque une pause, plantant son regard dans celui de la femme.

"Je ne veux pas sombrer à nouveau à force d'être trop longtemps en contact avec leur monde"

Rien que de penser qu'elle pourrait un jour succomber elle déglutit et rentre légèrement sa tête dans les épaules. Elle finit prestement sa crêpe, craignant qu'à trop l'avoir sous les yeux elle ne puisse plus s'en passer.

Lily-Rose soupesa la réponse d'un air grave. Elle observa aussi les mimiques de Flesh. La métamorphe dut faire un effort de réflexion pour compiler tout ce qu'elle savait de la mutante et de ses arguments. Finalement elle fronça les sourcils.

"Il y a des choses que je ne comprends pas. Tu dis que tu veux mettre l'humanité devant ses défauts et la forcer à ouvrir les yeux. Et pourtant tu demandes à t'en écarter. Bon et puis ce sont tous des mutants ici, ils ont chacun leur propre expérience de ce phénomène. Tu as beaucoup à apprendre d'eux, et eux de toi, alors pourquoi les éviter ? Qu'entends-tu lorsque tu dis, sombrer à nouveau ?"

La directrice avait aussi des arguments beaucoup plus matériels que spirituels contre l'installation de Flesh dans un couloir, mais elle préférait les garder pour plus tard. Flesh s'était comportée sans brusquerie avec Alexander, ce qui était un bon signe. Mais on voyait bien qu'elle n'était pas à l'aise et doutait d'elle-même dans ce nouveau décor. Chose bien compréhensible.

"Je ne suis pas convaincue de ta comparaison avec la peste. Ceci est une maladie qui atteint le corps. Toi tu te soucies de ce qui atteint l'âme non ? Quand on a comme toi une personnalité forte et une volonté ferme, qu'a-t-on à craindre des maladies de l'âme ?"

Elle poussa un léger soupir.

"Si tu veux vraiment changer les comportements de tes semblables, il te faut d'abord les connaître. Vivre avec eux, partager avec eux..."

Elle songea à son entreprise au sein des Pères Fondateurs depuis plus de trois années. La différence étant qu'ici, Flesh était tout de même en terrain ami. Il faudrait sans doute qu'elle opère des priorités sur ses objectifs, car entre changer le comportement d'Alexander pour le rendre plus expressif et changer celui de Nomade pour le rendre respectueux de la vie humaine... il y avait des tâches plus utiles que d'autres pour le reste de la mutanité. Lily-Rose avait glissé brièvement son regard sur ces fiches des Pères Fondateurs qu'elle avait apporté dans la cuisine. Elle revint sur la mutante hideuse.

"Ou bien ce n'est pas ce que tu veux ?" Acheva-t-elle en tendant la main dans l'air.

"Comme j'ai commencé à te l'expliquer hier, le but de cette vie collective et clandestine que nous menons est de combattre l'ignorance et l'aveuglement des humains envers les mutants, mais aussi des mutants envers les humains. Tes camarades poursuivent chacun ce but à leur manière. Je sais que s'habituer à une nouvelle vie, aussi différente, est très difficile. Mais je suis certaine que tu en es capable. Pourquoi ne pas l'envisager comme une épreuve Flesh ?"

Proposa-t-elle finalement avant de désigner de sa cuillère le bol de pâte à la jeune fille pour savoir si elle était partante pour une seconde tournée.

La femme n'a pas l'air convaincue, elle fronce les sourcils. Elle pose des questions. Il va falloir qu'elle y réponde hein? Si elle veut pouvoir dormir seule.

"Ce n'est pas vraiment moi qui ai commencé à m'écarter de l'humanité... mais passons. Je veux qu'ils se rendent compte du mal qu'ils font mais je ne veux surtout pas être leur amie. Pas tant qu'ils sont aveugles...Si je deviens leur amie, je ne peux plus remplir mon rôle, c'est logique. Prenez un gardien de prison ou un médecin: si ils peuvent avoir des relations amicales avec ceux dont ils s'occupent, ils ne dorment pas et ne mangent pas avec eux. L'amitié entraine le mensonge et la faiblesse, les concessions. Et ce que je dois faire ne sera plus envisageable. Le fait qu'ils soient des mutants ne changent rien à l'affaire, je doute qu'une mutation puisse changer fondamentalement l'esprit d'un homme."

Lorsque la femme lui demande pourquoi elle a dit "sombrer à nouveau", Flesh a une grimace.

"Pendant onze ans j'ai été aveugle moi aussi...onze ans où j'étais indifférente au monde qui m'entourait, à ses problèmes. Si je m'en suis sortie, je peux aussi retourner dans cet état si je ne fais pas attention."

Sa comparaison avec la maladie n'a pas fait mouche, pourtant elle a eu l'impression que c'était assez clair pour être compréhensible directement. Comment expliquer simplement maintenant?

"C'est une analogie: on ne se méfie plus de la peste, on croit l'avoir battue pourtant ses germes sont invisibles et peuvent toujours être présents, sans qu'on le sache ou qu'on s'en doute. On est peut-être déjà malade sans le savoir et quand on s'en rend compte...il est déjà trop tard."

Elle marque une pause, frôlant de sa main une de ses scarifications.

"Aucune volonté n'est infaillible, et le croire serait s'aveugler. Pour reprendre la comparaison avec les maladies ce n'est pas parce que personne dans votre famille n'a eu de cancer que vous devez pour autant fumer et boire comme un pompier en vous pensant invincible."

A la remarque de Lily-Rose, Flesh secoue la tête nonchalamment, elle n'a pas tout à fait tord mais se méprend sur la véritable finalité de ses actions.

"Modifier leur comportement sur le long terme est utopique...Il faut leur ouvrir les yeux, les changements interviennent d'eux mêmes...Quand à les connaitre et les observer ça ne me pose pas de problèmes...mais de loin..."

Elle marque une pause réfléchissant aux premiers mots qu'a dit la métamorphe.

"Et ce ne sont pas mes semblables."

Le ton utilisé est dur et son regard se fait froid. Elle et elle seule choisi qui peut-être considéré comme un de ces semblables. Et parmi ceux qu'elle a vu, aucun n'en fait parti, aucun n'est un marginal ou un rejeté. Ils ne sont pas comme elle, et elle n'est pas comme eux. Ce sont deux mondes qui se rencontrent maintenant, qui se font face, mais qui ne se mélangeront pas.

Lily-Rose commence un discours sur la finalité de leur raison ici. Son projet lui tient à cœur apparemment vu la manière dont elle en parle mais quelque chose dans son ton la dérange. Cette femme est en train de la materner, de lui parler comme à un enfant. Comme si elle ressemblait à un gamin.

*Quelle ironie...*

Un rictus durci encore plus ses traits.

"Je ne m'habituerais pas, je ne ferais rien pour. Et je sais que vous comprendrez pourquoi. Si jamais cela vous dérange, je peux tout à fait quitter l'établissement maintenant pour recommencer ce que je faisais à Jérusalem ici. L'endroit ne pose pas de problème."

Ce n'est pas vraiment une menace, juste la vérité. Elle peut très bien s'en sortir seule sans aucun problème, non seulement ça mais elle récupère sa liberté et perd la crainte de sombrer à nouveau. Les seuls qui y perdent au change sont ceux de l'institut après tout. Elle, elle a tout à y gagner.

Lily-Rose écouta attentivement les développements de Flesh, comprenant l'ampleur utopique de la tâche que la fille monstre s'attribuait. Sa conception de l'amitié, son rôle de guérisseuse des âmes et de redresseuse de torts... tout cela était le fruit d'une vie de mutante particulièrement ingrate et injuste. La mutante faisait référence à son enfance humaine comme à une abomination, ce qui montrait bien les graves problèmes psychologiques que ces épreuves avaient imprimées en elle. Jusqu'au fanatisme. Le dernier visage qu'offrit Flesh et ses paroles impérieuses suscitèrent l'étonnement et l'inquiétude chez la directrice. Elle fronça les sourcils à son tour.

"Désolée Flesh, mais si je te comprends, cela ne signifie pas que j'accepte. Ce sont deux choses bien différentes. Alors, en effet, tu n'as aucune dette d'aucune sorte envers nous, tu es libre entièrement de te joindre à nous ou de partir."

Lily-Rose soupira intérieurement, en songeant que sans elle la mutante serait morte à l'heure actuelle. Flesh se prétendait différente des autres mais elle partageait un même trait de caractère avec la jeunesse actuelle : l'ingratitude. Mais à cela, Mask était habituée.

"Je te remercie d'avoir un peu plus développé tes arguments. J'ai bien compris que tu veux oeuvrer pour que les gens se rendent compte du mal qu'ils font. Et tu ne souhaites plus, comme par le passé, être indifférente aux problèmes du monde."

Résuma-t-elle d'un air concentré. Et en effet, après une quasi nuit blanche riche en actions, et à quelques heures d'une journée tout aussi chargée en crimes et en compromis, Lily-Rose devait rassembler toutes ses forces cognitives pour jouter avec Flesh. L'enjeu étant qu'elle dorme dans sa chambre. La métamoprhe avait l'impression de se retrouver à l'époque de la petite enfance de ses gamins.

"Tu as parlé de toi, maintenant à mon tour de parler de ma mission. Comme toi je m'intéresse au monde et à ses problèmes. Mon but étant plutôt d'empêcher les gens de commettre le mal."

Elle prit la <liste des Pères Fondateurs> et décala sa chaise pour aller se mettre à côté de Flesh. Elle poussa les assiettes et mit les fiches au milieu.

"Tu n'as pas pu assister à notre réunion d'hier, où nous avons fait circuler ces informations aux élèves. Voici donc ces fameux terroristes, les Pères Fondateurs. Enfin, ceux qui nous sont connus. Ceux qui opèrent principalement aux Etats-Unis."

Elle se frotta la tempe quelques instants.

"Beaucoup d'entre eux sont ce que l'on pourrait sans doute qualifier d'incarnation du Mal, dans toute sa cruauté gratuite et aveugle. Quelques autres représentent plutôt, selon moi, une vision éclairée du Mal. Ils sont intelligents, équilibrés, cultivés et ont des arguments philosophiques, scientifiques, ou idéologiques pour justifier les actes les plus abjects."

Elle tapota en particulier l'image de Nomade, qui pour elle était le plus effrayant psychopathe de toute la bande et le meilleur représentant de la première catégorie.

"La mission que je me donne est d'empêcher ces gens de faire du mal. Tout simplement parce que du fait de leur passé, de leurs idées, de leur éducation ou de leur convictions, il est impossible de les convertir au Bien. Ce sont des Monstres."

Reprenant les termes de Flesh, elle ajouta, d'une voix inflexible.

"Ma volonté pour les empêcher de nuire est infaillible."

Elle laisse un court instant en suspens, regardant Flesh avec insistance.

"Et le fait de partager ma chambre avec l'architecte Emily Wong, mutante ultra-rapide connue ici sous le nom de code de Swift, ne peut en aucune façon ternir cette volonté. Comment cela le pourrait-il ? C'est à ton tour d'ouvrir les yeux, jeune fille."

Elle tenta d'apaiser ses paroles par un regard et un sourire compréhensif. Mais elle ajouta tout de même :

"Et ces Pères Fondateurs monstrueux ... je les considère pourtant comme mes semblables. Car aux yeux de l'humanité, nous le sommes."

Flesh se croyait lucide alors qu'elle s'était elle-même obscurcie l'esprit bien plus que n'importe qui. Autant de barrières érigées pour se défendre du monde extérieur et justifier sa propre existence dans un corps cadavérique.

"Voilà nous sommes très différentes toutes les deux dans notre conception des choses. Je souhaite de tout coeur que tu joignes tes forces et ton expérience aux nôtres pour combattre ce fléau. Mais cette mission commune demande une vie commune, une organisation commune. Celle-ci exige que chacun dorme dans sa chambre, par exemple. Que ce soit sur le sol, à même le sommier ou sur un matelas cabossé. Là tu as entièrement le choix."

Lui dit-elle dans un sourire en pensant au vieux mobilier dépareillé du Old School.

"Pourquoi n'essaierais-tu pas de faire la connaissance de Clara et Janet, tes voisines de chambre ? Ce sont deux mutantes que je suis allée chercher en Afrique du Sud et dans le Delaware. La première peut se changer en verre, la seconde, en félin."

Elle garda son regard interrogateur fixé sur Flesh, pour essayer d'y déceler une lueur d'intérêt et de curiosité.

[désolée, j'voulais poster hier mais j'ai pas put ]

Lily-Rose refuse, encore et toujours. Elle dit comprendre mais refuse. Flesh sent comme un goût âcre dans sa bouche, un goût désagréable qu'elle n'identifie pas. Il faut qu'elle oublie ce goût, par tous les moyens. La mutante lui parle de son but, ce qu'elle recherche. Flesh n'écoute que d'une demie oreille, trop concentrée à tenter de contrôler le goût immonde. La métamorphe lui montre les dossiers sur les pères fondateurs. La créature se concentre dessus de toutes ses forces pour tenter de retenir le maximum de noms, pouvoirs, têtes...Elle se doit de connaitre ses adversaires pour pouvoir les combattre...et elle oublie l'aigreur par la même occasion.
La femme continue ses explications sur les pères fondateurs. Elle insinue qu'ils ne pourront jamais changer, tous sans exception.

"Tout le monde peut changer...il suffit de trouver...le bon déclencheur..."

Elle dit ça avec conviction mais son visage se crispe légèrement. Elle doit faire attention...à elle même...Elle ne doit pas...se laisser avoir...Elle se calme...elle le doit...La vieille femme continue à parler, lui disant qu'elle considère ceux qu'elle déteste comme ces semblables.

"Seuls ceux que vous considérez comme tel peuvent être vos semblables, ce n'est pas aux gens...de décider pour vous..."

Flesh, elle, ne considère personne ici comme ses semblables. Elle ne les considérera jamais, elle l'espère. Elle ne se laissera jamais dicter par les gens qui est son semblable et qui ne l'est pas. Elle est seule maîtresse de cela.
Tout en disant cela, elle sent que l'impression désagréable s'est calmée et a presque disparue. Elle a réussi. Un soulagement l'envahit.

Mais voila que la directrice revient sur le sujet des chambres, de la vie en communauté. Faut-il qu'elle la frappe pour qu'elle comprenne enfin que...Flesh sent le relent acide remonter dans sa gorge, comme un serpent. Non...elle ne doit pas penser ça...elle ne le doit pas...Elle se saisit violemment le crâne. Elle doit résister...résister à la tentation, ne pas sombrer dans la faiblesse. Elle ne doit pas...faiblir. Elle entend à peine les paroles de la femme, juste assez pour lui répondre.

"Ce qu'elles peuvent faire...importe peu...ce qui compte...c'est ce qu'elles...en font..."

Les mots ont du mal à sortir...ces mots en tout cas...elle a envie...de fuir...Fuir cet endroit tentateur...Elle...Elle ne doit pas...faiblir...Elle ne peut pas...Le serpent lui souffle d'ouvrir les yeux de cette femme à coup de poings, elle est dangereuse pour sa volonté. Elle a crût qu'elle avait les yeux ouvert, c'est ce qu'elle lui a fait croire, cette humaine elle...Non...elle ne doit pas penser ça...Elle doit rester...doit rester maître...Elle...est restée trop longtemps déjà avec les humains. Trop. Elle ne doit pas faiblir.

Elle se recroqueville sur elle même. Ses ongles s'enfoncent dans son crâne tandis que son autre main lui lacère la peau de son épaule. La douleur lui rappellera sa mission, son devoir. Elle sera sa punition...pour ce moment de faiblesse. Elle...ne doit pas...faiblir...

"Mea Culpa..."

Les mots sortent dans un expire. Sa respiration devient plus rauque, comme si il lui était plus douloureux d'inspirer et d'expirer.

"Assalem aleykoum wa rahmatullahi wa barakatuh."

Ces paroles sont prononcés comme une litanie. Mea Maxima Culpa. Les prières seront son exutoire. Kyrie Eleison. Ses yeux sont révulsés. Elle a failli sombrer. Ourefou'a ougue'oulla ousli'ha vekhappara. Elle a failli oublier.

"Oh certains peuvent sans doute changer oui... mais tant qu'ils sont soudés par leur cause..." Répondit-elle évasivement en songeant au "bon déclencheur" évoqué par son vis-à-vis.

Lily-Rose écouta plus loin Flesh et constata qu'elles n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Elle-même parlait en termes stratégiques et ordonnait son raisonnement en fonction de l'environnement et des objectifs. La jeune fille d'Israël s'exprimait en termes plus absolus, déconnectés de tout objectif, de toute visée. Flesh jugeait à l'abrupt, de son point de vue à elle qu'elle voulait intransigeant et clairvoyant. Mask se prit ainsi à penser qu'elle avait peut-être acquis une vision trop a-personnelle des choses, et que toutes ses pensées se raccordaient à des événements précis de sa vie, de son expérience, à des connaissances sur autrui. Des points de repère fragiles et relatifs finalement. Elle se demanda soudain si elle était capable de produire un véritable avis pur et personnel.

Cette question nouvelle l'intéressait fortement, mais son attention se déroba à force d'observer Flesh. La mutante se crispait et semblait perdue dans le vague. Mask eut un mouvement de recul et de surprise en la voyant se saisir le crâne, puis bientôt se griffer profondément la peau.

"Dieu tout puissant !" S'écria-t-elle en se levant et repoussant sa chaise.

Lily-Rose comprit rapidement que la jeune illuminée plongeait dans une sorte de transe d'auto-flagellation. Elle n'eut pas le temps de s'interroger sur les causes d'une telle réaction épouvantable. Ne supportant pas ce spectacle d'auto-destruction, le sang de la métamorphe ne fit qu'un tour. Elle reprit instinctivement la forme de <David>, un déménageur toujours costaud et solide malgré son âge vénérable, et saisit les poignets scarifiés de Flesh pour les écarter de force de sa peau meurtrie.

Mask était prête à prendre à tout moment une forme mâle encore plus forte et résistante si Flesh se livrait à la violence.

Une voix masculine, forte et claire même si légèrement éraillée, prit donc le relai de celle de la vieille femme.

"Flesh, arrête tout de suite, s'il te plait ! Je ne comprends plus rien à ce que tu dis en plus ! Hey tu m'entends ?..."

Répéta-t-il dans l'espoir de ramener l'adolescente à la raison.