Jours futurs d'un présent passé.

Il se leva.
Au milieu d'un tas d'ordure géant, il se dressa sur ses pattes arrière. Il scruta l'horizon.
C'était sa tâche. Tout les matins, il devait se lever, scruter l'horizon et surveiller leur arrivée.

Ceux dont on parle sont nommés les Moissonneurs.
Leur origine remonte a pas mal d'années, lorsque l'expérimentation n'était alors que la toute première phase d'un projet fou. Elle remonte aux jeunes années d'un scientifique que l'on déclara comme le "génie qui a tué son espèce". Les moissonneurs sont d'énormes machines qui prirent pour but de moissonner l'espèce humaine et de l'utiliser comme carburant. Elles sont apparues d'un coup, il y a dix ans. Elles étaient trois. Aujourd'hui, elles se sont reproduites et sont des milliers. Peut-être plus. Le seul moyen d'en réchapper a été de ne pas être humain. Dans cette horreur apocalyptique, les animaux ont repris les droits. Nombre de machines, après avoir épuisé leur carburant premier, ont cessé de fonctionner. Il ne reste que celles qui ont fait suffisamment le plein pour tenir des décennies. Les seuls êtres intelligents à y avoir réchappé sont ces mutants, qui ont eu la chance de ressembler suffisamment à des animaux pour que même les capteurs ADN des moissonneurs s'y perdent.

Le veilleur se baissa. Il avait vu un de ceux-là. La part d'humain en lui avait peur. Peur de s'y confronter et de mourir, transformé en une purée régénératrice pour un robot apocalyptique. Le haut de sa tête et se yeux dépassaient. malgré tout sa peur, il ne put s'empêcher de le regarder. On aurait dit un ange. Il ressemblait à un humain avec des grands yeux blancs et des ailes de métal dans le dos. Sa peau était indescriptible. On aurait dit une sorte de roche lisse presque parfaite. Et dans ses paumes se trouvaient l'extracteur.
Du mieux que le veilleur avait jamais vu, on aurait dit deux énormes lumières. Un jour il avait surpris un ange en train de moissonner un jeune homme. Il avait posé ses paumes sur les tempes de la victimes et sa tête avait explosé dans un éclat de lumière. Ensuite la lumière avait été aspirée par les paumes de mains du moissonneur. Comme si on lui volait son âme.

Le veilleur regardait avec une curiosité morbide l'ange tourner sur lui-même, dans une posture droite, sereine, digne d'un robot de science-fiction. Il fit un battement d'ailes et s'envola d'un coup, disparaissant de son champ de vision. La cité des anges portait maintenant un nom peu enjôleur.
Un jour, ils perfectionneront leurs capteurs et ce jour-là, ils tueront les survivants.
Voilà ce qui traversa la tête du veilleur à ce moment-là. Il revérifia la zone une dernière fois, puis redescendit de son poste pour aller faire un rapport au chef de la colonie.

Cela fait plusieurs années que le Lapin a réuni autour de lui tous ceux qu'il a pu réunir. De toutes les formes, de toutes les couleurs, et quasiment que des animaux. Il s'est imposé comme chef peu à peu. Du haut de sa cinquantaine, il est comme tous ceux ici, le seul de sa famille, le seul de ses amis à avoir survécu.
Il a trouvé ce sanctuaire -une ancienne école détruite- et y a réuni ceux qu'il pouvait trouver. Il n'y restait rien, sinon un sous-sol suffisamment grand pour s'y cacher. Il n'y avait plus personne, sinon des cadavres de gens qui s'étaient défendu jusqu'à la mort.

Aujourd'hui, ils étaient une quinzaine. La plupart, par peur des moissonneurs, se refusaient à agir en humains. Ils étaient devenu des animaux en espérant survivre ainsi. Au milieu de tout ça, le lapin tentait de mettre de l'ordre et attendait un jour précis.
Avant de venir à la colonie, le lapin faisait partie d'un groupe. Un groupe de mutants, comme lui, de toutes formes. Il y avait un géant, un pyrokinésiste, un télépathe et un autre gars. Les trois premiers sont morts lors d'un assaut des anges et le dernier usa de ses pouvoirs pour disparaître. Il aurait emmené le lapin avec lui s'il avait pu, mais il disparut simplement.

C'était un plieur de temps. Ses pouvoirs, ils les utilisaient pour traverser le temps et l'espace dans une certaine mesure. Avant de disparaître, il avait juste lâché "Dans 10 ans, même endroit" à l'attention du lapin, dans l'espoir qu'il survive.
Comme vous vous en doutez, nous sommes à quelques jours du terme de ce compte à rebours, et il fallait se mettre en marche.

Le lapin grimpa sur un monticule et chercha des yeux deux de ses compagnons. L'un après l'autre, ils le rejoinrent pour expliquer la situation à la population. Un Ours et un Caméléon passèrent derrière le lapin qui commença à parler:
- Mes amis !, clama-t'il pour attirer l'attention, il y a de ça très longtemps, un ami m'a dit qu'il pouvait tout sauver. Nous tous. Le monde. Cet endroit. Mais avant cela, il nous faut le sauver. Il nous faut le retrouver et l'aider. Grace à lui, nous pourrons tous survivre et permettre au monde d'être ce qu'il devrait, non pas ce qu'il est.

Il leva les bras et pointa tour à tour ses deux amis. Vous connaissez tous Kendrick et Edgar. Ils viendront avec moi. Qui d'autre en est ? Les murmures grondaient parmi la quinzaine de survivants qui s'agglutinaient pour voir le chef parler. Beaucoup baissèrent les yeux. Ils avaient bien trop peur. Un petit à tête de renard leva la main. Le chef lui fit signe de la baisser.
Au fond de la salle, un vieil animal se leva, s'appuyant sur un bâton. Il n'était pas qu'un seul animal, il en avait des morceaux de nombreux. Il se leva et prit la parole. J'en suis, dit-il, si c'est la fin du monde, je refuse d'être laissé là parce que je suis vieux.
Devant le refus de tous les autres, le vieux traversa la foule et les quatre s'éclipsèrent dans la salle du fond.

Les écailles d'Edgar changeait de couleur constamment alors que le lapin parlait au vieux. Il se tourna vers l'ours sans dire un mot. Les deux n'avaient aucune idée du plan de leur chef.
- Ryan, lâcha le vieux, ton plan est incroyablement complexe et suicidaire. Mais il pourrait bien marcher.
Ryan, le lapin, expliqua leur voyage au reste du groupe.
Il leur faudrait traverser San Francisco, jusqu'à une vieille place. Elle avait été le théâtre de l'une des plus grande bataille de la guerre contre les anges. De la défaite de l'humanité, aussi.

- Graymalkin, lâcha le lapin, nous allons à Graymalkin, Tonga.

Dans cette après-midi tout ce qu'il y a de plus banal, le ciel s'était d'un coup obscurci. Des cris venaient de la ville. Très vite, l'école mit en place une équipe de secours. Le professeur Boudawa et le professeur Lorrington avait réuni autour d'eux une dizaine d'élèves, de tous pouvoirs. Ils n'avaient jamais failli à une de leur mission.
Passant de sa forme fourmilier à un pangolin caparaçonné, Tonga grimpa sur le dos de Jacquie, une fusée humaine. Les autres élèves de sa classe étaient tous des têtes brûlées. Ron avait le pouvoir de courber et concentrer la lumière environnante pour en faire un rayon concussif. Peter était un golem de mercure, coulant comme de l'eau et puissant comme le métal, capable de prendre des formes complexes. Olivier était un français qui avait une télékinésie de poing. Puissante mais opérant uniquement au toucher. Enfin, Junior, son propre fils, avait un pouvoir similaire au sien.
En quinze ans de temps, Tonga n'avait jamais réussi à reprendre forme humaine. Il avait débloqué des formes autres: camouflage, amphibie, capable de planer ou de glisser sur les vagues. Il avait compris que son pouvoir dépendait de son environnement et s'adaptait au lieu.

Lui et son équipe était la première ligne de combat et engagèrent face à cet espèce d'ange qui venait de massacrer un quartier complet de San Francisco à lui seul. Jacquie lui fonça dessus et il l'arrêta d'une main, d'un coup. La fusée humaine eut le cou brisé par le choc et son passager fut envoyer bouler quelques mêtres plus loin.
Le temps de reprendre connaissance, son équipe avait engagé le combat. L'ange avait déjà consumé l'essence de Jacquie et tenait la tête de Ron dans sa main. Peter prit forme d'une lame et tenta de le transpercer. Il ne parvint qu'à s'écraser contre son dos. Il s'écarta, laissant place à son coéquipier français qui donna un coup télékinésique à l'ange, qui contra la force en battant des ailes un coup. C'est à peine si ça l'avait dérangé. Avant qu'ils n'aient eu d'autres idées, Ron s'écroula sur le sol, mort.
Ils prirent peur quand ils virent deux autres anges débarquer.
Olivier, Peter et Junior tentèrent de fuir. Le jeune fourmilier pouvait redevenir humain et il estima qu'il irait plus vite en courant debout. Sans cette idée, il serait encore vivant.
Ignoré par les machines monstrueuses, Tonga observa impuissant la mort de son équipe et de son fils. Et de l'équipe de Lorrington. Et des autres.
Aucune de ses actions ne semblaient attirer l'attention des moissonneurs. Même quand ils détruisirent Graymalkin lors d'un assaut contre Danger et Cérébro. Les deux étaient contrôlés par un jeune homme du nom de Gregory, un technopathe puissant. Par surprise lors de l'attaque des ennemis, il sépara son esprit de son corps et devint pur électronique. Il a disparut alors dans l'espace virtuel sans qu'ons ache où il était.

Le fourmilier huma l'air. Bien longtemps qu'il n'était pas sorti de la colonie, à vrai dire. D'autres se chargeaient des ravitaillements. L'étrange équipée composée d'un ours, un raptor et un lapin avançait aussi vite qu'il leur en était possible sans attirer attention sur eux.
Ryan avait déjà eu affaire aux anges ces derniers mois et expliquait qu'avec un examen plus long, ils arrivaient parfois à voir à travers leur ADN bordélique et les aspiraient. Il serait dommage que cela arrive.

Traverser la ville à leur allure prendrait une nuit. Même si les moissonneurs voyaient dans le noir comme si rien n'était, ils n'étaient étrangement pas leur pire sur le chemin.
En l'absence notable de l'homme, la nature avait repris ses droits et la ville était maintenant habitée par les descendants des chiens errants, par quelques animaux qui vivaient dans des zoos ou par les oiseaux charognards descendus depuis le désert du Nevada. Voyager de nuit était donc une meilleure idée que de le faire de jour.

...

La troupe était déjà à mi-chemin quand elle dut faire une halte. Une lumière bleutée marquait la présence d'un moissonneur en patrouille. Les quatre entrèrent sans faire de bruit dans un restaurant dans la façade avait été défoncé. Ils pouvaient se reposer de la marche pendant quelques minutes.
Tonga marcha quelques pas et regarda autour de lui. Il était déjà venu ici...

Il reconnaissait la forme de la salle, de la cuisine et des conduits de ventilation. Il les avait arpenté il y a longtemps avec son équipe. Qui était dedans déjà ? Il y avait ce couple mignon, Damien et Maya, ou un truc du genre... Et ce jeune black, qui avait été blessé grièvement lors d'une autre mission. Il était dans le coma lors de la première attaque des moissonneurs. Chanceux, dans un sens.
Il y avait une grande blonde et un homme lézard... Non, une femme lézard.

Et Jane.

Ah Jane. C'était leur première mission ensemble, et déjà, Tonga avait été omnibulé par cette femme. Là où certains voyaient un monstre démoniaque, il y avait vu la plus belle créature qui lui avait été de voir. Si il n'avait eu qu'un seul regret de sa vie, c'était de n'avoir jamais tenté sa chance avec elle.

- Réveil, papy, lâcha l'ours. On repart.

Tonga laissa là ses souvenirs et la troupe reprit sa route. On longeait les murs, passait sous les gravats, jusqu'à apercevoir Graymalkin. Pas de bol, ils n'étaient pas les seuls à être venus là. Une meute de loups les attendaient là. Lorsqu'il vit le leader, Tonga avala sa salive.

Un grand loup, plus d'un mêtre et demi de haut, blanc comme un fantôme, menait la troupe à leur rencontre. Il s'arrêta devant Ryan, qui commença:
- Salut Blancpoil. Laisse nous passer.

S'il en avait le nom, il n'avait pas l'intelligence ni le pacifisme de son grand-père. Il grogna et aboya pour leur faire comprendre de repartir.

- Tu ne comprends pas. On peut sans doute tout sauver si tu nous laisse passer.

Mais Blancpoil n'avait jamais fait confiance à Ryan, pas plus qu'à qui que ce soit qui n'était pas un loup. En tant que lapin, Ryan n'avait jamais fait confiance à un loup non plus, d'ailleurs.
Lorsqu'un loup plus zélé que son chef sauta les crocs sortis, Ken protégea son chef et le baffa au vol de sa grosse patte d'ours velu.

A quatre contre quinze loups, avaient-ils une chance ? Il faudrait bien, parce qu'il faudrait sans doute leur passer sur le corps.
Alors que Ryan dégaina un sabre et que ses deux comparses sortirent les griffes, Tonga resta en retrait.
Les trois n'avaient aucune envie de tuer ces loups qui s'étaient déjà montré des alliés auparavant. Mais leur entêtement et leur protection territoriale était une gène à la mission des animaux.
Ken en cogna autant qu'il put en attraper, comme Ed se débattait avec ceux qui l'attaquaient. Sa peau écailleuse offrait peu de prises pour leurs griffes.
De son coté, Ryan s'offrait un duel contre Blancpoil. Le lapin chargea sabre en avant, décidé à lui couper une oreille pour ses faire respecter, mais le loup eut le dessus. Le double de sa taille et l'avantage génétique. D'un coup de gueule, il le happa et le maintint dans sa mâchoire. La seule raison pour laquelle il ne ferma pas sa mâchoire était la lame qui lui bloquait la bouche.

Tonga, de son coté, faisait tranquillement le tour de l'affrontement, laissant les jeunes se taper dessus à coup de griffes et passa vers son objectif: la tanière des loups.
Il y entra, prenant l'apparence d'un pangolin par sûreté et tomba sur Grisemine, la femelle de Blancpoil. Ils avaient vraiment pas d'idée sur les noms, dans cette meute. Il s'excusa de son entrée et lui expliqua la situation: le plieur de temps, la possibilité de tout changer, les dangers, Graymalkin...
Grisemine sortit de son terrier et hurla à son mâle de stopper.

Blancpoil ouvrit la bouche pour relâcher Ryan, bien content de la situation. Dans un langage que seuls les loups comprenaient, elle lui expliqua qu'il les laisserait passer. Il refusa, arguant sur l'honneur et la sécurité de la meute. Elle répondit qu'elle irait probablement voir un mâle plus jeune et moins stupide si il refusait, ce qui le contraria fort mais le fit plier. Le groupe passait.

Remerciant la maîtresse des lieux, Tonga rejoint le reste du groupe. Graymalkin était à présent à quelques mètres et le quatuor n'était pas au bout de ses surprises.