Barcelone - Poursuite dans les ramblas

Pendant que Raoul s'occupait de la foule et des deux belligérants, Rosita s'était lancée à la poursuite de la voleuse à la tire. Heureusement qu'elle avait eu le réflexe de partir au quart de tour sans demander l'avis de Raoul - il comprendrait bien qu'elle veuille récupérer les biens de ceux qui avaient été floués, elle n'en doutait pas une seconde, ils fonctionnaient de la même manière quand il s'agissait de défendre la veuve et l'orphelin - sinon elle aurait perdu de vue la fuyarde. Heureusement aussi qu'on était pas en heure de pointe car les rues bondées ne lui auraient pas facilité la tache. Elle était rapide, certes, mais pas autant que Raoul, cela dit, la jeune fille ne l'avait pas distancée, bien qu'elle ne l'eût pas rattrapée non plus.

La course avait duré quelques minutes déjà, et leur rythme se ralentissait. Malgré l'entraînement qu'elle avait avec la danse et le bowling, courir ainsi commençait à la fatiguer, mais elle ne semblait pas être la seule. La voleuse s'engouffra sous le porche d’un immeuble mal en point et Rosita la suivit sans hésiter. Il fallait qu'elle la rattrape, et elle s'efforça de garder le rythme, voire d'accélérer. La cour était en tout aussi piteux état que l'immeuble, et la porte intérieure ne fermait plus, ce qui permit à la catalane de suivre sa proie, mais qui ne ralentit pas non plus cette dernière.

Elle monta la volée de marche à la suite de la voleuse, s'inquiétant bien peu des tags aussi bariolés que sa tenue, et tenta de rattraper la jeune fille.

Rosita avait suivi la jeune fille, pieds nus, ses chaussures à la main. Au second, la fille entra dans un appartement et la catalane la suivit sans hésiter. Elle aurait peut-être mieux fait d'hésiter, d'ailleurs, car si elle vit enfin le visage de l'adolescente, elle ne se trouva pas que face à elle. L'endroit n'était pas reluisant, mais elle s'en fichait parfaitement. Ce qui l'inquiétait, c'étaient les deux hommes à présent face à elle. Trois contre un avec l'adolescente qui se faisait traiter d'idiote, ça n'était pas très bon.

-Ok... On se calme. Je veux simplement récupérer les objets volés et je vous laisse tranquilles...

Le deuxième homme avait raccroché son téléphone, le premier leva la main sur la jeune fille. Le sang de Rosita ne fit qu'un tour. Voleuse ou pas, une adolescente ne devait pas se faire traiter de la sorte, foi de Rosita. Elle vint s'interposer entre l'homme et la jeune fille, lui évitant d'autres coups à venir.

- Ca va ? demanda-t-elle en jetant un coup d'oeil derrière elle à l'adolescente.

Elle était prête à sortir les griffes, dans le sens propre du terme, s'il le fallait.

Elle n'était pas déterminée à partir et à laisser une jeune fille se faire taper dessus. Pas le moins du monde. Ca n'était pas se comporter en héros, ça. Et avec Raoul, c'était bien ce qu'ils s'efforçaient d'être, même si son cousin voulait qu'ils montrent l'exemple au point de lui enjoindre d'arrêter de fumer. Elle arrêterait... plus tard. Pour l'instant, elle avait autre chose en tête. Empêcher une adolescente de se faire battre par exemple.

D'ailleurs, elle ne bougea pas de sa place, sentant plus qu'elle ne le vit l'adolescente se tasser plus encore s'il était possible de le faire contre le mur. S'il fallait qu'elle prenne les coups à sa place, elle le ferait, une héroïne ne reculait pas devant l'adversité.

- Votre Maman vous a jamais appris que c'était pas beau de frapper les femmes ? fit-elle, dédaigneuse, alors que la main de l'homme se levait, impitoyable.

Elle était prête à sortir les griffes, et vit la gifle arriver sans s'écarter prenant seulement le temps, par pur réflexe en réalité, de lever ses bras en croix et de laisser pousser ses ongles autant qu'elle en était capable. S'il fallait qu'elle se défende, elle le ferait bec et ongles. Ongles surtout, d'ailleurs.

L'homme n'avait hésité qu'un bref instant, et sa main s'était abattue, pour gifler Rosita. C'était sans compter ses griffes, et le poignet de l'homme s'empala sur les ongles de la Catalane. Elle sursauta quand l'homme hurla et réalisa alors ce qu'il était en train de se passer. Rentrer les ongles, vite. Il fallait qu'ils lui obéissent cette fois, avant de faire davantage de dégâts sur le corps de ce pauvre homme qu'était le bandit. Elle n'avait pas réellement voulu ça, juste se protéger... La voilà belle, l'héroïne, qui ne contrôlait pas bien son pouvoir et blessait autrui. Evidemment, il lui avait voulu du mal, elle ne devrait sans doute pas avoir trop de remords, mais tout de même.

L'autre la regardait avec des yeux bien sombres, et prit son téléphone. Il ne fallait vraiment pas qu'on la voie comme ça. Alors elle tâcha de se concentrer sur la rétractation de ses griffes. La fille derrière n'avait pas bougé, toute tassée qu'elle était contre le mur. Si elle réussissait à se débarrasser du type qui lui collait littéralement à la peau, elle récupérerait sur la gamine les objets volés et tenterait de prendre la poudre d'escampette. Il ne fallait pas être Einstein pour réaliser qu'il valait mieux qu'elle ne moisisse pas ici.

Fort heureusement ses ongles lui obéirent. Pas assez vite malheureusement et les gémissement de l'homme n'étaient pas pour l'aider à rester calme. Il le fallait pourtant. Une héroïne ne perdait pas les pédales pour un peu de sang. Mais une héroïne n'empalait pas le bras d'un homme comme ça non plus, et elle entendait déjà Raoul pester contre ce manque cruel de self-contrôle. L'autre homme passa un appel téléphonique qui n'avait rien de sympathique pour le cas de Rosita, et dès que ses mains furent libres, elle se tourna vers la fille derrière elle.

- Donne-moi les affaires que tu as volées. Vite !

Ca n'était pas digne d'une héroïne. Elle aurait dû réussir à les raisonner, à leur faire rendre les porte-monnaie volés sans heurt. Mais elle avait échoué, et même si ça avait tenu du réflexe, ça n'était pas digne, vraiment, d'une héroïne.

Elle fit peu de cas de l'homme qui se tordait de douleur au sol. Il n'avait qu'à pas lever la main sur les jeunes filles d'abord. Mais l'autre qui était parti vers la cuisine ne lui disait rien qui vaille, et elle préférait quitter cet endroit au plus vite, et retrouver Raoul, quelles que soient les remontrances qu'il pourrait lui faire.

L'adolescente était plus terrorisée que jamais. Rosita ne doutait pas que, malheureusement, cela soit de sa faute à présent. D'un autre côté, la terreur qu'elle avait provoquée chez la voleuse contre son gré avait du bon : elle jeta son sac à ses pieds et prit ses jambes à son cou. Au moins pourrait-elle rendre leur bien à ceux qu'elle avait détroussés. Elle s'empara du sac quand l'autre courut à la cuisine et fit un barouf du tonnerre qui, couplé avec ses propos, n'annonçait rien de bon.

Une héroïne sait quand prendre des risques et quand la fuite est la meilleure solution, et il lui apparaissait clairement que là, plus elle déguerpirait vite, plus la menace de l'homme aurait de chance de ne pas être mise à exécution. Alors tout comme la gamine, elle prit la poudre d'escampette, se jetant vers la sortie aussi vite que si elle avait voulu rattraper la gamine avec une seule idée en tête : aller retrouver Raoul le plus vite possible. L'autre au bras blessé se débrouillerait sans elle, elle avait déjà fait assez de dégâts comme ça.