Jour 2 - La paix de l'esprit, ça existe encore ?

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Le train avait été soufflé, avec Kitty aux premières loges. Ce n'était qu'une gamine. Elle n'aurait jamais dû se trouver là, elle n'aurait jamais dû être embarquée dans un truc aussi dingue, être enlevée par on ne savait trop qui, trimballée sur une planète glaciaire, et se faire exploser par un obus ou un truc dans le genre. Nat imaginait que comme elle, la petite fille avait cherché un refuge en se rendant à Graymalkin. Et résultat... Elle avait été soumise à un danger dépassant largement tout ce qu'ils auraient pu imaginer avant, et elle y était restée. C'était injuste. Complètement injuste. Et la rouquine n'arrivait pas à l'encaisser, à accepter ça, à passer outre. Dès qu'elle fermait les yeux, elle voyait le wagon déchiqueté, elle entendait le bruit de l'explosion et en fond, les mots de Danger. « Recherche élément Mindshock. Signe de présence. Néant. Action préconisée. Évacuation urgente des éléments présents. » Ca tournait en boucle dans sa tête. Et si elle n'était pas morte ? Si elle était là-bas, quelque part, dans le froid, propulsée hors de portée du robot ? Et si elle était finalement morte parce qu'on l'avait abandonnée ?

« Pardon Kitty... On n'a pas réussi à te protéger... »

Un murmure à peine audible, c'était tout ce qui s'échappait de ses lèvres presque toujours closes. Des larmes roulaient sur ses joues, par intermittence, presque trop paisibles. Elle revoyait aussi les corps bleuissant des deux membres de l'équipage du train. Eux aussi, ils les avaient abandonnés. Alors qu'ils s'étaient promis de s'entraider, pour ne pas tous mourir.

« C'est dégueulasse... »

Quand le robot les avait téléportés elle ne savait trop où, elle avait perdu connaissance un temps, juste histoire de bien revoir toutes les images qui lui trottaient dans la tête et de se réveiller en larmes, en sueur, le coeur battant la chamade dans une pièce inconnue et fermée. Et depuis, elle n'avait pas desserré les dents. Quand bien même, être ainsi emprisonnée ne lui plaisait pas. Quand bien même les autres ne devaient pas en mener large non plus. Elle n'avait rien dit. Elle était restée dans son coin, refusant de se rendormir pour revoir encore tout ça en rêve. Assise dans un coin de la pièce, elle avait gardé le regard fixe droit devant elle, sans vraiment voir les autres dormir, se réveiller, parler ou rester muets. Les genoux relevés devant elle, ses bras les enserrant, elle avait attendu, elle ne savait trop quoi, jusqu'à ce qu'on les libère. Et quand d'autres avaient posé des questions, elle, elle était juste sortie, arpentant les salles de la forteresse sans trop savoir ce qu'elle pouvait bien y chercher.

Et puis elle était tombée sur la terrasse, où le vent rebutait sans doute les autres, mais pas elle, que le froid n'atteignait pas. Elle avait été heureuse d'entendre le vrombissement assourdissant des hélices pour remplacer la mitraille de la superstructure qui résonnait dans sa tête. Et elle s'était de nouveau assise, dans un coin, le regard fixé sur les nuages mouvant devant elle, dans l'exacte position qu'elle avait quitté pour la réunion. A un moment, il faudrait qu'elle songe à manger. A survivre. Mais pour combien de temps ? Elle était venue chercher un abri, elle se retrouvait dans un environnement plus périlleux encore que la Terre d'où elle venait, et elle ne voyait pas vraiment comment il pourrait y avoir une issue positive à tout ça...

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Les événements récents avaient-ils été aussi traumatisants pour Samuel que pour ses compagnons dispersés aux quatre coins de l'espace ? Sans doute pas. Certes, le suédois ne pouvait même pas être vraiment considéré comme un élève X-Men : il n'avait guère passé qu'une soirée dans l'établissement, et n'avait reçu aucun entraînement, aucune préparation à l'action. Toutefois, contrairement à nombre de ses camarades, il n'avait jamais cherché refuge à Graymalkin. Il n'avait suivi la proposition de Damian que parce que celui-ci lui avait semblé sympathique, qu'il était l'une des rares personnes à s'être intéressées à lui, et que débarquant tout juste sur le continent américain, il avait eu soif d'aventure. Il n'avait même jamais vraiment prévu d'y rester longtemps, mais en ce qui concernait l'aventure, il avait été servi. Rien que l'attaque de l'école avait été pour lui un événement d'exception.

Et que dire de la téléportation vers un monde inconnu ? Mais ce fut certainement le retour de son corps qui continuait à le marquer le plus, ayant été immatériel pendant de longues années. Il avait redécouvert de nombreuses sensations, la plupart, hélas, désagréables. Au final, Blancpoil, Vesna, Tonga et lui ne s'en étaient pas mal sortis : à ce qu'il savait, le fourmilier n'avait pas de séquelles trop grave concernant le liquide que l'étrange créature qui avait projeté dans les yeux. Quant à Samuel, il gardait pour toute blessure un avant-bras entaillé, autour duquel était enroulé un bandage blanc. Si le tableau n'avait pas été obscurcit de plusieurs décès au sein des autres groupes, on paradoxalement aurait pu dire que son bonheur avait rarement été aussi grand. Depuis qu'il était arrivé dans la forteresse volante, il se sentait plus léger, sans savoir si cela était du à l'habitude de marcher qui lui revenait, ou à une différence de gravité. Il se déplaçait toujours avec une certaine maladresse, qui diminuait progressivement.

Toutefois, la sensation de n'être qu'un pur esprit, très vite, lui manqua de nouveau, n'aurait-ce été que pour faire cesser un instant le tiraillement de sa plaie. Après l'explication qu'avait donné Danger, il avait erré dans le bâtiment volant (Tonga aurait dit : comme un fantôme), cherchant une pièce qui lui offrirait un peu plus de liberté. Le suédois trouva la terrasse en même temps qu'une jeune femme qu'il ne connaissait pas, mais qu'il savait avoir été, comme lui, transporté contre son gré. De ce qu'il avait comprit, son groupe était de ceux qui avaient subis des pertes. Des rafales de vent passèrent sur l'adolescent, le faisant frisonner. Après la chaleur étrange de Om, le froid avait quelque chose de familier : il lui rappelait son enfance, passée dans l'extrême nord de l'Europe.

Samuel ne savait si l'élève avait envie de parler. Il n'était pas bien sûr d'être lui-même très apte à former des mots, non à cause de son état psychologique mais à cause de son manque d'habitude. Il trouvait sa voix disgracieuse, moins harmonieuse qu'elle n'avait été lorsqu'il était plus jeune, tout en gardant une tonalité assez aiguë qui ne lui plaisait pas. De la main, il lui adressa un simple signe amical, au cas où elle le regarderait, avant de claudiquer vers la rambarde, tentant de ne pas déraper sur le sol de pierre lisse. Le rebord était large, mais pas très haut : il entreprit de d'y grimper et de s'y dresser, debout, face à la mer de nuages dont on ne distinguait pas, à l'horizon, de quelconque limite. Il leva les bras en croix, subissant encore quelques courants glacés. Son pouvoir, comme celui de ses compagnons, n'avait pas été très fiable, sur Om, mais il avait ici toute la latitude pour s'y habituer.

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Elle n'avait pas passé beaucoup de temps à Graymalkin non plus, elle ne pouvait même pas dire qu'elle avait été arrachée à son foyer ou quelque chose du genre. Elle ne pouvait pas non plus dire qu'elle était soulagée de retrouver des visages connus. Les seuls qu'elle reconnaissait ici, c'était Alex et Ryo, qui avaient été avec elle sur Jotnar. Les autres, même si elle éprouvait un minimum de compassion pour ce qu'ils avaient eux aussi vécu, et pour la perte d'autres membres qu'elle ne connaissait pas, ils restaient des étrangers pour elle. Même avec les deux asiatiques, elle ne pouvait pas dire qu'elle avait un lien vraiment fort, si ce n'est celui d'avoir difficilement survécu sur la planète de glace. Et elle ne se voyait pas vraiment aller chercher du réconfort même vers eux, alors pourtant qu'à cet instant, elle en aurait réellement eu besoin.

Au lieu de ça, elle s'était isolée sur la terrasse, bientôt rejointe cependant par un des autres. Un visage qui ne lui rappelait rien, et pour cause : la seule fois où elle avait aperçu Samuel, lors de l'attaque de Graymalkin, c'était sous la forme d'une sphère lumineuse. Pas grand chose à voir avec le jeune homme qui lui adressait un petit signe de la main en passant. Elle le regarda vaguement s'approcher de la rambarde et y grimper, fronçant légèrement les sourcils face à cette démarche quelque peu inconsciente.

« Fais gaffe quand même, j'ai pas un pouvoir permettant de te récupérer si tu tombes, et ça serait con qu'on perdre encore quelqu'un comme ça... »

Ca n'était pas vraiment la façon la plus amicale de dire les choses, mais à vrai dire, elle ne savait pas trop bien ce qu'elle devait faire, dire, ou ressentir à présent. Tout se mélangeait dans sa tête, et si elle s'inquiétait du sort du jeune homme, ce n'était pas juste pour lui, mais aussi pour elle. Se dire qu'elle assisterait peut-être à un décès de plus ne lui plaisait pas vraiment, et elle souhaitait l'empêcher, sans trop savoir comment faire. Alors elle se leva, et gagna le bord à son tour, prête à rattraper l'inconscient s'il s'étalait - après tout sa démarche n'avait pas vraiment été très assurée jusque-là.

« Je suis Nataša au fait. Enfin Nat'. Et toi ?... »

Un minimum de politesse, ça ne ferait pas forcément de mal... Et il serait toujours temps de redescendre si elle en avait ras-le-bol, et de trouver un autre endroit vide.

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Le froid, le vent, le vide ; tout cela contribuait à rendre Samuel un peu plus joyeux encore. Toutefois, il le sentait, exprimer trop ouvertement ce bien-être aurait eu quelque chose de dérangeant. On ne se mettait pas à rire à gorge déployée aux enterrements. Son inexpérience de la communication vocale, de plus, risquait de lui jouer de mauvais tours. Quoi qu'il dise, jusqu'à son nom, il n'était pas certain de le dire avec le ton adéquat, sans parler de son accent suédois, qui, il s'en était rendu compte, était marqué. Cette appréhension le dissuadait de parler. D'autant que très vite, son tempérament joueur reprit le dessus.

Sans précipitation, il se retourna vers son interlocutrice. L'observant s'approcher de lui, il se souvint également l'avoir vu lorsque, téléportés sur le corps d'un extraterrestre élastique, ils avaient tous disparus dans un flash de lumière. Son teint halé suggérait qu'elle était originaire d'un pays ensoleillé, mais sur quel genre de planète avait-elle atterrit ? Sur Om, Samuel n'avait rencontré aucune forme de civilisation, mais ce n'était manifestement pas le cas des autres groupes. Il n'y avait même pas deux jours (du moins, c'était le temps où il avait été conscient), il se faisait passer lui-même pour un extraterrestre auprès d'une bande d'enfants, tout en ayant aucune réelle idée de leur existence. Il pensa un temps aux passionnantes conversations qu'on pouvait certainement avoir avec des aliens.

L'adolescent sourit un peu tristement à la jeune femme, son visage calme pour ne pas alerter celle qui venait de le rejoindre sur le large rebord. Il laissa planer un petit silence. Puis, sans prévenir, il sauta en arrière. Pénétrant l'air le plus perpendiculairement possible, exécutant quelque chose qui ressemblait au plongeon le plus simple, en bouteille, il se souvint de ses séances de piscine. Pour sûr, il adorerait se baigner de nouveau. Il attendit quelques secondes, appréciant la vitesse de la chute libre, avant de solliciter sa transformation. Son cœur battait à tout rompre, alors qu'une petite voix dans son esprit s'interrogeait toujours : et s'il échouait à se dématérialiser, cette fois ? Son cœur, heureusement, ne battit bientôt plus. Libéré de la gravité, il remonta plus vite encore qu'il n'était tombé, et réapparu devant les yeux de Natasha. Retrouvant son vieux mode de communication, il projeta à son interlocutrice quelques lettres de lumières :

Samuel ☺

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Effectivement, s'il s'était mis à rire à tout va à l'instant, Nat aurait sans doute trouvé ça pour le moins étrange. Pas forcément comme un manque d'irrespect, quoi que, mais peut-être plutôt comme un signe de folie, comme quoi tout ça l'avait atteint d'une autre manière. Elle se serait fourvoyée, mais comment aurait-elle pu le savoir, après tout ? Et puisque le garçon ne parlait pas, elle n'ajouta rien de plus, d'abord. Il s'était tourné vers elle, comme elle approchait, et elle y allait clairement doucement, histoire d'une de ne pas l'effrayer, et de deux, de ne pas finir elle elle ne savait combien de mètres au-dessous. Et elle ne comprit pas ce petit sourire triste qu'il arbora subitement, juste avant de sauter dans le vide en arrière. Son premier réflexe fut évidemment de faire un geste pour l'arrêter, mais en vain, d'autant qu'elle n'avait rien pour se rattraper et après une seconde de déséquilibre, elle recula tant bien que mal, chuta du rebord et atterrit lourdement au sol, d'où elle ne se releva pas tout de suite, le visage dans ses mains.

Est-ce qu'elle avait vraiment besoin de ça en plus ? Ils en avaient perdus deux, déjà, à l'arrivée sur ces fichues planètes, est-ce qu'il fallait en plus qu'il y en ait un qui se suicide ? Et pourquoi avait-il fait ça sous ses yeux, hein ? Il ne pouvait pas attendre... genre qu'elle ne soit plus là, ou quoi ? Ou juste en parler, qu'on lui remonte le moral, qu'on l'empêche de faire une connerie... N'importe quoi, mais juste, qu'elle n'ait pas en plus assisté à ça... et...

Une lumière plus vive lui fit desserrer les mains et elle observa la boule lumineuse qui lui faisait face, et les quelques lettres de lumière qui se formaient devant ses yeux. Samuel.

« Putain t'es con ! »

Elle s'était redressée d'un bond, non pas parce qu'elle avait peur de lui, mais par pur réflexe à la salve d'émotions qui venait de l'assaillir. En colère ? Oui un peu. Beaucoup même.

« Sérieux tu pouvais pas prévenir ? J'ai cru... J'ai cru... »

Il y avait toujours des larmes sur ses joues, de tristesse autant que de rage, qu'elle sécha du revers de sa main. Elle devait avoir l'air ridicule, au fond...

« Me refais plus jamais peur comme ça ! Enfin maintenant je sais que c'est toi et que tu crains pas grand chose mais... Putain j'ai cru que t'y étais resté toi aussi ! »

Elle tremblait comme une feuille et ça n'avait rien à voir avec le froid qu'elle ne ressentait pas. Non, là, elle avait été simplement terrorisée et avait un peu du mal à s'en remettre. Elle ferma un instant les yeux, et se rassit au sol, les genoux pliés devant elle, les coudes sur eux et les mains jointes. Du calme... Du calme... Du calme... Il n'y avait rien de grave, il était là, elle aussi, aucun d'eux n'avait réellement fait de vol plané - enfin si mais pas en s'écrasant elle ne savait trop où en bas - tout allait bien. Presque...

« T'étais dans le jardin aussi quand on s'est faits enlever, hein ? »

Une conversation banale. Presque. Un truc pour lui occuper l'esprit pendant que les battements de son coeur tentaient doucement de retrouver un rythme normal. Elle se souvenait de la sphère lumineuse, mais elle n'avait jamais vu sa forme humaine, jusqu'à aujourd'hui...

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Un peu surpris par l'état dans lequel il retrouvait son interlocutrice, l'idée qu'il était allé un peu loin traversa l'esprit de Samuel. Ce n'était pas peu dire que sa mère, psychologue, l'aurait désapprouvé. Pour autant, il n'avait pas réellement idée de l'état de tension dans lequel pouvait se trouver la jeune femme, le ne lui était ni familier ni naturel. Il avait toujours vécu dans un monde plutôt positif, et même les aventures qu'il avait vécu ces derniers jours ne l'avaient pas traumatisé. Certes, ils avaient failli se faire dévorer par des tigres-aliens gigantesques, mais il n'en gardait qu'un souvenir diffus. C'était comme si son cerveau ne voulait plus réaliser la véritable dangerosité de l'excursion, à quel point ils étaient tous passés près d'une mort atroce, et préférait en voir le côté épique, héroïque, de leurs actes. Il ne manquerait pas d'histoires à raconter à ses enfants, si jamais il en avait... une possibilité qui n'en était pas une la veille.

Oui, toi aussi,
Toi tu étais,
sous le dôme.

La possibilité que Nataša ait perdu des êtres qui lui étaient chers lui traversa l'esprit. Mais il était bien inutile d'expier son indélicatesse. Elle avait engagé la conversation, autant lui changer les idées.

Je ne suis pas élève,
J'arrivais de Suède,
comme ça...

Il laissa à son interlocutrice le temps de lire les mots lumineux, puis se déroba, décollant à toute vitesse, plus rapide encore que ce à quoi il s'attendait, s'élevant un peu au-dessus d'elle. Prenant une forme plus effilée, il décrit une trajectoire précise, formant dans l'air de grosses lettres éphémères, mais possibles à suivre.

NATASHA

Reprenant sa place en face d'elle, l'adolescent s’aperçut qu'elle frissonnait. Ayant été dans la même situation une minute plus tôt, il lança :

Tu devrais peut-être rentrer,
Si tu as froid.
Ton pays était-il plus chaud,
que le mien ?

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Etrangement, alors qu'ils venaient de la même planète - et dire qu'il y a quelques jours, cette expression lui semblait complètement idiote - Samuel et elle n'avaient, clairement, pas du tout la même façon d'appréhender les choses, ni, peut-être, le même vécu. Chez elle, les mutants n'étaient pas vraiment bien accueillis, loin de là, même. Dès qu'elle avait compris ce qu'elle était, elle avait flippé, pour elle comme pour sa famille, et avait caché son pouvoir. Jusqu'à ce que ce ne soit plus possible. Et résultat ? Ses parents l'avaient envoyée à Graymalkin, soit disant pour qu'elle soit en sécurité. Et voilà qu'elle y avait été enlevée par elle ne savait trop qui, ni pour quelle raison, pour être trimballée à travers l'espace. Elle n'aurait même pas cru cela possible, mais depuis qu'elle avait quitté l'Italie, elle naviguait clairement en plein chaos. L'attaque aux States, l'enlèvement, Jotnar, la mort de Kitty - et apparemment d'un autre qu'elle ne connaissait pas - et leur débarquement à tous sur une planète dont elle ignorait tout, dans cette espèce de base volante... Et l'incertitude de retrouver leur vie d'avant, à quelque moment que ce soit. Quelque part, la façon de penser de Samuel était enviable, il arrivait à ne se focaliser que sur les bonnes choses, à garder l'optimiste et la bonne humeur. Une chance vraiment. Elle qui n'avait pas vraiment l'habitude de se morfondre non plus, cette fois, elle avait bien du mal à rester si ce n'est gaie, au moins neutre.

Elle regarda les lettres que Sam allumait sous ses yeux, formant les mots de ses pensées et hocha la tête. Oui, elle était sous le dôme, avant que celui-ci ne s'effrite. Elle revenait d'un simple jogging pour atterrir en plein guerre, sans rien comprendre. Elle ne comprenait pas beaucoup mieux maintenant, à vrai dire. Mais la conversation avec le mutant lumineux ramenait un petit bout de normalité dans tout ce grand bordel, et pour le coup, elle s'y raccrochait avec force. Elle lut donc avec attention ses propos suivants et le suivit du regard quand il s'éloigna prenant de la vitesse, et écrivant son nom dans le ciel. Elle sourit. Pour la première fois depuis toute cette histoire.

« Chez mes grands-parents, on écrit Nataša avec seulement un s et un chevron dessus. C'est en croate. Mais ça se prononce pareil, et mes potes italiens ont jamais réussi à l'écrire comme il faut. »

Il était revenu près d'elle, et s'inquiétait de ses tremblements. Elle inspecta un instant ses mains, comme surprise de les voir si fébriles. Le froid... Si seulement c'était ça... Mais a priori, ça ne serait plus jamais comme ça, ça faisait déjà un moment qu'elle ne ressentait plus les températures, bien avant qu'elle ne comprenne que ça venait d'un pouvoir mutant, d'ailleurs.

« C'est pas le froid. Je ressens pas le froid. Ni le chaud. A cause de mon pouvoir. C'est... J'ai flippé, c'est tout, ça va passer. Mais oui, mon pays est certainement plus chaud que le tien. J'ai grandi entre l'Italie et la Croatie, alors le climat méditerranéen et le froid norvégien, ça n'a sans doute rien à voir. Enfin la planète sur laquelle je suis tombée est sans doute pire encore que chez toi en matière de températures glaciales... »

Elle repensa aux corps bleuissant des deux membres de la Caste de la Traction qu'ils avaient laissés à la morsure du froid dans la locomotive délabrée. C'était peut-être pas la pire façon de mourir, mais elle ne souhaitait quand même ça à personne. Pas même à des gars qui avaient réservé le même sort à de pauvres passagers qui n'avaient rien demandé...

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Samuel s'estima très satisfait quand il aperçu le sourire de Nataša. Il adopta pour l'occasion des teintes plus chaudes, tournant vers les tons oranges. Il n'en restait pas pour autant stable, tournoyant devant son interlocutrice. Il ne prit pas la peine de corriger son erreur : beaucoup de norvégiens n'auraient pas apprécié d'être confondus avec les suédois, mais l'inverse était moins vrai. Et surtout, l'adolescent n'était pas susceptible, et il venait à l'instant de mal orthographier son prénom.

Nous aussi, les scandinaves,
ont aime bien les lettres,
ä, ö, å, les norvégiens, les danois
ont æ, et ø, aussi.

Vu l'apparente fragilité de la jeune femme, mieux valait qu'il sélectionne un peu ses sujets, se dit le suédois. Si elle évoquait le monde où elle avait atterrit, il choisit, malgré la curiosité qui le rongeait, ne pas trop la questionner à cet égard, de peur de réveiller un mauvais souvenir récent. Après y avoir été un peu fort avec son faux suicide d'un instant, et considérant l'impact que celui-ci avait eu sur les nerfs de son interlocutrice, il préférait se montrer plus prudent. Autant essayer de lui rappeler un passé plus lointain, qu'il espérait de meilleure augure.

C'est beau la Méditerranée !
Je l'ai survolée plusieurs fois.
Mais je suis passé par l'Espagne,
la mer près de Cala Conta, super.
Tu y as déjà été ?

Il prit alternativement des couleurs rouges et jaunes, puis rouge de nouveau, évoquant le drapeau du pays hispanique. Enfin, il réagit aux propos de Nataša, son intérêt ravivé par le mot ''pouvoir''. Il pouvait se cacher tellement de chose derrière ce simple terme. Samuel ne voyait rien de spécial chez son interlocutrice, et pourtant, celle-ci semblait en bénéficier, aussi en déduit-il qu'il n'était probablement pas de nature physique.

C'est ton pouvoir,
Ne plus ressentir la température ?
Tu as découvert ça comment ?

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Oups... Boulette. Mais comme il n'avait pas relevé, elle ne s'en était pas vraiment - encore ? - rendu compte. Elle non plus n'était pas aussi susceptible sur ses origines, contrairement à sa grand-mère, à qui il ne fallait clairement pas dire qu'elle était serbe ou bosniaque... Et pour le coup, elle aurait très bien pu comprendre une réaction plus excessive au mélange Suède-Norvège qu'elle venait de faire, vu qu'elle avait été témoin de l'emportement de son aïeule à ce sujet un bon nombre de fois. Mais bon, pour elle, déjà métissée, ça n'était pas très grave, alors même si Sam avait mal orthographié son nom, pour sa part, au final, elle s'en fichait. Ne serait-ce que parce que ça arrivait tout le temps... et puis parce que les récents événements avaient le don de mettre les choses en perspective, dirons-nous.

Elle lut les lettres altérées dont parlait l'être de lumière, et hocha la tête. Sur que les croates n'avaient pas le monopole des accents qui semblaient 'bizarres' aux autres pays. Elle se demandait pour le coup comment pouvaient se prononcer ces différents "a" et "o"... Quant à la méditerranée, elle secoua la tête à la mention de l'Espagne.

« Moi c'était surtout la Croatie et l'Italie à vrai dire. J'ai pas trop eu l'occasion de voyager beaucoup en dehors de ça... On a été un peu au ski, mais c'est tout... C'est comment en Espagne ? »

Elle sourit quand il prit les couleurs du drapeau espagnol, se demandant comment, de cette manière, il pourrait dépeindre le drapeau croate. Autant l'Italie, c'était facile, autant les trois bandes, le damier et la couronne... ça devenait plus compliqué. Et puis la conversation bifurqua sur les pouvoirs, et elle hocha la tête à la question du suédois.

« Disons que c'en est une partie. Je peux plus ressentir le chaud et le froid - encore que je sais pas dans quelles proportions, y a peut-être des extrêmes qui me toucheraient quand même auxquels j'ai pas encore été confrontée - mais je peux aussi augmenter ou descendre la température autour de moi. J'ai essayé de réchauffer un peu les gars sur Jotnar comme ça... Ils auraient pas survécu dans le froid sinon, c'était... bah un enfer de glace, je suppose qu'on peut dire ça. Mais eux au moins sont encore là... »

Pas comme Kitty, ni comme les hommes de la Caste, mais il valait mieux qu'elle évite de penser à eux, au fond.

« Et donc toi tu peux reprendre forme humaine, ou rester dans celle-ci comme tu veux ? Sympa comme moyen de locomotion. Et comment tu ressens les choses quand t'es comme ça ? Le froid, le chaud, le vent... Ca te fait quel effet ? »

Un tantinet curieuse, oui... Mais à vrai dire, avant de partir d'Italie, elle n'avait pas vraiment croisé d'autre mutant. Encore moins un dont la mutation pouvait être visible comme celle-là... ou comme nombre d'autres qu'elle avait découverts dans la salle où Danger les avait tous amenés, d'ailleurs.

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Ce que préférait Samuel, c'était voyager. Sa deuxième activité préférée, c'était parler de ses voyages. Ce qui l'avait marqué, lorsqu'il avait survolé l'Espagne, c'était assurément la diversité des bâtiments : la plupart des villes avaient une histoire de plusieurs siècles, et avaient gardé de nombreux vestiges, quartiers anciens. Cependant, lorsqu'il les avait comparées avec ce dont il avait l'habitude, à savoir les agglomérations suédoises, à la pointe de la technologie depuis plusieurs décennies, aux ingénieux systèmes d'éclairage public, les poubelles reliées entre-elles par des conduits souterrains, il en avait résulté une impression de négligence, voire de sale. Sans compter les nombreux indigents, artistes de rue nécessiteux, qu'il avait croisés dans le centre de Madrid, et qui l'avaient durablement marqués. Il choisit tout-de-même d'en donner les bons côtés.

À part les super plages de sable blanc ?
Beaucoup de soleil,
j'y étais presque invisible.
Les villes sont particulières, un peu agitées,
il a pas mal de pauvreté dans les rues et sur les places.
Mais les architectures sont une sacrée richesse,
il y a eu beaucoup de cultures différentes,
qui ont construit : juifs, musulmans, chrétiens...

Son interlocutrice n'était pas vraiment proche des clichés méditerranéens, si l'on exceptait sa réaction lors du faux suicide, son discours était calme, clair et sans éclat de voix excessif, assez proche, en fait de l'attitude qu'on attribuait aux suédois. Quoiqu'il n'aimait pas vraiment les préjugés, l'adolescent avait peur que ce ne soit pas son état normal, et que le deuil lui pèse trop ; il songea que s'assurer discrètement qu'elle ne fasse pas de bêtise pourrait être une bonne chose.

Le pouvoir qu'elle lui révéla lui plaisait bien, il avait beaucoup d'applications. Le mutant le perçu comme étant d'une certaine façon, l'inverse du sien : se transformer en lumière était un pouvoir égoïste, qui lui permettait de traverser les matières transparentes sans les altérer, au contraire, celui de Nataša était basé sur une modification de son environnement.

C'est super !
Toi tu peux aider les gens,
les réchauffer, et même te battre !
moi je peux fuir, m'envoler, être insaisissable,
mais pour les autres je suis pas très utile,
Sauf si on se bat contre des vampires !

Non, il n'allait pas aller jusqu'à se plaindre de ses gènes, surtout à présent qu'il avait la possibilité de retrouver une forme physique. Samuel songea que bien peu d'individu avaient du jouir d'un tel degré de liberté que celui qui était le sien. En temps normal, comprendre sur Terre, il pouvait aller où il voulait, avec comme seule préoccupation la direction à prendre. Il avait souvent regretté, toutefois, que la planète bleue soit déjà toute découverte. La folle idée de se faire explorateur téméraire de mondes extraterrestres inconnus lui traversa l'esprit. Mais avec moins de fauves à quatre yeux, géants et prédateurs, peut-être. Il préféra quand même ne pas trop évoquer cette possibilité, par respect envers ceux qui avaient comme seul désir, légitime, de rentrer chez-eux, et répondre à la question de la jeune femme. Bavard de nature, il prenait un plaisir certain à la conversation. C'était exactement ce qu'il avait cherché, lorsqu'il avait accepté la proposition de Damian, rencontrer des individus intéressants, et les mutants l'étaient souvent !

Rien. Ni vent, ni chaleur, ni froid,
la douleur, la fatigue, oui.
Plus que deux sens, vue et ouïe,
Je sais pas trop comment.
Je pensais que mon corps avait disparu.
Mais je l'ai retrouvé quand on a été téléportés !
peut-être il était mis de côté, ailleurs.
Avant j'étais toujours immatériel.
Je ne suis pas encore à l'aise avec,
Il ne me ressemble pas,
Je me sens beaucoup plus normal,
quand je suis comme ça.
Alors je préfère éclairer plutôt que parler.

Il évitait, par réserve, de trop parler de lui, de ses (re)découvertes sensorielles et motrices. Cela ne l'intéresserait certainement pas. En revanche, assez soudainement, une sensation bien concrète l'interpella. Il n'avait pas de ventre, aussi n'était-elle pas localisée précisément, mais il n'eut pas de mal à l'identifier. C'était quelque chose de primitif, d'ancestral. Il ne tarda pas à l'évoquer :

Ça va te paraître drôle,
je n'ai rien avalé,
depuis quatre ans,
Mais je crois que j'ai faim, là.
Je me demande ce que mangent les extraterrestres,
Danger a prévu le coup, peut-être...
Tu as déjà mangé ?
On pourrait aller voir ?

Blancpoil était passé par l'entrepôt récupérer du bois qu'il transportait tant bien que mal dans sa gueule. Il avait gravi les étage a tâtons, cherchant un endroit ou il pourrait installer tout son fatras. Il tomba bientôt sur l'escalier menant au dehors. L'air y semblait plus frais et vivifiant. Le louveteau prit une inspiration et commença a monter, avant de s'arrêter quelques marches avant la sortie. Dehors, il y avait déjà deux mutants. La boule de lumière, ce devait certainement être Sam. L'autre, le louveteau ne la connaissait pas.

Blancpoil les observa un bref instant. Samuel ne parlait pas, il faisait des lettres humaines de lumière. Le petit lupin ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il pouvait bien raconter, et pour cause, il ne savait pas lire. Il ne chercha pas a en savoir d'avantage de tout façon. ça ne se faisait pas d'épier une conversation, et il avait quelque chose a faire. Il tourna la tête en tout sens pour dénicher un endroit ou il pourrait s’atteler a la tâche. Lorsqu'il se décida, il sortit des escaliers et se dirigea en direction des deux mutants qui lui barraient le passage.

'a'don fut tout ce qu'il put dire.

Il attendit sagement que la mutante s'écarte suffisamment pour ne pas se prendre les jambes dans les morceaux de bois qu'il transportait, avant de poursuivre son chemin. Un peu plus loin, Blancpoil s'arrêta au niveau de la rambarde de pierre, dans un endroit moins balayé par les vents. Il relâcha sa prise précautionneusement a même le sol, puis se détendit sa mâchoire engourdie. S'aidant du rebord, il se mit sur deux pattes pour observer un moment la mer de nuage qui s'offrait a la forteresse. Ses longs poils ondulaient sous le vent, sans qu'il ne souffre du froid. Au contraire, la température semblait tout a fait lui convenir. C'était un spectacle grandiose, même s'il fallait bien avouer que cette vision lui donnait un peu le vertige. En tout cas, cet endroit serait parfait, faute de mieux.

Toujours avec sa gueule, il se saisit d'un morceau de bois qu'il disposa de biais contre le mur. S'aidant de ses pattes, il essaya d'en attraper un autre qu'il plaça en symétrie par rapport au précédent. Le tout formait une arche grossière qui menaçait de s'écrouler au moindre coup de vent. Blancpoil fit une petite moue en regardant son ouvrage. En Alaska, les minéraux aidaient a ce genre de construction. Son peuple s'aidait des cavernes et des montagnes comme structure même. Ici, c'était plus difficile...

Le louveteau ne perdit cependant pas courage et entreprit de disposer plusieurs autres morceaux de bois a sa convenance.

Invité

L'arrivée de Blancpoil intrigua autant Samuel qu'elle le réjouit. Il était toujours agréable de voir des amis. En réalité, l'adolescent ne le connaissait que depuis un jour à peine, cependant ils avaient vécu en une poignée d'heures plus que bien des individus en des années de relations quotidiennes. Il n'avait pas oublié son attitude chevaleresque lorsque la situation était au plus mal : pour sûr, le lupin n'aurait eu aucune chance contre ce fauve mastodonte, mais il n'avait pas hésité à l'affronter pour donner à ses coéquipiers une chance de fuir. Le reflet de ce que le suédois avait longtemps rêvé d'être, un défenseur dévoué de son prochain, au péril de sa vie. Il regrettait presque de ne risquer jamais grand-chose. Quoique son pouvoir se soit montré capricieux ses derniers temps, et qu'il soupçonnait certains mutants ayant attaqué Graymalkin de pouvoir l'atteindre, être immatériel lui assurait habituellement une sécurité absolue. Samuel, encore porté par l'acte d'héroïsme, avait du mal à trouver une personnalité pour qui il avait plus d'estime en cet instant.

Excuse-moi,
Je reviens !

La curiosité, et l'envie de manifester, ne serait-ce que discrètement, sa gratitude à Blancpoil, se montrèrent facilement plus convaincants que les appels de son estomac, qu'il ignora finalement avec un léger agacement. Laissant temporairement Natasa à ses pensées, il se dirigea vers ce qui ressemblait vaguement à un début de cabane. Samuel comprit facilement que l'édifice avait pour but d'être une sorte de tanière, ce qui soulevait quelques questions. Il s'était, jusqu'ici, toujours corrigé, aussi bien en paroles qu'en pensées, aussi bien pour le lupin que pour Tonga. A chaque fois qu'un terme animal lui était venu à l'esprit pour les qualifier, il l'avait instantanément changer un adjectif pouvant se rapporter à n'importe quel autre individu humain. Néanmoins, il n'avait aucune idée de la façon dont considéraient les deux personnages leur part bestiale. L'hybride-loup avait-il certains instincts issus de ses gènes canidés ? Samuel songea que sa mère lui aurait dit peut-être que cela venait de son éducation. En l’occurrence, il avait du mal à imaginer quel genre d'éducation pouvait amener à ce genre d'idées...

Se retenant bien de juger -il n'aurait jamais eu de telles interrogations si Blancpoil avait eu une apparence humaine, pensa-t-il-, le suédois se plaça juste devant lui. Il était possible qu'il le distrait un instant de son œuvre, mais l'adolescent était trop habitué à être insignifiant pour prendre garde à ne pas trop s'imposer.

Tu veux un peu d'aide,
Pour ta cathédrale ?
☺

Le suédois n'avait absolument pas confiance en son adresse à construire des cabanes, il était même certain d'être gauche. Comme la plupart des enfants, il en avait construits autour d'un arbre, et il ne se débrouillait alors pas particulièrement mal, cependant, il était évident que le manque de pratique manuelle impactait beaucoup sur ses capacités. Il était urgent qu'il s'y remette.

Alors que Blancpoil était en train d'empiler quelques morceaux de bois, lorsque Samuel, enfin cette grosse boule de lumière se plaça devant lui. Le petit lupin cligna plusieurs fois des yeux en l'observant silencieusement. Il n'avait guère eu l'occasion de le détailler sous sa forme immatérielle depuis leur première rencontre, ce qu'il faisait en ce moment. Son regard circulait sur la moindre fluctuation de lumière, toute son attention était a présent portée sur son coéquipier, comme le disaient les humains.

En réalité, Blancpoil était plutôt surpris par la capacité du suédois a se changer de cette manière. Il lui rappelait une petite étoile qui flottait et allait ou bon lui semblait. On aurait dit un esprit dont parlaient les contes des anciens. Le louveteau avait toujours cru que ce genre d'histoire était bonne pour endormir les louveteau, mais depuis qu'il avait découvert bien malgré lui l'existence des mutants et de leur pouvoirs bizarres, il avait accordé un peu plus de crédit a ces légendes. Et pour le coup, il en était même venu a se demander un bref instant si Samuel n'était pas réellement un esprit. Après tout, il s'était interrogé plusieurs fois depuis qu'il s'était réveillé dans une cage. Tout était tellement étrange et si éloigné des concepts des loups a propos des humains... si familier aussi.

La boule de lumière écrivit quelque chose dans l'air. Des..."mots". Et des "lettres" aussi. Le louveteau en avait déjà vu ces choses dans lesquelles les humains avaient l'habitude de plonger la truffe pendant des heures. Grand-mère Lily-Rose avait essayé de lui apprendre, mais c'était trop compliqué a déchiffrer. Et pour le coup, il en était de même devant le charabia de lumière qui lui faisait face. Blancpoil pencha la tête sur le côté, n'aillant pas l'air de bien réaliser que Samuel s'adressait a lui. En lieu et place, il le questionna:

"Dis, pourquoi t'es pas en bipède ? C'est pour communiquer avec les esprits que t'es comme ça ? T'en as vu un dans le coin ?"

C'était peut-être ça après tout ! Mais oui ! Le lupin blanc, de son air juvénile, tourna la tête en tout sens, cherchant quelque chose d'invisible.

"Il est ou, dis ? Il te raconte quoi ?"

Invité

Le suédois eut un temps d'hésitation, la réponse, ou plutôt la non-réponse de Blancpoil le laissant perplexe. Il reprit cependant très vite ses esprits : c'était une réaction à laquelle il avait, finalement, souvent eut affaire. Il n'était pas rare que des individus, plus souvent encore les enfants, mais pas seulement, le prennent pour un esprit, un ange, ou même un extraterrestre. Quand il y pensait, à la lumières des événements récents, c'était bien cette dernière supposition qui se révélait la plus probable. Samuel avait déjà joué avec un certain succès ce rôle juste avant de rencontrer Damian, mais la situation n'avait pas très bien tourné, puisqu'un homme l'avait menacé d'une grenade, risquant surtout de blesser les gamins qu'il voulait protéger.

Du reste, s'il pouvait jouer de la crédulité, lorsqu'il s'agissait de les distraire et de se distraire, de jeunes gens, intervenir sur les croyances profondes d'un coéquipier lui semblait un peu moins sain. Lui-même n'était pas vraiment religieux : si ses parents auraient souhaité lui inculquer par ce biais quelques unes des valeurs luthériennes, le caractère excessivement curieux de leur fils ne s'y prêtait pas vraiment, et ils avaient vite compris qu'il valait mieux lui exposer les choses clairement. Blancpoil paraissait pour sa part cultiver une sorte d'animisme, ou de chamanisme. Samuel ne savait trop en quel pays on pouvait rencontrer ce genre de culte, très divers, en Afrique sans doute, mais la fourrure du lupin paraissait ne pas être adaptée aux climats chauds... Plus proche de ce qu'il connaissait, il existait aussi chez les saamis un paganisme ayant foi en des esprits, mais il était aujourd'hui presque éteint.

Les esprits sont en paix,
Du moins, je crois.
Les esprits extraterrestres,
c'est quand même quelque-chose !

Étrangement, Blancpoil ne semblait pas trop réagir à ses phrases. Le suédois ne repérait pas le mouvement de balayage de son regard qui aurait témoigné qu'il lisait bien ce qu'il essayait de lui écrire. Incertain, Samuel décida d'en avoir le cœur net. Il prit son courage à deux mains et se matérialisa devant le lupin, faisant bien attention à atterrir sur ses deux pieds, posture encore loin d'être évidente pour lui. Un air sérieux au visage, il pointa du doigt une direction un peu en hauteur, derrière l'hybride loup.

-Hé regarde il est là ! s'exclama-t-il. Mince, trop tard, il est parti...

L'adolescent sourit, avec amusement mais sans méchanceté.

-Alors, qu'est-ce que t'en dis, tu veux un coup de main ?

Blancpoil regarda globalement le deuxième texte que Samuel était en train d'écrire, sans le comprendre encore une fois. Il pencha la tête sur le côté et fit une petite moue. C'était vraiment trop compliqué a déchiffrer pour un jeune louveteau. Au moins, la boulasse lumineuse avait l'air de réagir a ce qu'il disait, c'était déjà ça. Même s'il fallait bien avouer que Blancpoil n'était pas sûr s'il s'agissait d'un dialogue de sourd ou autre chose.
Le Suédois se décida tout de même a se rematérialiser. Le petit lupin accueillit la transformation du jeune humain avec un sourire de soulagement. Ce serait surement plus facile pour discuter. Peut-être même qu'il allait lui dire ce qu'il avait marqué. Mais au lieu de cela, il pointa du doigt une direction en affirmant qu'il y avait un esprit juste derrière lui. Crédule comme pas deux, Blancpoil se retourna aussitôt et le chercha du regard.

"Où ça ? Qu'est-ce qu'il fait ?"

Ah bah non, il était parti... Le louveteau fit de nouveau face a Samuel en lâchant un "Oh..." d'une mine déçue. Il avait peut-être eu peur... Quoique ça peut avoir peur les esprits ? Ou alors il allait se cacher plus loin en attendant que Blancpoil finisse sa construction. Oui ça devait être ça. Dans ce cas, il valait mieux faire comme si il n'était pas la et continuer l'air de rien.

Samuel quant a lui, lui proposa une chose bien étrange aux oreilles du lupin. Un coup de main ? Blancpoil le regarda en haussant les sourcils, visiblement surpris.

"Mais... Pourquoi tu veux me frapper ? Je t'ai rien fait !" se plaignit-il.

Il recula d'un pas. On ne savait jamais, des fois qu'il lui saute dessus. Sa moue se transforma en un air interrogateur.

"Vous êtes vraiment pas bien, vous les bipèdes. C'est une pratique courante chez vous de vous donner des coups de main ? Ma môman m'avait dit de me méfier de vous parce que vous êtes méchants avec les autres animaux, mais je savais pas que vous vous amusiez a vous taper dessus entre vous. Et puis d'abord, c'est vraiment pas le moment, là..."

Blancpoil réfléchit un instant, puis osa demander.

"Dis, en parlant de main, tu veux pas m'aider avec ça ?" demanda-t-il en désignant du museau son bout de construction, "Vos pattes a vous, elles sont plus pratique pour déplacer les objets. Pis ce serait plus intelligent que de se taper dessus...

Invité

La surprise changeait de camp, et Samuel fronça un instant les sourcils en réponse à l'incompréhensible réaction de Blancpoil. Après réflexion, il choisi d'en assumer une grande partie de la responsabilité. Il était certain que ce genre de méprise n'aurait jamais eu lieu s'il avait pu s'exprimer à l'écrit. Il aurait pu alors choisir ses tournures plus posément, pour éviter les quiproquos. Parler lui semblait si peu naturel, les mots sortaient de sa bouche sans qu'il dispose du temps de les mettre en ordre comme il l'aurait souhaité. L'adolescent soupira, mais afficha de nouveau aussitôt une figure enthousiaste. Le lupin, sans doute conscient du malentendu, ne semblait pas en faire trop de cas. En tout cas, le suédois était fixé : pour prendre les choses au mot, sans aucune interprétation linguistique, son interlocuteur ne devait pas avoir beaucoup l'habitude de discuter. Même un enfant de sept ans aurait probablement pu distinguer le sens de son propos.

-C'est ça, donner un coup de main, ça veut dire, aider. Pas facile l'anglais, mais il y a des langues plus difficiles encore ! C'est ta langue maternelle ? Moi je viens de Suède. On se débrouille plutôt bien en anglais, alors pour moi, ça va !

Ce n'est qu'en se remémorant le discours complet de Blancpoil, pour tenter d'y déceler un accent, que Samuel tiqua. Avec les autres animaux, avait-il dit. Peut-être se trompait-il encore une fois de mot. Après tout, les humains n'en étaient pas moins des animaux, d'un point de vue technique, mais l'adolescent en doutait. La situation portait quand même, encore une fois, à confusion. Il choisit de ne pas relever. Cependant, indiquant du regard la cabane, il s'enquit tout de même, pour mieux cerner les motivations de l'hybride-loup :

-Tu comptes vraiment dormir dedans, ou c'est juste comme ça ? Ça serait peut-être plus agréable de la faire à l'intérieur, non ? Il y fait un peu plus chaud ! Enfin, sauf si je suis le seul ici à ressentir le froid ! Prit d'un doute, il poursuivit. Euh, tu crois qu'ils ont des lits, ici ?

Il ignorait si les extraterrestres qui avait construit la forteresse volante avaient des conventions de sommeil identiques à celles des terriens. Peut-être dormaient-ils dans des cuves, ou des caissons, comme dans les films de science-fiction. Peut-être ne dormaient-ils même pas.

-Enfin, si t'es déterminé, je suis prêt à t'aider !

Le suédois avait placé ses bras devant lui, paumes face au ciel. Il commença consciencieusement à inspecter l'ouvrage.

Blancpoil écouta avec attention les explications de Samuel. Donner un coup de main signifiait aider chez les humains ? Il cligna plusieurs fois des yeux en signe de réflexion. Drôle d'expression... Décidément, le petit lupin en apprenait tous les jours avec eux, du moins de ce qu'il arrivait a retenir. Parce que Samuel, lui, continuait a dire des mots inconnus aux oreilles de Blancpoil, comme anglais et Suède. Détournant le regard et en plissant les yeux, le petit lupin réfléchit un instant pour essayer de raccrocher ces nouveaux mots a son maigre savoir sur les humains.

Alors euh... La Suaide, c'est une autre contré des Etazoulis ? Je savais pas que les humains, ils pouvaient parler plusieurs langues entre eux. Vous êtes compliqués. Je veux même pas imaginer que les autres animaux aient aussi plusieurs langues. Ce serait vraiment pas pratique. Moi ma langue maternelle, c'est celle des loups, c'est normal, non ? Quoique j'ai déjà essayé de discuter avec un chien, mais il sont bêtes. Et puis les autres sont pas très bavards. Mais j'avais jamais pris le temps de discuter avec des humains avant d'intégrer la meute des X-mens. Ma maman m'a toujours interdit de m'approcher des gens comme vous. Enfin... de m'approcher des bipèdes en général. expliqua-t-il un peu gêné.

Le Suédois demanda ensuite si la construction du lupin lui servirait de cabane pour la nuit. Blancpoil fit immédiatement la moue puis fit un grand sourire, amusé du quiproquo.

Mais naaaaaan, enfin ! c'est pas pour moi ! Pis j'ai pas besoin de vos lits pour dormir, d'abord. Pis j'ai même pas visité, en plus.

Sa mine réjouie se ternit un instant.

En fait, c'est... un ornement, dit-il en cherchant ses mots. C'est pour guider les esprits pour qu'ils puissent rejoindre leurs ancêtres parmi les étoiles. Comme y'a des membres de la meute qui sont morts, je me disais que... Enfin... normalement ça marche si on a les corps, mais je voulais quand même essayer.

Il se rapprocha de l'édifice et contempla le ciel, d'un air pensif et nostalgique, pendant que Samuel inspectait son ouvrage.

Les anciens disaient toujours qu'il y avait autant d'étoiles que d'esprits. Et même qu'il y en avait qui se cachaient encore plus loin. Ils nous disaient aussi que c'était du devoir des vivants de guider les morts pour pas qu'ils se sentent seuls et qu'ils soient pas tristes de partir. On célébrait leur départ avec le chant des défunts.

Il tourna lentement la tête pour regarder a nouveau Samuel.

Vous faites pas ça chez vous ? Demanda-t-il naïvement. Enfin en tout cas, il faudrait juste mettre un morceau de bois de biais, sur les deux autres et dirigé vers le ciel, tu vois ? Moi j'y arriverais pas, je suis trop petit.

Invité

Décidément, Samuel n'était pas au bout de ses surprises : il se sentait presque normal, banal, par rapport aux origines extraordinaires de Blancpoil. Il songea au prix qu'aurait payé n'importe quel anthropologue, n'importe quel psychologue, n'importe quel auteur, sa mère comprise, pour avoir l'occasion d'échanger quelques questions avec un individu visiblement éduqué en dehors de toute société humaine. C'était simplement incroyable, et l'adolescent ne réagit pas de suite, hésitant sur le sérieux de son interlocuteur. Pourtant, le lupin semblait absolument sérieux, et pas particulièrement disposé à blaguer. La communication avec un ressortissant d'une culture si éloignée n'allait sans doute pas être très aisée, mais elle promettait d'être hautement intéressante. Quel besoin avait-on de rencontrer des extraterrestres quand des individus aussi différents existaient déjà sur Terre ?

-Non ! La Suède c'est en Europe, de l'autre côté de l'Océan Atlantique... Tu vois à peu près ? Si tu es aux États-Unis par exemple.

Samuel se concentra pour reprendre sa forme éthérée, puis la modeler en une carte du monde grossière, bicolore, sur laquelle figurait un loup schématique et une face souriante, reliés par une flèche. Pas facile de faire comprendre sans utiliser aucune lettre.

Jour 2 - La paix de l'esprit, ça existe encore ? 1359909847074108900

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Laissant son interlocuteur la contempler un temps, il se matérialisa de nouveau.

-Mais alors, ta famille, c'était des loups ? Tu te considères comme un loup, du coup ?

Était-il possible que des animaux autres que les humains développent des mutations ? L'adolescent se souvint avoir un jour trouvé sur internet un internaute qui prétendait que son chat était mutant. Il n'en avait jamais eu confirmation : c'était surtout pour le buzz, mais l'idée n'était après tout pas si absurde. Des mutations génétiques pouvaient bien apparaître sur un canidé...

-C'est dingue ce que tu racontes ! Une conscience de la mort, avec des rites funéraires, les humains doutaient que ça existait chez les autres espèces... Ils pensaient même être la seule espèce a faire ça. Tu as pensé à ce que tu pourrais faire pour la compréhension entre les loups et les humains ? Tu pourrais être un intermédiaire unique ! Ça serait quelque-chose de juste... formidable ! Les loups n'auraient plus jamais à craindre les humains, ils pourraient revenir là où on les avait chassés à cause de malentendus ! Ça serait incroyablement enrichissant pour les humains aussi.

Rayonnant, le suédois revint à des préoccupations plus matérielles.

-D'accord, je vais essayer de faire ça.

Il tenta d'attraper une des poutres, ressentant une douleur vive au moment de la soulever. Samuel contempla le dos de sa main gauche, entaillée par les griffes du fauve gigantesque. Il avait presque oublié la plaie, qui continuait d'être assez pénible si on la sollicitait trop. L'avantage, quand il n'était que pur esprit, c'était qu'elle ne le tiraillait plus.

-Pas grave, j'en ai deux, maugréa l'adolescent en saisissant le bois avec son second appendice.

Ce que demandait Blancpoil n'était en apparence pas très difficile, mais c'était une véritable épreuve pour le suédois maladroit. Après plusieurs échecs, les bâtons ne tenant pas en équilibre, il finirait bien par y arriver.

Samuel s'était lancé dans un dessin schématique représentant le monde, et pourtant, Blancpoil ne semblait pas réellement le comprendre. Il dû faire un effort d'imagination pour admettre que les tâches blanches devaient surement être les terres habitable, et les vides euh... peut-être les grands lacs qui bordaient les terres. Oui ce devait être ça. Dans tous les cas, le louveteau avait du mal a réaliser le trajet, mais en se référant a ce qu'il avait lui-même traversé...

Alors... tu viens de loin ? demanda-t-il de sa petite voix juvénile. Pourquoi tu es parti de chez toi ?

C'était la première fois que e louveteau voyait un esprit, ou du moins quelqu'un qui avait l'apparence d'un esprit faire un dessin. Il ne leur connaissait pas ce don. En fait, il ne savait pas grand chose au final. Samuel redevint humain et le questionna sur sa condition, visiblement très intéressé par ce qu'il venait d'entendre. Cette question raviva des souvenirs plutôt douloureux chez le lupin, qui baissa la tête de dépit. Il repensa a ce que Lily-Rose lui avait dit, sa véritable nature. Il en avait pleuré sous le choc. Mais au final, il n'avait pas l'intention de changer sous prétexte qu'il était mutant. Il releva aussitôt la tête avec un grand sourire en repensant a sa famille d'adoption.

Oui !répondit-il avec enthousiasme.On fait tous parti de la meute de Fortnoir. Mon père est un grand chasseur et ma mère, elle s'occupe de la portée. On est avec d'autres familles et des anciens et pis un chef aussi. On s'entraide et on vit ensemble, même si tout le monde se moque un peu de mes pattes avant. dit-il d'un air boudeur.

Il fit un grand sourire a la deuxième remarque de Samuel, puis opina du chef.

Oui oui oui. J'y avais pensé. Je pourrais devenir le premier ambassadeur des loups depuis plus de 50 générations. Et le plus jeune de toute l'histoire des loups. Mes parents seraient surement très fier, mais...Il détourna les yeux, pensif. Mais je ne sais pas si ce serait une bonne idée. Les autres loups n'aiment pas franchement les humains. En fait, ils les aiment pas du tout. Et puis il faudrait la bénédiction du conseil des quatre pour que je sois ambassadeur. Ils se réunissent que quand y'a la réunification des meutes. C'est bientôt, normalement, et je sais même pas si je pourrais y assister...

Perdu dans ses pensées, il regarda Samuel se mettre a l'ouvrage, avant de regarder le dos de sa main. C'est vrai qu'il avait été blessé dans la jungle. Blancpoil fit un pas dans sa direction, légèrement inquiet.

ça va aller ?

Il pouffa devant l'humour du Suèdois, puis se décida a aller l'aider tout sourire. Il n'avait pas l'air très costaud. Pour sûr, ça aurait été plus facile de demander a Mbabarou de les aider, mais Blancpoil ne savait pas ou elle se trouvait. Et puis elle aussi avait été blessé. D'ailleurs, le louveteau songea qu'il faudrait aller prendre de ses nouvelles une fois qu'ils auraient terminé. En attendant, il alla se saisir de sa gueule une extrémité du morceau de bois et alla se placer sur le rebord pour le poser dessus. Samuel n'aurait plus qu'à caler le morceau de bois sur l'édifice.

Invité

-Vous avez un système politique aussi ? Le plus dur doit être fait alors. Ça aurait été compliqué si vous viviez en anarchie, ou dispersés... Mais soudés, il suifferait d'un seul individu charismatique pour créer une ouverture sur les humains ! Ça pourrait être toi ! T'as un sacré destin, la chance. Enfin, je suis pas sûr que ce soit très simple du côté humain non-plus.

Samuel pouffa. Faire l'éloge d'autocrates n'étaient pas vraiment dans sa nature, mais l'Histoire de la Suède avait montré que des monarques éclairés pouvaient être une bonne chose pour la constitution d'un état, au moins au début. Puis il se reprit, se rendant compte qu'il faisait de l’anthropomorphisme. Il ne pouvait comparer les hommes et les loups, quand bien même les deux races semblaient avoir plus en commun qu'il n'y paraissait au premier abord, leur société devait être régie par des règles très différentes. C'était probablement le vocabulaire qu'utilisait Blancpoil -crée par et pour les humains- qui lui faisait croire qu'il comprenait tout.

-Le plus jeune, tu dis ? Mais, euh... tu as quel âge ? Je veux dire, un loup, ça a la même espérance de vie qu'un ch... enfin, ça ne vit pas aussi longtemps d'un humain, non ?

Lorsqu'il était plus jeune, Samuel avait un malinois, qui était mort à onze ans, alors que lui-même en avait six. Le lupin devait-il vieillir aussi vite que n'importe quel autre canin ? Si tel était le cas, alors il serait déjà un vieillard quand le suédois serait encore un jeune adulte. Vu comme cela, l'idée le mettait assez mal à l'aise. Il n'était plus tout-à-fait sûr d'avoir bien fait de poser la question, mais sa curiosité avait pris le dessus depuis un temps déjà sur la délicatesse.

Le ventre de l'adolescent commençait vraiment à lui faire mal, et il sentit un léger vertige, doublé d'une sensation de nausée. Il s'était beaucoup dépensé pendant l'excursion du Om, et n'avait rien avalé depuis. Il ne savait pas exactement dans quelle mesure il était affaibli, mais jugea quand même plus prudent de ne pas trop tarder à chercher de la nourriture. Pas avant, cependant, d'avoir terminé le travail. Acquiesçant, il suivit les instructions de Blancpoil, et tenta de l'aider du mieux qu'il put dans son travail. Il n'eut pas l'impression d'être très utile, néanmoins, sa posture bipède rendit possible certains ajustements difficilement réalisables par son compère.

-Est-ce qu'on est supposé faire quelque-chose de plus, une prière aux esprits ? demanda Samuel lorsque le petit autel fut finalement terminé. Désolé, je crois que je vais aller essayer de trouver quelque-chose à manger, je me sens un peu faible.

Invité

Nat avait écouté Samuel parler de son voyage, tentant d'imaginer ce qu'il évoquait, en se basant un peu sur ce qu'elle connaissait. Les derniers jours l'avaient pas mal secouée, si bien qu'elle n'était pourtant pas si enjouée qu'elle aurait pu l'être face à tout ça. Elle hocha simplement la tête lorsque Sam indiqua ce qu'il pensait de leurs pouvoirs respectifs, songeant qu'il avait peut-être raison, que c'était peut-être plus bénéfique qu'elle le pensait jusque-là, même si à l'heure actuelle, elle devait bien avouer qu'elle aurait préféré ne pas avoir de pouvoir, et être restée tranquillement auprès de Luca en Italie. Il n'empêchait que son pouvoir à lui restait pratique, même si plus égoïste comme il le soulignait, et que ça devait être bien pratique parfois... Quant à sa façon de s'exprimer, elle sourit légèrement, bien qu'un voile triste passât sur son visage.

« C'est une question d'habitude, j'imagine. Moi j'aimerais pouvoir refaire de la musique, mais ici... »

C'était surtout ça, son mode d'expression à elle. Alors évidemment, sur une espèce de forteresse volante, sur une planète perdue elle ne savait où dans l'espace, ça relevait de l'impossible. Un soupir passa ses lèvres, tandis que l'être lumineux parlait de nourriture et qu'un... loup ? les rejoignait sur la terrasse, portant du bois dans la gueule. Et quand la 'bête' lui demanda pardon, elle s'écarta sans rien dire, la bouche entreouverte, et les yeux ronds, dévisageant sans vraiment de retenue - et sans doute de façon quelque peu impolie pour le coup - Blancpoil. Et quand le suédois s'excusa et alla 'discuter' avec l'autre, elle hocha doucement la tête, un peu abasourdie par le spectacle étrange d'une boule de lumière et d'un loup conversant ensemble.

Elle n'avait pas trop eu l'occasion de rencontrer de mutants avant son départ pour Graymalkin. Moins encore de côtoyer des mutations aussi visibles. Alors là... c'était surréaliste. Et quelle conversation en plus ! Des esprits ? Mais qu'est-ce qu'ils racontaient ? Et Samuel qui avait l'air de grandement s'amuser... Il lui fallut une petite minute pour comprendre que le suédois se moquait gentiment du loup. Qui ne comprenait manifestement pas toutes les expressions banales, ce qui laissa la rouquine plus perplexe encore. Ou est-ce qu'il avait été élevé ? Parce qu'un coup de main, c'était quand même pas l'expression la plus farfelue du monde. Et cette différenciation entre lui et les bipèdes ? Les pattes des humains ? Elle ne comprenait pas, vraiment, pour elle, les mutants avaient grandi de la même façon qu'elle, dans une famille normale, jusqu'à ce que les pouvoirs se révèlent... Ou alors c'était un problème de langage maternel comme le soulignait Sam ?

Non... Sa langue maternelle, c'était celle des loups. Le visage de l'italienne reflétait clairement sa complète stupéfaction face à ce qu'il se passait, à ce qu'il se disait. Un loup qui construisait une sorte de tombe ou de mausolée pour les esprits des défunts, ça dépassait son entendement. Même si l'acte était somme toute fort louable et que Grand-Mère aurait fort apprécié l'initiative, eût-elle été catholique. En attendant, le suédois aidait le loup à monter sa construction, avec visiblement un peu de mal, ce qu'elle n'avait pas compris tout de suite, ignorant sa blessure.

« Je peux vous aider ou c'est bon ? »

Manifestement, ils s'en sortaient tous seuls, et il fallait bien avouer qu'elle avait mis un bon moment à arrêter de contempler la scène, incrédule, avant de réagir. Et quand Sam évoqua sa faiblesse et son inanition, elle fronça légèrement les sourcils, se rapprochant de lui, prête à le soutenir si besoin.

« On peut redescendre, et fouiller pour trouver de la nourriture... Il doit bien y avoir un truc à manger quelque part... Enfin j'espère parce que sinon, c'était pas la peine que Danger vienne nous chercher... Tu veux venir avec nous ? »

Pour sa part, elle n'avait pas vraiment faim... Les événements récents avaient plus tendance à lui couper l'appétit qu'autre chose. Mais en même temps, il valait mieux qu'elle tente de se nourrir un peu quand même, et elle avait résolu de se forcer un peu, s'ils trouvaient quelque chose de mangeable sur place...

¤ Je vous présente mes plus plates excuses pour mon absence prolongée, je vais tâcher d'être plus réactive à l'avenir... u_u ¤

c'est quoi "politique" ? demanda Bancpoil d'une moue incrédule, après avoir posé son bout de bois. Sa besogne fut vite terminée pour sa part. Il suffisait simplement de le déposer a même la pierre.

Toutefois, le jeune lupin réussit a décortiquer certains autres mots que le Suédois employait. Il s'essaya a formuler une réponse plutôt évasive en roulant des yeux, cherchant visiblement a expliquer succinctement.

Bah... En fait euh... on est dispersé et pis soudé a la fois. C'est pour ça qu'on fait des rassemblements de meute, des fois. Mais ma maman m'a raconté qu'on le fait pas trop souvent parce que sinon, les mâles passeraient leur temps a se bagarrer pour un oui ou pour un non. C'est un peu compliqué chez nous. Et pis je suis pas sûr d'être le chasseur de la situation pour ce genre de tâche. En fait, je suis même pas chasseur...

Il conclut par un petit rire embarrassé. ça ne le gênait pas tant que ça de parler du mode de vie des siens, mais il n'était pas sûr que les bipèdes, même si c'était des mutants, comprennent et acceptent l'intégralité de ses propos. Et puis, e fait de ne pas être encore ambassadeur ne lui donnait pas vraiment le droit de divulguer certaines pratiques des loups. A vrai dire, il n'était même pas sûr de cela. Mais dans le doute, s'abstenir. Grand-père lui disait toujours "Ne t'engage dans une traque que si tu es certain de la mener a bien". En un sens, Blancpoil se disait que faire la causette avec des bipèdes était un peu la même chose. Cette petite conversation avec Samuel avait eu le mérite de le lui rappeler, au même titre que ses devoirs envers son peuple.

Il arqua cependant un sourcil lorsque Samuel le questionna sur son âge. Concept ridicule a ses yeux dont il ne voyait pas l'utilité.

Bah oui, le plus jeune. D'habitude, le conseil nome les ambassadeurs parmi les plus sages et les plus forts des loups de toutes les terres blanches. Mais je crois que comme ils sont sages, ils sont comme des anciens. Du coup, je crois pas qu'il y ait eu de louveteau ambassadeur. Ce serait rigolo ! Mais nous on compte pas les... les "âges" comme vous dites. On compte en génération. et une génération, c'est une vie de loup, en gros. Et comme on aime pas les humains... Enfin, comme la majorité de mes miens, ils aiment pas les humains, bah on sait pas si vous vivez plus longtemps. On s'est jamais posé la question d'ailleurs.

Et la gaffe, il venait encore de parler des coutumes des loups. Décidément, le louveteau avait la langue trop pendue pour se priver de parler de tout et de rien. Après s'être rendu compte de sa bourde, il haussa finalement les épaules. Bon... personne ne serait au courant, si ? Au pire, il ferait mieux demain !

Il esquissa un sourire ravi lorsque Samuel finit enfin son ouvrage et recula en direction de Nataša en de petits bonds guillerets.

Wahou ! Il est trop bien ! Avec ça les esprits, ils seront contents, c'est sûr !

Il contempla l’œuvre pendant que le suédois demandait la suite du programme, avant de préciser qu'il irait bien grignoter quelque chose a manger. L'autre mutante avait l'air d'accord. Pour sa part, le louveteau n'avait pas très faim pour le moment. Et puis il lui restait encore quelque chose a faire, ici.

Quand un loup rejoignait les esprits, toute la meute se réunissait devant le corps et on entamait le chant des défunts. ça se fait a plusieurs, normalement, et en plus, on a même pas les corps. Mais comme tu as vu un esprit quand je suis arrivé, peut-être qu'ils attendent quand même le chant. Je vais essayer.

Blancpoil ne se soucia même pas de savoir si les deux autres mutants souhaitaient assister a la cérémonie. En fait, cela allait de soit pour lui. Après tout, ils faisaient tous parti de la même meute. Il ne s'attendait certes pas a ce qu'ils chantent eux aussi, cela dit. Ils ne savaient pas parler la langue des loups de toute façon. Il s'avança de quelques pas pour se placer devant le mausolée de fortune, puis essaya de se rappeler les paroles dudit chant, qu'il n'avait pas l'habitude de pratiquer, mais qu'il avait pu tout de même observer. Par soucis de bienséance, il mima le moindre geste qui lui revenait. Ainsi s'assit-il d'abord sur son séant, puis ferma lentement les yeux. Il inspira profondément puis hurla longuement, gorge déployée, museau levé vers les cieux. Son cri n'était pas aussi puissant que celui d'un adulte, mais le louveteau semblait y mettre tout son coeur, sans se soucier du "quand diras-t-on ?". Des variations de tonalité s’immiscèrent bientôt dans ce long hurlement qui se transforma rapidement aux oreilles de ceux présents en un chant harmonieux. Le louveteau prit de temps a autres de courtes poses pour reprendre son souffle, puis continuait de plus belle cette complainte aux tonalités tristes et mélancoliques. Après quelques minutes, Blancpoil finit par baisser le museau, les yeux toujours clos, puis abaissa distinctement sa tête en une légère révérence.

Il se releva et tourna finalement le dos au mausolée, puis sourit a ses camarades.

Voila ! finit-il par dire d'une mine réjouit. Moi j'ai pas faim, je vais aller explorer un peu ce gros terrier. On se voit plus tard !

Le louveteau s'avança d'un pas léger vers l'escalier, puis se figea, réalisant qu'il valait mieux donner aux bipèdes une petite recommandation. Il se retourna et leur murmura, persuadé qu'on les épiait du regard.

Restez pas dans les parages. Les esprits aiment pas trop qu'on reste pour les regarder.

Puis il s'engouffra finalement dans l'escalier d'un pas pressé avant de disparaitre.

Salle de repos

Invité

Les loups n'avaient à l'évidence pas la même conception du temps que les humains, et c'était après tout bien normal, se dit Samuel. Cela confirmait quand même ce que l'adolescent avait pressentit : son interlocuteur n'était pas très vieux, quel que soit la considération. Encore un sujet passionnant sur lequel ils auraient pu tenir des heures, mais le lupin ne semblait pas trop vouloir creuser la question. Le suédois le comprenait, peut-être lui-même n'aurait pas aimer parler de ça avec une race pouvant vivre des siècles ; il le laissa donc de bonne grâce changer de sujet, occupé à placer la dernière poutre.

L'enthousiasme du loup était assez communicatif, et malgré son relatif malaise, Samuel esquissa un grand sourire satisfait. C'était vrai, après tout, il n'était pas si mal, cet autel. Il regretta presque de ne pas pouvoir se joindre au chant rituel. Cependant, qu'il ne trouvait déjà pas sa voix parlée harmonieuse, alors il n'allait certainement pas se lancer dans un récital. D'autant que ce qu'il entendit n'avait rien de commun avec ce que des cordes vocales humaines auraient pu retranscrire. Le suédois frissonna, mais cette fois, ça n'avait rien à voir avec le froid. Il était conscient d'assister à un événement émouvant, et de plus très rare. Bien peu d'humains avaient dû jouir de ce privilège unique d'assister à une cérémonie funéraire chez les loups, même réduite à un seul individu. C'était une chose d'entendre les hurlements d'une meute, la nuit, c'en était une autre d'avoir ne serait-ce qu'une vague idée de leur signification. Les motifs et les variations étaient élaborés, et quand bien même Samuel n'y connaissait pas grand-chose en musique, il savait que l'harmonie du cri ne pouvait être due au hasard. Les loups avaient donc possiblement aussi une culture artistique. Peut-être Nataša, forte de son expérience, aurait un avis plus développé.

Même quand Blancpoil fut parti, le suédois resta un peu hébété quelques secondes de plus. Puis il sourit de plus belle et s'exclama à l'adresse de l'italienne :

-Oh, c'était vraiment... intéressant !

Il se frotta la tête, les préoccupations matérielles revenant hélas assez vite, et l'empêchèrent d'apprécier autant qu'il l'aurait voulu la prestation de son coéquipier. C'était pénible, mais il dut constater que la faim prenait le dessus sur son goût pour la découverte. Ça ne serait jamais arrivé avant qu'il ne redevienne matérielle, songea-t-il avec un certain regret : en plusieurs années d'aventures, il n'avait jamais eu à s'inquiéter de ce genre de chose. Que cela revienne maintenant que ce qui lui arrivait devenait vraiment intéressant était vraiment un sacré manque de chance. Cette impression de gâchis entama légèrement son moral, sans qu'il ne l'exprime outre mesure. Il n'était pas non plus le genre à se plaindre.

-Oui, j'espère aussi que DANGER a prévu le coup ! Mais elle n'a peut-être pas besoin de manger, alors, bon, il se peut qu'elle est oublié aussi...

Conjecturant cela, Samuel suivit les recommandations de Blancpoil et commença à s'éloigner d'un pas assez lent -le seul qui lui assura de ne pas perdre son équilibre- vers les escaliers.

-Je vais aller lui demander ! S'il y a une personne qui connaît les ressources de cet endroit, ben ça ne peut être qu'elle. Je vais faire un tour rapide des salles pour voir où elle est... je lui demande et je reviens.

Le mot rapide sous-entendait évidemment qu'il le fasse sous forme de photons. Il aurait été bien capable de toute exploration rapide s'il avait du s'en remettre à ses seules deux jambes. Et puis, tout bien réfléchi, il ne se sentait pas trop de le descendre, finalement, cet escalier. L'épreuve lui paraissait beaucoup plus hasardeuse que de le monter...

Atelier High-Tech ?

Invité

Cette conversation était surréaliste. Et Nat observait, admirative, intriguée, et curieusement, pas trop apeurée. Elle n'était pourtant pas toujours très à l'aise avec les mutations visibles, mais le loup avait l'air... sympa, si on pouvait dire ça comme ça, et elle était un peu revenue de la frayeur provoquée par la dématérialisation de Sam un peu plus tôt. Elle était même assez curieuse, et intéressée, par le vécu de Blancpoil, même si elle avait toujours du mal à appréhender d'où il venait exactement. Ce qui la surprenait aussi, c'était cette constatation que finalement, une mutation n'était pas forcément uniquement celle d'un humain prenant des caractéristiques animales, mais que ça pouvait être aussi un animal se retrouvant avec des caractéristiques humaines. Parce que c'était ça, là, non ? Elle n'était trop sûre de rien, et préférait éviter de poser des questions qui pourraient être blessantes sans le vouloir. Parce qu'au fond, c'était vrai. Pourquoi le gêne X serait-il réservé aux humains, hein ?

N'empêche, voir un loup exécuter un rite funéraire, ça valait son pesant de cacahuètes. Il était si joyeux en voyant la construction qu'ils avaient faits ensemble, Sam et lui, ça faisait chaud au coeur, même si la rouquine n'était pas aussi croyante que pouvait l'être sa grand-mère. Et puis l'entendre chanter pour les défunts, c'était touchant, particulièrement, même, aussi étrange que ça put lui paraître. Elle ferma un instant les yeux, écoutant la mélodie que sa voix serait bien incapable de reproduire, se demandant si elle pourrait la retenir et la reproduire pour accompagner un jour le loup à la guitare - pensée ridicule puisque sa gratte était restée à Graymalkin comme le reste de ses affaires à des années-lumière d'ici. Et l'italienne songea à Kitty, qui était restée là-bas, sur la planète de glace, ou tout au moins ce qu'il en restait, pulverisée qu'elle avait dû être par l'explosion. Un haut-le-coeur la prit comme elle imaginait un peu trop bien le corps déchiqueté de la gamine, et elle porta une main à ses lèvres, avant de murmurer une prière à son tour, en italien, pour la petite fille. Le loup, lui, achevait son chant, et les quittait, et la musicienne esquissa un sourire comme il parlait d'explorer ce "terrier". Il faudra qu'elle s'habitue à son langage, tiens...

Elle hocha la tête à sa recommandation, pas très certaine qu'il y ait vraiment danger, mais certaine non plus de vouloir tenter de le diable, et se tourna vers Sam, qui affirmait son intérêt pour ce qui venait de se dérouler, et elle acquiesça de nouveau.

« Fascinant même... »

Elle retint cette phrase qui lui trottait dans la tête : 'j'ai l'impression de débarquer sur une autre planète', parce que c'était... un peu trop proche de la réalité dirons-nous. Elle grimaça à l'idée que le robot qui les avait sauvés ait pu oublier qu'en tant que créatures organiques, ils avaient besoin de se nourrir.

« J'espère pas, ça serait con de nous avoir sauvés pour nous laisser crever de faim... D'accord, je bouge pas. »

Elle n'avait pas forcément compris qu'il voulait reprendre sa forme lumineuse, mais en réalité, ça l'arrangeait d'être un petit moment seule devant le mausolée. Et le temps que le suédois fut parti, elle s'agenouilla devant la construction et chanta un vieux chant croate qui parlait d'un amour perdu, mais dont elle s'était toujours demandé s'il parlait de rupture ou de deuil, et qui lui semblait convenir à la circonstance, même si ça pouvait sembler discutable.

Provenant des étages supérieurs, un petit singe bleu aux cheveux oranges et au regard vairon tomba sur ses pattes après avoir dévalé plus ou moins agilement le mur en s'accrochant comme il le pouvait, sans hésiter à planter ses griffes sur la façade pour se faciliter la descente. Jetant un oeil autour de lui, il ne manqua pas de remarquer qu'une fille était présente !

Malgré la haine que l'enfant singe éprouvait pour sa mère, la féminité restait encore la seule part dans l'humanité qui ne l'avait jamais déçu jusqu'à présent. Du moins, chez les femmes relativement jeunes. Pour les adultes, il n'y avait plus rien à faire.

Aussi, il ne laissa pas le temps de réagir à sa cible lorsqu'il se jeta dans ses bras. Il se cacha le visage dans son cou, recherchant sa protection. Sa longue queue vint s'enrouler autour de sa taille pour renforcer la prise et immobile, Eko ne broncha pas. Sans le vouloir, ses griffes encore sorties serraient les bras de Natasa à cause de la panique, rappelant la sensation qu'un chat fournissait quand il était sur les cuisses.

Au moins ici, Frederik ne viendrait pas le chercher...