Jour 1 - Îles combattantes

Devant Timour, les deux hommes semblèrent hésiter une seconde puis l'un d'eux fit signe au petit mutant de monter derrière lui. Sans attendre, les deux motos de l'espace décolèrent du sol d'un bon mètre et l'ensemble du groupe de motard put remarquer que le vaisseau gigantesque pointait le nez à l'horizon tandis qu'ils faisaient un virage aérien pour se positionner dans une direction précise.

Solidement accroché à son conducteur, Timour ressentit une poussée violente en arrière qui l'aurait aisément fait basculer sans attache. Les deux véhicules atteignirent rapidement une vitesse de croisière devant dépasser de peu la cinquantaine de kilomètres par heure et fonçait dans la nuit noire vers un objectif connu seulement des autochtones… [la suite dans le post suivant]

De leur côté, Frederik, Mia et Jane avaient pris leurs jambes à leurs cous et détalaient dans la position opposée à l'armée qui s'approchait lentement… et dans la direction du vaisseau, d'où provenaient les écureuils qui purent rejoindre très facilement leurs cibles. A une distance de deux ou trois mètres au dessus des mutants, les soldats semblèrent donner un mouvement de bassin qui leur offrit ensuite une stabilité en position "debout" grâce à une sorte de jetpack qui jusque là n'avait pas été visible.

Sans laisser le temps de réaliser les défenses possibles, les soldats volants sortirent des armes semblables à celles des autochtones rencontrés précédemment et tirèrent à eux dix sur les trois mutants dénudés sans leur laisser la moindre chance de résister. Une vague de rayon électrique les relia rapidement à leurs attaquants et ce fut un trou noir qui suivit immédiatement le choc, après une douleur trop brève pour être réellement ressentie. [Mia et Frederik : ici, Jane : ici]

Fonçant à toute vitesse au dessus des herbes dans la nuit noire, Timour finit par remarquer rapidement un point lumineux à l'horizon. En s'approchant, les formes s'affirmèrent à peine à cause de la nuit et il tenta de distinguer la base militaire dans laquelle il allait pénétrer. Un froid poignant commençait à faire frémir le mutant, lequel n'était pas seulement provoqué par la vitesse.

Des remparts en bois entouraient le camp de trois hauteurs d'hommes et des tours de guet renforcées étaient réparties à distance régulière afin d'optimiser la vision alentour. Une énorme porte flanquée de tours trônait, portes fermées, au milieu du campement et semblait n'être que l'unique moyen de pénétrer dans la zone.

Les deux motos volantes s'arrêtèrent devant les portes et les gardes en haut signalèrent l'arrivée par des paroles incompréhensibles. Les portes s'ouvrirent lentement en grinçant et les deux motos pénétrèrent dans le camps. Un peu partout, des feux discrets permettaient aux soldats de voir à quelques mètres autour d'eux. Certains s'affairaient à diverses activités tandis que d'autres se réchauffaient auprès des brasiers.

Un peu partout, Timour pouvait voir de grandes silhouettes de constructions dont il ne pouvait pas distinguer l'utilité à cause de l'obscurité. Sa mémoire pourtant lui fit deviner que certaines étaient des catapultes comme celles proches de son lieu de départ.

Les motos s'arrêtèrent finalement, proches d'autres plus ou moins bien alignées et les deux soldats descendirent. Se hâtant, ils se dirigèrent rapidement vers une grande tente dans laquelle ils entrèrent, oubliant totalement l'empathe.

Timour poussa une exclamation de joie au signe positif de l'homme masqué. Il ne se fit pas prier et courut le rejoindre sur sa moto étrange. Le départ fut tellement rapide que l'empathe eut à peine le temps de tourner son regard vers ses coéquipiers. Trop loin pour profiter du lift inespéré, ces trois braves avaient choisi une solution incertaine. L'Azéri en conçut une pointe acérée d'inquiétude. Non qu'il tenait particulièrement aux deux meufs délurées, mais il regrettait l'absence de Frédérik. Il lui en voulait également de la tournure des choses.

Mais il n'était pas encore temps pour ces réflexion. Le voyage vers l'inconnu continuait et l'énorme vaisseau en mouvement, au loin, scellait sans doute les existences des trois autres mutants. L'empathe s'accrocha comme un diable à son chauffeur car un violent mouvement avait bien failli le désarçonner.

L'herbe défilait sous la moto, à une vitesse relativement tranquille selon les standards du mécano empathe. La nuit s'installait pour de bon, et le froid fouettait le X-Man peu vêtu. Il regardait de temps à autre l'horizon, une lueur apparut bientôt par dessus l'épaule du convoyeur.

On fit halte, devant une sorte de grande et sombre palissade. Le lieu était-il dans le genre de ces forts de la Guerre de Sécession ? Ou plutôt les châteaux du Moyen-Age ? Timour avait une préférence pour les références américaines, aussi penchait-il pour la première option.

La suite eut tendance à confirmer cette impression. Le lieu semblait clairement à vocation militaire, un style de caserne avec des soldats en campagne. Il devina des catapultes. Pas de doute, on préparait, voire on menait, une belle baston dans le secteur.

Timour fut pour le moins vexé d'être laissé là par ses bienfaiteurs. Mais surtout, il avait grand froid. Il n'avait pas l'intention de se les geler ici à les attendre. L'examen minutieux des motos, lui aussi, attendrait une heure meilleure.

L'Azéri tremblant et claquant des dents avisa un petit groupe d'individus autour d'un brasier. Il s'approcha timidement en tenant ses bras enroulés autour de ses frêles épaules. Il toussa pour faire comprendre son malaise et attirer l'attention.

Bien sûr il sonda les émotions à portée. Un empathe averti en vaut deux.

"Pardon... bonjour... Je peux me réchauffer ?"

Dit-il en ne cachant pas ses tremblements cruels. Timour préférait sympathiser avec les gaillards plutôt que de s'abaisser à suivre docilement les deux motards du ciel vers la tente où on ne l'avait pas convié !

Les soldats observèrent l'arrivée auprès d'eux de Timour avec une certaine surprise. Ils le détaillèrent un instant et l'empathe put ressentir une once d'hostilité provenant des trois soldats sans casques qui se réchauffaient lorsqu'il parla. Un silence de quelques secondes s'installa, pesant, sans qu'aucun des présents ne semble savoir quoi faire. L'un d'eux finit par réagir et annonça d'une voix plate en cherchant ses mots :

" Tu devoir pas parler langue Ordre. "

Ils s'échangèrent quelques phrases entre eux dans la langue inconnue puis se désintéressèrent progressivement de Timour. Le moral ne semblait pas au beau fixe. Chacun profitait d'un feu en attendant quelque chose, comme dernière source de plaisir.

Soudainement, une cloche retentit. Le son provenait de la tente dans laquelle les deux premiers autochtones étaient rentrés. Il fut rapidement relayé par d'autres cloches pour que tous puissent l'entendre au mieux. Un homme se mit à crier, en sortant de la tente :

"Ma Mererat ynneja !"

Rapidement, la phrase fut répétée partout dans le camps. Une activité soudaine se mit en place. Les hommes décollèrent de leur position en toute hâte et chacun s'attela à des tâches pour lesquels ils semblaient être entraînés. Timour fut soudainement submergé par de nombreuses vagues de peur et de mal être, d'anxiété et de crainte. De nouveaux brasiers furent allumés avec d'étranges pierres rougies qui semblaient être enflammées de l'intérieur :

Spoiler:

Timour put soudainement découvrir l'arsenal qui était en place au mieux. Des catapultes, des sortes de tourelles anti-aériennes, un véhicule bipède avec ce qui ressemblait à une gattling, ainsi que quelques voitures blindées armées jusqu'aux dents d'un canon et d'une gattling, sans oublier la fameuse catégorie de catapulte.

Spoiler:

Passant près de lui, l'homme qui avait parlé quelques mots de sa langue attrapa Timour par le bras, pressé, et lui pointa une tente du doigt :

" Mererat attaquer ! Guerre ! Guerre ! Cacher !"

Le camps endormi était soudainement devenu une véritable fourmilière dans laquelle on aurait donné un coup de pied, si bien qu'il était difficile de savoir réellement si tous ceux qui courraient d'un bout à l'autre du camps savaient précisément où ils allaient.

Un homme était sorti de sous la tente de commandement, arborant une armure étrange, faite de rouages, binocles et autres éléments dont il était difficile de déterminer tout à fait l'utilité. Un masque noire lui cachait le visage, et il portait au dos des ébauches d'ailes. Sur son poignet droit arrivait une sorte de conduit alimentant probablement l'élément sur sa main.

Spoiler:

Timour sursauta en entendant le bourru gaillard parler la langue de Mister Bean !! (Oui Timour avait vu bon nombre d'épisode remasterisés à l'école) C'était émotionnellement intense, il n'était donc pas entièrement perdu ! Dommage que le sens des paroles fut si obscur et négatif. La joie de l'empathe retomba aussitôt, dépité de se voir intimer de ne pas parler, précisément, la seule langue commune !

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Timour remarqua que les hommes n'étaient pas hostiles. Ils avaient de plus grands soucis que cette rencontre du troisième type. Un cri le sortit de ses pensées silencieuses. Encore ce "mererat"... était-ce donc le nom de ce gros vaisseau qui avait anéanti ses braves coéquipiers ?

Le stress submergea Cupidon devant cette menace qui planait très fort sur le camp. Autant en vrai que dans les imaginations. Il resta transi, angoissé, et ne conçût qu'une vague impression de curiosité en voyant les étranges pierres rouges. La lumière se fit pourtant et dévoila des armes de guerre en série. Il n'était plus douteux que ce camp était militaire.

Mais quelque chose arracha le bras et l'épaule de Timour, l'emportant tout entier et s'abaissant à lui parler dans sa "langue ordre".

"Aïe ! Heu ouais d'accord, merci !"

Bafouilla-t-il, gagné par la peur panique de cet homme. Le danger n'avait donc qu'été évité. Timour allait donc finir comme ses sinistres comparses ? Le X-Man fila, porté par la peur, jusqu'à cette fameuse tente d'où sortait un vaillant capitaine. Sa petite mâchoire s'abaissa devant l'étrangeté de l'armure.

Il fallait qu'il obtienne la protection de ce haut personnage.

En approchant, Cupidon sonda prudemment les émotions de l'homme masqué, en prenant garde au moindre bouclier psychique. Il joignit ses petites mains devant lui et déboula, torse et pieds nus, devant ce grand homme. La "langue ordre", c'était peut-être la sienne ? Cupidon bomba quand même le torse et se hissa au maximum de sa taille.

"Au secours, Monsieur ! Je suis Cupidon, j'ai été sauvé par vos gardes, contre Mererate qui arrivait et qui a tué tous mes amis, donnez-moi des armes et une armure et je vous aiderai à combattre !"

Il avait déjà vu ça dans des films, c'était évident que ça allait marcher.

Arrivant sous le nez de l'homme en armure, celui-ci tourna vivement la tête vers Cupidon. Impossible de dire à cause de son masque quelle avait été sa réaction. Impossible ? Pas pour un empathe. Timour ressentit la surprise et une pointe d'interrogation en découvrant l'étrange personnage sous ses yeux, et d'autant plus lorsque celui-ci parla. Aussitôt, l'homme se méfia.

" Si tu parles la langue de l'Ordre, pourquoi crains-tu leur Mererat ? Tu es un pirate ? Un mercenaire ? Un déserteur ? Tu es bien étrange petit monstre ! Cherches-tu la mort ici ? C'est tout ce que tu y trouveras. Seuls les hommes combattent."

Le mutant ressentit un pointe d'hostilité et la méfiance de l'officier augmenta. Une sensation de crainte était également présente, mais elle paraissait tamisée en comparaison de celle des soldats.

Autour d'eux, les soldats continuaient à courir dans tous les sens. Les armes étaient orientées vers le ciel et les véhicules étaient sortis autour du camps qui avait ouvert en grand sa porte.

Branché sur les émotions de son vis-à-vis, Timour vit qu'il y avait un gros travail pour gagner sa confiance. Il fut blessé du mépris dardé par le capitaine, dans ses paroles. Ah s'il savait que le frêle empathe avait été le bras droit et l'éminence grise du grand Walentyn ! Il ne le dénigrerait pas ainsi. Timour serra les poings. Il comprit que la méchanceté était motivée par une crainte latente, cette crainte étant l'émotion qui déterminait toutes les autres...

"Je suis un homme, et la preuve, j'ai été sauvé par vos soldats ce qui fait que j'ai une dette envers vous. Et j'ai le droit de demander de la payer en vous aidant !"

Pour avoir fréquenté feu Gregory Arkin, Timour savait combien les dettes étaient un ferment de relations durables et viriles. Il s'anima.

"Je suis un genre de mercenaire mais pas de cette planète bordel ! Je savais même pas que leur Mererat parlait anglais moi ! C'est même pas ma langue maternelle, je parle bien mieux azéri."

L'agitation autour de lui le gagnait. Il ne voulait pas mourir sous les coups d'une bataille totalement étrangère, par des armes d'une technologie médiévale avancée, ignoré de tous. Il lui fallait convaincre le général de son utilité. Et visiblement, si on portait pas une armure bardée de rouages et de tuyaux, on ne servait pas à grand chose !

"Croyez-le ou pas, je peux guérir les gens de la peur."

Il plissa ses grands yeux d'insecte, creusant quelques rides rondes sur son front et fixa intensément le grand homme. Il s'employa alors à éteindre cette nappe de peur qu'il avait ressentie chez lui.

Si les premières paroles de Timour intriguèrent particulièrement l'homme, la peur qui disparut en lui se transforma rapidement en courage. Le général, qui jusque là n'avait fait que tourner la tête vers le mutant, lui fit soudainement face.

" Je te crois Cupidon. Je me sens déjà plus fort en ta présence. Notre seigneur, le tout puissant Xevefe de Clatyt, sera fier de son fils. Nous ne ferons peut être pas tomber le Mererat mais nous ferons reculer ces chiens de l'Ordre et leur prendrons l'île de Qidenu ! Cette campagne ne peut qu'être victorieuse ! "

Gonflé de courage, l'homme en armure lança à Timour en pointant un amas de caisses en bois :

" Il y a des équipements ici. "

Aussitôt, il entreprit de fouiller et lança au sol quelques pièces d'équipements qui paraissaient toutes trop grandes pour le mutant, si ce n'étaient les casques et quelques pistolets étranges en guise d'arme. Sans laisser trop le choix à l'empathe, le général clipsa deux morceaux métalliques à la poitrine du mutant qui se trouvaient être assez lourdes mais probablement suffisamment épaisses pour essuyer un coup ou deux. Timour possédait à présent une protection intégrale pour le torse, avant et arrière, dotée de rouages et autres subtilités dont il ignorait tout à fait l'utilité.

" Voilà un fin guerrier ! " s'exclama l'homme.

Un soldat arriva, essoufflé, et s'adressa à son chef :

" Caekhain Kirihy, mac ynlc émaldnexiac cuhd bnêdc ! "

L'officier confirma d'un mouvement de tête puis de quelques paroles :

" Bnébynaw-juic à vyena vai tèc xia ma Mererat cany ah jia. "

Puis il traduit à Timour :

" Le Mererat va être en vue bientôt. Nous allons sortir. "

Rapidement, les soldats s'étaient ordonnés en paquets et attendaient les instructions tandis que certains s'étaient installés dans les tourelles. La porte fut ouverte et un par un, chacun des régiments sortit tout en restant près des remparts. Les véhicules furent à leur tour avancés et rapidement, quelques motos volantes rejoignirent le cortège pour faire face à l'armée qui approchait. Seules les catapultes restèrent à l'intérieur de la place forte qui maintint sa porte ouverte.

Le général se trouvait entre deux groupes et semblait avoir pris soin de garder Timour près de lui. Il lança quelques paroles guerrières à ses hommes et leva le poing en l'air, bientôt rejoint par l'ensemble des soldats qui hurlèrent à leur tour. L'officier tourna ensuite la tête vers l'empathe.

" Si tu sais guérir la peur, c'est maintenant ou jamais. "

Comme une bénédiction, la lumière revint en quelques secondes pour éclairer la bataille qui allait se dérouler. Le ciel était à nouveau bleu, et un soleil puissant éblouit les guerriers le temps que les yeux s'adaptent au passage de l'obscurité à ce jour nouveau.

A l'horizon, lorsque la vue fut s'adapta définitivement, une ligne noire d'hommes était visible. Il était difficile de donner ne serait-ce qu'une estimation de leur nombre. Mais la seule certitude était qu'ils n'auraient aucune difficulté à écraser le groupuscule au milieu duquel se trouvait Timour. Et cela, sans même prendre en compte le Mererat qui, telle une épée de Damoclès, survolait son armée.

Émerveillé par le stock d'armes et d'armures, Timour en oublia quelques instants le tragique de la situation. Il eut plusieurs exclamations ravies quand le généralissime le para d'une belle armure protectrice. Par contre il fut surpris de la lourdeur. Il dut tirer sur ses frêles épaules pour redresser son maintien et s'habituer au poids. Son regard se contorsionna pour observer toutes les petites étrangetés de l'armure.

Pendant que le grand homme recevait les nouvelles du soldat, Cupidon s'empressa de cueillir un casque et un pistolet les plus classes (et les moins lourds) possibles. Il fit les essais du casque. Son cœur se gonflait de fierté et d'impatience. Lui aussi était paré pour la bagarre ! Il hocha la tête aux paroles de son bienfaiteur. Timour observa les mouvements des troupes et des engins, avec une excitation effarée. Il se sentait petit et minable dans le grand flot des événements. Les cris de bravoure des soldats résonnèrent dans sa petite poitrine et dans son armure flatteuse.

Le capitaine lui donna ses ordres, puis la lumière du jour revint, presque aussi vite qu'elle était venue. Les sens de Timour étaient tout retournés. Il contempla le paysage dès que ses yeux acceptèrent la luminosité.

"Bor...del..."

Articula l'empathe avec difficulté devant la vision de l'ennemi. Un ennemi qui s'annonçait rudement plus balèze ! Timour en était navré, et très angoissé, mais galvanisé par la présence du capitaine il n'avait aucune hésitation. Il était déterminé à mettre toutes ses forces mentales dans la bataille.

Le chef de guerre était entre deux groupes et pour l'heure, mieux valait s'en tenir à ces soldats-là. Timour sentait qu'il pouvait très bien influencer plusieurs personnes sans les toucher. Il visa le groupe le plus proche et engloba le plus de soldats possible dans son filet pour diminuer largement chez eux toute peur qui eut pu retenir leur volonté d'en découdre et de gagner.

Bien que ce fut inutile il tendit sa main libre vers ce groupe, afin de montrer au souverain qu'il passait à l'action. Mererat n'avait qu'à bien se tenir !

Le général sembla sourire lorsque Timour tendit sa main sur ses soldats. Pourtant, peu à peu, les effets de la précédente possession à son encontre semblait se volatiliser. La vue de l'armée en face acheva de lui faire perdre l'engouement qui lui avait été procuré.

Le Mererat commença à se tourner, comme si son intention était de faire demi tour, tandis que l'armée en dessous continuait à avancer en rang.

Les bras croisés, le général hurla un ordre à ses hommes.

" Bnébynaw juic à vyena vai cin ma Mererat ! "

Au même moment, une série de grondement provenant du Mererat retentit, faisant office de réponse à l'officier. Il décroisa les bras, incertain de ce qu'il venait d'entendre. Il commenta à l'intention de Timour :

" Il... a tiré ? "

Observant le ciel, rien ne parvint à eux. Une vague de peur commençait à envahir les gardes que l'empathe n'avait pas galvanisé tandis que l'autre groupe restait calme, attendant qu'approchent les ennemis.

Soudainement, des pointillés apparurent dans le ciel comme une nuée de mouches sifflantes. Le général recula d'un pas en hurlant :

" Vai, vai, vai ! "

En tir croisé, les tourelles se mirent à cracher sur le vaisseau au loin des bulles noires, ressemblant vaguement à du pétrole brut. C'est à ce moment que la nuée de points arriva. Timour n'avait pas eu l'occasion de rencontrer les boulets à piques jusqu'ici et c'était à présent chose faite.

Une pluie déferlante de métal commença à s'abattre sur le groupe. Une vague de terreur traversa l'ensemble des soldats, même ceux atteints par Timour plus tôt. La zone visée semblait assez vaste, et donc imprécise. Pourtant, la quantité rattrapait la qualité.

Le déluge sifflant s'abattit dans un boucan infernal en touchant le sol, ou pire. Quelques soient les armures portées, chaque touche était fatale et si un certain nombre de soldats désorganisés se pressaient pour se mettre à l'abris derrière les palissades, la cohue engendrée ne facilita en rien la rapidité de l'opération.

Les hommes s'écrasèrent les uns contre les autres et les premiers périrent dans des bruits sourds, lorsque les armes n'enfonçaient pas partiellement les murs de bois. Les cris étaient mêlés aux craquements divers et aux sifflements funestes.

Les robots métalliques quant à eux s'étaient protégés de leurs bras, espérant probablement empêcher le passage d'un boulet sur un de ses conducteurs. Mais la puissance du jet prouva que rien ne pouvait les arrêter. Si le robot vacilla en arrière lors du contact, l'homme qui venait de recevoir le boulet était éventré dans sa machine.

A l'opposé, les bulles noires envoyées vers le Mererat avaient avancé. Arrivant à sa hauteur, elles semblèrent se coller au vaisseau, et, après quelques secondes, explosèrent. Néanmoins, les dégâts face à un tel géant ne semblaient pas l'handicaper particulièrement.

Pendant la cohue, le général et Timour étaient restés près de l'autre et le premier n'avait pas tenté de se protéger. Si deux soldats s'étaient fait embrocher près de lui, il n'avait montré aucun signe visible de peur, bien qu'il soit en réalité aussi effrayé que les autres.

Lorsque la pluie, qui n'avait duré en réalité qu'une dizaine de secondes, finit par cesser, les pertes s'estimaient à vue d'oeil. Sur les six robots qui étaient sortis, un était endommagé et l'autre était détruit. Les motos s'étaient rapidement mises à l'abris grâce à leur capacité de vol, tandis que les deux tanks étaient intactes. Enfin, les tourelles avaient également été touchées et deux d'entre elles étaient fumantes. Un étrange liquide noir en coulait le long des remparts.

Du côté des hommes, il était difficile de compter ou même d'estimer les morts. Quelques cadavres broyés gisaient par endroit et parfois des morceaux de chair sanguinolents étaient étalés dans les herbes et piétinés par les soldats qui sous les hurlements du général, les intimaient de se remettre en position.

Au loin, le vaisseau semblait s'éloigner. Il avait fait demi-tour et paraissait repartir d'où il venait, notamment vers la position où Timour avait abandonné ses camarades. L'armée ennemie en avait quant à elle profité pour avancer de façon significative et un rang s'approchait bien plus rapidement.

Armé du pistolet qu'il avait trouvé, l'empathe se retrouvait dans la même position que quelques minutes plus tôt, le sang autour de lui en plus et un assaut imminent. Sans attendre, le général leva le poing et hurla :

" Lrynkaw ! "

A ce moment, l'ensemble des soldats chargèrent droit devant eux pour rencontrer les ennemis. Les tourelles restantes tentaient d'envoyer leurs sphères noires sur l'arrière des troupes ennemies et rapidement, celle-ci explosèrent. Les robots bipèdes utilisaient des bras armés de mitraillettes pour arroser l'armée du Mererat et les véhicules tirèrent quelques rapides coups au canon avant de charger dans les rangs ennemis pour renverser un maximum de guerriers. Enfin, telles des guêpes, les motos arrivèrent, traversant dans de multiples allés retours les unités adverses en tirant dessus avec leurs pistolets.

A leur approche, les attaquants avaient sorti des épées fines et commencèrent à se battre sans se préoccuper des déflagrations derrière eux ou des tanks à roues. S'ils avaient fondamentalement peur, comme chaque combattant, celle-ci semblait être plus maîtrisée, et ils avaient parfaitement conscience d'être en supériorité sur tous les points.

Reculant d'un pas en observant le début de l'attaque, le général fit soudainement demi tour et commença à se diriger d'un pas calme vers l'intérieur des remparts depuis lesquelles les tourelles s'acharnaient, plantant Timour sur place.

Timour sentait bien toute l'angoisse suscitée par les événements. Il comprit de plus en plus qu'il était dans le mauvais camp, que le combat était désespéré. Il tenait à bout de bras la motivation d'un groupe de soldat mais ce n'était rien, c'était insuffisant. La tâche lui sembla incommensurable et comme les autres, il eut de nouveau les pensées tournées vers lui-même, vers sa propre survie.

Le Mererat était terriblement impressionnant. Cupidon l'avait fui avec succès la première fois mais la scène se répétait. Même le grand capitaine était bel et bien décomposé.

Le natif d'Azerbaïdjan poussa un cri de terreur en voyant les projectiles métalliques et les terribles dégats. Une véritable pluie s'abattit sur le malheureux camps fortifié, plongeant l'empathe dans la panique et l'horreur absolue. Ah il en avait vu des films de guerre ! Mais la réalité dépassait de loin la fiction. Les bulles de pétrole entamaient à peine le vaisseau gigantesque. Timour restait là car non seulement il était pétrifié, mais il comptait sur la protection du général.

Le vaisseau passa. Timour tremblait dans son armure. Son bras transpirant peinait à soulever le flingue qu'il avait choisi avec tant d'émerveillement. Son regard opaque tentait de ne pas voir les cadavres en charpie qui s'offraient à lui. L'odeur du sang, des chairs, de la sueur et de la peur ne tarderait pas à devenir omniprésente. Son coeur bondit et le souleva presque quand le capitaine lança l'assaut. Quoi ? Moi ? Quoi ? L'empathe était submergé par la peur du chaos et de la mort. Il laissa partir tous les autres, y compris le capitaine, même si cela lui causa un très grand effroi.

Ceux d'en face étaient dotés d'un cœur qui comprenait la peur, c'était toujours ça. Timour tenta de se redonner du courage. Il n'était pas démuni. Il hésita à suivre le capitaine, mais redoutait chez lui un geste désespéré d'héroïsme suicidaire. Timour ne voulait pas non plus se retrouver coincé dans les tourelles. Fuir, se sauver, c'était tout ce qui l'importait.

Restant soigneusement à l'arrière garde, l'empathe relâcha son emprise sur les soldats, qui devraient trouver en eux les ressources. Il préférait s'économiser pour lui même. Comment se mettre au maximum en sécurité dans cette galère sans nom ?

Il chercha des yeux une moto volante disponible. Il comptait même s'approcher si un conducteur était sur le point de décoller, dans l'idée de monter avec lui sur l'engin.

Autour de lui, Timour ne voyait plus rien. Quelques petits groupes de soldats semblaient protéger l'entrée du fort si jamais un régiment ennemi tentait de s'infiltrer, mais l'ensemble des motos volantes avaient été envoyées dans le combat, tout comme les véhicules divers valides.

Un brouhaha parvenait aux oreilles de l'empathe, mêlé de cris et de claquements métalliques. Le général au nom inconnu venait de disparaitre dans la forteresse. Quelques explosions retentirent dans les rangs adverses grâce à l'action des sphères noires.

Le combat continuait à se dérouler et ne s'arrêterait que lorsqu'il n'y aurait plus de survivants. Les soldats alliés tentaient de se défendre autant que possible et pour le moment, ils résistaient. Mais pour combien de temps ? Les motos volantes continuaient de faire des passages au dessus des troupes et tiraient de temps en temps. Parfois, quelques coups au sol étaient tirés vers le ciel, tentant probablement de faucher un motard ou d'endommager le moteur de sa machine.

Soudainement, Timour ressentit une petite dose d'espoir provenant de l'un des soldats gardant la porte. Il avait la tête tournée vers l'intérieur des remparts et observait quelque chose à l'intérieur. Se tordant le cou, l'empathe comprit rapidement l'objet de fantasme du soldat : deux motos côte à côte, garées. Le général s'en rapprochait d'ailleurs.

Un autre soldat tourna à son tour la tête, intrigué par ce qu'observait son compagnon de guerre. Aussitôt, Timour remarqua que le même intérêt venait de naître dans le coeur du second homme...

Etait-il possible que l'espoir du soldat résidât dans deux simples motos ? Pour Timour, qui avait été abreuvé de séries télé tendance fiction, c'était tout à fait compréhensible. Pourtant la guerre prenait une mauvaise tournure pour son camp. Et l'empathe n'avait guère pu rejoindre une des motos volantes dans cette tourmente. Entre temps, il avait perdu de vue le grand capitaine, jusqu'à ce que l'espoir fou du soldat lui remette les yeux dessus. Le grand homme allait vers les motos... tout cela ressemblait à un vrai film de SF (américain). C'est à dire que même quand tout était perdu, le héros arrivait et sauvait la galaxie avec des bouts de ficelle. Ou des super motos.

C'était en tout cas l'opportunité qu'attendait l'empathe, et celle-ci dépassait ses espérances. Il courut donc en direction de ces motos, tentant, autant que possible d'éviter des projectiles ou autres boules piquantes.

"Capitaine ! Je suis venu pour vous aider à vaincre le Mererat ! Laissez-moi monter avec vous !"

Cria-t-il même avant d'arriver à destination, histoire de se donner à lui-même du courage. Il était porté par l'espérance des misérables soldats !

Lorsque Timour s'élança, il ne fut remarqué par les soldats que lorsqu'il appela le capitaine. Celui-ci tourna le visage un instant et accéléra le pas vers la moto qu'il enjamba. Soudainement, derrière l'empathe, les deux hommes semblèrent se débattre pour sortir du groupe et se mirent rapidement à courir vers lui.

Accélérant le pas, le mutant parvint à bondir de peu sur la moto volante, derrière l'officier, alors que le véhicule commençait à décoller. Les deux soldats quant à eux, furent bientôt rejoint par les autres qui semblaient avoir compris l'enjeu.

Un raz de maré humain chargea soudainement la dernière moto dont venait de s'éloigner le duo improbable. Chacun tentait de prendre possession du véhicule. La solidarité n'était plus de mise et seul l'instinct de survie résidait encore intact. Chacun se mit alors à faire preuve d'une rare violence pour tenter de se défaire des autres et pouvoir s'échapper à bord de la moto.

Rapidement, Timour remarqua que l'officier ne se dirigeait pas du tout vers la bataille, et même au contraire. La moto fuyait clairement le conflit. L'officier avait probablement remarqué que le mutant était derrière lui, mais il ne semblait pas le déranger outre-mesure, d'autant que son gabarit était relativement faible.

La chaleur fournit par le soleil était assommante et l'espace de quelques minutes, la moto survolait un lieu vide de toute terre à l'horizon. Seul un immense par-terre de nuages était visible. Silencieux, l'homme restait immobile, faisant filer l'engin à toute allure droit devant.

Une nouvelle île finit par apparaitre enfin peu de temps après, peuplée des mêmes hautes herbes dans lesquelles les mutants étaient arrivés malgré eux. Pour autant, l'objectif ne semblait pas de s'y poser. Maintenant une hauteur pour éviter de faire du rase-motte, l'officier continuait dans la même direction.

Cependant, le temps devint rapidement changeant et une nouvelle nuit tomba, alors que de puissants vents apparaissaient, faisant tanguer la moto qui tentait de maintenir malgré tout le cap. Les kilomètres défilaient, et toujours des herbes uniquement composaient le seul paysage visible pour ce qu'en percevait Timour dans l'obscurité.

Le temps passa encore, et le vent continuait à gêner la conduite tandis qu'une fine pluie se levait. Soudainement, le véhicule subit un soubresaut qui était bien différent des autres secousses habituelles. La mécanique de la moto chauffait de façon anormale les cuisses des deux voyageurs et bientôt, une fumée noir se dégagea à l'arrière du véhicule.

L'officier le remarqua grâce à Timour mais il était déjà trop tard. La moto perdait de l'altitude d'une façon difficile à évaluer à cause de l'obscurité, mais le sol se rapprochait de plus en plus, inexorablement. Lorsque celui-ci fut assez près pour être visible, le conducteur tenta dans une manoeuvre désespérée de relever le nez de l'appareil.

Le choc au sol fut particulièrement violent et les deux passagers furent éjectés dans un bruit surprenant, avant de retomber au sol et de rouler sur plusieurs mètres. Le plastron de Timour semblait l'avoir protégé dans sa chute. Son torse n'avait pas était directement en contact avec le sol.

Néanmoins, l'empathe ressentit un vive douleur dans son bras droit et dans son poignet tandis qu'il rebondissait dans des positions improbables. Heureusement, les herbes hautes devaient avoir fournit un matelas ayant limité l'impact, sans quoi à n'en pas douter, les deux personnages seraient morts.

Allongé dans les herbes, Timour sombra pendant une durée indéterminée. Il était en état de choc. C'est au retour du soleil suivant qu'il se réveilla, sentant la chaleur sur son visage. La douleur de son bras était toujours présente et dès qu'il tenta involontairement de s'appuyer dessus, une vive douleur lui arracha un petit cri.

Autour de lui, l'empathe aurait pu se croire de retour sur l'île d'arrivée. Des herbes hautes, partout. Un soleil dans un ciel bleu, et rien à l'horizon, si ce n'était la carcasse calcinée de la moto.