02.03/18.L.Fouille et manigances.

La cuisine

Arrivée dans le hangar, Eden jeta un regard circulaire autour d'elle. Mine de rien, c'était énorme. Sans compter les différentes parties. Elle longea une paroi, et apperçu non loin la mo0to de Walentyn. Avec une petite moue de déception, elle s'en détourna. Avec le casse de la cuisine, elle n'était pas prête de pouvoir ajouter sa petite cylindrée à la collection de Graymalkin. Dommage. Dos aux véhicules, elle observa la zone plus attentivement. Apparemment, elle était arrivée avant Alex, ce qui lui laissait le temps de trouver des bâches, histoire que Malo ne perde pas trop de temps par la suite. Plus loin, où était stocké du matériel, elle trouva son bonheur.

Des immeses bâches, restant des divers travaux de remise en état du bâtiment, étaient soigneusement pliées dans un coin du hangar. En attrappant une par le rebord, la californienne recula progressivement pour la déployer et estimer sa taille. Voilà qui devrait faire l'affaire pour colmater les fenêtres de la cuisine pendant quelques temps. Encore qu'il allait certainement falloir en replier une pour permettre à Clara de s'entraîner avec le verre. Avec un peu de chance, la Pink lady arriverait à reconstituer toutes les vitres et son argent de poche pourrait être épargné pour faire venir sa moto. Ou alors elle prendrait quelques jours et irait la prendre elle-même pour revenir par les routes, c'était aussi une option potentiellement négociable avec sa belle-mère.

Satisfaite de la taille de la bâche, elle la replia de manière à simplifier son transport et alla fouiner sur les étagères. Il faudrait encore de quoi coller tout ça au cadre des fenêtres. Avisant ce qui parut être une trousse à outil, Eden la dégagea d'une étagère pour la poser à même le sol et l'ouvrir. Accroupie, elle commença à en détailler le contenu, avec quelques tinetements métalliques de tourne-vis et autres instruments de bricolage mécanique. au bout de quelques secondes, elle trouva un gros scotch argenté, résistant à l'humidité. Voilà qui allait être parfait! Un devrait suffire, le rouleau était quasiment neuf. Satisfaite de son butin, elle le déposa sur la bâche choisie, et referma la trousse à outil pour la ranger.

parc

A pas de loup, Alex avait pénétré dans l'immense hangar des x-men. Quelques tintements métalliques résonnaient près de lui ce qui l'aiguilla pour trouver la source. Naturellement, il s'agissait d'Eden qui semblait chercher quelque chose parmi un kit d'outils.

Silencieusement, il l'observa farfouiller en se demandant quel rôle elle souhaitait lui attribuer. Il lui semblait évident qu'il était loin de donner l'image d'être un garçon bricoleur, quoique serviable. C'était peut être ce dernier point qui l'avait amené à être appelé.

Finalement, la jeune fille mit de côté sur une bâche pliée un rouleau de scotch argenté et commença à ranger le reste du packetage d'outils. De plus en plus intrigué, même s'il n'en laissait rien paraître, le jeune homme essayait de se faire quelques scénarios.

La bâche devrait couvrir quelque chose peut être. Mais quoi ? Le scotch indiquait qu'elle devrait être maintenue. Pourquoi couvrir ? Cacher ? Protéger ? Si elle avait fait appel à lui, c'était probablement qu'elle souhaitait une aide ayant un minimum de discrétion. Le plus simple était de la laisser parler après tout. Elle lui dirait bien ce qu'elle attendait de lui.

- " Je ne suis pas très bricoleur. Et si c'est pour enrouler un cadavre, je suis touché que tu aies pensé à moi. " plaisanta-t-il pour signaler sa présence.

Au son d'une voix derrière elle, Eden s'était figé. Il était discret quand même! Alex était entré sans se faire remarqué. Se retournant après avoir terminé de repousser la boîte à outils sur son étagère, elle se retourna. L'envie de relancer sur le fait qu'elle n'avait encore tué personne à Graymalkin lui traversa l'esprit, mais une brève pensée pour Mbarou la retint. Elle allait manquer cruellement de savoir-vivre en en remettant une couche. Ce qui ne l'empêcha pas de se laisser aller à un sourire amusé.

"Ça ira, il n'y a pas eu de mort. Par contre, pour les blessés, c'est une autre histoire. J'espère que je ne t'ai pas dérangé en t'appelant comme ça."

Il fallait dire que ça manquait de civisme, tout de même. Mais heureusement il était venu, et maintenant elle ne savait plus trop vraiment par quoi commencer.

"Il y a eu une bagarre à la cuisine tout à l'heure. Ryochi a attaqué Dakota. Enfin j'imagine que Malo te racontera tous les détails, lui et Clara se sont interposés."

Très héroïquement d'ailleurs. Dommage que Lorenzo n'ait pas jugé utile de poursuivre ses soins jusqu'à la main du breton. Il allait avoir mal pendant quelques temps, mais bon. Ce gerne de chose avait au moins le mérite de lui justifier l'emploi d'une jolie infirmière. Elle détourna un instant les yeux, pour jeter un coup d'oeil alentours. Malo n'allait certainement pas trop tarder à arriver, mais ce n'était pas comme si ce qu'elle comptait dire serait d'un grand mystère pour le breton. Après tout, il partageait la même chambre qu'Alex et Dakota, et en prime, il avait participé à la mission de recrutement du jeune garçon.

"J'imagine que tu les as vu toi aussi... Les marques de Dakota."

Elle en revint à Alex, très calme, observant sa réaction. Elle doutait qu'il soit du genre à rester de marbre face à ce genre de chose, lui qui s'occupait de Malo bien plus que ce qu'on aurait pu attendre de lui.

Pas de morts, tant mieux. Mais des blessés ? La première pensée qui traversa l'esprit de l'asiatique était un ballon qui explosait une vitre et atterrissait sur quelqu'un. A moins que ce ne soit le verre qui ait blessé. Ou que le ballon ne soit en réalité l'usage involontaire d'un pouvoir. Ou volontaire. Voire issu une bagarre ?

- " Pas de soucis, j'étais à côté. " rassura-t-il rapidement Eden pour pouvoir obtenir de nouvelles informations.

Une bagarre à la cuisine. Il n'était pas si éloigné. Restait à savoir qui était assez bête pour ce genre de futilité. Ryoichi ? Il aurait dû s'en douter.

- " Comment va Dakota ? Il a été blessé ? Il n'a pas eu trop peur ? " demanda immédiatement Alex, se contrefichant de l'état de son comparse japonais.

Malo et Clara avaient heureusement été présents pour le protéger d'après les dires d'Eden. C'était un cauchemar de les savoir été tous en danger simultanément.

- " Ils vont bien ? Comment ça s'est terminé ?" s'enquit-il avec la même crainte que pour Dakota.

Eden avait parlé de blessés mais pas de morts. Soudainement la phrase prenait une autre tournure que la plaisanterie. Restait à savoir qui étaient ces blessés...

La jeune femme changea ensuite de sujet pour aborder le cas de Dakota. Elle parlait de ses marques. Donc de ses blessures. Alexander baissa le regard une seconde et soupira avant de le remonter pour le planter dans celui de la Pink Lady. L'asiatique ne portait pas de masque. Il avait une douleur dans le regard qu'il ne tentait pas de dissimuler auprès d'elle.

- " Dakota est un enfant qui a subi des horreurs. Même s'il essaye de se montrer fort en apparence, parfois en montrant ses blessures comme un trophée, je n'ai pas manqué de remarquer que dans d'autres situations, quand il ne fait pas le coq, il a tendance au contraire à en avoir honte et à les dissimuler. J'imagine que c'est vraiment lui. "

L'enfant avait développé une fierté assez complexe même pour lui, dépendant grandement de son état d'esprit.

- " Il est colérique, impétueux et parfois mal élevé. Mais ce n'est qu'une façon de se protéger en public. On a souvent l'impression de l'agresser en faisant des choses banales ou en abordant des sujets qui lui déplaisent. Il doit avoir un certain nombre de souvenirs malheureux pour que ceux-ci prennent une place plus grande que les autres. Et de là nait la crainte quotidienne de voir certains schémas se répéter..."

Alexander n'avait jamais tenté de le forcer à parler. Il savait qu'envers ce genre de garçon, c'était la dernière chose à faire. Il se braquerait, se sentirait forcé à faire des choses qu'il ne voulait pas. De ce qu'il avait entendu, on avait tenté à l'orphelinat de lui faire faire des choses qu'on ne peut forcer personne à faire, d'autant moins un enfant...

- " Son beau-père était violent. C'est un soir où il l'a été plus que d'habitude que les voisins ont appelé la police et les services sociaux, à cause des cris de Dakota. C'est vraiment quelque chose de... d'immonde. " déclara finalement Dreams, tranchant avec l'aspect objectifs des faits.

- " Et malheureusement pour lui, l'orphelinat dans lequel il a été placé a été aussi un calvaire. Ou aurait pu le devenir... "

Puis soudainement, Alex s'interrogea sur les conditions qui avaient amenées Eden à voir les marques.

- " Comment tu les as vues ? Ses cicatrices. J'ai l'impression que certaines ne partiront jamais... " avoua-t-il tristement. " Comme si elles resteraient à jamais les garants de son passé... "

L'asiatique avait beau garder les mains dans ses poches, ses poings étaient serrés. Il faisait suffisamment confiance à Eden qui avait l'air d'être quelqu'un de sérieux et de responsable pour pouvoir garder ces éléments pour elle et en faire bon usage.

Alex réagit avec pas mal de question, mais Eden ne prit pas la peine d'y répondre tout de suite. Elle se doutait que s'il parlait, il aurait beaucoup à dire et elle ne voulait surtout pas l'interrompre. Elle le détailla, sans gêne aucune, notant que bien qu'il fasse bonne figure, ce genre de sujet soulevait pas mal d'émotions chez l'asiatique. C'était parfaitement compréhensible. Qui pouvait décemment rester de marbre face à ce genre de chose? Alex avait en tout les cas très bien cerné Dakota, sans doute parce qu'il l'avait ramené. Ce qu'il lui raconta concordait avec ce qu'elle avait pu saisir dans les paroles de Dakota. UN beau-père violent, et probablement une mère trop faible pour le défendre. Apparemment, ça avait même empiré quand il avait été retiré de sa famille. On ne pouvait décidément faire confiance à personne. Elle baissa les yeux en fronçant les sourcils. Ses réactions face à Dakota avaient vraiment été très mal choisie. Alex savait bien mieux s'y prendre avec les petits. Heureusement que le jeune mutant partageait sa chambre avec lui.

"Ryochi a vraiment fait peur à Dakota, mais il ne l'a pas blessé. Il n'en a pas eu l'occasion. J'ai vu les blessures, parce que je l'ai raccompagné à votre chambre, pour m'assurer qu'il puisse s'y reposer. Et j'ai pu rester un petit moment avec Eko aussi."

Elle préféra éluder tout simplement les détails peu flatteurs pour Dakota, par respect pour lui. Elle espérait aussi que Malo et Clara sauront en faire de même mais ne s'en inquiétait pas trop. Après tout, ils s'étaient mis en danger pour le protéger.

"Malo a été blessé, mais c'est Ryochi qui a le plus souffert au final. Monsieur Mancini est intervenu, un peu tardivement, mais il a probablement empêché à Ryochi de très mal finir. Malo risque d'avoir mal au poing encore un moment, il cogne fort, mine de rien."

Elle haussa un peu les épaules, essayant d'ajouter un peu de légèreté à la conversation. Il était clair que ce sujet mettait aussi Alex à rude épreuve. Il n'y avait qu'à voir la façon dont il parlait des blessures qui marqueraient à vie le garçon.

"Je n'ai pas ta sagesse, j'ai essayé de parler à Dakota et ça l'a mis en colère. Mais il s'est vite calmé quand je me suis excusée."

Le pauvre sèche-cheveux ne s'en remettra pas. Demain elle tâcherait d'aller faire un tour en ville pour en racheter un. Après tout, c'était parce qu'elle avait poussé Dakota à bout que la salle de bain avait été transformé en champ de bataille.

"Merci... De m'avoir dit tout ça. ça va me permettre d'éviter de faire des bêtises. D'ailleurs... Est-ce que tu pourrais, enfin si c'est possible, juste faire en sorte que Dakota croise le moins possible Ryochi dans le dortoir des garçons? Je ne pense pas qu'il l'attaquera à nouveau, mais sa violence a mis à mal tout sentiment de sécurité pour Dakota et j'ai peur que ça ne provoque d'autres situations problématiques."

Apparemment, toutes les personnes qu'Eko avaient croisées conservaient des préjugés douteux. Si l'un d'entre eux témoignait de l'agressivité et qu'Eko se défendait, il pourrait y avoir d'autres blessés, et à force, Dakota pourrait vraiment en venir à quitter Graymalkin.

Dakota n'était pas blessé. Tant mieux. Alex était soulagé, même si le fait que l'enfant ait eu une jolie trouille laissait une désagréable sensation.

- " Dakota a besoin d'être rassuré. Tout le monde est potentiellement dangereux à son égard pour lui. Il déteste les adultes. Les hommes parce qu'il les imagine tous comme son beau père, les femmes comme sa mère. Il reste les jeunes, mais son aventure à l'orphelinat le pousse à avoir une mauvaise vision des adolescents de mon âge, pour des raisons sordides que je t'épargnerai mais que tu peux facilement imaginer. Les filles de moins de 25 ans, il a l'air de les accepter. Et sinon les garçons de l'âge de Malo. Potentiellement non dangereux. Et avec des hormones moins développées que les ados dont je parlais avant."

Le plus étrange au final, c'était qu'Eden avait vu les blessures en le raccompagnant. Qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'elle ait l'occasion de le voir se dénuder ? L'air de rien, il demanda :

- " Il s'est remis en pyjama ? Ou il s'est changé parce qu'il s'est sali ? "

Le souvenir de l'orphelinat lui traversa une seconde l'esprit, mais il le chassa rapidement. Ce n'était pas le genre d'Eden. Il ne fallait pas généraliser. Mais comme une mère poule, il s'inquiétait du bien être de Dakota. La jeune femme avait passé du temps avec la transformation du mutant.

- " Et ça s'est bien passé avec Eko ? Il est parfois incontrôlable et comme Dakota, il vaut souvent mieux éviter de le contrarier. Parce lui peut faire vraiment mal. "

C'était un euphémisme quand on parlait de mort. Eden annonça que le blessé était Malo, même s'il l'était moins que Ryoichi. A nouveau, Alex zappa totalement ce dernier et s'intéressa au Breton en fronçant les sourcils. Mais elle parlait de Lorenzo. Donc sans doute l'avait-il soigné, ce qui expliquait qu'Eden ne prenne pas le temps de détailler ce qu'il avait eu. C'est que ça devait aller. La conclusion sur lui le fit sourire.

- " Il tape fort ? " répéta-t-il, un peu surpris. Il cachait bien son jeu. Surtout si c'était pour impressionner Clara.

Cette pensée le fit sourire même s'il n'en dit rien. Le Breton n'accepterait probablement pas qu'on s'étale sur sa vie amoureuse. Quoiqu'Eden devait bien avoir remarqué leur petit jeu de séduction maladroit. L'asiatique tenta de rassurer Eden quant à son contact avec les gens.

- " Il n'y a pas de sagesse quand on connait les gens et qu'on peut d'une certaine manière comprendre ce qu'ils ressentent. Il faut juste que Dakota puisse se sentir en confiance sans être brusqué. Il parlera s'il le veut. Il faut être là quand il veut pleurer ou quand il ne va pas bien. Mais sans pour autant l'étouffer. Je pense qu'il s'est habitué à une forme de solitude qui lui fait du bien parfois. Mieux vaut être seul que mal accompagné... "

Eden demanda à Alex d'essayer d'éviter que Dakota et Ryoichi ne se croisent trop souvent.

- " Ca va être difficile. D'une part je doute que Dakota accepte que je le protège ouvertement en jouant les gardes du corps. D'autre part, ils ne pourront pas s'éviter éternellement. Il faudra que je parle à Ryoichi, mais il m'a l'air d'être une belle tête brûlée. Gregory a beau nous avoir quitté, il fallait qu'un autre cas le remplace. " pesta-t-il autant pour la jeune fille que pour lui.

Eden eut une légère grimace de dégoût en imaginant ce qui avait pu se passer à l'orphelinat. Même les adolescents pouvaient être des monstres, elle était aussi bien placée pour le savoir. Elle préféra ne pas trop y penser. Par contre, Alex semblait insister sur la manière dont elle avait pu voir les marques sur le corps de Dakota. Forcément, ça prêtait à confusion, mais elle voulait éviter autant que possible d'évoquer les détails peu appréciables pour le garçon.

"En fait, c'est l'inverse. Il s'est habillé et n'avait juste pas encore mis son t-shirt en sortant de la salle de bain."

Elle ne voulait pas qu'on la prenne pour ce qu'elle n'était pas. Rien que l'idée la répugnait. Personne n'avait le droit de faire du mal à un enfant, et c'était tout aussi valable pour elle.

"Quant à Eko... Tant qu'on reste calme, il est adorable."

Il avait même l'air d'avoir besoin de sécurité et d'affection. Il était sans conteste le reflet des instincts que Dakota n'avait jamais eu la possibilité d'exprimer au court de sa vie. Quelque chose fit néanmoins tiquer Eden. A en croire Alex, il semblait en connaître un rayon sur les sentiments de Dakota. Le genre de chose qu'elle ne pouvait, pour sa part, qu'imaginer. Ce qui soulevait pas mal de questions. Mais d'abord, tirer les choses au clair.

"Ce serait bien d'éviter que l'histoire de Gregory ne se reproduise. C'est déjà bien assez difficile pour Mbarou, autant éviter que quelqu'un d'autre ne se retrouve dans la même situation qu'elle."

La mort de Gregory n'arrivait toujours pas à lui tirer de réel sentiment de tristesse, hormis pour Mbarou.

"Je ne parlais pas vraiment de les empêcher de se voir de manière aussi active. Juste par des gestes, limiter les dégâts. En évitant de laisser la porte de la chambre ouverte sur le couloir, ou en ne le laissant pas seul en compagnie de Ryochi, En trouvant une excuse pour les séparer, ou occuper l'un des deux. Des petites choses discrètes qui apaiseront un peu la tension. Enfin si c'est possible. J'espère que le prof va déjà mettre les choses au clair avec Ryochi pour qu'il aille s'excuser auprès de Dakota."

En tous les cas, Alex n'avait pas l'air de porter Gregory dans son coeur, ce qui était rare par ici. Depuis sa mort, tout le monde ou presque l'avait posé en victime, d'une certaine manière. Ce qu'Eden avait trouvé hypocrite. Mais elle avait joué le jeu malgré tout.

"C'est bien que tu puisse comprendre Dakota, même partiellement... Tu as déjà vécu des situations menaçantes toi aussi? Enfin je veux dire... Avant de rejoindre les x-men."

A dire vrai, elle ne savait pas grand chose sur Alex. Hormis le fait qu'il était venu avec un frère qui n'était pas resté, et quelques détails entendus ici ou là. Finalement, Eden n'avait jamais vraiment pris le temps de chercher à bien connaître les gens qui se trouvaient à Graymalkin.

- " Je vois. " se contenta de répondre Alex à l'explication d'Eden. Dakota était encore en pyjama au moment où il avait été attaqué.

La jeune fille annonça qu'elle trouvait Eko adorable lorsqu'on était calme. Elle était surtout tombée à un bon moment, d'après lui.

- " Tu as de la chance qu'Eko soit calme avec toi. En général il est assez vigoureux. A moins que ce soit parce que tu es une fille. "

Dakota avait peut être instinctivement un intérêt plus prononcé pour le sexe opposé lorsqu'il était transformé. Eden parla rapidement de MBarou suite à la mort de Gregory. Lors de la crémaillère, la géante avait abordé le sujet avec lui et il avait tenté de la rassurer comme il le pouvait.

- " Oui, évitons d'autres morts. Et évitons de nous chamailler lorsque nous avons des pouvoir dangereux..." acquiesça le Néo-Zélandais.

Puis les pensées quant à la défense de Dakota face à Ryoichi furent précisées. Il fallait minimiser le contact par des gestes simples, et non escorter l'enfant.

- " Oui, c'est la meilleure chose à faire. Mais maintenant que Ryoichi a prouvé qu'il voulait attaquer Dakota, je vais avoir du mal à le laisser seul. Je ne sais pas si se relayer pour rester assez proche de lui avec d'autres serait une bonne idée. A moins de demander de l'aide à Danger. Elle voit tout, après tout. "

Finalement, Eden s'intéressa aux paroles que l'asiatique avait prononcé en cherchant à en savoir davantage sur lui. Alex laissa planer quelques secondes, adoptant le visage neutre dont il avait le secret, impassible.

- " Disons que... tu n'es pas sans savoir que je suis adopté. Je peux donc comprendre en partie le sentiment d'abandon que Dakota doit subir. Là où ce que j'ai pu ressentir tiens à ma naissance, Dakota doit lui probablement se dire que c'est en partie de sa faute s'il est rejeté et maltraité. Et il doit donc se demander régulièrement ce qu'il a fait ou encore ce qu'il fait de mal pour qu'on veuille le blesser... "

Bien sûr, Alexander s'était lui même questionné de nombreuses fois sur la raison de son abandon. N'était-il pas un assez beau bébé ? Ses parents ne pouvaient-ils pas le garder ? Etait-il issu de trop jeunes parents ? Le père s'était-il défilé pour abandonner la mère ? Ou peut être venait-il d'un viol ? Ces questions étaient remontées récemment à la surface avec la liste des ancêtres mutants. Il fallait qu'il aille voir ses parents d'adoption. Changeant rapidement de sujet, bien que continuant dans le fil de ses pensées, Dreams enchaîna :

- " J'ai appris qu'il y aurait une recrue à chercher en Nouvelle-Zélande dans les jours à venir. J'aimerai m'y rendre mais je dois parler avec mes parents, ce qui sera difficilement liable avec le recrutement. Je serai du côté de Wellington tandis que le garçon à récupérer est du côté de Timaru. "

Songeant soudainement que la géographie du pays n'était pas évidente pour les non résidents, il rajouta :

- " Il y a deux îles allongées en Nouvelle-Zélande. Wellington est au sud de l'île du Nord et Timaru au centre-est de celle du sud. Je sais que tu es allée chercher Pedro peu avant la crémaillère. Est-ce que tu pourrais t'occuper de retrouver la personne à Timaru ? Le voyage à deux sera moins pénible... "

Puis soudainement, réalisant qu'ils étaient toujours dans le hangar, il demanda :

- " Pourquoi m'as-tu demandé de venir au fait ? "

Peut être fallait-il s'activer pour réparer la casse du combat qu'Eden avait à peine décrit...

Eden avait un doute sur le fait que son sexe détermine le comportement d'un lémurien à fourrure bleue. Quoique. Elle n'y connaissait pas grand chose en relations humaines, et mutantes encore moins. Pour veiller sur Dakota, c'était une autre histoire. Il y avait une différence entre protéger et préserver. Eden voulait surtout veiller à limiter la casse pour les sentiments de Dakota, plus que pour sa santé physique. Pour ça, Malo et Clara avaient prouvé qu'il y aurait probablement toujours quelqu'un pour chercher à le soutenir. Danger surveillait tout et il y avait fort à parier que les professeurs aussi, d'une façon ou d'une autre.

"Après ce qui s'est passé à la cuisine, ça ne me surprendrait pas que monsieur Mancini ait déjà sollicité Danger. Peut-être même que c'est le cas depuis la pendaison de crémaillère."

Si elle avait été à la place d'un prof, elle aurait déjà exigé que Dakota soit tenu à l'oeil après qu'il eut manqué d'égorger Ryochi. L'erreur a été de ne pas considérer l'option vengeance irréfléchie dans les données. Ryochi aussi, aurait dû être tenu à l'oeil. Concrètement, depuis la pendaison de crémaillère, Dakota n'avait pas témoigné de violence, et même quand Ryochi l'a attaqué, à part balancer des fruits et crier, il n'avait rien fait de réellement menaçant. Mais il s'agissait là de précisions superficielles dans l'immédiat.

Ce qui était autrement plus intéressant, c'était la réaction d'Alex quand il s'agissait de parler de lui-même. Plus d'expression éloquente, juste de la neutralité, imposant une certaine distance. Il ne se mettait pas vraiment e danger, repartant sur Dakota, évoquant une généralité, ou partant sur une possibilité de ressenti plus que sur ce qu'il avait vraiment enduré. Il restait indirecte, prouvant qu'au fond, il ne tenait pas à parler du sujet, déviant même sur une mission de recrutement. Il était plus qu'évident qu'Alex ne voulait pas que quelqu'un se mêle de son histoire, du moins pour Eden. Elle ne chercha pas à insister. Elle aussi n'aurait pas apprécié. Ce n'était pas pour rien qu'elle s'était éclipsée seule à L.A. pour parler avec son père. On lavait son linge sale en famille. La différence, c'était qu'étant donné la distance, Alex allait avoir plus de peine à faire pareil. La mission de recrutement était une très bonne excuse.

La perspective de mettre les voile une fois encore la rebutait un peu. Jun, Pedro, puis Alyson... Au fond, elle avait l'impression de passer plus de temps loin de Graymalkin, et donc loin du moindre projet concret d'entraînement, de reprise d'études, ou toute autre objectif personnel. Mais paradoxalement, si elle avait été dans la même situation qu'Alex, elle aussi aurait bien voulu un coup de main pour justifier un départ aussi lointain, aller chercher des réponses sans avoir à s'encombrer d'une mission. Elle aurait peut-être dû faire pareil pour l'Allemagne, ça lui aurait permis de voir sa grand-mère. Elle répondit plutôt spontanément.

"Oui, bien sûr."

Restait à définir la raison d'une entrevue au hangar.

"C'était pour parler de Dakota. Ici il y a peu de passage et donc peu de possibilité que quelqu'un d'autre apprenne par mégarde des choses privées sur lui. Et puis comme on n'était pas certains de trouver des bâches pour colmater les fenêtres de la cuisine... Malo ne devrait pas tarder d'ailleurs. Il a dit qu'il passerait prendre le matériel par téléportation."

Cuisine

Surgissant du néant, fidèle en cela à une habitude qu'il commençait à prendre, Malo apparut soudainement dans le hangar à proximité d'Eden et d'Alex. Mince, pourvu qu'avec cette arrivée inopinée, il n'ait pas cassé le plan drague de son camarade asiatique… Si les deux jeunes gens s'étaient donnés rendez-vous dans un endroit aussi discret et à l'écart des lieux de passages habituels, ce n'était certainement pas pour disserter de philosophie. Bon, pas grave après tout, ils en seraient quittes pour remettre ça à un autre moment quand Malo serait trop occupé – à manger par exemple – pour venir les déranger à nouveau.

"Tiens, salut !, s'exclama-t-il avec son sans-gêne coutumier. "J'dérange pas au moins ?"

Et même si c'était le cas, Malo s'en moquait un peu de toute façon. L'adolescent avait toutefois un petit regret. Il aurait préféré arriver pile au moment du baiser langoureux, histoire de pouvoir taquiner Alex plus tard, en toute amitié bien sûr…

"Vous gênez pas pour moi, j'fais que passer… Continuez comme si j'étais pas là, j'viens juste chercher les bâches pour réparer nos conneries dans la cuisine…"

Pour Eden, il ne faisait pas énormément de doutes quant au fait que le professeur nouvellement arrivé se soit chargé de la protection des plus jeunes en intégrant Danger dans le processus de surveillance.

- " J'espère qu'elle sera en mesure de faire ce qu'il faut alors. "

Il était souvent difficile de déléguer certaines tâches, surtout quand celles-ci mettaient en jeu la vie d'autrui.

- " Si Danger devait déjà empêcher des évènements depuis la pendaison, elle semble avoir raté une action tout à l'heure, non ? "

Lorsqu'Alex avait proposé, ou plutôt demandé, à Eden de l'accompagner pour le recrutement en Nouvelle-Zélande, la jeune fille avait répondu assez rapidement pour signifier son accord. Le jeune homme lui sourit avant de la remercier. Il n'aurait pas les mains liées par l'inconnu à aller chercher, ni avant, ni après.

Finalement, cet appel au communicateur avait pour but de parler de Dakota. Eden semblait s'inquiéter pour lui, ce qui rassurait l'asiatique. Ils seraient au moins deux à vouloir le défendre et à veiller sur lui de façon plus ou moins appuyée.

- " Je ne sais pas si nous devrions en parler avec Lily-Rose. " avoua-t-il pourtant.

A vouloir agir seul, il pouvait arriver qu'on se trompe en voulant faire correctement. Et on ne parlait pas ici d'un acte quelconque, mais de la qualité de vie d'un enfant qui souffrait. La dernière chose à faire était d'isoler davantage Dakota sans s'en rendre compte, ou de rentrer dans une spirale néfaste pour lui même en pensant bien agir.

Jugeant qu'il devait tout de même quelques précisions à la mutante quant au voyage, il retourna sur ce sujet et précisa :

- " La découverte des ancêtres ouvre une piste vers nos passés. Le mien est d'autant plus flou que je n'ai pas de famille à interroger. Je ne sais pas si je veux savoir réellement. Mais si un jour je le veux, je veux pouvoir savoir sans attendre, car c'est à ce moment là, lorsque je serai décidé et prêt, que l'attente sera la plus difficile. "

Rien ne disait qu'il se déciderait. Rien ne disait l'inverse. C'était peut être se prémunir contre quelque chose qui n'arriverait pas, et donc par là même perdre du temps.

- " C'est une situation pour le moins compliquée. Elle me tar... " commença-t-il à se livrer lorsque Malo apparut soudainement sans crier gare, comme il commençait à en avoir l'habitude.

Alex réagit immédiatement en disant d'un ton faussement surpris :

- " Ciel, mon Breton ! " en faisant référence de façon évidente à une scène de tromperie découverte.

Le jeune garçon fut surprit de trouver Dreams ici, ce qui pouvait se comprendre. Ce n'était pas le genre de lieu que ce dernier fréquentait le plus à Graymalkin. Le téléporteur prétextait vouloir prendre une bâche et ne pas écouter pour ne pas déranger.

- " Ton langage Malo. " corrigea-t-il face à la fougue verbale du poupon.

Celui-ci devait se sentir comme un coq s'il venait de mettre une dérouillée à Ryoichi et se dire qu'être vulgaire le rendrait plus adulte et viril.

- " Qu'est-ce que va penser Eden de toi ? " rajouta-t-il, même s'il aurait bien parlé de Clara à la place pour moucher le jeune homme.

Eden haussa les épaules à la remarque d'Alex. Il avait raison, si Danger avait eu pour mission d'empêcher une bagarre, elle avait échoué. Ce qui était peu compatible avec la rigueur toute robotique et calculatrice de l'androïde. Ou alors elle n'avait eu que pour mission d'informer. Quoique la californienne penchait plus pour le fait que les vitres brisées avaient attiré l'attention du prof bien avant une quelconque avertissement de l'entité cybernétique. Quant à en parler avec Lily-Rose... D'un côté, Eden se voyait mal aller parler à la directrice. Déjà elle devait avoir assez à faire avec les nouveaux arrivants et les problèmes récurrents liés à la gestion d'une flopée d'ados aux super-pouvoirs, et en prime, c'était peu sûr qu'elle lui accorde une oreille attentive. Pas après l'entartage à la crème anglaise suivit du déclenchement d'une simulation non agréée par ses soins dans la salle des dangers. Bref, niveau crédibilité face à l'administration, la télékinésiste ferait nécessairement figure de mauvaise élève. Néanmoins il avait raison. Prendre des initiatives en solo sans en parler à un adulte responsable (Dieu que ce genre de mots commençaient à lui paraître atrocement mal assortis depuis quelques temps!) n'était pas un reflet de grande maturité. Elle hocha la tête, l'air pensive, se demandant comment il serait possible d'aborder la question avec la directrice. Elle allait d'ailleurs suggérer qu'il s'y essaie avant elle mais Alex reparti sur les ancêtres.

C'était la première fois qu'elle entendait le jeune homme parler de ses impressions, ou même parler de sa famille. Il n'était pas vraiment du genre à se livrer, ce qui rendait la situation d'autant plus surprenante. Attentive, Eden se garda bien de l'interrompre. L'envie d'en savoir un peu plus sur lui réfrénait les questions qui auraient pu lui monter aux lèvres. Hélas, ce commencement de découverte fut brusquement interrompue par l'arrivée pourtant prévue du breton. Peu habituée pour sa part à ces apparitions surprises, Eden eut un léger sursaut en relevant un bras par réflexe. A croire qu'elle s'attendait à ce que n'importe quoi puisse apparaître pour leur sauter dessus. Sans doute un reste de l'attaque des PF's à Chicago.

Déranger quoi au juste? La surprise passée, Eden posa un regard interrogateur sur Malo. Avec la remarque clichée sortie par Alex, elle eut l'étrange impression pendant un instant d'être en pleine sitcom. Ce devait très certainement être un jeu entre eux deux.

"Heu... On ne faisait que parler, tu sais."

Et pourquoi elle se justifiait en fait? Personne n'avait rien fait de mal ou de moralement répréhensible ici! Préférant changer de sujet au plus tôt pour ne pas avoir à expliquer le contenu de la conversation à Malo qui venait de se faire réprimer pour son langage vulgaire, Eden pointa du doigts les bâches repliées et le gros scotch posés à même le sol par ses soins.

"J'ai trouvé ce qu'il fallait pour les fenêtres."

Sa présence au hangar s'expliquait donc parfaitement. Si si!

Ravi au fond de la petite réaction de surprise qu'il avait provoquée chez Eden, Malo adressa une petite grimace ironique aux deux tourtereaux – ou moins si pas affinité – en levant une main apaisante.

"Zen, c'est que moi… J'mords pas, j'griffe pas, j'cogne pas, enfin pas tout le temps, et j'peux être aussi discret qu'une tombe…"

C'était vrai après tout, le jeune garçon n'avait rien d'un Timour ou d'une Janet, capables de colporter les pires ragots sur leurs camarades. Heureusement, les histoires d'étouffement par cacahuètes interposées ou de prétendue prise de photos dans les douches des filles ne s'étaient apparemment pas trop ébruitées au sein de Graymalkin. Tout cela pour dire que Malo ne ferait certainement pas circuler des rumeurs dans la rubrique "Courrier du cœur des X-men", ce qui ne le dispenserait certainement pas de taquiner Alex lorsqu'il serait seul avec lui…

"Ca marche comme vous voulez ?", poursuivit-il avant de hausser les épaules devant les critiques qui étaient faites à propos de son vocabulaire parfois un peu trop imagé.

A la décharge du Breton, il fallait quand même reconnaître que, l'anglais n'étant pas sa langue maternelle, il faisait déjà de gros efforts pour intégrer des mots et expressions courantes chez les jeunes de son âge.

Informé par Eden, Malo regarda rapidement le nécessaire à colmatage rapide de fenêtres sans vitre que la jeune fille avait regroupé à son intention.

"Impec !", s'exclama-t-il avec sa discrétion habituelle. "Ca devrait bien coller. J'recharge les batteries et j'rapporte le tout à la cuisine. Y'en a un, ou une, qui veut profiter du voyage express ?"

S'immobilisant soudain, une inquiétante lueur ironique dans le regard, le Breton se tourna de nouveau vers ses camarades.

"Au fait, vous parliez de quoi quand je suis arrivé ?", s'enquit-il avec une fausse naïveté.

La tentative d'Eden pour détourner l'attention n'était pas mal essayée mais ça ne prenait pas.

A peine arrivé, Malo faisait déjà le coq en rappelant qu'il ne cognait "pas tout le temps". Le haussement d'épaule désinvolte du Breton rajoutait à son langage fleuri comme une insolence qu'Alex n'appréciait pas vraiment.

- " C'est Dakota qui a une mauvaise influence comme ça sur toi ? " demanda l'asiatique sans détour pour faire prendre conscience au Français de son attitude.

Mais le téléporteur préféra bien rapidement se détourner des remarques pour continuer à se concentrer sur la raison de son apparition, à savoir la bâche. Il proposait même de ramener quelqu'un d'autre avec lui lors de sa prochaine disparition :

- " Sans façon. " répondit Alex calmement.

Il ne tenait pas à renouveler l'expérience de la crémaillère, quoique cette fois au moins, il serait prévenu de l'intention du Breton... Ce dernier ne comptait d'ailleurs pas en rester là et demanda rapidement quel était le sujet de discussion qu'il avait interrompu en arrivant abruptement.

Eden venant de se justifier d'une façon qui aurait toutes les raisons de faire croire qu'ils cachaient quelque chose, la curiosité du poupon était probablement normale, même si ça ne lui donnait pas nécessairement le droit de demander.

Alexander jeta un rapide regard à Eden. Mentir n'apporterait rien et ils n'avaient rien à cacher après tout !

- " J'ai demandé à Eden de réaliser un recrutement à ma place. C'était plus élégant de lui proposer en face que par communicateur. "

C'était résumé, mais l'essentiel y était. Observant la réaction de Malo, Dreams ne manqua pas de changer de sujet rapidement. S'approchant du Breton, il se saisit de sa main qui se trouvait rougie probablement par le coup donné, et l'observa en commentant :

- " Ca va ta main ? Tu n'as rien fait pour la soigner ? " s'enquit-il rapidement en la retournant d'un côté puis de l'autre.

Fier comme il était, il n'y avait aucun doute que le jeune homme préfèrerait dire qu'il ne sentait rien que d'admettre que le coup victorieux était douloureux...

[Toutes mes excuses pour l'attente... C'était pas prévu.]

Eden préféra ne pas entrer en matière sur sa réaction. Chacun ses réflexes. Elle se contenta de détourner son attention pour se reporter sur Alex qui prenait son rôle de grand frère suffisamment au sérieux pour pousser jusqu'au rappel des bonnes manières les plus élémentaires. Boarf, ce n'était qu'un enfant qui en avait protégé un autre avec succès. Certes, sa réussite rendait les chevilles de Malo passablement gonflées, mais pour ce qu'elle en savait du breton, il en aurait fallu bien plus pour faire de lui un sauvage amateur de la supériorité par la violence. A moins qu'elle ne soit une fois encore passablement à côté de la plaque pour ce qui était de jauger les autres. En écho à Alex, elle secoua la tête quant à la proposition d'un petit tour par téléportation. Non pas qu'elle désapprouve la méthode, mais la perspective de se retrouver à un endroit totalement différent en une fraction de seconde lui laissait à penser que ses sens seraient un peu trop éprouvés à son goût. Mieux valait réserver ce genre de voyage pour les cas d'extrême nécessité. Ou à la rigueur pour un entraînement.

Ne perdant pas le nord, le breton relança sur la conversation. Avouer qu'ils parlaient de Dakota? Il n'y aurait pas de mystère là-dedans. De fait, elle estimait même que Malo n'était pas le genre de personne à qui il faudrait cacher son inquiétude à ce sujet, mais de là à parler ouvertement d'un concept de surveillance discrète et libérale... De toute manière, avant qu'elle n'ait pu s'expliquer, Alex avait pris le relais avec un autre sujet effleuré en vitesse. Elle jeta un regard plutôt neutre au néo-zélandais d'adoption. Ce n'était pas un mensonge, mais ce n'était pas toute la vérité non plus. A peine un détour discret, de la poudre au yeux pour soulever un autre intérêt tout en détournant l'attention de façon relativement efficace. Il le faisait d'ailleurs avec une aisance qu'elle ferait bien d'acquérir elle aussi histoire de se simplifier la vie. La californienne hocha simplement la tête enprécisant le plus simplement du monde.

"Et comme il restait pas mal de chose à ranger à la cuisine, je lui ai donné rendez-vous ici histoire de gagner du temps en trouvant les bâches."

Alex repartit vite sur la main blessée du breton. Elle réprima une grimace en se disant que ça faisait mal, de se faire tourner et retourner la main alors qu'un hématome venait à peine de s'y former. Pas besoin d'attendre de voir une grimace sur la figure de Malo pour se douter qu'il n'apprécierait que moyennement ce type de manipulation.

"Si tu veux, je m'occupe des fenêtres et tu demande à Clara de te rejoindre à l'infirmerie..."

C'était dit avec toute l'innocence d'une ignorance totale de la relation naissante entre lui et la sud-africaine. Ou pas. Un petit sourire jouant sur cette même fausse naïveté précédemment jouée par Malo étira un instant les lèvres d'Eden avant qu'elle ne précise.

"... Pour t'aider à mettre la crème à l'arnica."

S'il voulait jouer sur ce terrain, pourquoi pas. A moins que Malo ne préfère Alex dans le rôle de l'infirmière, mais étant donné leur relation purement fraternelle et la différence d'âge, l'idée n'effleura même pas Eden.

Réprimant un nouveau mouvement d'épaules qui n'aurait fait que lui attirer une remarque supplémentaire de la part d'Alex, Malo se contenta d'un regard appuyé où surprise, interrogation et déception se mêlaient allégrement. Visiblement, le garçon ne comprenait pas en quoi ses manières puissent être sujettes à critiques. Bref, là n'était pas le problème…

Hélas, le mode de transport instantané, façon Breton téléporteur, n'avait pas l'heur d'enthousiasmer ses camarades. Mais c'étaient eux qui voyaient après tout bien que Malo ait du mal à comprendre cette réticence pour un moyen de déplacement somme toute particulièrement rapide et efficace.

"C'est comme vous voulez…", marmonna-t-il, un peu déçu. "J'f'rai l'retour à vide, tant pis pour vous…"

Curieux, l'adolescent arqua un sourcil devant les révélations suivantes avant de grimacer. On avait proposé à son ami d'effectuer un recrutement, sans même daigner lui en parler, à lui, le Breton héroïque, garant incontesté de la réussite de toute mission de cette nature. Qui pouvait avoir osé une telle infamie ? Encore un coup de Lorenzo, à n'en point douter ! Le professeur avait bien montré sa fourberie en leur imposant une punition imméritée. De là à en déduire qu'il voulait consigner Malo "au quartier", comme s'il avait reçu trois heures de colles pour comportement inadapté, il n'y avait qu'un pas que le bouillant garçon était sur le point de franchir.

"Quoi ? Quelle mission de recrutement ?", protesta-t-il avec fougue. "Et pourquoi que je suis pas au courant ?"

Coupant court à cette indignation, Alex venait de saisir la main de Malo en s'apitoyant sur son état. Serrant les dents pour ne pas montrer sa douleur, l'adolescent laissa quand même échapper un léger gémissement, signe manifeste et honteux de faiblesse pour un dur à cuire.

"Aie… Euh, non, non ça va… T'en fais pas…", mentit-il en essayant de dégager sa main. "Ca va aller. Il avait pas la tête si dure que ça après tout… Je mettrai de la pommade quand j'aurai le temps…"

Sentant le rouge lui monter rapidement aux joues, le Breton regarda Eden en fronçant les sourcils. Simple hypothèse innocente ou taquinerie de quelqu'un qui se doutait de quelque chose ? Malo conservait un doute sur ce sujet mais en l'absence de preuves, il fallait mieux la jouer en mode indifférence plutôt que de relever ces propos et confirmer l'existence d'une baleine sous le gravillon…

Malo avait l'air pour le moins déçu que personne ne veuille se servir de son pouvoir pour se déplacer instantanément d'un point à un autre. Eden devait se méfier autant que lui aurait aimé avoir le temps de le faire, lorsque le Breton l'avait transporté avec fourberie sans le prévenir lors de la crémaillère !

L'annonce de la mission de recrutement sembla mettre le poupon dans tous ses états. Se considérait-il à ce point comme étant l'acolyte de recrutement d'Alex ? Ce dernier observa le Français, surpris qu'il s'énerve :

- " Hé bien tu es au courant maintenant. Et si j'y étais allé moi-même, je t'aurai naturellement proposé de me suivre Malo. Mais je ne vais qu'aller en visite chez mes parents pendant qu'Eden se chargera du recrutement. Il n'y a donc aucune raison que tu nous accompagnes. " tenta de temporiser calmement l'asiatique. Il rajouta :

- " Tu es toujours venu avec moi. Il n'y a pas de raisons que ça change. " conclut-il pour garder la confiance du jeune garçon.

La vérification de la main porta ses fruits. Les articulations étaient rougies, et à en croire le gémissement de douleur réprimé comme prévu, Malo faisait semblant de ne pas avoir trop mal. Pourtant le réflexe face à la douleur indiquait qu'elle était plus vive qu'il ne laissait le croire par le comportement, puis par la parole.

Alexander laissa la main de Malo lui échapper pour ne pas gêner le téléporteur, il porta son regard sur Eden qui faisait une proposition pour le moins amusante à Malo. Clara en infirmière pour lui mettre de la pommade ? L'imaginer entrain de masser la main de son camarade avait de quoi faire sourire. C'était une façon de toucher l'autre avec des raisons justifiables tout en en profitant un minimum, quoique ce serait probablement plus agréable pour elle que pour lui étant donné la douleur qu'il éprouvait à la main.

Le sourire d'Eden était ambigu. Avait-elle remarqué quelque chose entre les deux jeunes tourtereaux non déclarés ? La coincidence paraissait un peu trop énorme, quoiqu'on remarquait toujours ce genre de choses quand on avait le nez dedans grâce à une paranoïa contrôlée. Pour jouer avec Malo, l'asiatique rajouta :

- " A moins que tu ne préfères que je fasse l'infirmière. " avec un léger sourire taquin.

Qui sait, peut être que le fougueux garçon y gagnerait au change ?

Ah! C'était vraiment ça alors? Le rougissement de Malo était plutôt éloquent. A force d'être témoin des échanges ambigus entre Roxie et Vesna, Eden avait finalement réussi à intégrer quelques notions sur les réactions sentimentales. Comme quoi, les miracles pouvaient exister. De faussement naïve, son expression passa un bref instant à du réel amusement avant qu'elle ne reprenne une attitude un peu plus neutre. Alex se faufilait dans la brèche pour en remettre une couche. Si lui pouvait se permettre de narguer le breton autant qu'il le voulait, Eden préféra pour sa part ne pas s'aventurer plus loin sur le titillage pour la simple raison qu'elle n'avait pas avec Malo la même complicité que ce dernier avait avec l'asiatique. De sa part, ça aurait été franchement déplacé. Au lieu de ça, les laissant se taquiner, elle fit quelques pas pour se rapprocher de la bâche. Malo allait-il tout rapporter en haut ou ne vaudrait-il mieux pas le laisser en compagnie d'Alex pour aller s'occuper de ces fichues fenêtres pendant que le temps était au beau fixe? Et dire qu'en revenant d'Allemagne, Eden s'était faite une joie à l'idée de récupérer du décalage horaire... Le sommeil lui paraissait soudain un doux rêve inaccessible.

L'image d'un Alex en infirmière lui passa néanmoins par la tête, et, dos aux garçons, elle eut un léger tressaillement au coin des lèvres avant de se reprendre. Franchement, si Clara et Alex devaient se mettre en concurrence sur le terrain, Clara gagnerait certainement la partie haut la main selon les critères de Malo. A moins que le breton ne cache bien son jeu. Récupérant le scotch qu'elle avisa, la californienne préféra cesser de s'égarer dans ce genre de considérations futiles. Le rouleaux suffirait-il à faire le pourtour de toutes les fenêtres? A priori, elle dirait que oui. Peut-être même que seule, avec sa télékinésie, elle pourrait s'en occuper. Ce pourrait être un bon exercice de précision pour son pouvoir, après tout. Clara et Malo en tirerait un repos bien mérité après la bouffée d'adrénaline précédente.

"Tu devrais prendre ce temps maintenant, Malo. Toi et Clara vous avez déjà fait la plupart du boulot dans la cuisine. Il est temps que vous souffliez un peu, non?"

Elle ramassa la grosse bâche.

"Mouais, mouais…", marmonna le Breton, pas franchement convaincu par les arguments avancés pour justifier sa non-participation au recrutement. "Mais c'est toi qui es venu avec moi, je te rappelle… Pas l'inverse…"

Heureuse jeunesse à la mémoire particulièrement sélective, accommodant la réalité à sa sauce…

Protestant par principe, Malo fit une petite moue, déçu, au fond, de ne pas être du voyage. L'excuse de la visite aux parents semblait un peu grosse à moins qu'il n'y ait une toute autre explication, finalement beaucoup plus simple…

Alex voulait en profiter pour se retrouver seul avec Eden, au moins pendant la durée du voyage en avion. Tout était bon pour justifier quelques heures en tête à tête, dans l'intimité d'une carlingue au milieu de quelques centaines d'autres passagers. Son ami, découvrant enfin le plaisir d'une compagnie féminine, n'avait pas l'intention de voir le Breton leur tenir la chandelle. Bah, c'était de son âge après tout…

Amusé, Malo plissa les yeux. Dans sa grande mansuétude, fort de sa récente et toute relative expérience, il se tiendrait prêt à prodiguer des conseils à l'Asiatique. Il serait quand même dommage que ce dernier se fasse éconduire pour sa première tentative…

Soupçonneux, le jeune garçon suivit du regard Eden. Il lui semblait particulièrement évident qu'elle se doutait de quelque chose. D'accord, Clara était gentille, très gentille, et jolie, très, très jolie, mais ce n'était qu'une camarade et il n'y avait rien, ou presque rien, entre eux. Et en plus, tout le monde savait que les filles, c'était nul. Enfin, pas si nul que ça finalement. Ou plutôt si, les filles c'était nul, mais avec Clara c'était différent. Elle n'était pas franchement comme les autres. Elle avait la peau si douce et elle sentait tellement bon. Malo se sentait vraiment bien en sa compagnie, particulièrement lorsqu'elle avait posé sa tête dans le creux de son épaule, laissant ses cheveux lui caresser le visage.

Mince… l'adolescent se sentait rougir à nouveau pendant que ces pensées désordonnées se bousculaient dans son crâne. Heureusement, Alex, par sa taquinerie, lui permit de reprendre contenance.

"Euh, non, non, ça ira." Secouant la tête, Malo déclina la proposition. "A voir la façon dont tu as secoué ma main, j'te verrais plus en boucher qu'en infirmière…"

En plus, le cliché de la jolie infirmière nue sous sa blouse, rapporté à Alex, aurait tendance à faire nettement moins fantasmer que s'il s'appliquait à Clara.

A les écouter tous, ils avaient quoi à vouloir le ménager. D'accord, sa main était douloureuse mais ce n'était pas la fin du monde. Il n'était pas handicapé au point de prendre du repos immédiatement et pouvait encore assurer une partie du travail.

"T'inquiète ! Ca ira !", affirma-t-il à Eden. "Ca s'ra plus simple si j'rapporte la bâche directement dans la cuisine. T'es vraiment sûre que tu veux pas v'nir aussi dans le même voyage ? Ca ira plus vite…"

Après tout, la bâche était déjà assez encombrante à plier et manœuvrer. La solution offerte par le téléporteur avait le mérite de faciliter – et d'accélérer – le transport.

A en croire le sourire d'Eden qui changeait du tout au tout et les joues rougies de Malo qui quelques secondes plus tôt étaient pourtant normales, il semblait évident que le sujet de Clara était ce qui le perturbait dans la conversation, et ça, elle l'avait bien saisi.

Pourtant le Breton de son côté ne semblait pas se faire marcher sur les pieds. Il jugea nécessaire de rappeler qui accompagnait qui en mission de recrutement, comme s'il était clair qu'envoyer à l'autre bout du monde un enfant d'une dizaine d'années fraichement passées était la chose la plus évidente à faire. Malo serait probablement heureux dans quelques années d'avoir grandit car son âge semblait là être la seule chose qu'il ne maîtrisait pas pour appuyer sa témérité qui paraissait presque pour de l'empressement juvénile actuellement...

Alexander arqua un sourcil lorsque l'ingrat Français fit remarquer que la manipulation de la main avait été douloureuse. Il n'y était pourtant pas allé très fort...

- " Je croyais que tu ne sentais rien ? Et si tu as mal pour si peu... Je ne te pensais pas si précieux. "

C'était taper en plein dans le mille avec ce genre de remarque, l'asiatique n'en doutait pas une seconde. Malo allait bouillir sur place de se faire moucher un coup par Eden et un coup par lui.

La jeune fille proposa d'ailleurs d'aller s'occuper de la bâche pour laisser le temps au grand blessé de se faire soigner par son infirmière (encore en pyjama mais il l'ignorait). Elle s'en saisit à plein bras tandis que le Breton proposait de nouveau un transport express.

- " Il a peut être raison Eden. Au moins pour transporter la bâche. Ce n'est pas la peine de se blesser au dos pour si peu... " fit-il remarque en venant en soutien pour porter la bâche.

Après ce à quoi ils échappaient régulièrement, se faire mal à cause d'un simple morceau de plastique serait pour le moins décalé.

La complicité entre Alex et Malo était touchante. Eden préférait se servir d'un bon prétexte pour ne pas être la cinquième roue du carrosse. D'autant plus que la perspective d'en finir avec cette histoire de cuisine était tout particulièrement séduisante. Finir la corvée pour ensuite vraiment prendre le temps de faire ce qu'elle voulait faire sans qu'il n'y ait de rapport directe avec Graymalkin lui paraissait être un luxe. Elle trouvait presque étrange qu'Alex ait attendu une raison d'aller en Nouvelle-Zélande pour aller voir ses parents. Les interrogations sur leurs ancêtres respectifs avait poussé pas mal de monde à foncer chez leur famille. Eden avait suivit le mouvement de son côté, comme beaucoup. Mais seulement maintenant c'était... Tout de même étrange. A croire qu'il n'avait su trouver de relation réellement fusionnelle auprès des siens. C'était toujours le cas quand il s'agissait d'adoption?

Malo protestait avec fougue contre l'idée de se reposer. Pourtant, quelque chose lui disait que s'occuper des fenêtres n'était certainement pas le planning auquel il aurait voulu se plier. Bizarre qu'il ne profite tout simplement pas d'une occasion offerte pour se détendre un peu. Elle n'eut pas le temps de tout soulever qu'Alex était déjà venu à la rescousse. La bâche n'était pas particulièrement lourde après tout. Il s'agissait plus d'encombrement que de poids. Et puis au pire, elle avait toujours sa télékinésie. Elle ouvrit d'ailleurs la bouche pour protester. Se faire aider n'était pas dans ses habitudes. Surtout pas pour quelque chose d'insignifiant. Mais la remarque d'Alex l'empêcha de parler. C'était juste de la gentillesse. Elle n'allait quand même pas l'envoyer sur les roses alors qu'il se montrait aimable!

"Tu sais... Il en faudrait plus pour se faire mal au dos. Mais merci quand même, c'est sympa!"

Un petit sourire de gratitude plus tard, elle commença à rouler le bord de la bâche qu'elle tenait pour limiter la taille et faciliter la prise, profitant de l'aide de l'asiatique tout en considérant la perspective de se la jouer feignasse.

"On ressent quoi, quand on se téléporte ou qu'on est téléporté?"

La question s'adressait aussi bien à Malo qu'à Alex. L'un et l'autre ayant la vision du conducteur et du passager, c'était toujours intéressant. Fallait-il qu'elle s'attende à des nausées, du déséquilibre, ou simplement à se vautrer à l'arrivée? C'était toujours mieux d'être avertie.

Si peu ? Maintenant prudemment sa main à l'abri hors de portée des grosses paluches de l'Asiatique, Malo lança un regard outré à son camarade.
Que les choses soient bien claires ! Il n'avait pas mal à la main, sauf quand une espèce de brute prenait un malin plaisir à la secouer dans tous les sens tout en appuyant sauvagement sur l'hématome…

Et bien sûr, ce sadique, qu'il croyait pourtant être son ami, en profitait pour en rajouter une couche en osant insinuer que le Breton pourrait se montrer précieux. Il allait lui en coller une s'il continuait sur cette pente glissante ! Du moins lorsque sa main cesserait de le lancer de la sorte. En tout cas, une telle insinuation était particulièrement blessante pour un héro qui ne s'était (presque) pas plaint des coups reçus lors de la neutralisation du gourou et qui était resté discret alors qu'il avait failli avoir la poitrine transpercée par une tête de serpent ornant l'extrémité d'une chaîne d'énergie pure (ou un truc du style…).

Les yeux de Malo véhiculaient alternativement les divers sentiments qui l'agitaient, indignation enflammée et reproche peinée suite à cette supposition infamante, alors que la bouche du garçon s'ouvrait sur une protestation qui ne venait pas…

Bon ! Alex avait raison de changer de sujet en allant aider Eden ! Il allait s'éviter ainsi de subir les foudres, parfaitement justifiés, d'un Breton offensé, foudres comparables à un orage en période de grande marée sur la cité corsaire, à côté desquelles un tsunami en Extrême-Orient passerait pour une bise agréable. Surtout qu'il accompagnait son aide par des propos flatteurs pour Malo, reconnaissant de façon explicite toute l'intelligence et la lucidité du garçon qui avait su analyser de façon pertinente la situation pour proposer la solution idéale.

Du coup, Malo n'était plus le bébé douillé suggéré par Alex mais devenait le stratège génial, l'homme aux idées brillantes, capable de résoudre n'importe quel problème. Il aurait conçu un plan pour sécuriser définitivement la planète qu'il ne s'en serait pas montré aussi fier.

"Un peu qu'j'ai raison !", affirma-t-il en bombant le torse (Lorenzo avait eu le nez creux en effaçant la douleur à cet endroit). "Il suffit d'réfléchir un minimum pour voir que c'est la meilleure solution…"

S'approchant du couple en devenir, non encore déclaré officiellement, le Breton affichait un sourire engageant.

"Bah, ça fait pas grand-chose au fond.", expliqua-t-il, se voulant rassurant. "Un peu comme si on saute du haut du grand plongeoir dans la piscine. Mais bon, quand on est pas une petite nature, on ressent rien de spécial."

Vlan ! Ca s'était pour avoir oser le traiter de "précieux" !

"On y va, alors ? J't'emmène avec moi ?", demanda-t-il à Eden. "J'pense pas pouvoir vous transporter tous les deux à la fois encore, mais, remarque, j'peux essayer…

Tiens, d'ailleurs, il se passerait quoi si Malo tentait de téléporter plus de personnes qu'il ne le pouvait réellement ? Aucune ne bougerait ou est-ce que l'une d'entre elles resterait sur place ? Oui mais laquelle ? A moins que la moitié de la "cargaison" ne disparaisse purement et simplement dans cette dimension où le temps et l'espace semblait fusionner pour permettre un tel déplacement instantanée.

Finalement, il valait mieux ne pas tenter ce genre d'expérience hasardeuse tant qu'on n'était pas certain du résultat…

Le visage de Malo se métamorphosa et devint un véritable patchwork d'émotions. La bouche entrouverte traduisait une surprise détonante, la lèvre qui frétillait peut être un peu d'irritation, les sourcils froncés la colère, les yeux traduisaient l'outrage reçu alternant avec le reproche solide d'oser se faire traiter de chochotte.

Pour taper dans le mille, Alex avait trouvé l'argument parfait. L'asiatique pensa même un instant que le Breton allait exploser tel un Dakota furieux pour peu, en général. Etant donné que l'enfant venait de se faire reprocher qu'il prenait quelques habitudes de son comparse mutant lémurien, peut être n'aurait-il dans le fond pas été étonnant qu'il continue dans cette voix.

Heureusement, tel un démineur de l'extrême, Alex parvint à désamorcer la bombe française grâce à un habile tour de passe-passe. Après le reproche outrageant, le compliment à peine dissimulé venait faire l'effet d'un baume sur l'égo blessé du poupon qui marcha on ne pouvait espérer mieux.

Malo ne manqua d'ailleurs pas de pavaner rapidement la seconde suivante, mettant en avant la justesse de son avis. De son côté, Eden faisait remarquer qu'il en fallait plus pour la blesser qu'un objet encombrant.

- " Certains objets encombrants sont plus pénibles à porter que certains lourds, simplement parce qu'ils nous forcent à nous positionner de façon inhabituelle pour les porter. " se justifia-t-il auprès de la Pink Lady.

Puis celle-ci les questionna sur les effets ressentis par une téléportation. Malo ne manqua pas, naturellement, de lancer une pique à l'asiatique. Ce qu'il pouvait être rancunier !

- " On est déstabilisé à cause du changement soudain d'environnement. Il faut dire que je passais du calme relatif de la chambre au jardin le soir du concert lorsque tu étais sur scène, et sans m'y attendre. Mais j'imagine que c'est comme pour la conduite. Certaines personnes ne sont pas malades lorsque c'est elles qui conduisent mais le sont en passager. "

Sans en rater une, Malo proposait de les embarquer tous les deux pour essayer.

- " Sans façon. Je ne tiens pas à disparaître dans un monde parallèle où à me retrouver lâché en cours de route dans un mur. Mourir emmuré ne fait pas parti de mes projets prochains. "

C'était fou la facilité avec laquelle il était possible de manipuler quelqu'un en lui passant de la pommade. Soit Alex cachait sous ses airs de bon garçon un sombre manipulateur, soit Malo était plutôt crédule. Eden jeta un coup d'oeil à l'asiatique, ne sachant trop de quel côté il fallait pencher, mais l'entendre se justifier lui laissa à penser que les deux possibilités devaient être considérées. Il savait parler en tous les cas. Malo partait avec un malus du fait de son jeune âge. L'un dans l'autre... Certes, son raisonnement était on ne pouvait plus logique, mais il n'avait dans le fond, pas de réelle raison d'être. Eden s'était déjà occupée de la bâche avant qu'il n'arrive et quand bien même elle était une jeune fille, elle n'était pas en sucre. A croire qu'il avait besoin d'une raison pour simplement vouloir aider. Le début d'un sourire d'amusement passa sur ses lèvres avant qu'elle ne se reporte sur Malo qui répondait à sa question.

Forcément, l'avis du principal concerné partait nécessairement avec une bonne dose de positivisme, et une légère attaque à l'encontre d'Alex. Quelque chose lui disait que l'expérience n'avait certainement pas été le fruit d'une réflexion mûrement analysée pour le néo-zélandais. L'avis d'Alex lui parut un peu plus objectif. Pour autant qu'Eden fasse abstraction des détails concernant les éventuelles ratées de ce genre d'exercice. Le choc du déplacement serait certainement moins brutal que de passer d'une chambre à un concert, mais la perspective de n'être que partiellement téléportée, larguée quelque part dans un monde parallèle ou même achever sa course emmurée de na réjouissait pas particulièrement.

"Hm... Si tu as la certitude que la bâche et moi-même arriverons à bon port avec toi, je veux bien essayer."

Ce n'était pas dans ses intentions de remettre en question les compétences de Malo. Il y avait des chances qu'un jour ou l'autre, sa survie soit dépendante de son pouvoir. Alors bon, si elle ne lui faisait pas confiance maintenant, quand est-ce qu'elle pourrait commencer? En cas d'échec, elle n'avait plus qu'à espérer que sa mort ne soit pas trop douloureuse. Elle tâcha bien entendu de ne pas afficher ses doutes. Le breton se téléportait assez souvent pour maîtriser un minimum son pouvoir, du moins s'il fallait qu'elle pose un point de vue objectif, elle considérerait aussi cet aspect-là.

"Je suis prête pour la cuisine."

Une fois dit, elle cala la bâche contre elle, remerciant Alex pour son aide, et tendit sa main à Malo. Alea jacta est!

Au moins Eden se montrait pleine de courage et d'allant ! Ce n'était pas comme certains… Rassurant, Malo hocha la tête avec enthousiasme, confirmant toute la confiance qu'il avait en lui.

"T'en fais pas ! J't'amènerai à bon port et en un seul morceau !", garantit-il d'un ton plein d'assurance.

Le temps était loin où le Breton n'était même pas fichu de conserver son caleçon lors d'une téléportation. A présent, il était largement capable de transporter un de ses camarades avec lui, tout en se chargeant d'un objet aussi insignifiant qu'une banale bâche en plastique.

Mais, à bien y réfléchir, il n'était peut-être pas prudent d'y adjoindre un deuxième passager. Malo sentait bien qu'il était à deux doigts de maîtriser cette nouvelle évolution de son pouvoir, mais cela restait trop aléatoire et il ne voulait pas prendre le risque d'un incident quelconque. Certes, le garçon pouvait se montrer casse-cou et impulsif lorsque seule sa personne était concernée mais il ne ferait jamais rien, du moins volontairement, qui puisse mettre en cause la sécurité d'un de ses camarades.

"Euh, finalement Alex, j'pense qu'c'est mieux si j't'emmène pas aussi…", avoua-t-il, un peu hésitant. "J'suis pas sûr de pouvoir transporter une telle charge d'un seul coup. Tu nous r'joins à pieds ou j'reviens te chercher ?"

Pas que l'Asiatique constitue spécialement un poids mort, mais il représentait quand même une masse non négligeable à prendre en compte (qui commençait à prendre sacrément du poids d'ailleurs). Donc, pour le moment, la marche semblait être la meilleure solution (elle permettrait peut-être aussi de résoudre partiellement le problème de léger surpoids d'Alex…).

Souriant, Malo saisit la main d'Eden et se concentra, visualisant son lieu de destination.

"Allez, c'est parti ! A bientôt Alex…"

Un bruit de souffle imperceptible accompagna la disparition du garçon et de sa passagère. Alex se retrouvait seul dans le hangar.

Cuisine