01.02/06.S.Washington - Motard en pétard

Installé à une table à l'écart du Gentle Pork, le restaurant texan dans lequel Emily et lui avaient effectué leur pêche aux infos, Walentyn sirotait sombrement une bière en ressassant la trahison qui l'avait mené jusqu'ici. Affamé, il n'avait pourtant presque pas touché aux frites dans l'assiette devant lui. La bière lui paraissait même conseillère et nourricière pour le moment. C'était loin d'être la première fois qu'on lui plantait un couteau entre les omoplates, alors pourquoi avait-il ressenti une telle rage en se retrouvant à l'hôpital de Chicago ? Parce qu'il savait pertinemment qu'il avait raison et que les élèves eux-mêmes, si méfiants à son regard, étaient derrière lui pour ce cas précis ? Parce qu'Emily n'était pas la première minette venue ? Il était forcé de l'admettre, mais ce n'était pas tout. Lily-Rose avait délibérément rompu l'engagement qu'elle avait pris envers lui lorsqu'elle était venue lui proposer ce job ; celui de lui laisser les mains libres. Elle n'acceptait tout simplement pas qu'il puisse avoir raison et pas elle, et elle était prête à sacrifier un membre de la "famille" pour le faire taire.
Pourtant endurci, Walentyn se rendait compte qu'il avait fait preuve d'une naïveté de bleusaille en croyant que les X-men étaient organisés autrement qu'une vulgaire organisation criminelle. Lui qui avait abandonné le monde de la pègre pour se racheter une conduite, se retrouvait dans la même configuration de travail, à cela près que lui respectait ses engagements de loyauté, malgré tous ses travers peu reluisants.

Furieux, il avait quitté l'hôpital sans demander son reste, ni même des nouvelles de Damian. Il valait mieux qu'il quitte l'hosto avant de faire ou dire quelque chose qui aurait pu mettre le blessé dans une situation délicate. Il était rentré au Old School en vitesse, était passé dans sa piaule pour récupérer son balisong, qu'il n'avait pas emporté en mission, sa veste de moto, ses deux casques (car il ne faisait aucune doute à ses yeux qu'il ne reviendrait pas seul) et sa bécane. Sans laisser le moindre mot derrière lui, il avait claqué la porte du Old School et enfourché sa moto. Pas de précipitation. C'étaient les mots de Lily-Rose. Elle pouvait s'asseoir dessus, et sur tous ses boniments de charité chrétienne. Tout ça n'était qu'une façade pour dissimuler sa sournoiserie à coups de Bible. Walentyn au moins, laissait paraître ce qu'il était vraiment : pas de surprise comme ça, le client n'était pas roulé sur la marchandise.

En arrivant à Washington, il avait commencé par descendre dans un hôtel miteux, pour plus de discrétion. Ereinté par la mission et le voyage, il s'était laissé sombrer dans un sommeil sans rêve, tout habillé (encore vêtu de ce que Lennox appelait "un costume", à cela près qu'il avait ôté son masque), sur le dessus des couvertures, son couteau papillon glissé sous l'oreiller.
Le lendemain matin, une bonne douche lui remit les idées en place. La colère, il la rangerait dans un coin de son cerveau, prête à resurgir au moment propice comme un diable sort de sa boîte. Il avait besoin d'être en possession de tous ses moyens. Comme lors d'un cambriolage, il devait huiler son plan et faire le plein d'informations, domaine dans lequel il était passé maître.
Il avait donc commencé par faire un petit tour en moto dans le quartier de la Maison Blanche afin de s'assurer qu'Emily était bel et bien retenue là-bas, mais ne s'était pas attardé lorsqu'il avait constaté qu'elle était inconsciente ; rien ne servait de se faire remarquer par les vigiles s'il ne pouvait même pas entrer en contact avec elle. Il avait ensuite épluché les nouvelles, puis s'était rendu sous une fausse apparence au point de chute principal des Pères Fondateurs et des mutants de la capitale, à savoir le Gentle Pork, afin de prendre un peu la température et savoir ce qui se disait sur leur action à Utopia et les éventuels mouvements connus des Pères Fondateurs. La présence ou non des Pères Fondateurs à leur cantine préférée avait également son importance : s'ils continuaient de s'y rendre, il y avait de fortes chances pour que les PF n'aient pas été informés des événements, mais si aucun d'entre eux ne venait y manger, le Polonais pourrait en déduire que la mobilisation des PF était générale depuis le coup sévère qu'ils leur avaient portés à San Francisco.

Le lendemain, il était venu manger un bout au restaurant sous son apparence réelle, cette assiette de frites et cette bière censée le galvaniser. Il n'avait pas la tête à manger, perdu en manigances qu'il était, mais il avait besoin de se tenir en forme. Ce n'est qu'à ce moment qu'il se souvint qu'il avait son téléphone sur lui. En consultant le portable, il s'aperçut non sans surprise que tous les messages reçus provenaient de Timour. Walentyn poussa un soupir résigné. Le gosse était un brave petit gars, mais juste un peu trop démonstratif au goût du taciturne Polonais. Toutefois, sa loyauté à lui ne faisait aucun doute. Walentyn réalisa que son départ impromptu pouvait avoir poussé l'Azéri à faire une bêtise. Il était loin d'être sans défense, mais il était trop jeune pour jouer les cow-boys, même si c'était pour lui faire plaisir. L'illusionniste prit le temps de taper un SMS laconique avant de couper son téléphone :

Citation :

Reste au Old School jusqu'à mon retour.

Lorsqu'il eut terminé, il paya la tenancière au sourire de diamant et lui laissa un coquet pourboire. Il enfourcha sa moto pour se rapprocher de la Maison Blanche, puis la gara dans une petite rue le temps d'essayer d'établir une connexion télépathique avec Emily. Serait-elle toujours là et éveillée cette fois ?

*Emily, c'est moi, tu m'entends ?*

Au cours de ses rondes au Gentle Pork, Walentyn ne vit en tout et pour tout que deux Pères Fondateurs, lors de sa première visite. En l'occurrence, deux femmes, Smoke et Scream. Elles avaient pris une boisson au bar. Elles faisaient une pause bavardage avant la convocation d'Elixir. Elles n'étaient alors au courant de rien concernant Utopia, et se montraient peu intéressées par les plans de leur organisation. Au contraire d'Aurock elles n'avaient aucun souvenir relatif à des réunions stratégiques ou autres débats de grande politique. Smoke songeait à divers business en cours avec Trip, notamment du trafic de drogue. Elle avait hâte de son retour de mission. Scream regrettait de ne pas avoir été de la partie pour visiter la côte Pacifique, ses plages et ses îles. La mutante hurleuse avait informé la serveuse qu'une bande de PF allaient sans doute manger là le soir-même, après une grosse réunion de travail. Mais Walentyn put apprendre que personne ne vint le dit soir. Il n'y eut plus de Pères Fondateurs dans la place après elles.

La serveuse en fut assez surprise. Elle émit des hypothèses qui ne devaient pas tarder à tenir lieu de rumeurs. Selon elle les Pères Fondateurs préparaient sans doute une invasion de la Californie. On disait qu'ils avaient recruté et formé beaucoup de nouveaux mutants. Qu'ils étaient maintenant prêt à lever une véritable armée. Walentyn entendit des nouvelles plus pessimistes à certaines tables. Un mutant venu du Delaware parlait d'une insurrection de milices humaines qui avait mis en échec la police mutante. A New York avaient eu lieu, presque en continu, des manifestations anti-Pères Fondateurs et aussi anti-mutants tout court. Les clients de la cantine exprimaient leur soutien aux Pères Fondateurs (et le pensaient la plupart du temps), et relayaient soi-disant l'opinion publique des UMS, selon laquelle le "peuple mutant" attendait une opération musclée de leur libérateurs, pour faire taire toutes ces menaces. Bref, on attendait quelque chose mais on ne savait pas quoi. Cette agitation sourde amenait pas mal de clients au Gentle Pork.

Dans les journaux pro-mutants, Walentyn eut confirmation des mouvements de protestation à New York. Un encart publiait même des extraits d'un discours de l'ancien Secrétaire d'Etat de la Maison Blanche, présent lors d'une manifestation. Il ne vit rien sur le Delaware. Il lut en revanche que dans le district de Columbia des militaires humains avaient tenté de prendre un dépôt de munitions. Un détachement de la Force Génétique, aidé de militaires ralliés aux Pères Fondateurs, avait réussi à les en déloger. En Caroline du Nord une secte apocalyptique ayant récemment appelé à la "Croisade Christique" contre les Pères Fondateurs s'était toute entière, d'après le journal, immolée par le feu deux jours plus tôt. On présentait des photographies du charnier et des corps carbonisés.
Un long article détaillait les atermoiements politiques des deux grands partis, Républicain et Démocrate, quant à la tactique à tenir face aux Pères Fondateurs. Les Démocrates majoritaires à Chicago étaient pris en exemple pour leur grande ouverture et leur appel à négocier la paix et la coopération avec le groupe terroriste. On publiait un interview du chef de ce parti à Chicago.
Dans les news locales, Chimère apprit aussi que la banque Mutbank était concurrencée par une petite nouvelle "La Caisse d'Epargne Surhumaine Américaine". Il s'agissait de la reconversion de la Banque Lazard, en quête de nouveaux marchés dans les UMS. Il vit aussi un encart publicitaire où Drown prônait par sa simple présence photogénique les vertus d'un shampooing pour homme. En sous titre de la photo : "L'effet cheveux mouillés sans H2O ? C'était physiquement impossible, Skinstar & HairDry l'a fait."

Walentyn expira lentement. Elle était encore en état de penser, et de penser comme Emily Wong. La réserve et la retenue de sa réponse télépathique arracha un sourire en coin au Polonais ; même après ce qu'elle venait de traverser, elle trouvait encore la force nécessaire pour faire la fière. Bien des types auraient craqué depuis belle lurette avec pareils traitements. Le télépathe ne se gêna en effet pas pour survoler les souvenirs récents de sa collègue, non pas par indiscrétion comme c'était bien souvent le cas, mais par simple esprit pratique : sa mémoire contenait peut-être des infos cruciales pour sa libération. L'heure n'était plus aux jeux.

Il grinça des dents aux nombreux souvenirs sado-masochistes imprégnés dans la mémoire de sa partenaire. Il avait tout de suite flairé que Désir avait un grain lorsqu'il avait récupéré Timour à l'aéroport de Washington, mais là, elle était allée trop loin ; il avait maintenant un compte personnel à régler avec cette blondasse et l'addition serait salée. Une chance qu'il ait été en mesure de gommer les souvenirs, il pourrait remettre de l'ordre dans la tête de sa collègue une fois qu'ils seraient tirés du pétrin.

*T'aurais dû me dire que tu voulais refaire une virée à Washington, on serait descendus au Ritz.* lui répondit-il, badin. *Vu la qualité déplorable des prestations, je me sens dans l'obligation de t'emmener ailleurs.*

Sur ces mots, il effectua un scan télépathique de la Maison Blanche et de ses occupants, que ce soit à l'intérieur ou dans le parc. Son objectif était de repérer les pouvoirs en présence, notamment les pouvoirs mentaux. Il espérait également pouvoir déterminer quels Pères fondateurs étaient présents dans les murs à cet instant.

Walentyn s'était posté dans la West Executive Avenue, et pouvait embrasser télépathiquement la zone de l'aile Ouest de la Maison Blanche. Dans ses sous-sols se trouvait Emily.


Le mutant ne pouvait pousser son scan plus loin vers le bâtiment principal depuis sa position. Son sondage lui révéla la présence de pas mal de cerveaux dans la zone. Les Pères Fondateurs semblaient avoir choisi ce bâtiment abritant les bureaux du président pour leurs travaux, car il reconnut plusieurs mutants identifiables.

Dans le parc, pas très loin de la piscine, se trouvaient Drown, Burn et deux autres personnes mutantes.

Dans le bâtiment, dans sa partie la plus haute, le télépathe distingua un vivier de 5 cerveaux mutants, qu'il identifia comme Elixir, Shield, Smoke, Scream et Octopus.

Au rez-de-chaussée, un cerveau narcissique appartenant à Soft se promenait. Il était en compagnie de deux autres personnes. L'une d'elle était mentaliste.

Enfin sous la surface du sol, il perçut outre le cerveau d'Emily, deux cerveaux protégés par une barrière psy, ainsi qu'un esprit tortueux habité de pulsions sadiques qui était aussi dans les pensées de Swift.

Et de la combativité. Le bilan pourtant plutôt défavorable à la libération d'Emily, n'était toutefois pas aussi catastrophique que l'avait pensé Walentyn. Sa collègue était peut-être même un poil optimiste quant à leurs possibilités d'affronter Désir et d'en ressortir vivants. Walentyn n'était pas déjà certain de réussir à déjouer la vigilance de la Maison Blanche. Il avait certes Buckingham Palace à son actif, mais le palais était surveillé par des mutants, notamment de mutants particulièrement dangereux. Puis l'évidence lui sauta aux yeux : Emily s'imaginait sûrement qu'il était accompagné du reste de la bande... Les possibilités complètes des X-men au complet, même inexpérimentés, étaient non négligeable, il y avait de quoi être optimiste lorsqu'on venait de vivre 48 heures dans le monde merveilleux des Pères Fondateurs les plus tordus.
Walentyn, qui était plutôt partisan terre à terre d'un réalisme on ne peut plus cru, préféra pourtant ne pas la détromper pour le moment ; le regain de vigueur qu'elle devait éprouver à la perspective d'être secourue était un atout de plus dans leur maigre besace, et en bon joueur, Walentyn savait qu'une seule carte pouvait faire basculer une partie. Il brûlait d'envie de déballer le sac qu'il ruminait depuis deux jours, depuis la traîtrise de Lily-Rose. Serrant les mâchoires, il ravala son venin pour le moment. Démoraliser Emily en lui apprenant qu'elle avait été abandonnée par Lily-Rose ne ferait que les handicaper, saper les forces que l'Asiatique pouvait encore mobiliser. Et il avait besoin d'elle, l'ennemie de l'intérieur, de sa présence d'esprit, de ses observations, de son sens aigu de l'analyse.

*La priorité, c'est de te tirer de là, beauté. Ta vengeance te sera plus utile si tu y survis.* répondit-il à la jeune femme. Il en connaissant un rayon : sa récente expérience londonienne lui avait donné raison.

*Bon, déjà deux psy à ton niveau... Tu es attachée ? Ta porte a des barreaux ? Donne-moi un max d'infos sur ta situation.* lui demanda-t-il, avant de tenter de se remémorer les souvenirs volés à Frimas sur la configuration des lieux. Il cherchait notamment à se rappeler de la position des caméras et du chemin d'accès vers le sous-sol.

Ce n'était pas tant les 5 PF de la piscine qui l'inquiétaient ; s'il les avait bien reconnus (et il se trompait rarement), il n'aurait pas de mal à passer inaperçu. Non, le plus inquiétant, c'était le système de sécurité réel de la Maison Blanche, et les mentalistes qui pourraient le remarquer.

Walentyn se souvient avoir lu dans la mémoire de Frimas que le bâtiment était criblé de caméras, certaines visibles, d'autres dissimulées. Certaines parties étaient piégées et/ou mises sous alarme. Les Pères Fondateurs pouvaient couper les systèmes à l'aide d'une carte magnétique et d'un code chiffré 1*H7*. Des bornes réparties devant les pièces ou allées permettaient ainsi de désactiver localement les alarmes.
Le système d'alarme était connecté aux communicateurs des Pères Fondateurs, qui recevaient un signal d'alerte et la localisation. La salle de contrôle où l'on pouvait visionner les écrans de surveillance était aménagée dans la Roosevelt Room.

Pour accéder aux sous-sols, trois possibilités s'offraient.

1. Le passage officiel : les escaliers et l'ascenseur se trouvant au cœur du bâtiment. Ils reliaient également le premier étage.
   L'accès par des portes blindées aux escaliers et à l'ascenseur s'ouvrait après contrôle digital / oculaire.
   
   
2. La sortie de secours : un monte-charge à générateur autonome qui s'ouvrait au sud de la Palm Room, à l'extérieur du bâtiment, en sortant du sol.
   Cette sortie (on actionnait le monte charge uniquement depuis l'intérieur) avait été condamnée et piégés par des moyens conventionnels.
   
   Outre l'ascenseur, les Pères Fondateurs avaient un autre passage pour accéder aux sous-sol :
   
   
3. Grâce à son pouvoir, Soft avait aménagé un tunnel dans le sol du Bureau Oval. Hellion pouvait le couvrir par une dalle de béton armé au besoin. Ce passage était ouvert à partir du moment où un membre du groupe était au sous-sol. Un détecteur de mouvement très perfectionné surveillait le passage et envoyait un signal au moindre intrus non enregistré.

Il y eut pendant ce temps du mouvement. Walentyn vit bientôt deux voitures gagner le portail de sortie du domaine et partir vers le nord, au loin de sa position.

Dans le parc il ne restait plus que Burn et les deux autres mutants. Au rez-de-chaussée, Soft et ses deux acolytes (dont l'un mentaliste), au premier étage, Elixir et Octopus, au sous-sol Nomade et les deux barrières psy.

Nomade... Nomade... Le nom de code lui disait vaguement quelque chose, il avait dû le lire dans la base de données du Old School, sauf qu'il n'arrivait plus à se rappeler de sa fiche signalétique. C'était le problème d'avoir la mémoire sélective, du moins sélective quand il était question de la gent féminine. Les Mères Fondatrices étaient globalement plutôt bien gaulées, et comme Lily-Rose avait pris le soin de leur fournir des photos, Walentyn s'était attardé un peu plus longtemps sur les mutantes que les mutants... Enfin, il n'allait tout de même pas le regretter pour un détail pareil ! Avec ce nom de code, il était peut-être téléporteur ?

Toutefois par élimination, il n'eut pas grand mal à faire le rapprochement entre ce "Nomade" et la personnalité sadique qui semblait affecter la psyche d'Emily. Le bon point était qu'il savait maintenant ce type dans la cellule d'Emily, ce qui laissait encore deux mentalistes à l'extérieur, probablement en faction dans le couloir. En revanche, vu la tournure d'esprit ravagée du bonhomme, le temps pressait peut-être plus que le Polonais ne l'avait pensé au départ.

L'illusionniste tâta la poche arrière de son jean, se souvenant des cartes que lui avait dégottées Alexander sur Utopia : une carte de crédit et une carte d'accès. Avec un peu de chance, il s'agissait d'une des cartes d'accès de la Maison Blanche, mais Frimas avait-il déclaré sa perte ? Si oui, la démarche la plus logique consistait à verrouiller l'accès de cette carte, ce qui signerait l'arrêt de mort de Walentyn en cas d'utilisation. Cul-de-sac ou gros risque, donc.

S'intéressant aux souvenirs de Frimas, il réalisa que ses possibilités étaient également passablement limitées. Il aurait probablement pu emprunter le premier accès avec Lily-Rose, mais il était hors de question de lui faire le plaisir de l'appeler à la rescousse. Plutôt mourir.
Le deuxième passage, le monte-charge, se révélait également complexe. Même en déclenchant volontairement les pièges pour libérer la voie, il se ferait remarquer, et la descente serait rendue quasiment impossible tant que personne n'aurait actionné l'ascenseur depuis l'intérieur. "Emily, tu peux te libérer toute seule et m'appeler l'ascenseur ?" Mais bien sûr ! Pour peu qu'on appréciât l'humour anglais, c'était une bonne blague à faire.
Quant au troisième accès, il était impraticable tant qu'un PF n'était pas en bas et que le système de sécurité n'avait pas été désactivé. Or Walentyn savait qu'un Père Fondateur était actuellement en bas avec Emily, mais s'il était bien téléporteur, il avait fort bien pu bypasser allègrement le système de Hellion, qui n'était de toute façon pas dans les environs directs...

Sacré casse-tête. Son meilleur espoir d'entrer, c'était encore leurs ennemis. Bon, il devait effectuer une dernière vérification avant d'élaborer son plan d'action.

Viser le sommet de la hiérarchie, pour ce dont il avait besoin, c'était le plus sûr. Le mutant se concentra donc sur l'esprit d'Elixir pour tenter de découvrir ce qu'il savait des événements survenus sur Utopia et les mesures éventuelles qui avaient été prises en réponse pour la sécurité du QG.

Walentyn sonda le cerveau d'Elixir, et trouva diverses informations. La triade avait peu d'éléments sur ce qui était réellement arrivé sur Utopia. Ils avaient pu déduire s'être fait manipulé mentalement, et bien sûr trahis. Les suspects étaient Aurock, Monk et Steal. Hellion et Prodigy enquêtaient sur place, et ils avaient pu identifier Mask mais le reste était soit flou, soit non encore communiqué au QG. Ils étaient sur Utopia avec Frimas, Trip, Uppercut et avaient découvert le corps de Rib. Les mutants agressés avaient du se remettre de leurs émotions et recoller les bribes de souvenirs. Le cas de la perte de mémoire de Frimas orienta les PF sur une intervention d'un télépathe.

Concernant les mesures mises en place, la triade avait considéré en priorité deux dangers : celui d'être visité par un mentaliste, et par un métamorphe ou assimilés. Ce qui leur a causé un sacré casse-tête. Ils ont tout d'abord rattroupé leurs membres de la Force Génétique capables de détecter les mutants et/ou les pouvoirs. Il s'agissait de Ralph, l'acolyte préféré de Désir, et Iguane du Delaware. Ils ont aussi convoqué des boucliers psy.

Ils avaient désactivé les systèmes d'alarme. A la place, ceux-ci s'enclencheraient si quelqu'un passait une carte magnétique sur les bornes. Il n'y avait donc plus de pièges divers et alarmes, mais des détecteurs et les caméras de surveillance transmettaient les informations dans la salle de contrôle. Les PF et autres étaient toujours sensés patrouiller par deux ou trois.

Concernant le passage officiel : les contrôles génétiques avaient été désactivés et "piégés" (quiconque les utilisait alertait la salle de contrôle) et remplacés par un simple mot de passe "Obama".

Concernant le passage par le tunnel. A cause de la taupe, Prodigy a décidé de changer son emplacement. Le Oval Office est piégé et le tunnel a été bouché.
Il a été refait à l'identique par Soft dans le bureau du Vice-Président.

Malgré tout cela les Pères Fondateurs ne se sentaient pas en sécurité et Walentyn put lire que différentes attitudes et plans d'action avaient été débattus. C'est la motion la plus modérée, basée sur le dispositif sécuritaire modifié et sur la discrétion, présentée par Elixir, qui fut choisie. Mais Elixir avait encore en tête d'autres idées de ses divers collègues : partir immédiatement à la chasse à l'homme des trois suspects, commettre des meurtres de masse pour provoquer le chaos, utiliser Emily comme appât pour attirer ses alliés dans un piège. L'ancien X-Men avait préféré temporiser le temps que les autres reviennent d'Utopia, ce qui ne devait plus tarder.

Walentyn put renouveler le scan de la zone. Dans le parc, près de la piscine se trouvait toujours Burn et un mutant.

Au rez-de-chaussée du bâtiment, Soft, un mutant et un mentaliste au bouclier assez faible étaient réunis en un même point, environ au cœur de la bâtisse.

A l'étage restaient Elixir et Octopus.

Au sous-sol se trouvaient toujours Nomade et Emily, ainsi que deux boucliers dont un qu'il ne valait mieux pas effleurer, et un modéré.

Ne jamais se fier aux médias. L'info à la source, y avait que ça de vrai. Vu l'ampleur de ses découvertes, Walentyn ne pouvait que se féliciter d'avoir plongé dans l'esprit du bras droit (ou gauche) de Prodigy. Par chance, la voie s'était légèrement dégagée, mais le temps leur était compté : mieux valait ne pas être là au retour du groupe d'Utopia, en particulier pour Emily.

*C'est comme si c'était fait, poupée.* répondit ironiquement le télépathe en dépliant la béquille de sa moto, dont il descendit.

Le mutant s'étira les bras, puis fit craquer sa nuque. Il portait encore ses vêtements d'Utopia, et bien qu'il ait pris une douche à l'hôtel, il craignait de ne pas être particulièrement présentable pour le sauvetage. Un peu d'eau de Cologne aurait été la bienvenue, mais il ne pouvait pas être plus "puant" qu'un mec comme Aurock, qu'Emily appréciait. Au pire, s'il lui restait assez de réserves, il projetterait une petite illusion olfactive au moment de récolter les fruits de sa tentative suicide ; rien n'était gratuit dans la vie. Il tâta sa poche de jean et y trouva la forme réconfortante de son gros engin : son balisong, évidemment. Il s'était toujours refusé à tuer pour de l'argent, mais tuer pour un membre de sa "famille", c'était tout à fait envisageable. Sur ce coup, c'était tout ou rien. Walentyn avait les pieds sur terre : il ne s'en tirerait pas en faisant dans la demi-mesure.

Bon, la surveillance extérieure était du côté de la piscine. Parfait. Walentyn lança une illusion complète autour de lui pour dissimuler sa présence, puis entama sa progression en contournant le bâtiment par le nord est, tout en usant de la végétation et des aménagements du parc pour se mettre à couvert des caméras dont il avait connaissance grâce aux souvenirs de Frimas.

C'était probablement le chemin le plus long, mais il comptait éviter l'entrée principale du lobby au profit d'une approche par les pièces les moins usitées, comme la salle de réunion du cabinet, qu'il visait comme point d'accès numéro 1.

Walentyn parvint en louvoyant habilement jusqu'à la colonnade ouest. Il trouva sur son chemin les caméras telles qu'elles étaient placées dans la mémoire de Frimas, et en tout cas, ne déclencha ni alertes ni pièges déplaisants. Il fit bientôt face à quatre double portes fenêtres qui menaient sans nul doute dans la salle de réunion du cabinet.



Les lieux étaient déserts. Un coup d'œil par les carreaux lui montra que la salle était vide également. Ses compétences de cambrioleur lui permirent de se frayer un passage et pénétrer dans la pièce.

Une très longue table en bois trônait au centre de la pièce et occupait une grande part du volume. Tout autour se trouvaient des sièges confortables. Walentyn trouva dans un coin de la table quelques boites de plats chinois à emporter, ainsi que des bouteilles vides et des couverts en plastique. A part ces reliefs disgracieux d'un repas éphémère, la salle brillait par son style classique et raffiné. Les portes menant sur l'intérieur du bâtiment ne semblaient pas verrouillées.

Walentyn esquissa un sourire satisfait en pénétrant dans la salle de conférence. L'adrénaline commençait à monter. Une bonne vieille effraction, ça faisait longtemps qu'il n'avait plus eu ce petit plaisir à se mettre sous la dent ; depuis Buckingham, en fait. Ses dernières incursions, à Graymalkin et dans le repaire des Morlocks, manquaient de ce brin d'illégalité totale. Ici, il n'était clairement pas le bienvenu. Légalement.
La fatigue accumulée par l'illusionniste ces derniers jours s'était comme volatilisée. Ses sens étaient en éveil, une sorte de férocité prédatrice le poussait en avant.

Il lorgna une seconde sur les restes de repas puis s'approcha des portes menant vers l'intérieur et jeta son dévolu sur la porte sud, qu'il entrouvrit doucement afin de jeter un oeil dans le couloir.

Walentyn n'eut pas aussitôt entrouvert la porte qu'il entendit des voix, bien qu'il ne vit personne. Comme le silence régnait plutôt, elles se comprenaient assez distinctement. Il put évaluer que ces gens se trouvaient sans doute dans la Roosevelt room, dont les portes devaient être grande ouverte. Il perçut vaguement une odeur de nouilles chinoises réchauffées.

"Tu vois là je me sens déprimé, j'ai pas du tout, mais pas du tout le moral. Ça n'a aucun sens. En plus voilà, c'est gagné, j'ai une écharde. Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? Je suis la seule personne ici à souffrir le martyre et on me donne les tâches stupides. Si seulement ils avaient un spa correct dans ce pavillon..."

"Regardez, Burn est tout seul et il revient vers l'entrée, caméra 3. C'est bizarre non ? On est sensé rester groupés."

"On est sensé attraper des migraines oui ..."

"Je vais à sa rencontre il sera groupé comme ça ..."

L'ex-mafieux pouvait voir en face de lui la porte, par ailleurs vitrée, du couloir (1) ouverte. C'est là qu'il vit sortir quelqu'un de la Roosevelt Room. C'était une silhouette sombre, insectoïde, qui ne portait pas de vêtement hormis une sorte de cape. Il ne la vit que brièvement de côté, puis de dos, vu qu'elle partit tout droit en direction du lobby. La créature n'avait pas de bouclier psy.

Walentyn épia discrètement la conversation qui avait lieu dans la Roosevelt room, enfin si on pouvait appeler ça une conversation ; il y avait au moins une chiffe molle dans la pièce. Mais tant que ça lui profitait, Walentyn n'allait pas se plaindre. Si cette lopette pleurnichait pour une écharde, il y avait des chances pour qu'une pêche lui fasse sérieusement mal.

Il scruta ensuite la bestiole partir en direction du lobby. Jusque-là, il n'avait pas songé qu'on puisse être aussi perdant que Flesh et Timour à la lotterie génétique, mais ce mutant décrochait la palme. Par chance, il n'aurait pas à le cogner, du moins pas pour le moment. Le Polonais reporta donc son attention sur les deux charlots restants.

Il y avait un mentaliste... Apparemment, ce type n'était pas un télépathe de haute volée. Un télépathe comme lui. C'était un pari, mais Walentyn avait l'habitude de jauger de ses chances en la matière. Il attendit de ne plus entendre les bruits de pas de l'insecte géant, puis, toujours sous couvert de son illusion camouflante, referma doucement la porte de la salle de conférence, traversa rapidement la salle 1 et pénétra dans la Roosevelt Room. Une fois sur place, il comptait assommer les deux types en leur cognant violemment la tête avec celle de l'autre.

*Toujours avec moi, Emily ?* s'assura-t-il mentalement.

Il avait beau savoir qu'Emily avait mis ce Nomade hors course pour le moment, vu sa situation, mieux valait vérifier que tout allait bien.

Dans la Roosevelt Room, Walentyn vit en effet deux hommes debout devant des écrans de contrôle, qui regardaient.
L'un, au profil asiatique mais assez enrobé et aux cheveux gras, terminait un carton de nouilles sans quitter des yeux les écrans.


L'autre, propre sur lui, costume à rayures et mèche blonde en travers du visage, regardait mais d'un air blasé. Walentyn reconnut le Père Fondateur du nom de code de Soft.


Les deux hommes ne se formalisèrent pas de l'entrée de Chimère, qui put saisir l'opportunité d'entrechoquer brutalement leurs crânes. Soft était un peu plus grand que l'asiatique, si bien qu'il ne fut pas assommé sur le coup et proféra un cri de surprise douloureuse, avant de sombrer dans les vapes. L'asiatique et lui s'affalèrent au sol. Des voix d'homme en provenance du fond du lobby commencèrent à résonner. Walentyn vit sur les écrans que Burn et l'insecte s'étaient rejoints dans le lobby.

Bizarrement, le contact avec Emily se perdit au milieu de sa phrase télépathique, comme si le télépathe avait dérapé sur une savonnette.

Walentyn fronça les sourcils alors que les deux hommes s'effondraient à terre. Pourquoi sa liaison télépathique s'était-elle rompue ? Ca ne présageait rien de bon, en tout cas. Et compte tenu que Burn et l'insecte se promenaient, mieux valait activer le mouvement ; sa présence ne resterait pas inaperçue très longtemps.

Le mutant fouilla rapidement les deux hommes, cherchant un éventuel communicateur comme ceux qu'ils avaient trouvés sur les Pères Fondateurs d'Utopia, afin de pouvoir être averti rapidement si des soupçons circulaient.

Ceci fait, il se concentra pour lancer une illusion dans la pièce, montrant les deux hommes à leur poste et conscients plutôt qu'étendus à terre, avant de prendre la direction du passage officiel, déverrouillable grâce au mot de passe "Obama".

Walentyn trouva deux communicateurs et il en délesta les deux hommes assommés. Lorsque Burn et l'insecte arrivèrent, le pyrokinésiste soupirait.

"Il trépignait de pouvoir enfin s'occuper de la prisonnière. Il a du aller voir Elixir pour obtenir son autorisation ... Il n'y a bien qu'à lui qu'il obéit."

Puis les deux mutants entrèrent dans la pièce aux écrans.

"Mon cher Soft ... je ne t'ai jamais vu aussi concentré sur autre chose qu'un miroir. Tu es sûr que ça va ?"

Dit le Pakistanais d'un ton ironique. L'insecte resta quelques instants dans le couloir pour regarder ici et là, mais finalement rejoignit les autres. Si bien que Walentyn put ouvrir le passage grâce au mot de passe. Il put choisir les escaliers ou l'ascenseur, et aboutit ainsi dans les sous-sols.

En scannant la zone, il put localiser un bouclier psy assez robuste, dans une pièce à sa gauche. Un autre encore plus puissant, plus loin dans une pièce. Il localisa également Emily, dans une pièce plus loin à gauche. La "communication" semblait donc rétablie.

[Suite du RP dans le sujet 01.02/06.Sc.Maison Blanche - Salle d'interrogatoire]