01.01/30.S.Washington - Rencart ou brancard

Ré-émergeant de l'esprit ordonné d'Aurock, Walentyn fut contraint d'admettre que recruter des têtes pouvait avoir du bon ; il aurait probablement eu beaucoup moins de détails en partant à la pêche dans le cerveau atrophié de Drown. Cela dit, il aurait peut-être eu un gros plan plus avantageux sur Monk, mais l'aperçu intimiste offert par Aurock était déjà pas mal dans le genre. Un petit amuse-gueule qui donnait envie de passer au plat de "résistance".

Ainsi donc, les Pères Fondateurs avaient une grosse excursion sur le feu... En un sens le fait que Kate n'en ait pas été informée révélait bien son statut dans la hiérarchie. Ou alors, elle avait volontairement "omis" d'en parler à Emily et lui... Ca restait une possibilité. Difficile de faire totalement confiance à un agent double, surtout quand on avait bossé pour la mafia.

Le regard du Polonais se posa sur le livre qu'Aurock avait offert à Emily avant de partir. Se pouvait-il qu'il ait glissé le papier confié par Monk dans celui-ci ? Avec ce genre d'intello, il avait bien pu terminer 2 ou 3 livres entre-temps, mais ça valait le coup de ne pas oublier de l'emporter. D'un autre côté, est-ce qu'un type à la mémoire si précise aurait oublié ce papelard important dans le livre qu'il avait offert à une inconnue ? Peu de chances. Par conséquent, si message de Monk il y avait, Walentyn aurait plutôt tendance à croire qu'Aurock leur aurait volontairement transmis l'info. Mais tant qu'ils n'auraient pas le champ libre pour fouiller le bouquin, tout ça ne se réduirait qu'à des spéculations. Walentyn fourra le livre dans l'une des poches de sa veste, puis se retourna vivement lorsqu'Emily et sa protégée sortirent des toilettes.

"Ah ouais, quand même..." lâcha-t-il pour lui-même en voyant le boudin soutenu tant bien que mal par Emily. Maintenant, la crise de Drown trouvait son explication. Il comprenait un peu la réaction de l'armoire à glace, même si ça ne justifiait pas à ses yeux de violenter une femme. Ca devait un peu faire le même effet que de draguer un trav sans le savoir. C'était arrivé à son frangin Otto quelques années plus tôt à Londres, et si Walentyn s'était bien fendu la gueule, l'ego d'Otto en avait pris un sacré coup.

Le Polonais se leva pour venir soutenir la dondon de l'autre côté afin de soulager Emily.

*J'ai du nouveau et ça sent le roussi ici. Je propose qu'on foute le camp.* envoya-t-il à sa complice par télépathie.

Ca d'une part, et d'autre part, il n'avait pas l'intention de perdre sa couverture pour avoir trop forcé sur son pouvoir. D'autant qu'ils étaient sensés être des spécialistes de la lutte contre l'obésité ! Ils pouvaient tout à fait cuisiner la morue une fois en sûreté. Il était déjà troublant qu'elle ait cherché à se faire un type comme Drown, mais elle avait été jusqu'à essayer de le rouler, apparemment, et ça méritait quelques questions.

"On va s'occuper d'elle, un peu d'air frais lui fera du bien." lança-t-il à la barmaid, avant de mener les deux femmes vers la sortie.

Le trio sortit donc du Gentle Pork et leur initiative donna le départ pour d'autres clients, qui se levèrent timidement ici et là. La barmaid hocha mécaniquement la tête à la réplique de Brandon Goode et répondit avec son sourire diamanté.

"D'accord, vos plats arrivent tout de suite !"

La poupée (gonflable ?) de Drown était dans un état fébrile et n'opposa pas de résistance à sa sortie. Le seuil du bar donnait sur un petit parking précédent la rue passante.

"Oui oui je ... vais bien, merci..."

Répondit-elle à Emily en essayant de reprendre contenance et équilibre. Elle se passa la main dans les cheveux, blonds et mouillés. Son maquillage élaboré avait disgracieusement maculé son visage bouffi.

Après quelques pas dehors, son côté maigre grossit quelque peu et sa masse corporelle, certes encore en surpoids, se répartit un peu mieux dans sa silhouette. Son cou dégonfla et ses seins reprirent tous deux la même taille, de même que ses jambes et bras.

"Oh mon Dieu, comment... oh, que vais-je devenir ? Il va me tuer..."

Saisie d'un nouveau sanglot nerveux et de tremblements de froid -dus à l'humidité de ses vêtements près du corps-, elle regarda très brièvement Brandon, confuse, puis se tourna vers Emily dont elle prit les deux mains dans les siennes.

"Sans vous je serais morte ! Vous êtes une Sainte, je vous en prie, dites-lui que je regrette, que j'ai honte et que je disparais à tout jamais de sa vie."

Ses yeux bleus larmoyants poussaient des suppliques tandis que ses dents claquaient.

"Dites-lui que j'implore son pardon. Vous lui direz ?"

Quelques clients sortaient du bar en remettant en hâte leur veste et commençant à commenter à mi-voix les événements. La femme au PC enveloppée d'un manteau noir n'adressa qu'un bref regard au trio et traça sa route. La femme replète jetait des coups d'œil effrayés au restaurant en attendant la réponse de sa sauveuse.

Emily reçut les avertissements mentaux de Walentyn sur le chemin de la sortie, et hocha simplement la tête en passant devant son métallique patron de circonstance. Trainer la blonde n'avait rien d'une partie de plaisir, et accaparait l'essentiel de ses forces. Elle s'interrompit à quelques reprises pour jeter de brefs coups d'oeil derrière son épaule, afin de s'assurer que nul traître jet d'eau ne la prenait en chasse, mais Aurock semblait être un adversaire respectable pour Drown. Elle songea brièvement qu'elle était heureuse de n'en être jamais venue à de telles extrémités avec Walentyn ou Lily-Rose. Que des personnes avec un tel manque d'éducation aient la charge d'une portion non négligeable du territoire américain était tout de même effrayant, et ne pouvait pas faire de bien à la cause mutante. La présence de l'animorphe dans leurs rangs était d'autant plus étrange - à moins que Drown ne soit la brebis galeuse.

Une fois dehors, elle observa avec intérêt la femme blonde reprendre contenance, au sens propre du terme. Elle sembla se dégonfler, et Emily s'attendait à voir apparaître de nouveau la jolie silhouette qu'elle était lors de leur arrivée. Mais elle s'arrêta avant la disparition de certains bourrelets disgracieux, et l'Asiatique leva pour l'occasion un sourcil interrogateur. Quelle était sa véritable forme ? Et pourquoi était-elle devenue la forme hideuse entrevue dans les toilettes ?

Elle dut néanmoins affronter une série d'envolées dramatiques dont elle ne comprit dans un premier temps pas le sens. Ce n'est que lorsqu'elle évoqua la disparition de sa vie qu'Emily comprit qu'elle se sentait coupable de ce qu'elle avait fait subir à Drown, omettant au passage la vengeance quelque peu disproportionnée qu'elle avait failli subir.

- Oui...oui, je lui dirai, ne vous inquiétez pas, mais...

Elle attrapa délicatement le poignet de la femme, tout en remarquant que la femme au PC sortait à son tour - ce qui ne constituait pas une preuve en soi de sa culpabilité ; les évènements auraient poussé n'importe quelle personne sensée à quitter les lieux au plus vite.

- Que vous est-il arrivé, au juste ? demanda-t-elle doucement à la blonde. Vous sembliez si...elle chercha ses mots, et opta pour un pieux mensonge...rayonnante quand nous sommes arrivés !

Emily regarda la malheureuse dans les yeux. Elle espérait que le ton amical de ses questions lui permettrait de découvrir ce qu'elle souhaitait. Dans le pire des cas, son collègue s'en chargerait...mais elle ne voulait pas passer pour un poids mort à chaque investigation. Elle aussi était capable d'apprendre des choses, et sans fouiller directement dans le cortex des gens.

- De plus, il ne m'a pas semblé se comporter en parfait gentleman - à ces mots, elle regarda rapidement Walentyn - à votre égard. Sa réaction était pour le moins exagérée, vous n'avez pas à vous sentir coupable.

Elle se sentait quelque peu triste pour cette femme, qui même en frôlant la mort ne parvenait pas à faire le deuil de son bellâtre. Au moins auraient-ils de quoi papoter avec Walentyn sur le chemin du retour, une fois qu'il lui aurait expliqué en quoi consistait le "nouveau" qu'il avait découvert.

La jeune femme eut un reniflement encombré puis serra Emily dans ses bras moelleux.

"N'importe quel homme aurait réagi comme lui en me voyant... comment lui en vouloir ?"

Elle fut saisi d'un long sanglot au point que Rebecca sentit les grosses larmes imprégner son vêtement au niveau de l'épaule. Enfin elle se détacha d'elle. Elle secoua la tête.

"Je ne comprends pas... Oui tout allait bien... Je ne le connais que depuis hier soir et il a eu le coup de foudre pour moi. Tout à l'heure... j'ai entendu que mes vêtements craquaient aux entournures et ... (elle étouffa un sanglot) ... j'ai tout de suite pensé que je perdais le contrôle de mon pouvoir... Vous avez vu quel horrible pouvoir j'ai ?? Qui en voudrait sur cette terre ? Mais normalement je le maîtrise bien, et je peux me ... sculpter pour plaire aux hommes."

Elle eut un petit sourire coupable, puis renifla à nouveau.

"Je suis allée dans les toilettes pour regarder où ça avait craqué. La panique montait ! J'avais si peur ! Mais je ne trouvais rien, mes vêtements étaient normaux. J'ai ... *snirfl* ... j'ai entendu Drown qui disait à la porte... "Hé Penny tu serais pas une grosse..." enfin quelque chose comme ça... *snirfl*... C'était horrible, tout le monde avait du entendre et je... j'ai entendu qu'il approchait et j'ai perdu le contrôle et... ooh il a vu ... et ... vous aussi..."

Elle ne parvenait pas à essuyer au fur et à mesure ses larmes qui coulaient. Elle baissait la tête et regardait par terre. Elle ravala à grand peine ses larmes et fouilla dans sa poche arrière.

"Tout est ma faute... Je voulais commencer une nouvelle vie, devenir quelqu'un. Je ne suis qu'une ratée, même parmi les mutants... J'ai cru pourtant, quand j'ai vu cet article... J'ai cru que mon ange gardien me faisait un signe et je suis venue... *snirfl*... Il est si beau garçon vous ne trouvez pas ? Moi il me faut un homme fort comme lui..."

En tremblant elle sortit de sa poche une liasse de papiers dont les bords gondolaient à cause de l'humidité. En les dépliant elle révéla ainsi aux deux mutants trois pages de l'édition locale d'un magazine relativement populaire : SoPeople Magazine.

<Voir le Fichier : SoPeople1333.pdf>

En plus de jouer la béquille, voilà qu'Emily servait de mouchoir à la grosse mutante. Déjà lassé de ces histoires de bonnes femmes, il laissa sa collègue s'occuper du courrier du coeur, elle serait probablement plus convaincant que lui dans ce rôle. Ecoutant d'une oreille distraite, il en profita pour tirer une clope maintenant qu'ils étaient à l'extérieur, la posture complètement indifférente au désarroi de leur rescapée. Aspirant une bouffée avec ennui, il regarda les quelques clients sortir, en se disant qu'il serait bon de profiter de ce l'exode pour tailler eux aussi la route. Inutile de chercher non plus à frayer avec la mentaliste, ça risquait de corser leur situation pour rien.

Il sortit quelques billets (vrais) de sa poche et les glissa dans la boîte aux lettres du restaurant. Ils n'avaient pu profiter que de la boisson, mais au moins, la zélée serveuse avec qui il avait un ticket ne maudirait que Drown et Aurock pour les pertes "sèches" de la soirée.

En revenant auprès d'Emily, il jeta un oeil au magazine, la cigarette pincée entre ses lèvres. Il se mit alors à glousser de rire. C'était pitoyable.

"Alors comme ça les Mères... enfin les Pères Fondateurs doivent se caser avant la fin de l'année, hein ?" souligna-t-il avec un hochement de tête. Prodigy avait sûrement décidé de ça pour stimuler les naissances mutantes, mais ce n'était pas sans rappeler un certain schéma eugénique d'un autre siècle. Après, ça avait aussi ses avantages : Monk serait forcément dans de meilleures dispositions vis-à-vis d'un rencart...

"Tu vois, ça me tue, ça. Cette tête de noeud, une affaire à saisir ? Mon cul, ouais..." lâcha le gentleman Brandon Goode en secouant la tête à l'attention d'Emily. Et lui qui était traité en criminel par les gosses du Old School. Personne n'allait afficher sa photo dans un magazine en prétendant qu'il était le joli coeur à prendre. Monde ingrat.

"Je vais vous dire, euh... Penny..." commença-t-il pour tenter de déloger un peu Emily de l'assaut larmoyant. Malheureusement, l'ex-mafieux ne pouvait pas vraiment contredire les propos de la jeune femme : la plupart des hommes auraient piqué une crise, Walentyn compris. Et il ne se voyait pas lui raconter des bobards juste pour qu'elle se sente mieux jusqu'au prochain goujat qui la traiterait de morue.

"Déjà, arrêtez de pleurer, ça fait dégouliner votre mascara." lui dit-il sans conviction. C'était la parole la plus proche d'un mot réconfortant qu'il avait trouvée.

"Allez, pourquoi vous croyez qu'il a besoin qu'on lui fasse de la pub dans un magazine ? C'est un tocard, voilà pourquoi. Et puis vous vous imaginez vivre votre vie entière en utilisant votre pouvoir ? Allez, oubliez ça et rentrez chez vous. Y a d'autres poissons dans l'océan." fit-il en donnant une petite tape expéditive sur l'épaule de Penny.

Il jeta un regard impatient à Emily et fit un petit coup de tête vers la direction du parking.

"Non, ne dites pas ça, il est si sensible. Un peu brusque oui mais..."

La blonde replète perdit un peu son fil, semblant déconcertée devant le jugement abrupt de Brandon. Quand il s'adressa à elle directement pour donner un conseil, elle le fixa de ses grands yeux bleus humides et gonflés. Elle était avide d'entendre une réponse qu'elle espérait salvatrice pour le reste de son existence.

Elle eut un gloussement de rire timide lorsqu'il parla du mascara. Elle se frotta les yeux en reniflant, tout en coinçant un sourire entre ses lèvres.

Quand il eut fini elle ravala un bon coup ses larmes et encore une fois se frotta les yeux.

"On peut dire que vous savez parlez aux femmes en détresse vous..."

Dit-elle d'une petite voix reconnaissante et en croisant le regard de l'homme d'argent quand il tapota son épaule dodue. Elle regarda à nouveau Branda.

"Je vous envie, vous avez l'homme idéal."

Par la fenêtre du bar on aperçut alors la silhouette massive mais courbaturée d'un Drown qui revenait des toilettes et se frottait péniblement la nuque. Il beugla un ordre "que personne ne sorte". Derrière lui apparut aussi la bête cornue et poilue que demeurait Aurock, un tas de linge sous le bras. Il allait pesamment vers le comptoir.

Voyant cela, Penny fut prise d'un sursaut. Elle bafouilla un merci et un au revoir à ses sauveurs tout en s'enfuyant promptement vers le parking. Sa corpulence relative ne la gênait nullement dans ses mouvements.


(HRP. Vous pouvez considérer que rien ne s'oppose à votre retour à la voiture puis à Chicago)

La découverte de l'article de journal rappela à Emily l'existence de ce pan entier de la littérature mensuelle dédiée à faire croire aux femmes que la petite vie des célébrités était suffisamment intéressante pour les pousser à dépenser un peu de leur salaire pour en savoir plus. Elle profita de la tentative de réconfort prodiguée par Brandon pour lire en travers les détails de l'interview, qui coïncidaient malheureusement avec ce qu'elle avait pu déduire de la rencontre avec le très sympathique Drown.

Elle fut rappelée à la réalité par le pouffement qu'elle ne put réprimer lorsque Penny lui déclara qu'elle connaissait l'homme idéal. Certes, Walentyn était agréable à regarder, plein de charme, et doté d'un cerveau en parfait état de fonctionnement, mais de là à l'assimiler à un rêve ambulant, il y'avait un fossé que la Hongkongaise n'avait pas encore franchi. Elle camoufla son petit rire dans une quinte de toux et en profita pour se relever, tandis que les Pères Fondateurs, leur problème "réglé", sommaient les clients par la voix de leur représentant le plus brillant de ne pas sortir. Cela ne concernait pas Emily, qui était déjà dehors. Après l'épisode des toilettes, elle était encore moins encline à obtempérer à un ordre donné par l'hydrokinésiste.

Penny, elle, prenait ses grosses jambes à son gros cou, avec plus de facilité que l'Asiatique ne l'en aurait crue capable. Elle hocha la tête à la proposition de Walentyn et se retourna vers le parking, prête à prendre de nouveau la route. Elle demanda simplement :

- Une idée sur les raisons de...comment dire...du petit problème de cette malheureuse ?

Sa fuite prouvait que la mutante maîtrisait parfaitement le fonctionnement de ses capacités. Il était donc improbable qu'elle n'en perde le contrôle dans un moment si important, sauf si une tierce personne intervenait. Peut-être la femme à l'ordinateur avait-elle joué un rôle dans ce drame - mais à dire vrai, Emily n'était pas certaine de vouloir enquêter. Il n'y avait pas mort de femme, affaire réglée.

- Je propose un arrêt dans un fast-food, même immonde, sur le chemin du retour. Je n'ai toujours rien mangé de la soirée, et ces émotions m'ont ouvert l'appétit, ajouta-t-elle. Et puis, ce n'est pas ma voiture, donc manger sur les sièges m'est égal.

Un petit sourire apparut sur ses lèvres.

- Et vous, Brandon Goode, Quel séducteur êtes vous ? Allez, il faut se préparer à être célèbre. Nous allons avoir une vie publique, autant être prêts à répondre à ces questions passionnantes, ajouta-t-elle en reprenant la direction du pick-up.

Citation :

A l'issue de cette mission :

Emily remporte 1 point de pouvoir et 2 points de réputation
Walentyn remporte 1 point de pouvoir et 2 points de réputation