01.01/26.C.Horsens, Danemark - Douce coupure

Non loin du Danish Crown passait un petit ruisseau. Le Danish Crown, que les brochures décrivaient comme un complexe ultra-moderne intégré au sein d'une nature luxuriante, était un abattoir. Le ruisseau longeait une partie du bâtiment et allait se perdre dans la verdure environnante. Le long de berges aménagées passaient promeneurs et touristes égarés, abrités du faible soleil du matin par une large frondaison persistante. Les yeux dans le vague, ils passaient à sa hauteur. Il ne les regardait pas non plus.
Assis sur un vieux banc couvert de mousse, balançant imperceptiblement les jambes en cadences, Gustave profitait de sa journée de repos.
Il scrutait un écureuil sur l'autre rive. Son visage était impassible. L'écureuil aussi. L'un et l'autre ne se quittait pas des yeux. Une peluche, c'est une vraie peluche se disait le mutant ; une noisette, c'est une grosse noisette se persuadait l'écureuil.

Gustave sortit un petit carnet à spirale et un vieux stylo et titra "Haïku châtaigne".

Rongeurs aux dents longues
Tu rallies ton panache roux
Aux premières lueurs

Il referma le carnet dans un geste lent et glissa le stylo dans les spirales, sans expression. Il était satisfait.

Un peu plus tard un pêcheur avait pris place à quelques dizaines de mètres de son banc. Gus n'aimait pas trop le poisson. Il préférait la viande. Saignante si possible. Le poisson, il trouvait que ça manquait de goût. Cette invasion de son espace vitale était très désagréable pour le jeune homme. D'autant plus qu'il avait à faire à un véritable tueur, qui sitôt sorti un premier vif l'empala sur un hameçon plus robuste et le renvoya se faire boulotter par les carnassiers. Est-ce que cet homme se rendait compte de la cruauté avec laquelle il traitait ces innocentes créatures ?
Lorsqu'on tue, il faut tuer avec amour, lui racontait sa mère, même si c'est une salade. Elle avait passé quelques années à Christiania, commune libre et libertaire et en avait gardé certains principes.

Il était midi, Gustave avait faim. Dans son congélateur grand format des kilos de viandes sélectionnée par ses soins l'attendait. Travailler dans un abattoir présentait quelques avantages. Quelques désavantages aussi, il ne fallait pas être avare en savon pour espérer se débarrasser de l'odeur des tripes.
Gustave se leva et avant de se diriger vers le chemin forestier conduisant à la ville, se tourna vers le pêcheur et d'une voix morne lui souhaita :

"Bonne journée."

Le pêcheur était concentré sur son loisir, et fut surpris d'entendre Gustave lui parler, à tel point qu'il sursauta et manqua lâcher sa canne. C'était un homme assez costaud, sans doute même un peu grassouillet, et au visage débonnaire. Il répondit toutefois d'une voix étonnamment aiguë :

- Bonne journée à vous.

Puis il se retourna, et Gus put faire plusieurs pas avant d'entendre une bordée d'injures, toutes plus danoises les unes que les autres. Au bout d'un moment, des paroles intelligibles parvinrent à sortir de ses lèvres, prononcées avec une profonde véhémence qui, couplée à la hauteur de la voix, rendaient le réquisitoire légèrement décalé.

- Alarme à la noix, pourquoi maintenant, hein ? Pourquoi ? Mais zut à la fin, ma canne toute neuve, et j'avais pas voulu prendre d'assurance vu que la précédente avait duré dix ans ! Mais quelle journée POURRIE, entre ma femme qui me saoûle et ça, c'est vraiment le pompon !

Derrière ces vociférations (qui continuaient, en boucle, montrant un certain niveau d'exaspération et de haine contre l'humanité), Gustave pouvait effectivement entendre l'alarme de sécurité du Danish Crown, qu'il avait pu entendre lors des exercices d'incendie. Mais les exercices étaient toujours prévus par des notes de personnel, or rien n'avait été distribué ces derniers jours...

Aujourd'hui le malheur harcelait le pauvre chasseur de goujon. Le malheur et sa femme. Gustave en entendant ses paroles eu envie de le réconforter, de lui dire que l'amour avait ses hauts, ses bas, et que face à lui les cannes à pêche n'avait que l'importance qu'on leur donnait. Peut être l'homme l'aurait il mal pris, peut être que ce symbole phallique était le dernier rempart d'une masculinité mise à mal par des années de vie commune avec une mégère qu'il n'osait pas quitter, peut être que ce nouveau coup dur était de trop et que de saines paroles ne feraient que lui ôter le peu de dignité qui lui restait.
Alors Gustave ne dit rien. Il jeta un tendre regard derrière lui, accompagnant de tout son cœur les futurs pérégrination du pêcheur et en profita pour remercier le sort d'avoir pour un temps épargné les poissons.

L'alarme du Danish Crown le chiffonnait, ce n'était pas l'habitude de la maison de faire des exercices incendies improvisés. Un instant son estomac et sa conscience professionnelle entrèrent en conflit, mais il se résolut à couper la poire en deux, aller voir de quoi il retournait et en profiter pour inviter ses collègue de travail à partager un repas. Et tant qu'à faire pourquoi ne pas convier la petite Mette, nouvelle recrue affectée au dégraissage des carcasses, pensait Gustave qui ne perdait jamais une occasion de tenter sa chance, tandis qu'il s'engageait vers l'amont du petit ruisseau, droit sur l'abattoir.

Gustave laissa derrière lui le malheureux pêcheur et ses menaces contre le destin, et se dirigea vers le portail d’entrée de la Danish Crown. Là, il eut la surprise de voir que beaucoup de monde s’y trouvait, tous étant des employés. Certains auraient du s’occuper de la réception des viandes qui arrivaient lors de la pause – car les camionneurs n’attendaient pas deux heures – et d’autres, simplement se trouver en pause déjeuner. Parmi eux se trouvait Mette, qui semblait terrorisée, comme bon nombre de ses camarades.

Les discussions allaient bon train, la plupart se résumant à « Qu’est-ce qui se passe ? Vous savez ce qui se passe ? ». Un peu à part, deux hommes un peu plus lucides, dont Gustav connaissait les prénoms (Jesper et Viggo), s’interrogeaient sur ceux qui pouvaient potentiellement encore se trouver à l’intérieur.

- J’ai vu ni Brian, ni Kasper, ni Gustave, disait Jesper.
- Gustave ne travaille pas aujourd’hui, et je crois que Brian est malade depuis quelques jours. Il est tombé dans un lac pendant une soirée arrosée, répondit Viggo. Mais Kasper, j’ai pas de nouvelles, il fait souvent les horaires de midi.

A peine eut-il terminé qu’il aperçut Gustave qui approchait. Il lui fit signe de venir.

Les consignes de sécurité étaient merveilleusement respectées par les employés du Danish Crown, fiers Danois disciplinés, presque heureux de pouvoir mettre leur entrainement en pratique. La manœuvre, particulièrement technique dans le cas présent, consistait à sortir du bâtiment, à se réunir devant les grilles et à vérifier les effectifs, ce dont Jesper et Viggo s'acquittaient avec un grand professionnalisme.

A son arrivée Gustave put constater l'état de fébrilité affiché par un certain nombre de ses camarades. L'angoisse se lisait sur leurs visages, voir la terreur, et pourtant malgré l'alarme incendie il ne voyait pas trace de fumée à l'horizon... La situation était étrange et Gus faillit faire demi tour de peur d'être mit à contribution, pour une raison ou une autre, durant son jour de congé (et surtout à midi passé), mais il était déjà repéré. Il se posta devant les deux gaillards en pleine discussion, décidé à en apprendre davantage, à se montrer serviable au besoin, mais surtout à se relancer le plus rapidement possible vers un bon repas comme le lui intimait son ventre, gargouillant de rage face à ce contretemps.

"Salut les gars. Alors, on fait une pause ?", dit il avec cynisme et un léger sourire forcé.

Jesper et Viggo saluèrent tous deux Gustave d'un signe de tête. Ils semblaient être les deux seules personnes à garder la tête froide, les autres collègues étant tous plus ou moins terrifiés.

- Mette et Karina disent qu'elles ont vu un fantôme dans la chambre froide. Enfin, vu...il faisait bouger les carcasses, et il criait.

Viggo leva les yeux au ciel pour exprimer ce qu'il pensait de cette hypothèse. La chambre froide permettait le stockage des carcasses en attente de leur dépeçage.

- Elles étaient seules dans la salle, elles sont sorties comme des furies. Deux autres gars sont allés voir, et ils ont aussi dit que les carcasses bougeaient toutes seules. Du coup, ils ont barricadé la pièce...
- ...mais plus personne ne veut rentrer dans l'usine.

Jesper haussa les épaules, fataliste. Viggo reprit.

- Du coup, on s'est occupés de l'évacuation. Le patron est en séminaire, aujourd'hui. Je sais pas si ce serait bon pour nous qu'il apprenne cette histoire.
- Il paraît qu'il veut licencier pour augmenter la rentabilité.

Les deux hommes se turent.

Le fantôme de l'abattoir. Ça sonnait beaucoup moins bien que le fantôme de l'opéra, mais tout de même mieux que cette histoire de licenciement que Gustave apprenait sur le moment.
Le patron n'étant pas là, il jugea bon de se concentrer avant tout sur cette étrange histoire de surnaturel, bien que pendant un instant un scénario à la scoubidou se soit imposé à son esprit (Ahah, c'était donc vous patron, vous comptiez pousser vos employés à la démission en leur faisant peur, et c'est pour ça que vous vous déguisiez en fantôme ! Argh, je suis fait !), décidément peu crédible ou concevable excepté pour l'imagination débordante du boucher.

-Un fantôme ? Ce n'est pas sérieux...

Gustave ne croyait pas aux phénomènes paranormaux. Il croyait aux mutants, à la bêtise humaine, et à l'élevage intensif, mais les apparitions... c'était une autre histoire.

-En tout cas, bon boulot les gars, belle évacuation. Et pour Kasper ? S'il est encore là dedans il a peut être besoin d'un coup de main. Je crois que je vais essayer de faire le tour du bâtiment, jeter un œil, on ne sait jamais...

Il ne parlait pas forcément au figuré.
Face aux filles terrorisées, il y avait une occasion à jouer, mais il fallait tout de même faire vite. Kasper était peut être en danger, les employés s'angoissaient, mais surtout, l'heure avançait à grand pas et il ne s'était toujours pas attablé. La prochaine fois, c'était sûr, il partirait avec un pique-nique.
Gus s'approcha de Mette et tenta de la rassurer, usant d'une tonalité grave et d'une expression apaisante. Ayant posé sa main sur son bras, il lui demanda comme un service :

-Salut. Tout le monde est en plein stress par ici, ce serait bien de faire une coupure, peut être passer au bar prendre un remontant, qu'est-ce que tu en dis ? Tu embarques les filles de ta ligne ? Je te rejoins dès qu'il y a du nouveau. Tout va bien se passer, cette histoire de fantôme à forcément une explication.

Plutôt content de son numéro, Gustave attendit la réaction de la jolie jeune fille et s'engagea vers l'aire de déchargement sur le côté du Danish Crown. Maintenant qu'il avait fait son cinéma il allait devoir l'assumer.

Viggo semblait embarrassé.

- Ouais, Kasper nous pose problème...mais comme on s'occupe du décompte...

Il n'avait absolument pas envie d'aller vérifier en personne ce qui se passait, pas plus que Jesper. Tous deux hochèrent d'ailleurs vigoureusement la tête lorsque Gustave proposa de se charger de l'exploration, et se remirent à discuter entre eux.

Mette avait tressailli au contact de la main du mutant et s'était vivement retournée, avant de s'apaiser légèrement en reconnaissant son visage. Elle était sur les nerfs, et n'avait pas l'air très apte à se charger de quoi que ce soit.

- Je...vais essayer.

Elle ne promit rien, mais son regard apeuré alternait entre Gustave et le bâtiment, et elle sembla elle aussi soulagée que quelqu'un se charge du sale boulot consistant à aller identifier ce fantôme.

L'aire de déchargement était l'accès par lequel les poids lourds venaient livrer les bestiaux qui seraient ultérieurement transformés en viande. La chambre froide, objet de toutes les passions, se trouvait à une trentaine de mètres de cette entrée, sur la droite. Pour éviter les pertes de chaleur, elle ne possédait pas d'accès extérieur, tout comme la chambre de congélation mitoyenne.

L'aire de déchargement était ouverte, mais un silence absolu régnait dans l'entrepôt lorsque Gustave approcha, ce qui changeait de l'animation habituelle.

Le calme apparent du bâtiment donnait un côté apaisant à l'exploration et Gustave entra avec calme par l'air de déchargement, le regard passant d'un point à un autre comme s'il faisait la visite de sa future villa de vacances. Tout ce silence, si inhabituel, renforcé par les teintes blanchâtres des murs et plafonds, donnait presque une aura de sacré à l'endroit, qui plongeait le jeune homme dans ses pensées.

Mette avait sursauté. Elle avait donc été brassée beaucoup plus qu'il ne le pensait par l'apparition, car, il le croyait sincèrement, ce n'était pas sa délicate intervention qui aurait pu lui faire cet effet. C'était étonnant, il ne la prenait pas pour une fille sensible. D'autant qu'un gigot qui s'agite et quelques bruits bizarres, ça n'avait pas grand chose d'effrayant. A la réflexion, ce n'était pas la seule dans cet état, fallait il qu'ils soient tous superstitieux ?

Il s'engagea plus avant dans l'abattoir, frais et sans un bruit, comme un tombeau.
Gustave aimait les films d'horreurs, surtout les kitchs. Ceux ou le grand méchant part d'un long rire sardonique face au héros partagé entre la colère et la peur panique. Ceux ou ce même gentil rentre chez le dangereux tueur en hurlant, Samantha ? Où es tu Samantha ? J'ai laissé le fusil dans la voiture alors dépêche toi, qu'on quitte cet étrange endroit ! Et surtout ne me fait pas de frayeur, tu n'oublies pas que je suis cardiaque !
Bref, de peur de reproduire un cliché et cherchant à prouver que la télévision peut se montrer instructive, il n'appela pas Kasper et s'avança directement au plus près de la chambre froide pour jauger la situation de visu.

Le silence fut discrètement coupé par des bruits de pas qui résonnaient dans la chambre froide. La pièce ne comportait aucune fenêtre, encore une fois pour éviter les soucis thermiques, et seul un petit hublot permettait de savoir ce qui se passait à l'intérieur. Lorsque Gustave regarda à travers, il put reconnaître la silhouette de Kasper, portant encore une combinaison de travail hygiénique blanche. Il ne semblait pas terrorisé, mais plutôt à la recherche de quelque chose. Lorsqu'il vit le visage chauve du mutant, il lui fit signe d'entrer en ajoutant que ce n'était pas fermé à clé.

Quel manche ce Kasper, pensait Gustave en ouvrant la lourde porte qui les séparaient, tout le monde s'inquiétait pour lui (ou tout du moins gardait vaguement à l'esprit son absence) et lui jouait à Rouletabille à la recherche du mystère de la chambre froide. Le presbytère n’avait rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat, mais cet homme avait semble-t-il perdu la raison. Il le toisa de toute sa hauteur, tout en occupant l'encadrement de la porte de toute sa largeur, résolu à lui faire comprendre son mécontentement.

- Kasper, veux tu sortir de là, les gars commencent à penser que tu t'es fait dévorer par un fantôme ! Tu aurais au moins pu prévenir quelqu'un que tu restais à l'intérieur.

C'était donc les lieux de l'horreur qui avait paralysé l'abattoir, guère impressionnant à première vue. A la place d'un ectoplasme, il avait droit à un camarade en combinaison blanche. Si la blague était de son fait, il risquait de sérieux ennuis. Une bonne explication ne serait pas de trop pour clarifier la situation.
Quelques questions s'imposaient à Gustave, il ne comprenait pas, si Kasper n'était pas responsable de l'alerte, pourquoi il était là dedans. Les collègues de travail lui avait raconté qu'ils avaient barricadé la pièce, Kasper était donc entré en toute connaissance de cause... mais après tout, lui même était entré dans un bâtiment déserté par une horde d'employés apeurés, il fallait admettre que la curiosité et la bêtise humaine n'avait parfois pas de limite. Non, ce qui l'inquiétait plus particulièrement, c'était le geste indiquant que la porte n'était pas fermée. Sans trop attirer l'attention, il se tourna et jeta un regard pour répondre à une question qui le taraudait, y avait il un mécanisme d'ouverture de l'intérieur de la pièce ?

Le visage de Kasper exprimait la surprise. C'était un grand gaillard blond, pas particulièrement malin, mais toujours souriant.

- Ah, un fantôme ? Oui, je sais, quand Mette est entrée, c'est ce qu'elle a crié avant de tirer l'alarme. Mais il me veut pas de mal, simplement j'arrive pas à le voir.

En se retournant, Gustave put voir que Kasper n'était absolument pas enfermé. Le seul verrou ne nécessitant pas de clé était à l'extérieur. L'intérieur de la chambre froide était arrangé géométriquement : de longs couloirs alternaient avec des doubles rangées de carcasses de vaches qui descendaient presque jusqu'au sol. Il y'avait cinq couloirs, et quatre doubles rangées, faisant chacune près de vingt mètres de long. Tout au fond se trouvait un évier ainsi qu'un coin plutôt mal rangé où s'entassaient les différents outils devant être désinfectés avant de procéder à une découpe. Quelques frigos permettaient également de stocker les parties que les bouchers souhaitaient garder pour eux.

- Je sais qu'il est là, quand il passe ça fait bouger les carcasses. J'ai envie de le voir pour lui dire que je lui veux pas de mal.

Kasper se déplaça alors vers le couloir le plus à gauche et commença à l'arpenter lentement en appelant le fantôme, laissant Gustave seul devant l'entrée.

La communication avec les esprits revêtait en ce monde de nombreuses formes : les guéridons, les tables oui-ja, le spiritisme... Tant de méthodes ésotériques pleines de mystères basées sur les forces de l'esprit et obligeant à reconnaitre la futilité du corps dans ce monde.
En totale opposition, la technique utilisée par Kasper était quant à elle bien singulière. Il se baladait maintenant dans les allées, appelant gaiement l'entité à venir faire la causette entre amis. Gustave fut obligé de reconnaitre que son camarade au moins ne se laissait pas happer par la vague de superstition qui avait frappé l'abattoir. Ou alors qu'il était encore plus stupide qu'il ne le pensait, les deux possibilités n'étant pas incompatible.

- Bon, dit Gustave en fermant la lourde porte de la chambre froide pour éviter les déperditions de chaleur, je te laisse faire un tour rapide pour apaiser ta curiosité et après on ressort. Au fait tu as déjà déjeuner ?

Le boucher chauve était heureux de savoir que Kasper, n'ayant pas été enfermé, n'était pas l'auteur de cette blague, il pouvait donc bien lui laisser le temps de faire ce dont tous les employés du Danish Crown n'avaient pas eu le courage. Il l'accompagna même dans sa démarche et s'engagea dans la dernière rangée de droite, à l'opposé de sa position, se déplaçant à pas mesuré, aux aguets du moindre balancement des carcasses.

Dans un premier temps, les seuls bruits que Gustave entendit furent ses pas ainsi que ceux de Kasper résonnant sur le carrelage de la salle. Même si l'alignement des carcasses gênait la ligne de vue, il était de plus en plus évident qu'il n'y avait rien de spécial dans cette salle.

Puis, soudain, le jeune mutant vit les carcasses du rayon juste à côté du sien se mettre à s'agiter, comme s'ils avaient été remués par un courant d'air violent en direction de la porte d'entrée de la pièce, qu'il venait de fermer hermétiquement. Kasper l'apostropha.

- Ah, tu vois ! Il a encore eu peur.

Stupéfaction. Les muscles de la mâchoire relâchés, les yeux exorbité, le cou tendu vers le mouvement inconcevable et les paumes vers l'extérieur en signe d'impuissance, Gustave en restait comme deux ronds de flan.

- For helvede ! souffla le jeune homme.

Il importe à ce point de l'histoire de s'intéresser au merveilleux patrimoine linguistique danois et plus particulièrement à son chapelet d'insultes et de jurons traditionnels. La plupart d'entre eux sont plutôt amusants et décalés, rien à voir avec l'agressivité brute d'un bon "fuck you" des familles, ni même avec nos glorieux "putain de sa mère". Dans le cas présent, il s'agit littéralement d'un "par l'enfer", jurons étonnamment porteur d'une certaine vulgarité pour un Danois.
Gustave aurait aussi bien pu cracher un "pik ansjos", littéralement bite aux anchois, mais c'était un garçon beaucoup trop poli pour se livrer à ce genre de langage.

- Pik ansjos ! ressoufla-t-il.

Tiens, non.

- Ça bouge vraiment ! Monsieur le fantôme ? Faut pas avoir peur, on est sympa. Ça vous dirait d'aller discuter calmement autour d'un bon plat de côtes ?

Gustave pris conscience de l'imbécilité de sa proposition, un esprit ne mangeait pas, c'était bien connu. N'existait pas non plus, mais il était déjà assez embrouillé.
Pire, et si ce fantôme n'était pas humain ! Vu le nombre de bovidés étant passé de vie à trépas dans ce lieu, il n'était pas impossible qu'ils aient à faire à une vache revancharde. Et elle risquait d'avoir mal pris l'invitation.

Le découpeur fit demi tour dans sa rangée, suivant le mouvement de l'entité. Les bras en avant comme un somnambule, il parcourut l'espace devant la porte d'entrée, près à enchainer dans la ligne à la carcasse mouvante.

- Où êtes vous ?

Dans un premier temps, la seule réponse provint de Kasper, qui s'extasia de l'éloquence de Gustave.

- Tu parles bien dis-donc ! Peut-être qu'il aurait fallu que j'essaie l'anglais, et si c'était un fantôme qui ne comprenait pas le danois ?

Avant que le jeune chauve ne parvienne jusqu'à l'entrée de la pièce, il y'eut un nouveau "coup de vent", et il ne vit donc personne, les seules formes mouvantes étant l'ombre de Kasper entre les carcasses, et quelques unes des dites carcasses qui oscillaient paresseusement.

Mais après quelques secondes, une voix féminine clairement stressée répondit - en anglais.

- Il est exclu que je me laisse approcher par un homme armé ! S'il lâche ses couteaux, je me montre !

En effet, Kasper portait son attirail de travail à sa ceinture. Son job consistant à découper des vaches mortes, les outils en question étaient tous plus pointus et coupants les uns que les autres.

L'entité s'était enfin exprimée et plutôt que de menacer l'âme de son interlocuteur, ou a défaut, d'essayer de s'incarner à nouveau dans le corps gentiment mit à disposition, comme le font habituellement les fantômes de série B, elle avait préféré faire part aux deux bouchers de son stress intense face aux lames de Kasper. Cette angoisse, même provenant d'une voix féminine et sensible, semblait assez irrationnel dans le cadre qu'était cette pièce de stockage des viandes, pourvue de dizaines de crochets au plafond, au sein d'un abattoir ou le tranchant se disputait au sang la primauté sur la symbolique de la religion carnivore.
Machairophobie, peut être. La phobie des couteaux. Ce qui faisait de la créature invisible un être résolument carné, une certitude apaisante pour Gustave, qui, il le jurera plus tard, n'avait pas cru une seconde à cette stupide histoire de fantôme.

- Tu as raison Kasper, ça parle en anglais, dit le boucher chauve, lui aussi en anglais, ça t'embête de poser ton attirail ? Par exemple dehors, ou dans un frigo, le temps de nouer le dialogue et de comprendre ce qui se passe. Je ne pense pas qu'on ait à s'en faire.

Comme pour prouver ses dire, et profitant du manque de visibilité de Kasper entre les carcasses, il passa délicatement ses doigts autour de son coup, plaça une de ses grandes mains au sommet de sa tête et la souleva de quelques centimètres, tel un couvre chef poliment ôté devant une dame à la sortie de la messe, avant de la recoller à sa place.

- Mes hommages, madame. Je suis d'accord avec vous, il ne faut pas jouer avec les objets tranchants, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Ni parler trop fort de fantôme, qui sait si ce n'est pas cela qui les attire.

Gustave se fendit d'un grand sourire. Il était complètement dans son rôle et comptait bien rendre la monnaie de sa pièce à cette jeune fille qui avait paralysé le Danish Crown tout entier et retardait toujours son repas.
Faisant semblant de chercher ses mots pour parvenir à formuler un double sens qui ne choquerait pas le boucher sapiens, il fit la moue quelques secondes et rajouta :

- Ce n'est pas tous les jours qu'une rencontre pareille a lieu. Dis moi petite voix, sur ce plan on m'appelle Gustave, me ferais tu l'honneur de me dire ton nom et ce que tu fais sur mon domaine ?

Kasper semblait à la fois soulagé de la résolution prochaine de l'énigme, et déçu du fait d'avoir eu besoin de l'arrivée de Gustave pour y parvenir. Il haussa les épaules, et plutôt que poser ses lames, il sortit de la pièce en refermant doucement la porte. Maintenant que le fantôme n'en était plus un, il avait perdu tout intérêt pour le sujet, mais hèla toutefois Gustav avant de sortir pour l'informer qu'il préviendrait tout le monde. Connaissant la vitesse d'esprit du boucher, cela prendrait sans doute plusieurs minutes.

La petite voix en question se matérialisa instantanément, mais dans le dos du Danois, et ne commença à parler qu'après quelques secondes, qui visaient certainement à vérifier que le beau parleur était bel et bien désarmé. Cela laissa le temps au jeune mutant de se retourner et de l'observer.

Il s'agissait d'une femme d'origine asiatique, d'une trentaine d'années, de taille plutôt petite, et semblant tout sauf rassurée de se trouver ici, même si paradoxalement la démonstration de pouvoir de Gustave semblait avoir eu un effet apaisant sur elle : sa voix était plus posée, et elle répondit au tutoiement.

- Je m'excuse d'avoir causé du trouble, mais cet endroit est proprement terrifiant, et, sauf ton respect, votre langue mystérieuse ne le rend en rien plus accueillant. J'étais persuadée que ton ami souhaitait me disséquer.

Elle tirait nerveusement sur la bretelle du sac qu'elle portait à l'épaule, et jetait régulièrement des coups d'oeil dans toutes les directions. Elle semblait également frissonner en réponse à l'atmosphère forcément fraîche de la salle.

- Je me nomme Emily, et j'étais initialement venue ici pour chercher un mutant, avant de me retrouver coincée dans cette maudite pièce. J'aurais aisément pu m'échapper, mais mes ordres disaient que la rencontre aurait lieu ici.

Elle avait insisté sur le mot ordres, y ajoutant une ironie que Gustave ne pouvait pas comprendre.

- Au moins, jusque ici, ma mission est un succès.

Elle n'ajouta rien, semblant attendre la réaction de Gustave - ou bien préférant économiser ses mots pour partir plus vite.

Un peu gêné d'avoir essayé de faire peur à la mutante et surtout de ne pas y être parvenu, Gustave reprit son air naturellement peu avenant et se plongea dans la contemplation de la jeune femme. Le monde avait tant de beauté à offrir, ses aurores boréales, sa faune et sa flore bigarrées, et ces fjords, si majestueux qu'on les croiraient sortis de l'imagination d'un artiste fou ; mais aux yeux du boucher, cette fille n'était rien de moins qu'un monde à elle seul, dont il aurait arpenté les vallons avec bonheur.
Son discours était cependant plus qu'étrange, ce qui ne déstabilisa pas Gustave outre mesure.

- Enchanté Emily, très heureux d'apprendre le succès de ta mission. Et tu n'as pas de raison d'avoir peur ici, à moins bien sûr que tu ne te mettes à meugler.

Une pointe d'humour, parfait pour un premier contact.
Il avait fait abstraction des remarques concernant son lieu de travail et sa langue maternelle, bien qu'ayant été un peu vexé ce n'était pas un sujet de conversation à relancer.
Durant son entrée en matière, le jeune homme se souvint de l'expérience du pont, qu'il avait découverte dans un documentaire. Un homme faisait du gringe sur un chemin, puis sur un pont suspendu, en donnant systématiquement son numéro de téléphone. Au final, le nombre de femme ayant rappelé le dragueur était beaucoup plus important dans la situation la plus angoissante, le pont. Cette expérience laissait à penser que le sentiment de peur était proche du sentiment amoureux, et qu'une certaine confusion entre eux était courante.
Pour faire simple, Gustave se sentait dans une situation optimale pour une nouvelle rencontre. Si seulement Kasper pouvait revenir rayer la vitre à coup de lame frénétique, la pauvresse n'aurait alors plus aucune chance.

- Tu cherchais un mutant ? Et bien me voilà ! Gente dame, à votre service. Si tu me parlais de tes ordres, à mon avis pour t'avoir envoyé attendre dans une chambre froide je ne suis pas sûr que ton commanditaire te veuille du bien...

Emily ne semblait pas particulièrement réceptive à l'humour de Gustave, qui lui suggérait à raison qu'il ne faisait pas bon être bovidé en ce lieu sinistre. Ses lèvres s'amincirent légèrement afin de bien montrer qu'elle avait saisi le trait d'humour, mais elle était visiblement incapable de faire mieux. Elle jetait fréquemment des coups d'oeil vers la porte, signe qu'elle ne rêvait que d'une chose : sortir. Elle signala tout de même qu'elle avait remarqué la "prise de tête".

- Il s'agissait donc bien de toi. Ta façon de saluer les gens est...surprenante. Enfin, il faut croire qu'à chaque fois, le hasard fonctionne de la même façon.

Sans rien expliciter de son affirmation, elle enchaîna sur les ordres que lui réclamait le Danois.

- Je suis ici en tant que représentante du nouvel Institut Xavier, refondé par Mrs Donowho. Nous recueillons de jeunes mutants partout dans le monde afin de les aider à comprendre et à perfectionner leurs pouvoirs.

Elle se sentait plus à l'aise sur le terrain pédagogique lorsqu'il était question de son speech de motivation. Mais elle ne pouvait décemment pas cacher l'aspect plus...politique qui couvait sous ces dehors éducatifs.

- Notre objectif est de former ces jeunes mutants afin de lutter pour l'image de nos compatriotes à travers le monde. Par exemple, en nous opposant à la politique expansionniste des Pères Fondateurs qui porte préjudice à tous les mutants, et pousse les esprits simples à assimiler les plus pacifiques d'entre nous à de dangereux terroristes. Ma proposition sera donc simple : es-tu intéressé par l'idée de rejoindre l'Institut Xavier en tant qu'élève ?

Elle laissa tomber toute la concentration qu'elle avait accumulée pour son petit discours, et se remit à frissonner en se frottant les bras pour les réchauffer.

Les mouvements saccadés et le malaise grandissant d'Emily n'était pas pour déplaire à Gustave, on aurait dit un petit rongeur affolé, il repensait à l'écureuil qui avait accompagné son début de journée. Il n'y avait décidément pas de hasard et ce dernier lui avait déjà inspiré plus d'un sentiment poétique, sur ce point il s'accordait avec la recruteuse.
Le jeune homme écouta poliment les explications d'Emily, tandis que ses yeux s'écarquillaient au fur et à mesure.

- Ça me semble très bien ce que tu fais dans cet institut, permettre aux gens comme nous de comprendre leur pouvoir, mais j'ai du mal à saisir comment cela peut vous aider dans ces opérations... de lobbying. Et comment moi je pourrais vous être utile. Je ne suis qu'un boucher. Talentueux et charismatique, je te l'accorde, mais ça ne fait pas tout.

Gustave décocha un léger sourire pour ne pas être pris au premier degré, il ne tenait pas à passer pour un orgueilleux. A la réflexion, il lui sembla important de revenir sur les raisons de la présence de la chinoise en ce lieu et face à lui.

- Je ne comprends pas, je ne suis pas inscrit à l'agence pour l'emploi mutant, j'ai toujours préféré la discrétion sur ce sujet, même si je ne le cache pas vraiment. Comment peux tu avoir été informé de ma mutanité et surtout, pourquoi moi ?

Il avait faillit oublier de demander ce qui était à son sens le plus important. Gustave abreuvait de question la pauvre mutante congelée, mais il ne perdait pas le nord.

- Viens, dit il en ouvrant la porte, on peut très bien continuer cette discussion dans un endroit plus agréable. Tu sais que je suis très flatté, et intéressé par ta proposition. Alors comme ça tu es une mutante engagée. Mais parle moi donc un peu de toi, dis moi comment ça se passe ce recrutement... demanda le boucher dont la qualité d'écoute n'était plus à prouver.

Si Emily n'avait pas été effrayée/frigorifiée/pressée/rayer les mentions inutiles, elle aurait sans doute été bien plus réceptive à l'humour du Danois. Mais en l'état, elle saisit simplement la balle au bond lorsqu'il lui proposa de sortir en ouvrant la porte.

- Parfait. J'attendrai un peu plus loin que la grille d'entrée. J'imagine que tes collègues ne seront pas ravis de me voir, autant les éviter. Ah, et au sujet du pourquoi toi...je te l'expliquerai si tu acceptes la proposition. Question de sécurité.

L'instant d'après, elle s'était volatilisée, tandis que, menés par Kasper, les employés arrivaient vers la chambre froide pour s'enquérir auprès de Gustave de ce qui s'était réellement passé - et ne virent pas l'Asiatique passer devant eux, faut d'avoir un oeil suffisamment rapide. Les explications du grand dadais n'avaient donc logiquement pas été assez claires.

- Alors, il s'est passé quoi ?
- Le fantôme est parti ?
- On peut recommencer à bosser ou bien ?
- Moi, je veux qu'on me confirme qu'il n'y a pas de danger...

La jeune asiatique avait filé comme le vent, pour le désespoir de Gustave qui ressentit cette fuite comme un échec personnel. Il apprenait jour après jour, la leçon d'aujourd'hui était : lorsque une femme est effrayée, frigorifiée et pressée, ne joue pas au gentleman, garde la porte fermée !
Passant devant ses camarades du Danish Crown, il leur assura que la voie était libre et, ne souhaitant pas mentir et gêné par les questions sur ce fantôme dont il ne restait qu'un courant d'air, il indiqua que Kasper leur expliquerait la situation mille fois mieux que lui (les pauvres), puis il prétexta une obligation et s'éloigna des grilles à la recherche d'Emily. Arrivé au point indiqué, il l'interpella.

- Tu n'avais pas besoin d'échapper à mes collègues, ils auraient peut être posé quelques questions embarrassantes, mais ils n'ont rien à voir avec les Pères Fondateurs ; l'abattoir a été immobilisé à cause de nous, nous excuser aurait été la moindre des choses !

Gustave se rendit compte qu'il était plus énervé d'avoir été laissé en plan et contraint de trouver une explication à cette histoire que du comportement d'Emily. Elle avait probablement ses raisons d'agir avec tant de discrétion et il n'était pas vraiment en position de lui faire la morale.
Ce qu'il fit tout de même.

- C'était très malpoli, honnêtement. Bon, ils y survivront et moi aussi.

Il plaça une main sur son menton qu'il grattouilla calmement, pesant lourdement sa prochaine phrase.

- Ton histoire m'intrigue. Et j'ai des vacances à prendre. Je vais tenter ma chance, mais je te préviens, si les valeurs de ton groupe ne sont pas celles que tu m'as annoncé, je repartirais aussitôt et rien ne m'en empêchera. Est-ce que cela te convient ?

Emily semblait plus à son aise maintenant sortie de l'abattoir, et ne semblait pas outre-mesure culpabiliser de son impolitesse.

- Excuse-moi, mais il fallait que je sorte de cet endroit. De plus, je ne tenais pas particulièrement à apprendre à des découpeurs professionnels que j'étais à l'origine de leur arrêt de travail.

Elle continuait à se frotter épisodiquement les bras pour se réchauffer, et ne cessa que pour saisir quelque chose dans son sac. Il s'agissait d'une enveloppe sur laquelle était dessinée un drapeau danois flottant au vent, planté sur une entrecôte.

- J'enverrai une lettre d'excuses. Celle-ci est pour toi, elle contient un billet d'avion pour Chicago.

Emily referma son sac, en jetant de temps à autres des coups d'oeil à l'abattoir.

- Nos valeurs sont celles des étudiants. Mais tu seras bien évidemment libre de partir quand tu l'entends. Nous ne sommes pas gardiens, nous sommes professeurs.

Un professeur ? A son âge ? Gustave surpris par le statut que ce donnait la jeune fille accepta l'enveloppe avec déférence et essaya de masquer son amusement à la vue des motifs qu'elle portait. Plus de doute, à moins qu'elle ne confonde avec un autre boucher Danois mutant, elle était bien là pour lui.

- Je vous remercie madame Emily.

Il était passé d'un coup au vouvoiement, la gène se lisait sûr son visage. Il pensait avoir affaire à une simple recruteuse et il l'avait traité comme telle, mais si cette fille était bien prof, il ne serait pas étonnant que son apparente jeunesse soit un effet de ses pouvoirs.
Si ça se trouve, j'ai fait du gringe à une vieille ! réalisa-t-il plein d'angoisse.

- Il ne sera pas nécessaire de vous justifier auprès des collègues, nous aurions pu le faire tout à l'heure en bonne et due forme, mais ça ira, je m'en chargerais. Et comme je vous l'ai dit, je viendrais à Chicago.

Vision fugace des jolies américaines et de leur moeurs légères...

- Oui, je viendrais ! Soyez en sûr !

Encore intrigué par de nombreux points, qui trouveraient rapidement réponse il en était persuadé, Gustave avait envie de se laisser porter par le vent de l'aventure.
Et la petite voix qui sifflait à ses oreilles de reprendre : mais vas y gros, vas y ! Le nouveau monde s'offre à toi !
Ce avec quoi Gustave était bien d'accord, au détail près que si la petite voix le traitait encore de gros, cela se réglerait à coup de coton tige.