01.03/09.C.[Alaska][Phase de contact Blancpoil] L'art de fouiner

Blancpoil n'eut pas de difficultés à retrouver la trace des deux hommes. En effet, il s'était avéré qu'ils suivaient tout simplement la canalisation en la remontant. De plus, le soldat venait de s'allumer une cigarette ce qui amplifiait l'odeur pour les traquer. Le décors ne changeait pas réellement. Des arbres, des buissons, des herbes hautes et moins hautes. Sans le tube, il aurait été difficile d'imaginer qu'ils connaissaient la direction qu'ils prenaient.

Marchant une dizaine de minutes sans prononcer un mot, les deux humains passèrent une sorte de transformateur dans lequel le tuyau entrait sans pour autant en ressortir de l'autre côté. Le personnage à la valise se retourna vers le soldat qui traînait depuis quelques secondes après avoir passé le bloc du tuyau.

"Vous ne venez pas ? "

Prenant une dernière bouffée avant de se dégager la clope du bec, l'autre répondit :

"Je termine. Pour une fois que je suis dehors, je profite de pouvoir en griller une. "

Acquiesçant d'un signe de tête, le récolteur fit un pas en avant à côté d'un arbre et s'enfonça soudainement dans... de la neige plate. Comme un escalier, sans escalier ! Pas surpris pour un sous, celui armé l'observa - un peu blasé - disparaitre comme s'il venait de descendre dans de l'eau sans la moindre gêne, alors que la surface de la neige traversée était intacte. Aucun mouvement ondulatoire. Ce n'était pas liquide. Juste quelques traces devant qui s'arrêtaient nettement.

Le soldat se retourna en tirant une bouffée de tabac, sans raison apparente. Visiblement, c'était l'heure de la pause.

[HRP]Désolé du retard, j'ai eu une coupure internet.[/HRP]

Blancpoil suivit les traces plutôt évidentes a repérer des deux hommes. Ils longeaient le tuyau et ne semblaient pas s'en écarter. Tant mieux. Même si jouer au chat et a la souris aurait amusé le jeune loup, il avait d'avantage envie de les retrouver au plus vite pour découvrir ce qu'ils faisaient au milieu de la forêt. En humant l'air, il put bientôt sentir l'odeur d'un de ces bâtonnets blancs que les humains adoraient renifler par la bouche. L'odeur était immonde, rien comparé a celle du lac quelques minutes plus tôt certes, mais Blancpoil ne put s'empêcher d'afficher une expression de dégoût.

"Yerk"

Ils furent bientôt en vue. Blancpoil, content de les avoir retrouvé aussi vite, grimaça ce qui semblait être un sourire satisfait, puis se mit au pas, les suivant discrètement a travers les bois. Ce ne fut pas bien compliqué. En fait, les humains ne restaient même pas sur leur garde. Le lupin avait l'impression qu'ils ne s'attendaient pas a être suivi. En même temps, il ne semblait y avoir que ces deux là a des kilomètres a la ronde.

*Haha ! Erreur Fatale ! Un bon loup doit toujours être sur ses gardes, dixit la règle numéro 3 du petit guide du loup chasseur...* ... qui était en l’occurrence... son père.

Ils arrivèrent bientôt devant une espèce de bloc de tuyaux. L'homme au baton de feu sembla traîner. Il ne voulait pas rentrer tout de suite on dirait bien. Mais... rentrer où ? Blancpoil tourna la tête en inspectant les environs. Il n'y avait pas ces habitations dans lesquelles les hommes se reposaient dans les environs.

La suite fut d'autant plus surprenante. L'autre a la valise fit un pas a côté d'un arbre et s'enfonça dans la neige, jusqu'à disparaître. Blancpoil écarquilla les yeux de stupéfaction.

*Beuh ? Il est passé où ?*

Il faillit aller directement inspecter les lieux. Mais l'odeur désagréable du bâtonnet blanc lui rappela sa présence. Bien a l'abri, caché derrière les arbres, le lupin fulminait. Il avait envie d'aller vérifier, mais si l'autre le voyait... Et puis, il y avait la règle d'or numéro 2: Un bon loup ne doit jamais se précipiter. Mais s'il perdait la trace de l'éleveur de poisson télécommandé, il n'aurait jamais le fin mot de l'histoire ! Que faire ? Blancpoil regarda tour a tour l'homme en train de fumer et l'endroit ou avait disparu l'autre, piétinant le sol tant il n'arrivait pas a se décider. Il trancha finalement.

*Oh et pis zut, j'ai déjà enfreins des règles aujourd'hui, je suis plus a ça près.*

Il se mit finalement en route, essayant de rejoindre l'endroit ou les traces s'arrêtaient tout en contournant l'homme qui était resté a l'extérieur sans qu'il ne le voit. Peut-être que si l'humain était arrivé a rentrer sous terre, alors lui aussi ? Et puis... les loups creusaient plus vite que les humains, c'était bien connu...

Le soldat était occupé à terminer tranquillement sa pause clope alors que Blancpoil le contournait. Il s'approcha effectivement à l'opposé de ce qui ressemblait à un truc invisible. Sauf que le loup fit un pas de trop ! Il fallait croire que la partie traversable était une bande de trois mètres sur un et que si les pas s'arrêtaient bien à une extrémité de la bande, Blancpoil venait de trouver l'autre extrémité. Malheureusement pour lui !

La chute au travers de cette neige fictive fut rapide et surprenante. Le pauvre animal mutant eut à peine le temps de réaliser ce qu'il se passait après avoir poussé un couinement de surprise. Le choc sur de la pierre fut rude. Il devait être tombé de deux mètres.

L'environnement dans lequel il se retrouvait était étroit. C'était un escalier qui menait au sommet et par où était descendu le scientifique quelques instants plus tôt qui s'étendait sur deux mètres. Une toute petite partie de couloir d'un mètre à peine continuait jusqu'à une porte blindée avec sur son côté une plaque métallique.

Blancpoil se retrouvait l'avant du corps sur la partie plate et le train arrière sur les escaliers. Autant dire que le coups qu'il s'était pris au derrière était douloureux et un peu handicapant pour le moment ! Mais la douleur ne tarderait pas à disparaitre lentement. Un peu sonné, le loup entendit les pas du soldats s'approcher et rapidement des pieds apparurent au travers du plafond blanc.

Soudain, la porte blindée s'ouvrit en coulissant sur le côté et un homme inconnu apparut, visiblement prêt à sortir dans le froid, mais pas à croiser un loup sur le pas de la porte. Le soldat lui était descendu et pointait son arme sur Blancpoil, le visage peu commode :

" Putain, mais c'est le même loup ? "

"Bu... Butez le ! Il va me bouffer ! " lui cria l'homme, visiblement prêt à se faire dessus.

[Tiens, tu as édité dans la journée ? ]

Tétanisé par la peur, l'homme hurla lorsque Blancpoil s'élança sur lui en se protégeant le visage et le cou, pensant probablement qu'il allait se faire agresser. Le loup n'eut pas de difficultés à passer entre les jambes de celui qui bloquait la porte.

Le soldat se retrouvait en difficultés pour tirer, à cause du gêneur. Il pesta avant de s'élancer vers lui et de le pousser contre le mur vigoureusement afin de se mettre à la poursuite de l'animal dans le complexe.

En effet, le mutant était à présent dans des suites de couloirs et de pièces qui formaient un véritable labyrinthe pour les non-initiés. Par là une salle ouverte contenait d'étranges machines, par ici un attirail qui semblait proche du matériel chirurgical, ou encore certaines qui ressemblaient à des entrepôts, d'autres avec des plans, sans compter des salles de recherche avec de grandes baies vitrées.

Les hommes à l'intérieur étaient tous vêtus de blouses blanches ou dans certaines salles fermées mais visibles au travers des vitres, de combinaisons totalement étanches blanches avec une plaque transparente au visage manipulant des tubes et autres cartes à puces avec précaution dans des caisses fermées transparentes. Les couloirs eux-mêmes étaient propres et blancs.

Soudain, l'environnement vira au rouge alors que des gyrophares se mettaient à tourner et qu'une alerte retentissait en de nombreux bips sonores d'une demie seconde chacun. Automatiquement, les portes se fermèrent en glissant sur le côté. Si Blancpoil était parvenu jusqu'ici à semer son poursuivant, c'était grâce à la douleur de son train arrière qui s'estompait. Il pouvait se considérer malgré tout chanceux de n'avoir croisé personne qui lui aurait bloqué la route.

Dans des haut-parleurs retentit une voix métallique :

" Alerte de niveau 1. Un animal sauvage s'est introduit dans le Rhadamanthe. Le personnel est invité à resté cloisonné dans les salles. "

Bref, Blancpoil avait mis un joli foutoir ! Tout à coup, une porte près du loup s'ouvrit alors qu'un homme assez jeune avec un casque audio sortit la tête avec curiosité pour observer ce qui pouvait bien faire un tel raffut. Il ne devait pas avoir entendu le haut-parleur à cause de sa musique. Lorsqu'il remarqua l'animal, il écarquilla les yeux de surprise et rentra vite dans sa salle, alors que sa porte commençait déjà à se refermer et que des bruits de pas se faisaient entendre dans les couloirs avoisinants malgré l'alerte.

[Euh... non pas du tout pourquoi ? :s ]

Blancpoil courut jusqu'à ce u'il n'en puisse plus. La douleur eut tôt fait de se manifester, a son grand désarroi. Il tourna la tête pour enfin découvrir le lieu dans lequel il se trouvait. Tout était blanc ! Sur les côtés, des salles dotées de dispositif dont il ne soupçonnait même pas l'utilité. Même les humains dans les sales étaient tout de blancs. Sur certain, le loup distinguait a peine leur visage. Il faisaient peur ! Il en était sûr maintenant, ils étaient complètement fous et il était tombé en plein milieu de leur meute comme un cheveux dans la soupe. Comment allait-il faire pour sortir de là en un seul morceau ?

Ceci dit, tout ce qui se passait ici l'interpellait. Que diable les humains mijotaient ici ? Un élevage de poissons télécommandés ? En parlant de ça... ou était passé l'autre avec sa valise ? Blancpoil profita d'un trop bref moment d'accalmie pour s'appuyer contre une des vitres, cherchant des yeux sa proie, mais aussi et surtout pour voir de plus près ces machines encore plus bizarres que le tuyau dans le lac. Il en vint presque a oublier qu'on lui courait après. Malheureusement, la fête fut de courte durée. L'environnement blanc et immaculé vira au rouge, des choses au plafonds tournaient comme des girouettes en couinant du bruit assourdissant de manière répétée. Le loup entendit même un message alerte, une voix résonnant de manière oppressante dans sa tête et qui sortait d'autres appareils. Blancpoil supposa qu'il s'agissait des même que la boite a hurlement du type a la valise. Ils étaient juste un peu plus gros. Quoiqu'il en était, cette alerte eut tôt fait de raviver son anxiété. Pas le temps pour la visite. Si les humains le trouvaient, ils le dépèceraient, le découperaient en petits morceaux avant de le donner pâture a leurs cabots. Et avec sa fourrure, ils en feraient des vêtements pour leurs femelles, comme dans les histoires de Percechair ! Cette perspective le terrifiait.

Le loup se ramassa aussitôt sur lui-même et observa d'un air peu rassuré les alarmes et les gyrophares qui n'arrêtaient pas de tourner. Il avait l'impression de voir des corbeaux qui croissaient et qui tournaient autour de leur proie avant d'aller manger les restes comme des charognards. Soudain, une porte s'ouvrit. Un jeune humain avec quelque chose sur les oreilles passa la tête dans le couloir, jusqu'à ce qu'il voit Blancpoil. Tétanisé, Il le regarda, se voyant déjà se faire tirer dessus par son espèce de casque bizarre. Mais rien ne se passa. Le jeune homme fit les yeux ronds de stupéfaction et rentra a la va-vite. Au même moment, dans la vacarme de l'alarme, Blancpoil entendit des bruits de pas qui se rapprochaient. Les humains le cherchaient !

Il ne réfléchit pas plus. Son instinct lui disait de ne pas rester dans les couloirs s'il ne voulait pas finir en chair a pâté, ce qu'il fit. Blancpoil s'élança pour s'engouffrer dans la même sale que le jeune humain, avant que la porte ne se referme. Qu'importe ou il se retrouve, il irait se réfugier sous une table, un lit, un meuble quelconque, n'importe quoi qui pourrait lui offrir un pseudo sentiment de sécurité dans le monde des humains.

[Au temps pour moi. J'avais lu en diagonale dans l'après midi. Il me semblait avoir compris une action finale différente. ]

Se dépêchant de pénétrer dans la pièce, Blancpoil faillit y laisser le bout de la queue. La salle était surprenante et contrastait totalement avec les couloirs austères dont venait le loup, ne serait-ce que par sa couleur orangée. En effet, c'était un riche bureau avec un parquet luisant. Un coin canapé-télé était dos à une table dans un style très moderne entourée de chaises noires. Un peu plus au centre trônait un bureau avec un ordinateur et quelques dossiers empilés. Quelques décorations étaient composées de bibelots, de bibliothèques et de petits placards en bois. Mais le plus frappant restait une énorme fenêtre qui donnait sur… une ville !

Spoiler:

Au milieu de la pièce, l'homme se tenait immobile, face au loup, et fit un pas prudent en arrière pour se rapprocher du bureau.

Spoiler:

Si la surprise avait marqué son visage quelques instants plus tôt en remarquant Blancpoil dans le couloir, cette fois-ci, même si le loup l'avait suivi, il respirait presque la sérénité. Il retira son casque sans fil qu'il déposa sur le bureau et observa le loup une seconde.

" Perdu ? Tu t'es foutu dans un joli bordel toi. "

L'homme sourit légèrement à Blancpoil en se triturant la montre nonchalamment avant d'y jeter un oeil, puis de reporter totalement son attention sur lui, les mains le long du corps.

" Et tu comptes faire quoi, maintenant ? "

Etait-il complètement fou pour parler à un animal ? Son regard était descendu sur ses pattes avant durant moins d'une seconde, avant de fixer de nouveau dans les yeux le mutant. L'homme restait figé, une expression neutre au visage.

Blancpoil pénétra dans la sale au dernier moment. Il sentit la porte flirter avec les poiles de sa longue queue. Il n'eut pas le temps de s'en soucier. L'homme au casque se tenait au milieu de la pièce, en le regardant d'une mine impassible. Blancpoil s'arrêta comme il put dans son élan en glissant sur quelques centimètres sur le parquet orangé. Il n'aimait pas ce regard, il avait peur qu'il ne le menace d'un bâton de feu, il avait peur pour sa vie. L'homme fit un pas prudent en arrière, Blancpoil en fit de même, la tête basse et les oreilles baissées. Lorsqu'il posa son casque, le loup se ramassa légèrement, près a bondir sur le côté en cas de geste hostile. Il n'en fit rien, a sa grande surprise. Lui qui pensait qu'il allait s'empresser d'avertir ses compagnons, ou même tenter de l'abattre, il se contenta de lui parler.

Stupéfait par une telle réaction, les oreilles de Blancpoil se redressèrent. Avait-il bien entendu ? Craintif, il ne répondit d'abord rien. Les loup ne pouvaient pas parler le langage des hommes, c'était bien connu. D'autant que le sens d'un mot lui échappait. Pourtant, l'inconnu continua et lui posa une autre question, avant de porter un instant son regard sur ses pattes avant. Qu'est-ce qu'elles pouvaient bien avoir de particulier ? Bon d'accord, elles n'étaient pas aussi gracieuses que celles de ses congénères, mais personne ne s'en était vraiment plaint Et c'était surement pas un humain qui allait lui faire une remarque la-dessus, non mais !

Ceci dit, Blancpoil avait envie de communiquer avec l'individu. Il voulait lui dire que tout ceci n'était qu'un mal-entendu, qu'il avait peur, qu'il voulait rentrer chez lui, auprès de sa meute et de sa famille, et qu'il ne dirait rien a personne, promis. Mais a quoi bon ? Le lupin ouvrit la bouche, d'une part pour reprendre son souffle. Son regard pétillant croisa celui de l'homme. Il avait la gorge serrée, comme si quelque chose était coincé a l'intérieur. Et puis, d'une petite voix faiblarde, il s'entendit a peine prononcer un mot.

"J...Je..."

Blancpoil secoua la tête de surprise. C'était lui qui venait de parler dans le langage des hommes ? Une petite douleur dans la mâchoire se fit sentir. Il la relâcha en se léchant les babines pour la soulager. C'était étrange. C'était venu si naturellement, comme s'il avait toujours su, et il ne sentait plus cette boule dans la gorge. Mais... depuis quand il pouvait faire ça ? Peut-être qu'à force d'écouter les hommes discuter entre eux, la mère lune lui avait fait don de leur langage. Mais ça lui faisait mal. Son organisme n'était pas habitué a communiquer de cette façon. Une immense joie le gagna. C'était trop cool ! Il fallait qu'il recommence, pour voir s'il pouvait faire mieux. Blancpoil déglutit, inspira un bon coup avant de regarder a nouveau l'homme.

"Ce... c'est quoi "bordel" ?

Bah oui quoi, il y avait bien des mots qu'il ne connaissait pas. Il imagina un instant qu'il devait s'agir du nom de leur meute, ou de la pièce dans laquelle il se trouvait. Il fallait dire qu'elle était jolie et agréable a l'oeil, même s'il ne comprenait pas tellement l'utilité de certains objets, comme le grand cadre noir la-bas. Et puis il y avait l'architecture de dehors qui était franchement... Attends... de dehors ?! Blancpoil secoua a nouveau la tête lorsque son regard se posa sur la fenêtre, ou plutôt sur ce qu'il voyait par la fenêtre.


"Millepoils ! Mais c'est quoi ça ?" se demanda-t-il dans sa propre langue pour lui même, ce qui devait surement avoir un son se rapprochant de l’aboiement pour l'humain en face de lui.

On aurait dit... une immense ruche ! Mais il était bien sous terre non ? Comment les hommes avaient-ils pu construire ça ? A quoi ça leur servait ? Des questions auxquelles l'homme pourrait certainement répondre. L'attention du jeune loup se reporta immédiatement sur lui, une expression de stupéfaction au visage, déblatérant toutes les interrogations qui lui venaient a l'esprit.

"Mais... Où on est ? et z'êtes qui d'abord ? Et pis vous faites quoi avec ces gros poissons télécommandés ? Comment on sort d'ici ? Pourquoi y'a plein de gens bizarres tout en blanc ? Et pis pourquoi vous empoisonnez le lac ?"

L'homme observa avec un intérêt tout particulier le loup après que celui-ci marmonne ses premiers mots. Un sourcil arqué laissa pourtant éclater au grand jour toute la surprise de l'homme face à l'étrange phénomène qui était face à lui. Malgré tout, il ne répondit à sa question sur le bordel. De toute façon, Blancpoil s'intéressait déjà aux vitres !

" Intéressant... " fut le seul mot prononcé devant les paroles du loup.

Puis finalement vint le flot de questions. S'appuyant contre le bureau, les bras croisés, il observa le loup quelques secondes, avant de consentir à répondre.

" Nous ne sommes nulle part que tu sois sensé connaître. Et on ne sort pas d'ici lorsqu'on l'a trouvé. "

Blancpoil n'était pas bien plus avancé à présent. De nouveau, l'homme l'observa, avant de rajouter, comme s'il avait réfléchi longuement avant de parler.

" Et c'est moi qui devrait te demander qui tu es et ce que tu es. Les loups qui parlent, ce n'est pas courant... "

Puis il observa les fenêtres un instant.

" Ce sont des écrans. C'est Vancouver. Ils aident à oublier parfois qu'on est sous terre. "

Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir derrière la porte. Les bras toujours croisé, il rajouta :

" Ils ne vont pas rentrer. "

Et en effet, un silence s'installa à l'extérieur tandis que les alarmes s'arrêtaient. Le visage de nouveau totalement neutre et le regard énigmatique, l'homme observait Blancpoil. Il avait l'air de cogiter.

L'homme esquissa un sourire aux premières paroles de Blancpoil, visiblement déjà habitué à l'écouter. Il ne répondit rien à ses inquiétudes ni à ses remarques sur la politesse propre à son espèce. Lorsque le loup émit la supposition qu'il n'avait peut être jamais essayé de parler aux siens, l'homme réagit :

" J'ai déjà essayé de parler aux animaux, sans succès. Les machines ont besoin de savoir quoi faire pour y parvenir. La biologie ou notre connaissance de la linguistique n'est sans doute pas encore assez avancée pour vous comprendre. Mais la technologie peut imposer ses règles. "

Son regard se fit un peu plus inquiétant une fraction de seconde tandis que Blancpoil se présentait.

" Peter, l'invisible. " finit-il tout de même par indiquer en guise de réponse.

Il observa le loup découvrir les écrans, serein. L'homme fixa l'animal plus intensément lorsque celui-ci posa ses questions. Un blanc pesant s'installa pendant une dizaine de secondes, sans départir pour autant du regard.

" C'est plus joli dehors, oui. " admit-il finalement.

Peter fixait toujours étrangement Blancpoil, sans rien dire. Il semblait attendre quelque chose. Mais était-ce quelque chose de la part de l'animal ou de la sienne ?

" Tu es le seul à parler, dans ta meute ? "

La question avait été posée sans pour autant montrer de réel intéressement. L'homme était toujours contre son bureau, le regard perçant traversant Blancpoil comme s'il déchiffrait son âme.

Peter s'était éloigné quelque peu du bureau lorsque le loup était grimpé dessus, afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble. Il écouta attentivement la réponse de Blancpoil quant aux animaux parlant.

" Très bien. " fut la seule réponse donnée après le flot de paroles du lupin.

D'un pas lent, il se déplaça jusqu'à une boite noire légèrement stylisée et précisa, avant d'en retirer un petit morceau :

" C'est un casque audio, pour écouter de la musique sans forcer les autres à entendre la même chose que nous. "



Soudainement, la musique cessa dans le casque et sortit par des enceintes sur les côtés de la chaîne hifi. Le volume était assez élevé. Peter se retourna avec un petit sourire aux lèvres et observa la réaction de Blancpoil à l'arrivée du son.

Tout à coup, la porte s'ouvrit et en une fraction de secondes, trois hommes apparurent, armés de bâtons de feu. Sans sommation, alors que Peter tentait de s'avancer pour les stopper, plusieurs coups partirent sur Blancpoil qui était une cible parfaite, juché sur le bureau. Les armes n'avaient pas fumé en tirant.

Le lupin sentit plusieurs brûlures consécutives sur le corps. Deux. Peut être trois. Difficile à dire. Sa vision se troublait. Ses pattes étaient particulièrement faible. Même la musique humaine s'estompait. Il s'était écroulé sur le bureau, renversant une pile de feuilles soigneusement rangée.

[Tu m'as fait peur !! ><' ]

Peter lui expliqua a quoi servait le casque. Il s'agissait d'un appareil destiné a écouter de la "musique". Du son se mit a sortir de des écouteurs, que le lupin discernait, même s'il n'avait pas mis le casque sur ses propres oreilles. De toute façon, il n'était pas vraiment adapté a sa morphologie. Soudainement, la musique sortit d'autre part, en beaucoup plus fort. Blancpoil, surpris, se ramassa et faillit bondir sur le côté par réflexe.

Il y avait des sons étranges, et des voix de mâles et de femelles qui s'entremêlaient en un chant harmonieux. Le lupin se sentit submergé, peut-être parce que la musique était un peu trop forte pour lui. Il tournait la tête en direction des enceintes, découvrant ce que les humains étaient capables d'offrir de meilleur, hormis leur bâton de feu. C'était beau, envoûtant, même s'il ne comprenait pas le pourquoi du comment, de quelle manière il pouvait entendre une meute toute entière chanter de telle façon, il en appréciait en appréciait chaque note. Cette musique lui renvoyait aux propres chants des siens, moins élaborés certes, mais les humains et les loups n'étaient pas si éloignés que ça finalement.

Blancpoil tourna la tête en direction de Peter, un sourire émerveillé illuminant ses traits.

"C'est... incroyable."

Cet humain était de bon coeur semblait-il, s'il daignait partager quelque chose avec lui, quelque chose d'aussi précieux que la musique. C'était un beau cadeau qui rendait le loup nostalgique. Il resta un petit moment la tête levée en direction des enceintes, appréciant la musique qu'il écoutait, avant de rompre le blanc qu'elle comblait.

"Je..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. La porte s'ouvrit soudainement, laissant apparaître trois hommes armés sur le côté du loup. Tout se passa si vite. A peine Blancpoil eut-il réalisé qu'ils faisaient feu qu'il sentit des impacts. Le choc le fit reculer légèrement puis il mit deux pattes en arrière pour rétablir son équilibre. Il sentit ensuite des brûlures sur tout le corps. Son instinct lui disait de fuir, mais il n'arrivait pas a bouger. Il sentait faible. La musique s'estompa bientôt, ne laissant plus que les bruits de sa respiration qui ralentissait. Sa vision se troubla alors qu'il voyait Peter essayer de les arrêter.

Comme il aurait voulu lui dire a quel point il avait apprécié son geste. Il aurait aimé lui raconter que son peuple aussi chantait, lors des cérémonies des nouveaux nés, ou des morts, ou des rites de passage a l'âge adulte. Il aurait voulu lui conter les histoires des réunions de clans, leurs chants mêlés qui n'étaient pas connus des hommes. Il n'avait jamais participé a l'une de ces réunions, car elles ne se produisaient que tous les cinq ans. Aujourd'hui, ici et maintenant, il avait le sentiment qu'il ne pourrait jamais la voir de ses propres yeux.

Ses pattes le lâchèrent. Blancpoil s'écroula sur le bureau, inerte et froid. Il n'en voulait pas a Peter, il n'en voulait même a ces hommes d'ailleurs. Peut-être avait-il été juste un peu trop curieux, comme d'habitude...

...Comme d'habitude...

...

*
* *

Blancpoil ouvrit difficilement les yeux, sortant d'un long sommeil. Il était mort ? ça ne ressemblait pas au paradis des loups. On aurait plutôt... une cage ?! Le lupin sentit une grande frayeur monter en lui. Il n'était pas mort, il était toujours dans le monde des hommes ! Et on parlait de route longue, de camion. On voulait l'enfermer ou l'emmener chez le dépeceur du coin pour lui arracher sa fourrure et faire des manteaux avec. Oh non...

Blancpoil se releva en toute hâte. Il prit le peu d'élan que pouvait lui offrir sa cage et s'élança contre les barreaux en donnant des coups d'épaules, a plusieurs reprises. Il hurla et aboya désespérément dans sa propre langue pour quelqu'un vienne a son secours.

"Au secours !! A l'aide !! Quelqu'un, S'il vous plait !"

[ Poisson d'avril ? ]

Lorsque Blancpoil se réveilla et le montra, il entendit taper contre sa cage assez fort alors que l'une des voix s'élevait, visiblement peu commode.

" Tu vas la fermer sale cabot ! "

" Parait que tu sais causer ? Tu la ramènes pas cette fois hein ! "

Les deux hommes se mirent à glousser alors qu'un bruit de camion approchait.

" Ha ben le v'là. Allez, à la une, à la deux… "

Et à la trois, Blancpoil sentit soudainement la cage se lever. Tant bien que mal, le lupin tentait de rester relevé, et puis après quelques secondes, ce fut un choc métallique qui se fit entendre et qui le projeta au fond de la cage. Il entendit un des hommes grimper sur ce qui devait être l'arrière du camion, et tirer la cage bien au fond.

" Et dire que le patron voulait te libérer… "

" Ca serait con de se passer de la prime quand même ! On va s'en mettre plein les fouilles ! "

De nouveau, les deux camarades gloussèrent alors que celui qui était grimpé redescendait. La voix d'un troisième se fit entendre.

" 1000$, comme prévu ? "

" Ouai, file la thune. "

" Je vérifie avant. "

Le troisième grimpa à bord du camion et souleva un coin de la couverture qui cachait le lupin. L'homme pencha la tête et observa le loup une seconde.

" Il cause, il parait ? "

" Ouai. On l'a entendu parler avec le patron. "

Le drap retomba et l'homme redescendit.

" D'accord. Il n'est pas blessé ? "

" Fléchettes tranquillisantes. "

" Bien. Asclépios sera ravi de l'étudier en détails. Voilà votre argent. Au revoir."

Quelques secondes plus tard, Blancpoil fut plongé dans le noir alors que se refermait le volet métallique à l'arrière du camion, puis ce dernier démarra en vrombissant.

La suite ici : Utah - Un hangar comme un autre