01.02/06.Sc.Maison Blanche - Salle d'interrogatoire

Emily sentit que ses chaînes ne la retenaient plus. Elle bondit, électrisée par l'adrénaline, et traversa Désir de part en part pour foncer droit sur le mur d'en face. Une fois derrière, Emily sentit le contact moelleux d'un épais tapis. La pièce ne lui était pas étrangère.


Elle était vide. Le choc de l'émotion passé, Emily sentit une douleur aigüe lui vriller la cheville. Dans sa fuite elle avait oublié cette blessure laissée par ses tortionnaires, entre autres mutilations. L'architecte retrouva les sensations étourdissantes de ses contusions et hématomes. Marcher ne serait pas totalement impossible, mais certainement de plus en plus douloureux et laborieux.

Elle bénéficiait néanmoins de l'effet de surprise, et de quelques instants de "liberté". La porte du boudoir, juste sur sa gauche, était ouverte et donnait sur un couloir faiblement éclairé.



HRP. Plan indicatif : bien sûr chacun de vos PJ n'est au courant que de ce qu'il sait ! ^^ Les zones d'ombre sont inconnues des deux. B = bouclier.

L'évasion avait réussi ! L'évasion de la pièce et de l'emprise de Désir, tout du moins, car une fois dans le salon rouge qu'elle connaissait bien, Emily fut de nouveau envahie par les conséquences des mauvais traitements qu'elle avait subis. Sa cheville en particulier lui faisait souffrir le martyre, et elle espérait qu'il ne s'agissait que d'une grosse torsion, et pas d'une fracture du péroné qui pourrait lui empoisonner la vie pendant des semaines ou des mois. Swift prit quelques secondes pour estimer délicatement l'étendue des dégâts, pour savoir s'il valait mieux marcher, courir ou avancer à cloche-pied - ce dont elle était capable sans problème, mais qui handicaperait tout de même sérieusement sa rapidité.

Conclusion : tout était douloureux. Et si elle préservait sa cheville, d'autres parties de son corps se chargeaient de lui rappeler son état lamentable. Raison de plus pour sortir de cet enfer dans les plus brefs délais.

Seule une porte s'ouvrait, sur un couloir qui s'avérait être sa seule issue maintenant qu'elle avait visiblement retrouvé sa "consistance". Elle pouvait voir l'ouverture donnant vers sa cellule : si elle restait ici, elle était coincée, et se retrouverait à la merci de Désir dans moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Il fallait qu'elle avance.

Swift se dirigea prudemment vers le couloir, tentant de rendre sa démarche boiteuse la plus silencieuse possible pour n'alerter personne. Avec un peu de chance, ses tortionnaires éviteraient de déclencher l'alarme. Après tout, une soufflante d'Elixir ne devait pas être particulièrement agréable à subir. Elle contacta Walentyn, qui devait être de nouveau online. Elle sentait qu'elle aurait du mal à échapper à Désir, et préférait économiser ses forces, et elle avait une petite idée risquée sur la façon de jouer un tour à l'empathe blonde. Elle ne s'embarrassa pas de politesse mentale, et exposa directement son plan - le Polonais lui pardonnerait ce manque de savoir-vivre.

*Besoin d'une manipulation mentale provisoire. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai violemment agressé les personnes que j'appréciais le plus. Et toi, je ne t'apprécie pas, ça évitera des ennuis. Compris ? Temporaire bien sûr.*

Emily décida d'avancer en s'appuyant sur le mur du couloir, craignant à chaque instant d'entendre de nouveau la voix de Désir dans son dos sans que Walentyn n'ait pu mettre en place leur petit subterfuge. Pour se redonner une contenance, elle songeait à ce qu'elle pourrait faire subir à la blonde si tout se passait bien. Après ça, elle pouvait s'évanouir, sa vengeance serait accomplie.

RDC

Walentyn avait emprunté l'escalier : il n'aimait guère dépendre des machines, surtout dans une mission aussi périlleuse. A la moindre alerte, rien n'empêchait les Pères Fondateurs de verrouiller la cabine, du moins était-ce ce qu'il s'imaginait dans le coin "pire scénario possible" de son esprit. Et puis c'était plus discret ; pas de "ding" stupide à camoufler aux oreilles environnantes.

Arrivant au sous-sol, le Polonais repéra rapidement les esprits en présence. Avec ces télépathes, il n'y avait plus droit à l'erreur. Les troufions du dessus, c'était l'amuse-gueule. Et le plat de Résistance s'annonçait déjà indigeste. Heureusement, la perspective du dessert relevait le niveau...

Walentyn se demandait comment il allait s'introduire dans la cellule d'Emily, quand cette dernière rétabilt la connexion mentale. Il l'avait crue dans les vappes, mais il semblait que non. Qu'elle ne fut pas sa surprise quand elle lui demanda de lui manipuler le cerveau. Sa hardiesse en revanche, plut plutôt au télépathe.

Il se demanda une seconde s'il devait y réfléchir à deux fois, on chercher à comprendre la raison d'un telle manipulation... Il n'avait d'ordinaire pas de scrupules à trifouiller les cellules grises comme on refait le branchement de sa sono, mais on ne parlait pas du cerveau de la première dinde écervelée venue à qui il aurait finalement rendu service. Emily avait subi des assauts empathiques puissants ces derniers jours, et son esprit devait être en piteux état. Toutefois, il ne s'interrogea qu'une seconde : le temps pressait, et après tout, Emily était assez grande pour savoir ce qu'elle voulait.

*Je te rajoute l'option "j'emballe les types que j'aime pas" en prime ? Cadeau de la maison.* lui répondit Chimère tout en s'engageant dans le couloir est dans la direction approximative de Swift.

Ce faisant, il se concentra sur l'esprit d'Emily. Il allait falloir creuser loin. Il tenta de modifier ses souvenir pour y instaurer l'idée qu'elle témoignait son affection à coups de lattes, et qu'elle ne l'appréciait pas, lui.

Il esquissa un sourire ironique à la pensée que si cela fonctionnait, Emily se souviendrait sûrement qu'elle passait Lily-Rose à tabac supersonique tous les matins dans leur chambre. Fallait-il vraiment que cette altération soit provisoire ?

Swift évalua qu'il n'y avait pas d'os cassé dans sa cheville, malgré la tuméfaction et la douleur. Elle avait peut-être écopé d'une "simple" entorse, il était trop tôt pour le dire. Elle sentait en outre une raideur, mais qui ne l'empêchait pas de marcher.

Emily fit sa requête mentale, et entendit bientôt en réponse dans son crâne éprouvé la voix de son sauveur. Une autre voix retentit aussitôt derrière elle, dans le boudoir.

"Pfff elle me casse les oreilles."

L'architecte sentit une terreur paralysante la submerger. La voix de Désir s'ajouta alors. La mutante regarda dans le couloir, darda un œil insatisfait sur la fuyarde, puis se tourna brièvement vers Nomade qui la rejoignait. Emily sentait naître en elle une peur paranoïaque envers toute la gente masculine.

"Puisque tu ne sais pas tenir ta cervelle de poisson, je vais devoir mettre un anti-vol sur ma prisonnière."

Le phaser mutin fourra les mains dans ses poches. Il grimaçait comme un gosse rebelle à qui on venait de faire une réprimande. Chimère pendant ce temps opérait les souvenirs de la jeune femme pour y graver une manière particulière d'exprimer son affection.

Alerté par tout cela, un gaillard au crane rasé, tout de noir et de cuir vêtu, arriva dans le couloir par une porte toute proche.

Désir prit le bras de la prisonnière et lui tendit son sourire charmant et amical. Elle l'enjoignit à retourner dans la salle d'interrogatoire. Emily en conçut un grand contentement car la présence de ces deux mâles suscitait en elle une méfiance très irritée. Le plaisir de revoir son amie fut donc par contraste extrêmement bienvenu. Les deux femmes pénétrèrent dans la pièce froide et austère.

"Ma chère, nous parlions de notre opportunité de prendre le thé chez vous ..." Susurra Désir, invitant l'éclopée à reprendre place sur son siège.

Walentyn avait réussi ses manipulations mentales, les neurones adéquats étaient maintenant connectés dans le cerveau de Swift. Dans le couloir ne restaient que Nomade et le type au crâne rasé. Il s'adressa à ce dernier, d'une voix que Walentyn put identifier comme celle de Ralph. L'homme parlait au Père Fondateur avec plus de respect qu'à l'homme poulet de l'aéroport.

"Tu devais pas être en binôme avec Burn ? Vu ce qu'on sait de nos ennemis, mieux vaut coller au plan d'Elixir. Si tu veux, je te sonne dès que Désir a terminé ?"

Le phaser ne répondit pas, mais Walentyn sentit de nouveau sa présence psychique. Une voix d'homme d'âge vénérable, calme et claire, retentit soudain dans l'oreillette.

"Soft, monte s'il te plaît j'ai à te parler."

Emily savait parfaitement que l'on pouvait dire quelque chose, et penser simultanément que l'on commettait une erreur. Les possibilités étaient nombreuses : parler trop vite, parler sans réfléchir, répondre du tac au tac à une question piège, être ivre, être drogué...

Mais pouvait-on penser à quelque chose tout en pensant qu'il s'agissait d'une erreur ? C'était un peu le dilemme dans lequel se trouvait Swift. Elle avait confiance en Walentyn, d'autant plus qu'il était venu la secourir en personne, ce qui était la preuve la plus évidente dont elle avait besoin. Mais lui demander de trifouiller dans sa mémoire...peut-être avait-elle été trop loin. Trop tard, désormais.

Quoi qu'il arrive, le Polonais cessa rapidement d'être une priorité dans ses pensées lorsque Désir la rattrapa dans le couloir. Une fois de plus, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une profonde amitié pour cette femme blonde. Sur qui d'autre pouvait-elle compter dans cette épreuve douloureuse ? Un bon thé, voilà quel était la solution à ses problèmes ! Un sentiment étrange s'empara de son esprit, qui lui sembla pendant un instant flou et imprécis, puis elle fut submergée par cette idée claire, pure : si elle avait des ennuis, en cet instant, c'était à cause des hommes. De ce Walentyn, de ces deux hurluberlus dans le couloir, elle ne savait pas qui était le plus responsable, le plus coupable, mais elle s'en moquait. Ils étaient tous les mêmes, stupides, arrogants et indignes de son intérêt. Elle se laissa gaiement raccompagner par sa seule amie dans ce couloir hostile.

Désir était si douce, si bonne avec elle ! Elle ne pouvait que lui rendre la pareille, comme elle l'avait toujours fait pour ceux qui comptaient pour elle ! Elle lui devait même un traitement spécial, tant il était clair que cette femme blonde faisait partie de ses proches, de ses intimes, des personnes sur lesquelles elle pouvait parfaitement se reposer ! Par exemple, en lui attrapant le cou, pour aller lui écraser le nez de toute sa vitesse contre le mur le plus proche ! En toute honnêteté, elle ne pouvait pas faire moins.

Aïe. A peine Walentyn venait-il de terminer son intervention psyrurgicale sur Emily que le grand manitou avait besoin qu'on vienne lui cirer les pompes. Leur timing déjà plus que juste venait de se resserrer un peu plus. Le Polonais était conscient qu'à partir de maintenant, tout se jouerait à la seconde près ; tout ce qu'il pouvait faire, c'était essayer d'en grapiller suffisamment pour tirer sa collègue de là.

Entendant Ralph et Nomade parler dans le couloir, Walentyn considéra brièvement ses options. Il n'était pas certain de se souvenir correctement du pouvoir de Nomade. S'il était bien téléporteur, c'était le genre de mutant à pouvoir précisément lui faire perdre le peu d'avance qu'il avait sur les Pères Fondateurs. Mais quelque chose clochait avec sa présence psychique intermittente. Devenait-il invulnérable à chaque bond ? Ca signifiait en tout cas qu'il avait utilisé son pouvoir en présence d'Emily. Sombrement, Chimère se dit qu'il valait mieux pour lui qu'il l'ait utilisé pour aller rapidement faire pleurer paupaul plutôt que pour faire du mal à Emily. Mais les comptes viendraient plus tard.

N'ayant détecté personne d'autre au sous-sol, Walentyn ouvrit la porte de la pièce située en face des escaliers (pièce orange) et se glissa à l'intérieur avant de la rabattre quasiment complètement, laissant juste suffisamment de jour pour pouvoir guetter et entendre ce qui se passait dans le couloir.

Une fois à l'intérieur, il jeta un bref coup d'oeil à la pièce au cas où elle présenterait des objets dignes d'intérêt, puis se concentra sur le communicateur dérobé à la tarlou... au dénommé Soft. Au moins, il avait bien choisi son nom de code, celui-là. Walentyn répondit dans le micro, en adoptant une voix de faucet maniéré pour tenter de se faire passer pour Soft :

"J'arrive, je finis de me recoiffer la mèche." dit-il, invoquant le seul prétexte qui lui vint à l'esprit en repensant à l'ersatz de terroriste qu'il avait assommé.

Il se tut ensuite, à l'affût de ce qui se passait dans le couloir.

Walentyn parvint à gagner la pièce faisant face aux escaliers. Il s'agissait d'une infirmerie, soigneusement rangée. Il s'y trouvait un divan d'examen calé dans un coin, un marche pied, un paravent qui coupait la pièce, un guéridon contenant divers boites à instruments et un tabouret à roulettes.

"..."

Fut la réponse énigmatique qu'il reçut dans le communicateur. Les voix de ses adversaires lui parvinrent.

"Je préfère me soigner le nez dans l'infirmerie."

L'homme disparut de la carte mentale du télépathe.

"Pourquoi tu perds ton temps, Elixir ..."

Emily témoigna sa plus vive et brutale affection à sa geôlière adorable. Prenant celle-ci totalement de court, elle parvint à la saisir par le cou, et la pousser vers le mur le plus proche. Swift mobilisa ses maigres forces et parvint ainsi à cogner Désir contre le mur, sans que celle-ci n'ait eu le temps de réagir à l'attaque. Elle ne fut toutefois pas assommée sur le coup. Elle poussa un gémissement et resta étourdie, ses jambes se dérobant sous elle. Elle devait voir trente six chandelle car elle n'émit aucune résistance. Swift était tiraillée entre la joie de son geste et la souffrance apitoyante que sa chère amie exprimait.

"Désir ? Tout va bien ?"

Entendit Walentyn, de la bouche de Ralph. L'homme s'éloigna dans l'autre sens, puis arriva dans la cellule d'interrogatoire. Il resta interloqué en voyant la scène, Désir comme une poupée de chiffon dans les mains de la tabassée.

"Mais ..."

Emily fut comme électrisée par cette apparition masculine, qu'elle savait responsable de tous ses maux. Ce complot dirigé contre elle, cette menace directe et imminente. Toute coopération avec une telle engeance était insupportable et potentiellement mortelle. Tout comme le fait d'être en sa simple présence. La peur paranoïaque achevait de troubler ses sens.

Walentyn entendit soudain un bruit de jet d'eau de robinet dans la salle, en provenance du coin nord-est. Le paravent en tissu vert séparait les deux occupants. Le Latino était de nouveau psychiquement présent sur le radar de Chimère. Il s'appliquait, selon les bruits, à se laver la figure non sans exprimer quelques grondements de douleur entre ses dents.

Spoiler:

Bon sang, il fallait que ce type ait choisi de se curer le nez à l'infirmerie... Walentyn ne pouvait qu'abonder dans le sens de Ralph : il espérait que Nomade regretterait son initiative sous peu.

Tant qu'à l'avoir à portée de gnon, autant saisir sa chance, ça ferait une variable totalement instable en moins. De plus, il semblait se passer quelque chose au bout du couloir, et Walentyn avait d'autres chats à fouetter.

L'esprit de Nomade semblait bien là, c'était le moment d'attaquer. Masquant à nouveau sa présence aux sens du PF, Walentyn saisit le marche-pied, s'avança dans le dos de Nomade et tenta de lui asséner le coup le plus violent possible à la tête. Et tant pis si le type y restait ; après tout, il avait signé... même s'il ne s'était pas douté qu'il s'agissait de son arrêt de mort.

Emily était comblée de pouvoir enfin remercier sa meilleure amie du monde comme il se devait. Toutes ces entraves l'avaient empêchée de laisser libre cours à sa chaleur naturelle, à son sens du relationnel. Quel malheur de voir que Désir ne partageait pas ses vues sur la douceur et le traitement à réserver aux proches ! Elle serait volontiers restée un peu plus longtemps pour lui expliquer ses théories plus en détail, mais il fallait qu'elle parte d'ici. Tous les résidents des lieux n'étaient pas aussi bien intentionnés qu'elle. Et Swift se sentait de plus en plus faible. Les témoignages d'amour étaient si épuisants...

En se retournant, elle eut le profond déplaisir de faire face à un des responsables de tous ses malheurs, et son visage marqué par le traitement de ses hôtes se durcit. Elle lui aurait volontiers donné une leçon ; dans l'idéal, elle aurait même demandé de l'aide à Désir pour l'accompagner dans sa tâche, mais elle ne voulait pas gaspiller ses forces. Mieux valait partir. Elle pourrait toujours retrouver son amie plus tard pour lui expliquer son geste. Elles se comprendraient, c'était certain, alors qu'un énergumène pareil ne pouvait qu'être porteur de mauvaises nouvelles.

Emily s'approcha doucement de l'être infect qui bloquait l'entrée de la pièce, avant de brusquement sauter en avant de manière à passer entre le sommet de sa tête et le linteau de la porte, quitte à s'appuyer sur son épaule pour faciliter son passage. Elle avait déjà sauté beaucoup plus haut, et prit garde à prévoir de retomber sur sa cheville la moins meurtrie pour ne pas encore aggraver son entorse.

Elle espérait qu'il soit effrayé. Ce n'étaient que les circonstances présentes qui empêchaient Swift de lui apprendre les bonnes manières, et s'il l'y forçait, elle s'exécuterait sans sourciller. Seul l'idée de quitter Désir lui procurait un petit pincement au coeur.

Walentyn se faufila avec sa grâce de cambrioleur jusque derrière Nomade, après avoir saisi le marche pied. Le phaser se redressait de ses ablutions quand il reçut un formidable coup dans le crâne. Il échoua par terre, inanimé, avec une belle plaie saignante.

Pendant ce temps, Emily bondissait par dessus le mâle hostile, s'appuya sur son épaule et se glissa sous le linteau de la porte pour franchir l'obstacle. Le gaillard se retourna, bluffé par l'aisance de la jeune femme.

L'homme fit un pas en retrait. Il prononça quelques paroles discrètes dans son micro.

"On va avoir besoin d'aide en bas, Désir est blessée."

Il se recula alors dans la salle d'interrogatoire. Emily put donc être rassurée, cet homme-là ne faisait pas mine de la pourchasser et la harceler. Dans le couloir elle ne vit pas d'avantage l'immonde Nomade. Ses blessures multiples, hématomes et contusions, se rappelèrent à elle après cet effort physique hors du commun.

Walentyn entendit dans le communicateur volé à Soft le message passé par Ralph.

La mine patibulaire de Chimère s'éclaira d'une satisfaction fugace lorsqu'il reposa le marche-pied. Un souci de moins. Le Polonais ne se donna même pas la peine de fouiller le Père Fondateur. Déjà, ce type avait juste l'air d'un chicanos pouilleux. Mais surtout, ils n'avaient plus le temps de s'amuser à faire les poches : cet imbécile de Ralph venait de donner l'alerte. Il allait devoir choper Emily fissa et se tirer d'ici en quatrième vitesse. Et accessoirement, il allait devoir restaurer l'esprit de sa collègue s'il comptait fêter sa victoire sans un coquart à l'oeil.

Se connectant de nouveau à l'esprit d'Emily, il entreprit de restaurer son psychisme afin d'annuler ses modifications, et par la même occasion, gommer les interventions tordues de Désir dans l'esprit maltraité de sa collègue ; il lui faudrait de toute façon remettre de l'ordre là-dedans, autant faire une pierre deux coups.

*Emily, prépare-toi, tous les gardes vont nous tomber sur la couenne. Je suis dans une infirmerie en face d'un escalier. J'arrive.*

Le premier être répugnant avait été franchi au prix d'un effort qui arracha encore un peu d'énergie à la maigre réserve d'Emily. Qu'elle regrettait que Désir ne soit pas là pour lui prodiguer ses bons conseils ! D'autant que l'affreux, en sus, appelait ses camarades à le rejoindre, comme si s'attaquer à une femme n'était pas suffisamment lâche. Swift sentait qu'elle devait quitter les lieux.

Le message télépathique qu'elle reçut ne lui prodigua aucun réconfort, puisque transmis par un des nombreux membres de cette engeance qui la dégoûtait. Sauf que celui-ci ne faisait pas partie de ceux qui lui voulaient immédiatement du mal - bien sûr, en lui laissant du temps, il dévoilerait son véritable visage, après tout, les mâles se ressemblaient tous pour qui savait lire entre les lignes. Aussi était-il moins essentiel de le fuir, et Emily se concentra sur la tâche la plus immédiate : prendre la poudre d'escampette. Quitter ces lieux sinistres.

Swift adopta l'allure de marche la plus rapide possible tout en veillant à préserver ses quelques forces en cas de besoin, et se dirigea en direction de l'escalier pour voir si personne n'en descendait avant de s'y engager à son tour.

S'il fallait en profiter pour esquinter un autre de ces dégoûtants personnages, elle ne se ferait pas prier. Cependant, la fuite était l'objectif numéro un. Elle ne prit pas la peine de répondre au message télépathique, souhaitant conserver aussi ses forces mentales pour une meilleure compagnie.

Tandis que Walentyn sondait et modifiait les données cérébrales d'Emily, l'architecte stoppait vers les escaliers pour guetter une présence. Elle n'entendit rien mais en revanche, elle aperçut un brouillard ocre qui progressait vers elle et remplissait la cage d'escalier. L'odeur qui lui vint aux narines lui causa des picotements irritants.

Walentyn entendit la voix de Ralph dans le communicateur de Soft.

"Ok bien reçu, on reste en position. La prisonnière s'est dirigée dans le couloir. Vous allez pouvoir la cueillir en haut. Elle est blessée et attention, Désir lui a fait quelque chose. Nomade est dans l'infirmerie. Et ... merde il y a un autre mutant dans les parages."

Termina-t-il en grinçant des dents, sur un ton de rage froide contre lui-même.

Walentyn avait mis plus de temps que prévu pour réaliser son nettoyage, car Désir avait implanté un réflexe paranoïaque sur toutes les données cérébrales d'Emily relatives à la gent masculine. L'architecte aurait pu avoir son propre père en face d'elle qu'elle s'en serait défié comme de la peste noire en personne.

Il parvint à défaire cette manipulation et supprima également l'amitié folle qui débordait et dégoulinait de la case "relations entre Moi et Désir" du cerveau de la pauvre mutilée. Il trouva et annula également de l'admiration sans borne pour elle, une confiance aveugle et une pointe d'amour encore inavoué. Il annula en outre ses propres modifications psychiques.

Le télépathe perçut d'autres blessures empathiques réalisées par Désir. La mutante avait imprimés divers chocs émotionnels contredisant directement les émotions "logiques". Il lui faudrait plus de temps pour corriger toutes ces marques et épargner à sa collègue les séquelles.

Emily sentit cette haine séculaire contre toute engeance masculine se dissiper. Walentyn, Nomade, Ralph redevinrent pour elle des entités distinctes pas forcément dangereuses en soi, avec leurs qualités et leurs défauts. Elle retrouva sa sérénité et sa confiance. Elle oublia en outre sa manière particulière de montrer son affection.

Avec ces bouleversements psychiques, la jeune femme sentit poindre une forte migraine. Une grosse fatigue cérébrale s'empara d'elle, lui donnant un léger vertige. Elle dut s'appuyer sur la rampe. Ses sentiments concernant Désir étaient flous et douloureux.

Une colère sourde commençait à envahir Walentyn. L'accumulation des coups bas de ces derniers jours, que ce soit de la part de Lily-Rose ou des Pères Fondateurs, avait usé son jemenfoutisme. A mesure qu'il s'enfonçait dans l'esprit de sa collègue, le Polonais mettait à jour les petits pièges affûtés et mégalo placés là par Désir comme on découvre les fissures d'un mur en retirant le papier peint. Cette satanée blonde avait totalement parasité Emily, comme si elle tentait de se l'approprier. Et à bien y réfléchir, cela semblait être son mode opératoire : Walentyn se souvenait parfaitement de la façon dont elle avait tenté de monopoliser Timour lorsqu'elle avait appris qu'ils partageaient le même pouvoir. Elle ne devait pas supporter l'indifférence. Si Walentyn n'avait pas été Walentyn, il l'aurait probablement plaint. Mais l'ex-mafieux étant qui il était, il avait simplement une furieuse envie de lui rendre la monnaie de sa pièce.

Toutefois, en sortant de l'infirmerie, il aperçut Emily, plus ou moins chancelante au pied de l'escalier. Si elle-même avait renoncé pour le moment à sa vengeance, il n'allait pas passer pour un merdeux en lui grillant la politesse. Walentyn était peut-être une crapule, mais il y avait certaines choses qui ne se faisaient pas entre équipiers. La vengeance, c'était sacré. Redynamisé par la vue de celle pour laquelle il se faisait du mouron depuis plus de deux jours, Chimère la rejoignit au pas de course. Le mutant était toujours vêtu comme lors de leur mission sur Utopia. Sa tenue de combat froissée témoignait des longues heures de veille, tout comme sa barbe de trois jours. Il n'avait pas l'air frais. Pourtant, ce n'était rien en comparaison de Swift, comme il le constata en la rejoignant. Les brutes ne l'avaient pas loupée. Non contents de martyriser son esprit, ils lui avaient réservé un traitement de choc. Si Lily-Rose avait été là, elle aurait pu guérir tout ça d'un claquement de doigts, mais cette lâche avait préféré rester tricoter tranquillement au Old School. Restant maître de son expression faciale (on était joueur de poker ou on ne l'était pas), Walentyn ne laissa rien transparaître de sa stupeur à la vue du visage tuméfié de sa collègue. Au lieu de ça, ne pipant mot, il lorgna d'un oeil méfiant la fumée jaunâtre tout en passant le bras d'Emily derrière sa nuque afin de lui fournir un appui pour marcher. Il passa son propre bras dans la cambrure de ses reins.

Il appela l'ascenseur pour remonter au RDC, puis puisa dans ses ressources pour générer une nouvelle illusion, le figurant lui comme étant Nomade, et Emily comme étant Désir. Les Pères Fondateurs savaient que Désir était blessée, mais pas comment, il espérait ainsi donner le change.

"J'en ai aligné deux en haut, mais il reste sûrement Burn et une espèce de grosse gambas dans les parages, sans compter ceux que le crâne d'oeuf a rameutés. Encore un petit effort."

Ce dernier encouragement valait autant pour sa compagne que pour lui ; il avait pas mal sollicité ses capacités pour s'introduire dans la place, mais c'était surtout les modifications psychiques qui l'avaient fatigué. Il savait qu'une fois en haut, ils devraient tous deux se reposer sur leurs capacités purement humaines plutôt que sur leur pouvoir. Ca allait être drôle.

L'ascenseur chargea les deux mutants. Les portes s'ouvrirent sur un rez-de-chaussée occupé par le mutant insectoïde rencontré par Walentyn. Il faisait face aux escaliers et était occupé à secréter par les plaques de sa carapace la fumée ocre qui tombait en lourdes chapes. Burn attendait en face de l'ascenseur, bras croisés. Il fronça les sourcils à l'arrivée de "Désir et Nomade". Il détailla Désir du regard car elle semblait mal en point. Il examina attentivement la cabine de l'ascenseur derrière eux.

"Qu'est-ce que vous avez fichu ??"

Lâcha-t-il de son air le plus sombre, mais aussi un brin méfiant. Il s'avança et tendit le bras vers Emily/Désir à qui il adressa un autre regard étonné à la dérobade.

"Je m'occupe de Désir. Toi Nomade, retourne en bas et trouve le mutant repéré par Ralph. On va devoir dératiser le sous-sol. Si tu trouves l'intrus ou la fille, tu peux les tuer directement. De toute façon on n'a plus besoin d'elle."

Il mit son index à son oreille et baissa légèrement la tête vers le sol, pour s'adresser à son communicateur.

"Elixir, y'a du nouveau ..."

Elle avait quitté ce satané sous-sol, finalement. Emily n'était pas certaine de totalement y croire, à tout moment, elle s'attendait à une panne d'ascenseur ou à l'irruption de ce psychopathe de Nomade. Pourtant, l'élévateur ne s'arrêta pas, et les mena tous deux jusqu'au rez-de-chaussée et à la lumière du jour qui, à la réflexion, lui avait pas mal manqué.

Le plan de Walentyn avait fonctionné, et si les mouvements de son visage n'étaient pas aussi douloureux, elle aurait volontiers exprimé de la reconnaissance. Après ce qu'elle avait subi, elle n'avait de toute façon plus la force d'entrer dans une petite guerre des mots. Sur cette décision, elle ne reviendrait qu'une fois en sécurité.

Les portes s'ouvrirent sur les deux renforts évoqués par Walentyn, Burn et l'insecte qui devait être plus bas dans la hiérarchie : il ne parlait pas, et Lily-Rose ne possédait aucune fiche à son sujet. Elle s'attendait à se faire griller vive - une mort douloureuse, lui avait-on dit - mais son coéquipier avait du y aller de sa petite illusion, puisqu'aux yeux des deux Pères Fondateurs, ils étaient Désir et Nomade.

Lorsque Burn tendit le bras dans sa direction, elle le repoussa brusquement.

- Ne-me-touche-pas. dit-elle en accentuant nettement chaque syllabe. Elle était Désir, mais elle était blessée, traumatisée, sans doute tabassée par une Emily imaginaire, et pouvait donc se permettre de ne pas maintenir la traditionnelle façade souriante de l'empathe. Ne vouloir aucun contact physique était plutôt logique, mais est-ce que ses bourreaux obéissaient à la logique ?

- Je vais me débrouiller. Vous deux, allez plutôt vous occuper de ces cafards. Elle accentua son ordre en pointant le doigt vers les niveaux inférieurs. Et ne m'obligez pas à vous forcer à obéir.. Elle tentait de faire passer une certaine rage contenue dans sa voix. Il suffisait de repenser à la cellule pour que cela vienne assez naturellement.

Emily commença à s'éloigner de l'ascenseur, sans un regard pour Nomade, puisque, hé, elle était Désir. Risqueraient-ils de lui désobéir ? Elle savait mieux que quiconque de quoi celle qu'elle incarnait était capable.

- Si vous en avez l'occasion, gardez m'en un pour plus tard, pour régler mes comptes, susurra-t-elle entre ses dents.

Burn ne s'offusqua guère de la réaction épidermique de Désir. Au contraire, un mince sourire s'esquissa au coin de ses lèvres quand "l'empathe" autoritaire se détourna de lui. Burn leva ses paumes en signe docile de renoncement à toute forme de contradiction.

"Ma chère, loin de moi l'idée de te contrarier."

Emily s'éloigna donc dans le couloir, en claudiquant, sans un regard en arrière. Burn reprit sa conversation avec son oreillette tout en appuyant sur un bouton pour bloquer l'ascenseur.

"... Désir et Nomade sont là. Je vais dire à Ralph de dégager et on purifie tout ça. Ralph ? Va tout de suite vers la sortie de secours."

Burn, lissant le col de son veston noir, s'approcha de Nomade, fronça les sourcils et parla à voix basse et grave.

"Va falloir que tu m'expliques ... Comment a-t-elle pu accepter que tu la prennes par la taille ? Il s'est passé quoi au juste ?"

Il regardait son congénère avec insistance tandis que l'insectoïde continuait sa sécrétion de brouillard ocre dans la cage d'escalier.

Walentyn fut impressionné par la prestation scénique d'Emily ; visiblement, elle connaissait son sujet. Burn n'y vit d'ailleurs que du feu, un comble. En revanche, Chimère n'avait pas eu le temps de papoter avec Nomade avant de lui exploser le crâne à coups de marche-pied. Son imitation relèverait plus de l'impro que d'autre chose.

"L'intrus s'est fait passer pour Ralph, en bas. Il a attaqué Désir. Je crois qu'elle a honte de s'être laissée surprendre. Alors c'était moi ou un coquart..." inventa Walentyn de fil en aiguille.

L'avantage d'être un escroc, c'était qu'il n'avait généralement pas de mal à inventer des justifications qui tenaient la route. Burn semblait de toute évidence bien connaître le caractère de Désir, suffisamment pour savoir qu'elle était imbue d'elle-même. Il s'imaginait que tous les moyens seraient bons pour elle pour sauver la face.

Maintenant le nouveau souci, c'était que Burn comptait sur "Nomade" pour aller se trouver lui-même au sous-sol, le tout dans le nuage toxique de la crevette... Ce qui signifiait que Nomade était probablement immunisé contre cette sécrétion... ou alors que Burn le prenait pour un con. Et même si Walentyn avait lui-même tendance à prendre Nomade pour un con, la première hypothèse était plus plausible. Ce type ne devait donc pas être téléporteur, comme Walentyn avait cru s'en souvenir. Mais cela importait peu de savoir quel était son pouvoir à présent, le Polonais n'avait qu'à slalommer entre les gouttes pour ne pas trahir le fait qu'il ignorait la nature exacte du pouvoir. Et ça, c'était dans ses cordes.

Soudain, une bribe de conversation revint à la mémoire du mutant filou. Ce n'était pas grand-chose, mais ce serait peut-être suffisant pour le tirer d'affaire. Dans le cas contraire, il avait encore un atout dans sa manche. D'après ce qu'il avait pu entendre durant son infiltration, les autres considéraient ce Nomade comme hautement instable et/ou insubordonné, et seul Elixir semblait capable de le raisonner.

"Pourquoi je redescendrais ? J'ai eu ce que je voulais, moi..." répondit-il avec un sourire défiant.

Et le pire, c'est qu'il ne mentait pas, cette fois !

"En plus, j'ai pas le droit d'être en bas." ajouta-t-il.

Si avec toutes ces affirmations on ne peut plus vraies, il ne rachetait pas tous les bobards qu'il avait pu raconter !

Sur ces mots, Chimère reprit en main son illusion pour la modifier et faire la transition vers leur fuite : il escamota Emily et lui-même de l'image, se rendant invisibles et inaudibles, et laissa les illusions de Désir et Nomade poursuivre leur chemin tranquillement vers la Roosevelt Room. Il fit toutefois volontairement prendre une porte différente de la Roosevelt Room à chaque illusion. Et juste pour couvrir ses arrières, il imprima un réflexe à son illusion de Nomade : si Burn tentait de le retenir, Nomade lui rétorquerait qu'il avait été désigné comme son binôme, et que si Nomade devait descendre, Burn le devait aussi. Lorsque l'enchaînement serait amorcé, il saisirait Emily par la main pour la guider vers la salle du cabinet, qu'il avait empruntée pour entrer et qu'il savait dépourvue de caméra.

"Si Ralph prend la sortie de secours, on risque de tomber sur lui, et je suis pas certain que mon illusion fonctionnera." expliqua Walentyn en dégainant son couteau-papillon d'une passe habile. "L'entrée principale est truffée de cams, ils nous verraient sur les écrans de la salle qu'on vient de quitter."

Il avait cru la sortie de secours piégée, mais visiblement, Ralph devait pouvoir désactiver le système.

Walentyn vit que dans la Roosevelt room se trouvaient toujours Soft et son acolyte assommés sur le sol. Le double fictif de l'asiatique était toujours là, à observer les écrans de contrôle. Le double fictif de Soft avait du mener une vie autonome car il n'était plus dans la salle.

La modification de l'illusion permit de faire entrer dans la Roosevelt Room "Désir et Nomade", sous le regard sombre de Burn. celui-ci poussa un soupire appuyé, signe que sa patience infinie était mise à rude épreuve par son collègue. Chimère n'entendit que quelques paroles indistinctes, que Burn adressait soit à son communicateur, soit à l'insectoïde. Le pyrokinésiste ne semblait en tout cas pas enclin à suivre ni harceler Nomade.

Les deux mutants arrivèrent donc sans encombres dans le cabinet, vide. Ils virent par la fenêtre qu'une jeune femme d'origine maghrébine, aux longs cheveux noirs ondulés et vêtue en treillis féminin, s'affairait au niveau du monte-charge, à l'autre bout du jardin. Elle tapotait sur une commande et parlait à son communicateur.

L'imitation de Désir avait réussi à berner Burn, mais Emily ne savait pas si elle devait en être soulagée ou inquiète. La possibilité de se vanter de sa subtilité devant Walentyn et Lily-Rose était appréciable. A l'inverse, réaliser qu'elle avait une vision acérée de la psychologie de Désir lui donnait plutôt la nausée, évoquant les longues heures passées en sa charmante compagnie. La Hongkongaise rêvait seulement d'un bon lit en sécurité, et d'une semaine de sommeil pour oublier jusqu'aux petits rires de la folle blonde.

Chimère poursuivait la couverture de leur escapade, et l'extérieur de la Maison Blanche leur tendait les bras. Et parlant de bras, l'obstacle qu'ils allaient devoir franchir s'avérait sans doute être Octopus, l'une des petits fiches de Lily-Rose - le simple fait de réussir à s'en souvenir donna du baume au coeur à Emily. Les lésions neurologiques n'étaient peut-être pas si profondes. Ou bien ne s'agissait-il que de l'effet de l'adrénaline.

N'ayant aucune idée des issues à choisir, elle se résolut à demander silencieusement à son collègue la route à suivre.

*Une idée du plan ? On sort tout de suite ?*

Elle continua à avancer à rythme normal dans la direction que lui indiquerait Walentyn. Elle se demandait si le Polonais n'allait pas finir par se fatiguer de l'utilisation constante de son pouvoir : si c'était le cas, elle rassemblerait ses dernières forces pour aller sauter au-dessus du grillage le plus proche, laissant Chimère se concentrer sur sa propre dissimulation. Ils réussiraient bien à se retrouver une fois à l'extérieur.

La principale inconnue provenait de l'état de sa cheville, mais Emily préférait soigner une fracture à l'extérieur des murs plutôt que de voir Elixir la soulager de son entorse. Il fallait qu'elle sorte. Une fois dehors, les Pères Fondateurs n'auraient plus d'emprise sur elle, et elle pourrait réfléchir sereinement à sa revanche.

Entraînant Emily, Walentyn repassa par la porte-fenêtre qu'il avait empruntée à l'aller. Il avait remarqué la présence de la femme du côté du monte-charge, et l'avait reconnue assez rapidement. S'il avait peiné à remettre Nomade, l'identité de cette femme lui revenait ; l'avantage de la mémoire sélective.

"Cette fille, c'est la femme-tentacule." glissa Walentyn à sa collègue avec un coup d'oeil, vaguement appréciateur, à la Mère Fondatrice. Prodigy devait tenir à soigner leur image, car on ne pouvait pas dire que les Progigettes étaient moches à regarder.

"En principe, elle nous verra pas." ajouta-t-il. "Mais d'après mes infos, elle doit sûrement essayer de faire remonter Ralph. Le grand chauve." précisa-t-il.

Ralph, le détecteur de mutants... Chimère n'avait pas spécialement envie de mettre son bouclier psychique à l'épreuve. S'il parvenait à remonter du sous-sol, il n'aurait pas de mal à localiser les deux X-men fuyards.

"Désolé, poupée." marmonna Walentyn en passant derrière la Mère Fondatrice, bien que celle-ci n'ait pas pu l'entendre.

Sur ces mots, il saisit Octopus par la nuque et lui cogna violemment le crâne contre la paroi du monte-charge qu'elle tentait de faire fonctionner afin de l'assommer ; ça aurait été dommage de planter une beauté d'Orient, Walentyn avait rarement l'occasion d'en voir depuis qu'il était arrivé sur le sol américain. Il comptait ensuite continuer sa route avec Emily en lui indiquant les zones sûres du parc qu'il avait empruntées pour venir. Objectif : enfourcher sa moto le plus rapidement possible pour mettre les voiles.

Emily claudiquant à ses côtés, Walentyn s'approcha incognito de la Mère Fondatrice. Celle-ci posait les poings sur ses hanches et entamait un regard circulaire sur les alentours. Mais une force invisible la frappa sans préavis, cognant son front contre la paroi grise.

Octopus s'affala par terre. Les deux mutants partirent sans demander leur reste. Malgré la marche laborieuse d'Emily, ils parvinrent à reprendre le chemin emprunté à l'aller par le cambrioleur. La voix de Ralph retentit dans le communicateur.

"Elixir ! Octopus a été attaquée !"

Visiblement Octopus avait eu le temps de finir sa manœuvre pour faire monter l'ascenseur. Chimère commençait à ressentir la fatigue mentale de ses nombreuses manipulations psychiques du jour. Une migraine pointait désagréablement.

Les Pères Fondateurs furent sans doute trop occupés pour remarquer la moto qui démarra dans la rue. Walentyn entendit encore dans son communicateur la voix de Ralph :

"Désir ? Mais non elle est avec moi ! Je te l'amène tout de suite. Ok je change de fréquence ..."

En second plan il entendit une voix féminine acide et saignante, celle de Désir.

"Ne me TOUCHE pas ! Tu me deg..." La communication s'interrompit.

Emily et Walentyn prirent la route et s'éloignèrent rapidement de la Maison Blanche en ébullition. Chimère ne reçut plus rien sur ses communicateurs dérobés aux Pères Fondateurs. Les deux mutants étaient sortis vivants de cette épreuve et la liberté s'offrait à Emily. Les blessures sur son corps étaient vivaces, son esprit, épuisé par les tortures mentales. Mais ses tortionnaires étaient bel et bien derrière elle et le motard agrandissait la distance à chaque seconde.

Citation :

Walentyn remporte 1 point.
Emily remporte 1 point.