03.05/31.L. Deux garçons en vadrouille

Graymalkin Industries  

À la grande surprise des badauds, les deux garçons se rematérialisèrent brusquement au milieu du trottoir, pile en face de l'entrée de la bibliothèque publique de San Francisco. Malo garda sa main sur celle de Vadim, passant son autre bras sous celui de son camarade pour le soutenir un court instant, le temps que le choc accompagnant ce déplacement un peu particulier s'estompe. Le Breton avait remarqué que ses "passagers" étaient souvent désorientés en arrivant et avait besoin de quelques secondes pour retrouver leur équilibre. Ce léger malaise avait tendance à augmenter avec l'enchaînement rapide des téléportations et Breizh supposait qu'il en serait de même avec l'augmentation du rayon d'action.

Certes, Vadim était déjà habitué à une telle façon de se déplacer mais toujours sur de courts trajets, correspondant aux possibilités précédentes de Malo. Aujourd'hui, les deux garçons avaient quasiment multiplié par cinq la distance franchie et le Breton préférait se montrer prudent. Non pas qu'il eut peur de voir le blond s'écrouler, évanoui au sol, mais il ne tenait pas particulièrement à le voir vomir sur ses baskets neuves.

Un petit sourire satisfait aux lèvres, Malo pointa du doigt l'imposant bâtiment qui leur faisait face.

"Breizh Transport Express à votre service...", annonça-t-il avec une pointe de fierté dans la voix. "Vous êtes arrivé à destination. Veuillez garder votre ceinture attachée jusqu'à la disparition complète des malaises. Nous espérons vous revoir prochainement sur notre ligne. Si le voyage vous a plu, n'oubliez pas de donner une petit pourboire au pilote..."

Incapable de garder son sérieux plus longtemps, le gamin éclata de rire avant de lâcher son camarade et de lui donner une bourrade amicale sur l'épaule.

En temps normal, Vadim était un des rares pensionnaire à ne pas se sentir trop malade quand Malo le téléportait. La raison était toute simple : le mal l'apesanteur donnait le même genre de nausée, et le petit russe utilisait fréquemment sa bulle autour de la moitié de son corps pour voyager plus "léger".  Mais là, cela ressemblait à un de ses manèges où l'ont vous fait tourner très vite autour de soi-même, voir à ce tournis quand on avait trop bu. L'ado aurait bien eut du mal à dire s'il étaient arrivés à destination car tout tourné autour de lui. Il tituba sur place et ferma les yeux, grimaçant, espérant que le vertige passerait vite, soutenu par son pote.  Heureusement, il n'avait pas encore mangé son déjeuner!
 
"Ca êtrre...pirre que...trop boirre alcool...", souffla-t-il, luttant pour parler en anglais.
 
Finalement, cela passa plus vite qu'il ne le pensait, et le jeune slave au teint blafard regagna le peu de couleur qu'avait habituellement son visage. Il sourit à Breizh et respira un grand coup en se redressant. "Ok...toi gagner repas gratuit...", dit-il, heureux d’économiser le temps du trajet. "Viens...je montrrer chose interressante à toi...", expliqua-t-il en commençant à se diriger vers le grand bâtiment.
 
La bibliothèque publique de San Fransisco datait de prés de deux siècle, mais le bâtiments actuel avait été construit quelques années à peine avant le jour M, à la fin des années 90'. C'était un réseau d'une trentaine de bibliothèque réparties sur la ville, chacune avec son propre thème : sciences, loi, musique, arts, archives historiques, journaux et magazines... Il y en avait même une dédiée aux ados! Évidemment, 50ans après son implantation actuelle, le nombre de sources avait grandit, et la numérisation aidant, on pouvait consulter bon nombre d'article par l'intranet de la bibliothèque. La bibliothèque principale était une sorte de carrefour et on pouvait se renseigner ou demander l'accès aux documents répartis sur les autres sites.  Vadim était venu là pour des raisons précises que le jeune breton allait vite découvrir...
 
Ils passèrent le grand hall, prirent un des ascendeurs et se dirigèrent dans un des étages. Malo put voir quelques panneaux indiquant des salles de réunion ou d'étude. Il y avait beaucoup d'ordinateurs et un nombre impressionnant de rayonnages et d'ouvrages. "Toi pouvoir assoir ici... Je chercher chose pour toi...", dit-il à Malo en désignant une table et une chaise juste à coté d'un ordinateur. Une minute plus tard, après être passé à l'accueil de l'étage, le glazovite revenait avec une tablette tactile au logo de la bibliothèque, se connectait à sa session et ouvrait plusieurs fenêtres. "Je avoirr trouver ça hierr... Mais pas avoirr encore lu tout...", expliqua-t-il en donnant la tablette au jeune breton.
 
Chaque fenêtre était un document numérisé ouvert. Cela semblait être de vieux magazines et journaux locaux datant des années 90 et 2000. Les articles parlaient des actualités de l'époque, de faits divers sur les mutants, de Graymalkin un peu, des x-mens parfois. Rien à voir avec des rapports de missions ou des sortes de comics. C'étaient des tranches de vie de l'époque. Vadim faisait de la recherche historique sur la vie des mutants avant le M-day. Mais pas seulement... Deux des magazines étaient des tribunes ouvertes sur le "Aprés-M-day...", avec des témoignages de mutants devenus d'un coup sans pouvoirs : des gens intégrés dans la société, avec une famille ; d'autres qui se retrouvaient au chômage après avoir perdu la mutation qui les rendaient utiles; certains ex-mutants étaient même ravis d'avoir perdu leur transformation pas toujours heureuse... Il y avait des débats d'experts, des articles simili-scientifiques... Bref, un beau fouillis d'informations teintées de l'émotion et de la subjectivité de l'époque."Pas avoirr encorre cherrché vidéos ou films...", ajouta-t-il. Il fallait bien commencer quelque-part.
 
"Je scanner papier et rrevenirr vite... Juste êtrre là...", dit-il avec un sourire en désignant une pièce avec des scanners. Il ouvrit son sac de sport, écarta ses affaires, et en sortit une grosse boite d'archive avec marqué sur la tranche : David Alleyne.

Un repas gratuit ! Comment Malo aurait-il pu résister à une telle annonce. Aussi est-ce sans hésitation aucune que le garçon emboîta le pas à Vadim pour le suivre à l'intérieur du bâtiment. Pourtant, si le Breton avait pris la peine de réfléchir quelques secondes, il aurait pu anticiper le coup fourré. En règle générale, les bibliothèques sont rarement réputées pour leurs atouts gastronomiques. Il est même strictement interdit d'y manger…

Pourquoi alors Vadim avait-il fait une telle promesse pour le conduire dans un endroit où il lui était impossible de la réaliser ? Lorsqu'il réalisa qu'il allait devoir attendre avant de pouvoir bénéficier de ce repas durement acquis, Malo se renfrogna légèrement, ayant l'impression désagréable de s'être fait avoir. Heureusement, le gamin avait bon cœur et, grâce à une force morale extraordinaire, parvint à ne pas afficher ouvertement sa déception. Au contraire, il sut faire bonne figure lorsque le Glaznovite revint, sans le sandwich espéré mais avec une bête tablette tactile dans les mains.

Espérant que le repas promis ne se réduise pas à la lecture d'un livre de recettes, Malo attendit que son camarade affichât l'objet de ses recherches. Avec surprise, le Breton vit s'afficher de nombreuses fenêtres, chacune d'entre elles abritant l'archive numérique de vieux journaux du siècle précédent, des vieux trucs dont personne, à l'exception d'obscurs rats de bibliothèque – d'ailleurs il faudrait certainement trouver un substitut à l'image du rat, si pratique pour désigner quelqu'un se nourrissant de vieux papiers, qui ne convenait plus pour une personne qui épluchait les octets d'un document numérisé – ne se souciait plus.

Intrigué, Malo afficha une moue sceptique en découvrant ce qui passionnait Vadim en ce moment. Le jeune Russe rassemblait le maximum d'informations sur la vie quotidienne des mutants autour du jour M, sur le devenir de ceux qui, privé brusquement de pouvoirs, avait dû se résoudre à adopter la vie de monsieur – ou madame – Tout-le-monde. Ces renseignements étaient, certes, très utiles pour la culture générale et auraient parfaitement leur place dans un cours d'histoire mutante dispensé à Graymalkin, si tant était qu'un professeur acceptât de délivrer un tel enseignement, mais Breizh ne voyait pas trop l'intérêt de telles recherches, nettement moins passionnante qu'un bon repas, en tout cas.

"Euh, ouai…", marmonna-t-il, essayant de montrer un intérêt qu'il n'éprouvait pas. "T'arrives à trouver quoi avec tout ça ? Et… Attends, t'as trouvé ça où ?"

La fin de la phrase était justifiée par l'apparition de la boîte d'archive. Soudain intrigué par ce qu'il découvrait, Malo retient Vadim par le bras avant que le gamin ne s'éloigne.

"C'est quoi ce truc ? Qui c'est, David Alleyne ? Le nom me dit quelque chose…"

Sans faire attention, le Breton avait élevé la voix, s'attirant des "chut" indignés des personnes squattant les tables voisines. Indifférent aux regards réprobateurs, il pianota rapidement sur la tablette tactile, utilisant un des moteurs de recherche d'Internet.

"Putain ! Mais c'est le vrai nom de Prodigy…", s'exclama-t-il, provoquant de nouveaux "chut" agacés. Baissant légèrement le ton, Malo poursuivit. "Merde, mais comment t'as trouvé ça ? Y'a quoi dedans ?

Évidement, Vadim ne s'attendait pas à ce que Malo saute de joie en voyant les articles de presse. Il avait envie de lui expliquer ce qu'il cherchait exactement, toutes les questions qu'il se posait sur les nouveaux mutants, les anciens, Graymalkin, les nouveaux x-men. Au fond, il doutait de trouver un écho à ses interrogations et ses recherches au sein de la jeune équipes de x-men. Peut-être devrait il consulter un des groupes pro-mutant, ou carrément ce parti politique californien essayant d'obtenir des droits aux mutants.
 
En Russie, comme en Scandinavie, les nouveaux mutants étaient accueillis comme travailleurs, leurs pouvoirs pouvant être fortement utiles. Le petit blond avait essayé de se renseigner sur les mutants depuis la Russie, mais il avait été rapidement orienté par Boris vers les x-men. Et à présent, il avait besoin de comprendre un peu mieux ce qui l'entourait...pour ce comprendre mieux lui-même. Ca, et quelque chose le gênait profondément sur les nouveaux x-men, et il n'avait pas envie de re-subir ce qu'il avait vécu dans son ancienne "école pour mutant".
 
Il allait répondre au breton affamé quand celui-ci haussa soudainement le ton! Vadim garda fermement la boite contre lui et jeta un regard gêné aux visiteurs alentours. Il roula des yeux à la deuxième exclamation de Malo et grimaça : "Ok! Ok! Toi...venirr avec moi...", dit il à voix basse. Sans dire un mot de plus, il entra dans la salle de l'étage où se trouvait les scanners et une photocopieuse.  Sans un regard pour la poignée de personne occupées sur les autres machines, le jeune russe ouvrit la boite en carton et en sorti un épais dossier. "Je fairre rrecherrche... surr beaucoup choses... ", commença-t-il à voix basse, particulièrement évasif, les yeux rivés sur les premiers documents à scanner. "Quand nous allé dans Isrrael,  nous avoirr trrouver vieux documents surr... surr gens que vous connaitrre. Je pas comprrendre tout, mais Alexandrre avoir dit aussi Prodigy. " Le gamin s'arrêta le temps de changer de page. "Ca etrre deuxième dossier que je scanner ici... document etrre dans anglais... prrendre temps trraduire..." Il finit par regarder Malo avec une gêne évidente dans ses yeux bleu. "Je finirr scanner... aprres nous manger et pouvoirr voirr dossier. Ok?", proposa le blondinet à son homologue affamé.
 
Page après page, photos après photos, le dossier fut scanner recto verso. Lorsque ce fut fait, le petit russe envoya le tout directement sur une adresse mail personnelle, comme cela était prévu par le règlement de la bibliothèque. Il rangea la boite et sortit de la salle. "Je avoirr promit toi manger... nous avoirr ... une heurre. Manger dans parrc et regarrder dossier si toi vouloirr!", annonça le garçon en vérifiant l'heure sur son portable, visiblement plus détendu. 
 
Et Vadim tint sa promesse. Il emmena Malo jusqu'à un petit traiteur asiatique proche, discutant comme si de rien n'était avec lui, paya pour eux deux et alla dans un parc proche, sans téléportation cette fois.  Arrivé à l'Alamo Square Parc, les deux garçons trouvèrent un coin tranquille sous les arbres, dans l'herbe pour se rassasier et discuter tranquillement. Soudain, avec toute la subtilité du 38 tonnes dévalant un champ de tomate, Vadim posa des questions : "Toi connaittre Prrodigy? Qui lui êtrre? Lui êtrre mutant?" Posant ses nouilles et ses baguettes, le russe attrapa son sac et tendit la boite de carton à son camarade, toute à l'écoute de ses réponses.

Le téléphone se met à biper

SMS de Ryoichi a écrit:

Déjeuner tardif dans un resto Japonais. RDV au Yuubi, 501 Balboa St à l'angle avec la 6th avenue.
Qui m'aime me suivent, pour les autres laissez votre mauvais karma à l'institut et venez manger un morceau.
Digestion au parc à côté plus tard dans l'après-midi.

Un peu surpris par les explications données par son camarade, Malo l'avait suivi sans dire un mot jusqu'à la salle d'impression de la bibliothèque. Intrigué, il le regardait œuvrer autour du scanner, numérisant chacune des pages de son important dossier.

"Des gens qu'on connait ?", s'étonna-t-il. "Et tout ça, regroupé en Israël ? Mais ils foutaient quoi avec ? Et c'est qui les autres personnes que y'a des dossiers ?"

L'un après l'autre, chaque document composant le dossier "Prodigy" était plaqué sur la vitre du scanner et aussitôt enregistré. Malo n'avait pas le temps de lire chacune des pièces ainsi copiée. Tout au plus put-il reconnaître certaines personnes sur des photos.

"C'est lui, Prodigy.", déclara-t-il en pointant un homme de type afro-américain à petite barbichette blanche. "Il est avec Hellion sur la photo. Et là, c'est surement quand les Pink Ladies l'ont capturé. Regarde, on voit Eden et Vesna. Et là, c'est Emily. Y'a aussi Roxie et Janet."
Un peu ému, le gamin montrait du doigt les personnes citées. La leader des Pink Ladies était morte depuis et d'autres étaient partis. Cela faisait tout drôle au Breton de revoir ces visages sur une photo. Prise par qui d'ailleurs ? Cela resterait surement un mystère.

"Le deuxième dossier que tu scannes…", poursuivit-il. "C'était qui le premier ? Il parlait de quoi ?"

La suite du programme convenait parfaitement à Malo. D'abord manger ! Ce n'était quand même pas ce genre de révélations qui allait se montrer capable de couper l'appétit du garçon. De toute façon, pour pouvoir bien réfléchir, il faut d'abord avoir l'estomac bien calé. Une méchante fringale étant de nature à réduire les facultés cérébrales de tout adolescent normalement constitué, il fallait mieux ne pas prendre de risque.

Après un passage chez un traiteur asiatique, cette horrible perspective semblait s'éloigner temporairement. Il s'agissait de se mettre rapidement à étudier les documents avant que le travail de digestion ne vienne menacer leur concentration.

Pas forcément très adroit avec des baguettes, Malo parvenait quand même à les manier suffisamment pour assurer un mouvement régulier allant du bol à sa bouche. Aux questions de Vadim concernant Prodigy, le Breton réalisa soudain qu'il ne savait presque rien de l'homme. C'était un salaud et le chef d'un groupe terroriste, mais ça, tout le monde était au courant…

Réfléchissant un instant, il essaya néanmoins de répondre.

"Ben, c'est, ou plutôt c'était car il est en tôle, le chef des Pères Fondateurs.", expliqua-t-il. "C'est un mutant mais j'crois qu'il a perdu ses pouvoirs pendant le jour M. J'ai lu quelque part que c'est un ancien élève de l'Institut Xavier. Ouai, regarde, c'est là !"

Ouvrant la boîte d'archive, Malo ressortit la copie d'une sorte de dossier scolaire sur lequel apparaissait la photo d'un adolescent de 16-17 ans, à côté du nom de David. Il était fait mention de ses progrès dans l'utilisation de ses pouvoirs, faisant ressortir l'assimilation de plus en plus rapide des connaissances des personnes qui entraient à son contact.

Le bip de son téléphone détourna l'attention de Breizh. Prenant connaissant du texto qui s'affichait, il eut un petit sourire en tapant la réponse.

L'invitation à bouffer de Ryoichi arrive un peu tard..", commenta-t-il en appuyant sur le bouton d'envoi.

"Pour Prodigy", poursuivit-il. "J'sais qu'il avait fait des fiches sur beaucoup de mutants. Des jeunes en plus, de l'âge de ceux qui sont avec nous. D'ailleurs, j'étais dedans, ainsi que pas mal d'autres de Gaymalkin. J'sais pas comment il a fait pour avoir ces renseignements sur moi et j'aime pas ça…"

Nouveau bip

SMS de Ryoichi a écrit:

Désolé, j'ai déjà du monde. On vous rejoins pour la digestion.

Vadim manquait d'information pour tout expliquer ou tout comprendre. Il avait esquivé les questions du breton à la bibliothèque, retardant simplement leurs réponses pour un lieu plus calme. Arrivé au parc, il avait commencé à mangé profitant de l'avance donnée par le jeune téléporteur à son planning. Son attention était focalisée sur les révélations de Malo. Les deux seules choses que Vadim savait sur les pères fondateurs étaient qu'ils avaient rasé la Douma, et que les nouveaux x-men leurs avaient bottés les fesses à la maison blanche. Et c'était tout.
 
Il resta silencieux quelques secondes, comme digérant les informations, l'expression caractéristiques sur sa jeune bouille indiquant que les rouages à l'intérieur de son crâne faisaient des tours. Sa main attrapa et tourna les pages du dossier, examinant les photos. Il regrettait un peu de ne pas être assez bon pour traduire l'intégralité des pages écrite, ou même de les survoler. Malo était bien meilleur que lui en anglais. Il laissa son camarade répondre au SMS de Ryoichi avant de commencer un récit de sa mission.
 
"Nous êtrre aller en mission dans Jerrusalem. Isrrael avoirr une prrison spéciale pourr mutants, et nous devoirr trrouver nouveaux prrofs là bas. Nous etrre passé parr dessous, et tomber sur pièces  avec vieux dossiers. Nous avoirr prris dossier hasarrd, mais Alex connaitrre les nom dessus. Lui dirre que eux etrre Pèrres fondateurrs.", commença Vadim sur son ton de voix monotone typiquement slave, sans cesser d'éplucher le dossier.
 
"Nous trrouver les pieces  où garder les prrisonniers, seulement 4 prrisonniers dans étage de nous. Eux etre deux Pèrres fondateurrs, ou plus. Je pas savoir. Un prrisonnier etrre dans l'infirmerrie. Lui êtrre mutant pouvoirr teleporrter comme toi. Dans prrison, les mutants êtrre drrogués pour plus utiliser leurs pouvoirrs. Nous avoirr trrouvé un burreau de docteurr aussi. Mais pas pouvoirr entrrer. Je penser que docteurr étudier les mutants. Nous avoirr combattrre garrdes de arrmée, fuirr avec dossiers et prisonnier. Une prisonnièrre morrte que Auroch connaitre. Pouvoirr de elle êtrre fairre du feu dans sa main. Ensuite nous avoirr attendu contacts O.N.E. et revenirr avec mutant téléporteurr."
 
Cela résumé l'essentiel de la mission. Et, comme si c'était le bon moment pour répondre à une question posée précédemment, Vadim attrapa sa tablette, se connecta et ouvrit un dossier numérique. Cela ressemblait au dossier de Prodigy, en scanné lui aussi. Sauf que le titre et les informations étaient différentes : Lily Rose Donowho. "Ca êtrre prremier dossier que je avoir scanné...", lacha-t-il en montrant l'écran. Et, cela n'était pas le fruit du hasard.
 
Les yeux bleus se portèrent sur le jeune x-men. "Malo... Lily Rrose avoirr envoyé nous tous dans trrois mission avec Pèrres fondateurrs. Et... vous avoirr dit que école de x-men êtrre pour vivrre en paix avec humains norrmaux. Je pas croire ca êtrre vrai. Missions de nous tous avoirr fait beaucoup brruit, beaucoup dégâts et gens morrts aussi, avec télévision journalistes... Nous pas prréparés, pas avoirr arrmes, pas avoirr entrainement. Si toi vouloirr libérrer prisonniers dans prison de Israel, toi envoyer civils, ou toi envoyer commando soldat de O.N.E.? Pourrquoi O.N.E. pas demander transfert de Auroch? Israel êtrre pays amis de USA, non? Ca pas êtrre mission de hérros. Ca êtrre mission de terroristes. Ca êtrre... mal."
 
Le mot était lâché. Certes, dans Graymalkin, les ados n'étaient pas disséqués en sous-sols ou ne finissaient pas en chasse à l'homme comme dans la première école pour mutant qu'ait connu Vadim en Russie. Non, ils étaient envoyés au casse-pipe en missions quasi-suicide comme de jeunes recrues pour un groupe terroriste pro-mutant, sous la seule foi des visions de la cheffe de la secte. Cela ne collait absolument pas avec les récits que lui avaient fait les autres ados à son arrivée. Quelque chose clochait!
 
Zero-G lâcha un long soupir et se frotta les yeux, autant à cause de la digestion qui commençait que pour s'éclaircir les idées. "Je avoirr besoin  savoirr comment vous avoir connu les Pèrres Fondateurrs. Comment ca êtrre passé? Toi savoirr? " On n'envoyait pas trois groupes en missions sur un groupe terroriste sans une bonne raison.
 
"Toi dirre que Prrodigy avoir perrdu pouvoirr. Toi êtrre sûrr? Lui peut êtrre rretrrouver pouvoirr aprrès jour M... Pourrquoi  chef de grroupe terroriste mutant avoirr chef pas mutant?" Malo avait soulevé de nombreuses questions dans la tête du glazovite. Mais Vadim attendait d'avoir plus d'information pour faire le tri.

Profitant que Malo, une fois sont SMS envoyé, était trop occupé à manger pour parler en même temps, Vadim lui fit un rapide résumé de la mission qu'il venait de faire en Israël, dévoilant même quelques détails intéressants. Laissant son camarade terminer son récit, le garçon fronça les sourcils alors qu'il faisait une association étrange avec des événements survenus, quelques mois plus tôt, lors de la virée sur Utopia. À cette époque, le Breton venait tout juste d'arriver à Chicago, là où se trouvait le refuge que Lily-Rose avait trouvé alors pour héberger les jeunes mutants qu'elle souhaitait rassembler pour lutter contre les Pères Fondateurs. Le gamin se rappelait très bien comment, à peine arrivé au Old School, il avait été intégré dans un "commando" chargé d'aller libérer un téléporteur tunisien retenu en otage par l'organisation terroriste. Sur le moment, il n'avait pas vraiment prêté attention à l'endroit dans lequel les autres avaient été expédiés – seul comptait, sur le moment, le fait de ne plus avoir d'adversaires dans les pattes – mais les informations du jeune Slave lui permettait de mettre en relation deux choses qui n'étaient distinctes qu'en apparence.

"Putain !", réagit-il avec sa délicatesse coutumière. "J'viens d'piger un truc ! Vous êtes partis dans la prison où Flesh se trouvait quand Lily-Rose a été la choper…"

Devant le regard interrogateur de Vadim, Malo essaya de donner quelques explications.

"Euh, Flesh, c'était une espèce de fille – enfin je suppose que c'était une meuf bien qu'avec la tronche de zombie qu'elle avait, on pouvait se poser la question – qu'était avec nous à l'époque mais qu'est partie depuis. Elle avait été récupérée en Israël, justement, dans une prison. Et j'crois qu'c'est là que Lily-Rose avait expédié Monk pour s'en débarrasser en copiant le pouvoir du téléporteur tunisien. Et Aurock et le téléporteur sont tombés dedans aussi à cause que Alex avait voulu endormir Aurock et que son pouvoir a mis du temps à faire l'boulot…"

Il n'était pas certain que ces explications embrouillées aident beaucoup Vadim mais Malo poursuivait bravement.

"Donc, toi et les autres, vous êtes allés chercher Aurock et vous avez ram'né le téléporteur aussi. Tu dis que Monk a été tuée là-bas ? Pourtant j'crois pas qu'son pouvoir était basé sur le feu… Faudra demander à la dirlo, elle connait mieux les Pères Fondateurs que nous…"

Alors que Vadim faisait part de ses soupçons concernant Lily-Rose, les yeux de Malo s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Non, il ne pouvait pas croire une chose pareille. D'accord, les dernières missions n'avaient pas été vraiment des succès. À y réfléchir, la mission à laquelle avait participé le Breton était encore celle qui, malgré l'intervention de la police et la blessure grave infligée à l'occupante de l'appartement, s'était le mieux passée. Celle de New-York avait été un fiasco complet et risquait évidemment de ternir l'image des jeunes mutants de Graymalkin. Quant au raid en Israël, il s'apparentait davantage à une opération commando qu'à une exfiltration discrète.

Pourtant, même si les propos de Vadim battaient en brèche ses convictions, Malo voulait garder la foi dans la pureté des objectifs de Lily-Rose.

"Non, ce n'est pas possible !", affirma-t-il avec force, autant pour se convaincre lui-même que pour convaincre son interlocuteur. "C'est forcément des accidents. Pour Israël, je sais pas… Si c'est vous qui y avez été, c'est justement pour éviter d'envoyer des soldats. La prophétie a dit qu'il fallait aller chercher Aurock. Elle s'est jamais trompée. C'est elle qui a conduit à te récupérer en Russie et moi en France… C'est juste que vous avez pas eu de bol que l'alarme soit donnée. Normalement, personne aurait dû vous voir…"

Oui, c'était forcément l'explication la plus logique. Les différentes équipes avaient joué de malchance. Il n'y avait aucune volonté de nuisance. Le terrorisme, c'était le mode d'action des Pères Fondateurs, pas celui des mutants de Graymalkin.

"C'est les Pères Fondateurs qui sont les ennemis à neutraliser !", appuya Malo avec toute la certitude de ses treize ans. "Ils ont fait des trucs moches. C'est pour les empêcher de nuire, justement, que Lily-Rose a infiltré leur organisation au début, puis qu'elle nous a rassemblés. Ça a marché d'ailleurs. On a capturé Prodigy et les autres sont complètement désorganisés ou en fuite. Faut finir le travail maintenant mais, t'as raison sur ce point, c'est plutôt le rôle de l'O.N.E. Nous, on est pas des soldats…"

Justement, en parlant de Prodigy, Vadim venait de faire une remarque sensée, soulevant une question que le jeune Breton ne s'était jamais posé.

"Euh, ouai, j'crois bien qu'il a perdu son pouvoir mais j'en suis pas sûr.", expliqua-t-il. "Mais j'crois justement qu'il a conservé le souvenir de toutes les connaissances qu'il avait assimilées avant ça. C'est p't'être pour ça que c'est leur chef. Lily-Rose doit en savoir plus. Après tout, elle était en classe avec lui et elle l'a côtoyé après, même si lui savait pas qui elle était."

Se grattant la tête en signe de perplexité, Malo esquissa une grimace.

"Mais, c'est vrai qu'y a un truc qui m'chiffonne avec l'arrivée d'Aurock.", avoua-t-il. "J'voudrais bien qu'la dirlo nous en dise un peu plus sur c'qu'il vient faire chez nous. La prophétie nous a dit d'aller le chercher mais j'espère que la boule de cristal était pas trop opaque pour lire l'avenir…"

Vadim sursauta à l'exclamation soudaine de son camarade, dans son langage fleuri habituel. Il profita des explication pour attraper avec des baguettes des nouilles chinoises et les avaler goulument. Le jeune français parlait vite, avalant des morceaux de mots, et le petit russe se demandait parfois si dakota et lui ne buvait pas trop de Coca Cola pour etre si survoltés. Il plissa les yeux, se concentra péniblement sur les mots envoyés à débit rapides, tentant de comprendre le fond de l'histoire au moins.
 
Il avait retenu de la première explication que leur chère directrice avait envoyé Auroch et deux autres mutants en Israël par téléportation, dont une certaine Monk qu'il ne connaissait pas et qui ne lui disait rien.
 
Malo n'apprécia visiblement pas que le glazovite remette en question les décisions de la sacro-sainte patronne des nouveaux x-men. Mais Vadim s'y attendait. Au moins, il avait été entendu. Il ajouta tout de même une objection : "Perrsonne etrre venu cherrcher moi dans Russie. Perrsonne... Mon frère a...", il marqua une pause, ravalant une information désagréable qu'il gardait pour lui depuis le début, avant de reprendre. "Les faux militairres avoir trouvé moi grrâce à Boris, détecteur de mutant. Mais, aprrès, venir visiter vous être idée de Boris, pas de Lily Rose. Vous êtrre même pas à Grraymalkin quand nous arrriver." Effectivement, il n'y avait aucune prophétie ou sauvetage de la part des x-men à l'origine de sa venue à Graymalkin. Il était venu comme un simple touriste, pour voir si Boris avait raison. Quant aux pouvoir prophétique de la directrice, son éducation pragmatique le faisait douter. Mais bon, il vivait bien avec un fourmilier ninja parlant, une femme dragon de 2 mètres et une démone...
 
Pour le coté ennemi, une petite recherche rapide sur Internet lui avait rafraichi la mémoire. Effectivement, les Pères Fondateurs étaient de gros terroristes qui avait satellisé la Douma 3ans plus tôt. Mais dans ce cas, pourquoi ramener l'un d'entre eux directement chez eux? "Oui... Je être d'accorrd. Eux dangerreux, fou, mechants, terroristes..." L'image des deux autres prisonniers confié à leur retour à L'O.N.E. lui revint en mémoire. Encore une fois, un simple transfert de prisonnier entre les USA et Israël aurait put suffire, d'autant que l'agence était parfaitement au courant de leurs intentions...
 
"Si O.N.E. envoyer nous, eux avoirr bonne rraison... Toi savoirr quoi êtrre O.N.E.? Avoirr deja vu eux avant?", demanda Vadim au français. Par pure curiosité, il ouvrit un onglet dans son navigateur et tappa les mots "O.N.E." et "mutant". Il ne s'attendait pas à trouver grand chose. De toute façon, comme le disait Malo, il allait devoir parler aux différentes personnes concernées : Lily rose, la représentante de l'O.N.E. et Auroch. Avec l'assurance qu'aucun ne dirait la vérité à un gamin de même pas 14ans en train de se faire manipuler. Resterait donc à aller trouver les informations à la sources, comme un espion ninja du KGB.
 
"Bon... ca être superr bien... nous devoirr fairre deux choses : demander explications à la directrice, nouvelle professeure et Auroch. Et nous pas croirre ce que eux dirre tout vrai... nous devoir continuer cherrcher avant prrochaine mission. Sinon, je penser que nous avoirr grros problèmes...", expliqua-t-il d'un ton simple.
 
Après avoir repris une portion de pattes, le gamin ajouta une question simple : "Nous devoirr parrler avec autrres... Peut-etrre eux savoirr chose, ou pouvoirr aider nous? Toi savoir qui?" Vadim n'étant pas très présent depuis le retour de mission, il n'avait aucune idée de l'ambiance de joie et de bonne humeur partagée qui régnait ces temps-ci à Graymalkin.

Ainsi donc, contrairement à ce que croyait Malo, les jeunes X-men "recrutés" à Graymalkin ne faisaient pas tous partie de la prophétie. Naïvement, le Breton pensait que tous avaient été recrutés sur la foi des visions précieusement rassemblées par Lily-Rose et mises en sécurité à la mort de leur auteur. À moins que Vadim soit bien, lui-aussi, partie prenante des prophéties mais, comme personne ne le lui avait jamais dit, il n'en avait pas vraiment conscience. Le fait que l'ensemble des résidents de l'école californienne ait été kidnappé devait sans doute expliquer l'absence de recruteur pour le petit Russe mais n'excluait nullement son implication dans la prophétie. Il faudrait poser la question à Lily-Rose, ou à Danger, pour se faire une idée plus précise, avant d'avoir trop mal à la tête à force d’élaborer des hypothèses saugrenues.

La suite de la conversation dévia rapidement sur l'O.N.E. et Malo réalisa assez vite qu'il ne savait rien, ou presque sur cet organisme gouvernemental. Maudite soit la trop grande naïveté du gamin qui le poussait à croire sur parole ce qu'on lui disait, du moment que ces affirmations provenaient de personnes qu'il pensait fiables, sans chercher à approfondir plus avant. Tout le contraire du jeune Glazovite dont l'esprit analytique ne ne satisfaisait pas d'apparences.

"Ben, l'O.N.E., j'les ai vu pour la première fois pour la fête qu'on a fait à Garymalkin. Enfin, c'est la miss Beckett qu'était là. J'crois que c'est leur directrice. Du moins c'est ce qu'Alex m'a dit après.", expliqua-t-il, du mieux possible. "C'est un truc du gouvernement pour veiller sur la sécurité du président. Enfin, à sa sécurité quand y'a des mutants dans l'coup... Et ils veulent bosser avec nous parce qu'on est vachement balaise et digne de confiance."

Ces derniers mots furent prononcés avec force et une petite pointe de fierté. Malo semblait tenir à ce côté chevaleresque et loyal, celui qui incitait le héro à foncer, tête baissée, dans les pires ennuis pour sauver la demoiselle en détresse. Un reste de romantisme à la française, mêlé à de l'indiscipline à la bretonne, sans doute...

La recherche sur Internet confirma peu ou prou les informations du Breton. L'O.N.E. semblait être apparu au grand jour peu de temps après les événements de Washington qui avaient vu la libération du gouvernement. Elle était bien présentée comme une officine gouvernementale chargée des questions mutantes mais ses activités réelles restaient floues. Aucune référence n'était faite à une quelconque opération à laquelle elle aurait participé comme si elle n'avait qu'une activité purement mondaine et non un rôle plus "musclé". À moins, au contraire, que cette absence d'informations officielles ne soient un signe d'activités plus occultes...

Néanmoins, les doutes émis par Vadim finirent par faire leur chemin dans l'esprit trop confiant de Malo. Avec hésitation, et un peu de réticence, il finit par acquiescer aux propos de son camarades.

"Ouai, t'as raison.", admit-il. "Il faut en savoir plus avant d'se lancer dans la gueule du loup. J'suis sure que Lily-Rose va tout nous expliquer.."

Réfléchissant un peu, il passa en revue les autres mutants de l'école pour essayer de deviner vers qui ils pourraient se tourner.

"Y'a les anciens...", annonça-t-il. "Ceux qui sont là depuis le début. Ils ont forcément des infos ou des trucs qu'ils ont remarqués. Faut demander à Damian, Alex ou... Clara."

Était-ce une simple impression ou la voix de l'adolescent avait-elle hésité avant de prononcer le prénom de la jeune fille. Puis, comme désireux de faire oublier ce signe de faiblesse, Malo enchaîna.

"Y'a Timour aussi mais c'est un véritable gamin dans son comportement..."

Étrange façon de voir chez un garçon dont la maturité n'était pas forcément le trait de caractère dominant. À croire que le Breton n'appréciait pas toujours le manque d'esprit moral de Cupidon dans les plaisanteries faites aux dépends des résidents de Graymalkin.

Écoutant le petit français avec attention, Vadim navigua sur plusieurs pages parlant vaguement de l'O.N.E. . Bien évidement, c'était vague, creux, une belle façade d'agence gouvernementale.  Au yeux de Vadim, les seules informations à en tirer étaient que l'agence s'était dévoilée après la libération de la maison blanche, qu'elle s'occupait du "problème mutant" et qu'elle s'intéressait de près au nouvelles recrues de Lily Rose. Le blondinet ignorait totalement les dessous de la relation entre la directrice et l'agence.
 
Un sourire apparut sur ses lèvres sur la petite tirade pleine de fierté du jeune breton. Robin des bois ou Lancelot n'étaient pas français, mais c'était tout comme. Mais la confiance de l'adolescent dans les adultes pouvaient aussi être une faille... Au moins, Breizh admis le besoin d'enquêter. Cela ne plaisait pas du tout à Vadim d'aller poser directement des question à la directrice. Mais si lui ne le faisait pas, Malo le ferait à sa place. Il ne restait plus qu'à affronter l'ancienne x-men.
 
Et en parlant d'anciens... Il ne connaissait presque pas Damian, n'avait quasi jamais parlé à Clara, chasse gardée de Malo jusqu'à peu. Timour lui rappelait Boris avec son coté tête d'ampoule mal lunée. Quant à Alex, Zero-G eut une légère grimace comme un gosse avalant un chou de Bruxelles. Alex et lui vivaient une sorte de guerre froide, où le dédain du plus âgé répondait aux provocations rebelles du benjamin. Une guerre polie et silencieuse entre deux personnes aussi expressives que des filets de colins surgelés. Pourtant, cela ne les avaient nullement empêchés de travailler ensemble en mission.
 
"D'accorrd... alorrs, je parrler avec Clarra, et toi parrler avec Alex. ", commença-t-il. Une sorte d'échange pour éviter les moments pénibles. Le slave se mordit la lèvre, retenant une parole qu'il allait regretter. "Non... Ca pas bonne idée... Nous pas devoirr fairre ça. Ca trrop long. Malo... Nous devoirr parrler aux autrres, ensemble, fairre rréunion. Devoirr rrester grroupe, lutter ensemble..." Il avait un sentiment de déjà vu à peine 2 mois plus tôt. Boris ne faisait confiance à personne, et Vadim avait choisi de faire confiance au groupe en entier.
 
Il marqua une légère pause.  Et puis, comme un aveux : "Je aurrais dut dirre à toi ce que je faire..." Vadim n'était pas du type très expressif, en particulier pour ses sentiments envers les autres. Son éducation russe surement... Mais cette simple petite phrase sonnait autant comme des excuse que comme une déclaration de confiance envers le breton.

La pause déjeuner semblait sur le point de se terminer sur ces bonnes paroles du Glazovite. Magnanime, Malo esquissa un sourire pour rassurer son camarade.

"Te torture pas le ciboulot pour ça. On a tous été pas mal pris avec les derniers événements et on a pas réellement pris le temps de faire une pause. C'est normal que chacun fasse des trucs dans son coin et l'important est de se serrer les coudes quand on s'aperçoit qu'y'a une couille dans l'potage. Enfin qu'il y a un problème.", se reprit-il pour éviter une mimique d'incompréhension suite à l'utilisation d'n vocabulaire pas très conventionnel.

"En tout cas, faut parler aux autres discrètement et éviter que l'autre, la meuf Harlow, ne vienne foutre son nez dans nos affaires. J'voudrais bien savoir aussi pourquoi Aurock passe autant de temps chez nous. Ca fait déjà quelques jours que vous l'avez ram'né de Jérusalem et il traîne tout le temps avec la dirlo. Pourquoi on l'a pas remis aux flics pour le foutre en prison ? Après tout, c'est un Père Fondateur, lui aussi."

Insouciant gamin qui se laissait bronzer au soleil au lieu de consulter sa messagerie... Si Malo s'était un peu plus tenu au courant des informations délivrées par Lily-Rose, il aurait certainement pu donner libre cours à sa surprise et à son indignation.
Pour le moment, s'étirant avec nonchalance, le Breton finit pas s'asseoir en tailleur en rangeant les restes de son repas.

"Bon. Quelle est la suite du programme ?", demanda-t-il tranquillement. "Tu m'avais pas parlé d'une fille que tu devais rejoindre ?"

Vadim fréquentant une fille... L'information avait assez d'importance pour mériter d'être creusée et Malo était assez curieux de voir la tête de l'infortunée qui avait su susciter l'intérêt du jeune Russe.

L'adolescent slave put se détendre un peu après les paroles du Breton. Son camarade avait un bon esprit d'équipe! Pour Aurock, Vadim n'avait aucune réponse. Il haussa des épaules avant d'assener un lapidaire : "Peut-être directrice avoir prophétie pour lui aussi..." Dur de dire, avec ce ton monocorde, si c'était de l'ironie sur les pouvoirs prétendus de la Madame Irma des x-men, ou si le garçon pensait vraiment sa phrase.
 
Finissant ses nouilles chinoises à son tour, Zero-G rangea ses affaires et attrapa une bouteille d'eau pour se désaltérer... Avant de pouffer en manquant de s'étouffer à la dernière question du Français. Toussant bruyamment, et se tapant le torse comme si cela pouvait aider, le petit russe jeta un regard embarrassé vers l'autre x-men. "Je... *tousse*... Je pas avoirr parrler de fille! Toi avoirr tousse* Toi avoirr parrler de fille!", tenta-t-il de justifier. Pourtant, curieusement, il regarda son téléphone portable à deux reprises en reprenant son souffle.
 
Les oreilles rouges, le petit caïd du collège avala une nouvelle gorgée d'eau, avant d'avouer, à voix basse, comme si c'était un grand secret. "Elle arriver bientôt... Etrre dans lycée à coté du Parrc. Elle s'appeler Jenny..." Machinalement, il fouilla dans la poche avant de son sac de sport pour en sortir une petite brochure de la Ida B Wells High School, et la tendit au breton.

Spoiler:

 
Au bout d'une petite minute, le téléphone du glazovite vibra, et le minois de l'ado s'illumina d'un sourire. Le garçon bondit sur ses pieds et commença à s'étirer et s'échauffer dans la chaleur de la fin de printemps. Curieusement, toutes les interrogations et les inquiétudes évoquées peu avant s'étaient envolées de son esprit! "Euh... Je... devoirr y aller Malo... Merrci! Je rrevenirr ce soirr...", souffla-t-il, un peu absent, entre deux étirements. Non, il ne jetait pas son pote. Mais, son esprit était particulièrement occupé à l'arrivée d'une personne.
 
Et puis, arrivant de l'allée à bonne foulées, une jeune fille arriva, et Vadim retint son souffle quelques secondes.
 
 

Par pur réflexe idiot, Zero-G essaya de coiffer ses cheveux blond courts toujours en bataille. Et, l'espace d'un court instant, Breizh se sentit plus léger, véritablement. Sans s'en rendre compte, les émotions du mutant se reflétait à travers son pouvoir, donnant au téléporteur la sensation d'être en train de flotter. Celle-ci disparut quand Vadim repris ses esprits, clignant des yeux. Il fila vers la demoiselle à grandes enjambées. Elle était à l'évidence plus âgée que eux deux!  Peut-être 15 ou 16ans? A sa rencontre, la jeune fille sourit au russe plus petit qu'elle et Malo n'eut pas besoin d'entendre les paroles prononcées pour décrypter le regard amouraché et flirtant, et le sourire d'euphorie à peine contenue de Vadim vers Jenny.

Une prophétie pour justifier la présence d'Aurock parmi eux ? Ouai, c'était possible mais la dirlo aurait pu le préciser dans son message annonçant le recrutement de nouveaux professeurs. Si c'était la prophétie qui leur imposait la présence de l'ancien Père Fondateur, Malo n'y trouverait rien à redire, sinon il se méfierait quand même de cet homme, leur dernière rencontre n'ayant pas vraiment été marquée du sceau de la franche camaraderie...

De toute façon, ce sujet venait de perdre, d'un seul coup, tout intérêt devant la réaction du petit Russe suite à l'innocente question sur l'arrivée probable d'une fille. Et pour le coup, on pouvait dire que Malo n'avait pas été déçu.

Après une tentative, aussi puérile qu’éphémère, de nier les faits, Vadim finit par avouer le crime : il fréquentait une fille, chose qui pouvait s'apparenter à une trahison vis-à-vis du gang des machos en culottes courtes. Il y avait tout de même un gouffre entre le fait de regarder de charmantes demoiselles sur les pages d'un magasine et celui d'en côtoyer une pour de vrai...

Certes, Malo oubliait un peu vite le début de son flirt innocent avec Clara mais, de toute façon,cela était de l'histoire ancienne. De plus, le Breton espérait qu'il n'avait jamais affiché un tel air niais sur son visage lorsqu'il se trouvait en présence de son ex-petite amie.

Narquois, il regarda son camarade partir en courant, après avoir bafouiller une piètre excuse, vers celle qui arrivait au loin. Mignonne la fille finalement, pour une vieille...

Amusé, Malo resta tranquillement assis à l'endroit où ils avaient déjeuné et fit un petit geste à Vadim pour lui signifier que ça n'avait pas d'importance. Pourtant, il ne fit pas mine de se lever pour s'éloigner. Au contraire, il attendait, l'air de rien, curieux de savoir ce qui allait se passer ensuite. Il serait peut-être marrant de suivre les deux tourtereaux pour voir ce qu'ils comptaient faire...

La grande et le petit aurait surement continué à discuter tranquillement si Jenny n'avait pas jeté un regard vers un breton assis dans l'herbe à quelques mètres. Après tout, Vadim était encore assis à coté de lui quand elle arrivait. La demoiselle posa donc une question toute naturelle à Vadim qui n'eut pas le temps de répondre. Marchant droit vers le français, avec un petit russe qui la suivait à la trace, celle qui avait transformé un des garçons terrible de Greymlakin en ado fréquentable envoya un magnifique sourire à Malo.
 
"Hello! Tu es un des amis de Vadim? Je suis jenny! Tu es venu courir avec nous?", demanda-t-elle d'une voix enthousiaste. En retrait, le petit amouraché avait un sourire un brin gêné, et avait ce regard inquiet et bizarrement timide de l'ado qui présente sa copine à ses parents. Dur de savoir ce que le petit slave avait raconté sur ses "amis" ou même Greymalkin. Et, visiblement, il n'avait pas prévu du tout la présence de son pote ni la réaction de Jenny.

[HRP]J'ai failli oublier ce sujet. Désolé. [/HRP]

Tranquillement vautré dans l'herbe, Malo s'attendait à voir son pote s'éloigner en compagnie de sa copine mais certainement pas à voir celle-ci venir vers lui et l'aborder tout naturellement. Par cette simple attitude spontanée, Jenny venait de battre en brèche des millénaires de préjugés sur les relations garçons-filles à l'aube de l'adolescence.

Depuis quand une charmante demoiselle parlait-elle à un garçon sans en avoir débattu pendant des heures avec ses copines à grand renfort de ricanements stupides ? Et depuis quand un gamin de l'âge du Breton revêtait-il assez d'intérêt pour attirer l'attention d'une fille plus âgée ? Et surtout, comment allait-il faire pour lui répondre sans bafouiller ni rougir.

"Je... Euh, oui... Enfin, non...", s’empêtra-t-il tout d'abord. "Enfin, j'veux dire que j'suis bien un ami de Vadim. J'm'appelle Malo... Et, euh, non, j'suis pas v'nu courir... J'suis pas en tenue pour ça et j'avais pas prévu..."

Certes, Malo était bien en short, fidèle à son habitude, mais il s'agissait d'un short en toile épaisse et non d'une tenue de sport.

"J'voudrais pas vous déranger non plus.", poursuivit-il en regardant Vadim. "Vous avez sans doute envie d'être tranquille..."

Bon, le jeune Breton avait dramatique échoué dans sa tentative de ne pas bafouiller mais au moins, du moins le supposait-il, il était parvenu à ne pas rougir, à la différence du petit slave dont la pigmentation cramoisie ressortait bien sur la peau claire.

Tout sourire, la jeune adolescente sportive écouta le jeune breton avec attention. Derrière, Vadim passa par plusieurs couleur avant de finalement opter par le regard soulagé et reconnaissant envers son pote qui se désistait. Curieux comme d'un coup on préfère moins voir les copains quand on est en période de drague...

"Malo... Tu as un accent français... c'est mignon!", déclara Jenny sans trop se préoccuper de l'effet de telles paroles sur un petit russe derrière elle. Elle gardait son corps en mouvement, sans doute pour ne pas se refroidir, ce qui accentuait son coté trés énergique, tout en montrant ses belles courbes et sa poitrine bondissante devant les yeux du jeune x-boy!

"Oh... Je comprends. Mais, tu ne nous dérange pas. Je pensais que tu voulais rejoindre les pompiers junior comme Vadim et moi. Si tu veux venir courir avec nous un jour, tu es le bienvenue!", expliqua-t-elle sur un ton joyeux et amicale. En effet, le lycée où étudiez Jenny était juste en face du parc. Il était bien connu pour favoriser les adolescent et jeunes adultes aux parcours complexes ou aux activités extra-scolaires très prenantes.

D'une façon certaine, Vadim avait sut allier l'utile à l'agréable, en s'entrainant et en sortant avec une fille plus mature que lui, qui avait un emploi du temps suffisamment chargée pour ne pas avoir besoin de le voir tous les jours. Quant à savoir ce que la demoiselle savait sur Greymalkin, ou même si son copain était un mutant, c'était une autre histoire.

Jenny jeta un coup d'oeil rapide à son portable pour voir l'heure et salua Malo d'un geste de la main. "On doit y aller... A plus tard Malo!", fit-elle tout en reprenant sa course à petite foulée. Vadim démarra lui aussi, avec quelques secondes de retard, son regard empli de sentiments complexes : confusion, gêne, amoureux jusqu'au cou, un peu jaloux de l'attention de Jenny sur Malo, gratitude et soulagement. Il salua son copain de chambrée d'un "A plus tarrd!", tout joyeux et pressé, et se hâta de rejoindre la joggeuse.

Ça y est... Fail complet du jeune Breton dans sa tentative désespérée de ne pas rougir. Quelle idée avait eu Jenny de le trouver mignon aussi... Enfin, c'était juste l'accent français qui était visé mais dans l'esprit du gamin, tout se mélangeait bien vite. Et pour couronner le tout, la jeune fille persistait à afficher son physique parfait juste sous les yeux d'un pauvre adolescent en plein trouble hormonal. Comment rester insensible à une telle situation ? Même un Saint aurait eu les plus grandes difficultés à ne pas avoir de pensées parasites devant un tel spectacle et Malo était quand même loin de prétendre à la Sainteté...

"Euh, les pompom, les pompiers...", bafouilla de plus belle le garçon. "Je... Non... Enfin, Vadim m'a rien dit... Je... Oui... Oui, OK..."

Évitons en tout cas d'entretenir la paranoïa de Vadim. C'est dingue comme un garçon de cet âge pouvait subitement devenir jaloux de la moindre parole échangée de façon innocente. Jenny ne laissait certainement pas Malo indifférent mais il était contraire aux principes du Breton d'aller chasser sur les terres d'un camarade, surtout d'un membre des racailles en culottes courtes avec qui il faisait les 400 coups.

"Au revoir, Jenny. Et à une prochaine. Salut, Vadim. À toute...", conclut le gamin alors que les deux tourtereaux s'éloignaient, l'un volant à la suite de l'autre.

Du coup, Malo n'avait plus aucune raison de traîner ainsi dans la parc. Haussant les épaules avec philosophie, le téléporteur regarda autour de lui pour s'assurer qu'il ne faisait pas l'objet d'une attention particulière. Tranquillement, il gagna un endroit discret, un peu à l'écart, et, profitant d'être seul, se téléporta discrètement pour rejoindre sa chambre à Graymalkin Industries.

Il lui faudrait un peu de temps pour mettre de l'ordre dans ses pensées et analyser les observations du Russe. Lily-Rose était-elle vraiment aussi innocente que le pensait Malo ? Ou avait-elle des idées derrière la tête en "utilisant" les jeunes mutants de l'institut ? Avait-elle engagé une guerre contre les Pères Fondateurs ? Et quel était le rôle de l'O.N.E. dans tout ça ?

Bien des questions sur lesquelles il faudrait se pencher mais qui ne trouveraient peut-être jamais de réponses.

Saut temporel