New York, 14/05/45 - D'une côte à l'autre.

A peine une semaine s'était écoulée depuis que le Palace, un nom somme toute logique pour le squat où elle vivait, avait été pris d'assaut et que ses résidents s'étaient dispersés. Eux n'avaient sans doute pas grand chose à craindre, en dehors des dangers habituels de la rue : ils n'étaient pas mutants. Pour ce qu'elle en savait en tous cas, et devant les conséquences de la présence d'une malheureuse électrokinésiste, elle ne pouvait que leur recommander de persévérer dans la discrétion. Laetitia n'avait pas cherché à reprendre contact, avec personne. Elle s'était débarrassée de son téléphone portable, mais il y avait des lieux où elle savait pouvoir tomber sur un ami.

Mais Laurence était mort pour qu'elle vive, et la seule idée de leur annoncer la rendait malade. Cette pensée la tira de son sommeil et elle ouvrit les yeux. L'obscurité était totale. Une lampe eût révélé l'espace étroit d'un local technique poussiéreux, et les figures massives des transformateurs et de toute la machinerie qui y ronronnait doucement. Elle s'y était réfugiée pour quelques heures d'un sommeil inquiet. Tout autour d'elle, rampant dans les cloisons avant de se jeter dans les appareils avides, l'énergie électrique dessinait des flux de lumière dorée, qui ne lui permettait aucunement de voir mais lui donnait une bonne idée de la forme générale de la pièce. Elle se redressa, rassemblant à tâtons le poncho de laine sur lequel elle avait dormi et sa sacoche, dont elle tira une barre chocolatée dérobée la veille. Ses dernières réserves.


Une heure plus tard, elle marchait sous les ultimes rayons du soleil, à l'air libre. Il y avait quelques traces suspectes sur le rude tissu vert sombre de son pantalon, de même que sur ses chaussures de marche brunes. Son trop large t-shirt, d'une teinte plus claire et aux couleurs d'un groupe punk, était propre mais chiffonné, et sous une casquette de cuir, elle montrait des traits tirés et des cernes appuyées. Si ses premiers jours de fuite n'avaient été qu'une course affolée dans les recoins les plus profonds qu'elle connaissait de la Grande Pomme, elle avait fini par décider d'une ligne d'action. Il était de notoriété publique que la côte ouest était plus vivable, et, cela tombait bien, totalement à l'opposé de l'Etat où elle était recherchée. Elle serait déjà sur les routes, si son argent (ainsi que d'ailleurs son violon et d'autres affaires chères à son coeur) n'était resté dans l'immeuble où, c'était juré, elle ne mettrait plus les pieds.

Avant hier soir, elle était dans le quartier financier de la ville, où dans une ruelle entre deux immeubles, elle avait attendu une petite heure. Des hommes bien habillés lui avaient alors murmuré un chiffre ou deux en passant. Puis elle avait pris le dernier métro et passé la nuit dans le canapé d'un autre homme, qui, s'il n'était pas moins riche et, à sa façon, influent que ceux qu'elle avait croisé, était clairement moins bien vêtu. Ce soir enfin, elle revenait dans cette première ruelle, sa sacoche abritant des paquets soigneusement emballés, au contenu méticuleusement pesé. Pas besoin pour ce genre de cargaison des habituels sachets hermétiques dans des bouteilles de shampoing bon marché. La drogue purement chimique, pour plus violente qu'elle soit, était aussi moins odorante.

Laetitia atteignit l'entrée de l'étroit passage où ses clients s'attendraient à la trouver et s'y glissa, sans trop se cacher, affichant l'air d'une gamine lasse d'attendre un père trop occupé. Le défilé ne tarderait plus, et elle devrait, si celui pour qui elle travaillait, Jay-O, tenait parole, conserver une part du magot assez importante pour traverser les Etats-Unis, à condition de ne pas trop faire la difficile et de sauter quelques repas. Pas forcément prudent de dealer quand on était en fuite... Mais il lui fallait de l'argent, et les autres alternatives pour en gagner facilement lui répugnaient.

[ Hrp : Salut Laetitia, je serai le Gardien durant ta mission de contact! Pour te familiariser avec les règles, je t'invite à mettre en orange toutes les actions de ton personnage à raison d'une action par tour. Pour cette mission, les actions anodines peuvent rester incolores. Si tu as des questions, n'hésite pas à me les poser ; ce rp sert aussi à ça. Bon jeu à nous! ]

Tôt dans la soirée un vent doux soufflait à travers les ruelles new-yorkaises, si bien que de nombreux badauds  avaient choisis d'en profiter dans de longues promenades. C'est ainsi que la rue où se trouvait Laetitia était un peu plus visitée qu'à son habitude. Mais cela n'avait guère d'importance pour son commerce : les promeneurs connaissaient le lieu de réputation et la présence de certains n'était d'ailleurs pas étrangère à celle-ci.

Effectivement, un homme d'une vingtaine d'année, encapuchonné et vêtu d'un jogging et d'un survêtement noir, s'approcha de la jeune dealeuse. Comme beaucoup de clients, il semblait pressé, sans pour autant paraître anxieux.  


"Salut... T'aurais ce qu'il me faut? Un pote m'a conseillé de venir ici pour la cam'..."

Le regard à la fois prudent et scrutateur du jeune homme, dévisagea la jeune femme et s'attarda un instant sur sa poitrine avant de lorgner plus avidement sur sa sacoche. Il porta son poids sur son pied gauche et commença à fureter dans sa poche droite.

A l'abri des regards, il dégagea une petite liasse de billets de vingt dollars et les montra subrepticement à la dealeuse. L'instant d'après les projecteurs de la ruelle s'allumèrent, il était 21h30...

HRP : Salut, et désolé de répondre si tardivement! Je n'ai pas encore de questions, mais je compte sur cette mission pour apprendre à formuler clairement mes actions selon tes commentaires . Bon jeu!

Durant les quelques minutes qui précédèrent l'arrivée de son premier client de la soirée, Laetitia contempla les allées et venues de la faune New-Yorkaise. Celle-ci était plus nombreuse que les dernières fois où elle avait écoulé ici sa marchandise, et les cadres cédaient une partie de leur trottoir à des couples, des petits groupes d'amis, voir des familles, venus profiter de la température confortable et du ciel dégagé. Peu lui importait, tant il était rare que des importuns s'attardent dans son petit coin de pavé. Le passage ne menait nulle part, n'abritait que des portes de service... Ceux qui passaient régulièrement par là savaient de quoi il retournait. Adossée au mur, elle tortillait pensivement une mèche de cheveux quand il arriva, le regard interrogateur. Elle ne l'avait jamais vu, mais l'accueillit avec un grand sourire, qui s'agrémenta d'un pli plus malicieux quand elle nota le discret coup d'oeil du type à ses formes. Elle lui retourna le compliment d'une oeillade appuyée qui n'était qu'une demi-plaisanterie. La lassitude et la terreur la minaient, mais elle n'en était que plus encline à échanger un peu de chaleur humaine. Dans son genre, il n'était pas mal, et sans rien du bourrin ou du m'as-tu-vu qui composait l'essentiel de sa clientèle.

D'une torsion du dos, elle se décolla de la paroi et hocha la tête pour lui confirmer qu'il ne s'était pas trompé d'endroit. Même à voix basse, son timbre conservait ses notes éraillées distinctives.

"Ton pote t'a bien renseigné, mais j'ai pas forcément c'que tu veux. Ce soir en rayon, pas mal de MDMA, les exta' habituels. Si tu veux de l'héro, je peux te dépanner mais pas..."

Elle s'interrompit avec un hoquet une fraction de seconde avant que la lumière ne les frappe, prévenue par le brusque influx électrique dans le réseau qu'elle ressentait jusqu'ici comme froid et en sommeil. Pas moins éblouie, elle laissa échapper un gémissement. Son karma n'était pas génial ces jours-ci. Elle n'hésita qu'un instant, avant de se concentrer pour percevoir plus précisément le trajet du courant d'un projecteur à l'autre. Pas le temps pour la subtilité, elle se contenta de griller les ampoules d'une bonne décharge projetée dans le circuit en son point le plus proche d'elle.

"Désolée, je crois qu'on va fermer plus tôt là. Tu devrais bouger, toi aussi."

Un petit salut ironique de la main et Tesla détala vers le fond de la ruelle, aussi vite qu'elle le pouvait. Si elle atteignait la rue passante à l'autre extrémité, elle avait une chance de s'enfoncer entre les immeubles et de disparaitre. Ils n'auraient pas bloqué tous les accès pour une revendeuse à la petite semaine. Espérait-elle.

[Hj : En attendant la publication de ton diagramme, je résoudrai positivement tes actions liées à ton pouvoir du moment qu'elles ne sont pas trop ambitieuses. Ca te laissera une marge de manœuvre suffisante pour tenter de survivre t'amuser! N'oublie pas de mettre dans la signature de tes messages un lien vers ta fiche personnage du forum ou du site des pouvoirs. Merci!  ]

Une à une, dans un fracas de verre brisée, les ampoules des lampadaires proches explosèrent, projetant leur corps meurtris à travers toute la rue. Les quelques passants poussèrent des cris de surprise, en se voutant pour protéger leur visage. Le client de Tesla rabattit plus encore sa capuche et écouta sans réagir la fournisseuse s'excuser avant de filer.

Laetitia traversa la rue au pas de course éveillant la curiosité, si ce n'est la suspicion de certains passants qui la regardèrent passer.

"Hey! Qu'est-ce tu fous!?!" Lança finalement le jeune homme à l'adresse de la dealeuse. "J'ai plus si il faut!"

Il s'élança à sa suite, visiblement décidé à la rattraper pour une raison qui échappait à Tesla. Peut-être ne voulait-il pas partir sans sa came?

Aucun barrage, aucun policier et encore moins de miliaires se trouvaient à l'angle de la rue. Tout semblait relativement paisible même si certains badauds observaient un peu partout pour voir d'où était venu le tumulte, un ou deux s'étaient même mis à courir pour fuir ou venir en aide aux potentielles victimes.

Si la New-Yorkaise s'arrêtait là, son poursuivant l'aurait rejoint dans quelques secondes.